Leurs enfants après eux, 20 ans déjà

Que ça fait du bien ! Un spectacle vivant, si vivant, dans un théâtre aussi ébouriffant que celui « du peuple » situé à Bussang, dans les Vosges !

Voici « Leurs enfants après eux », après nous. Une prouesse tenue à bout de bras par une quinzaine de jeunes acteurs fraîchement émoulus de l’école lyonnaise où ils ont « appris » à devenir comédiennes et comédiens. Un spectacle scénographié et mis en scène par Simon Delétang, qui dirige le fameux théâtre et a offert une belle vitrine à ces jeune, lui qui fut le parrain de leur promo et qui au moment du final, les laissa élégamment recueillir l’intégralité des trombes d’applaudissements qui déferlaient sur eux. Juste retour après tout ce qui nous avait été donné.
Au sortir, beaucoup notaient comme ces actrices et ces acteurs avaient tellement bien incarné les jeunes de ces années 1990 que limite on se serait cru en 2021…
Le début d’une forme d’universalité de l’oeuvre ? Rendez-vous dans 10 ans ? Dans 20 ans ?


Qui a lu le Goncourt du nancéo-vosgien Nicolas Mathieu, avant de poser son popotin sur les bancs en bois du théâtre, s’interrogeait sur comment diantre ce bouquin massif narrant 4 années de la vie de jeunes dans la Lorraine économique sinistrée des années 1990 allait pouvoir être « retranscrit » en mode théâtre ?
Qui plus est avec autant d’actrices et d’acteurs.
Qui plus est en ayant opté pour une fidélité absolue au texte initial et en orientant les choix vers ce qui parle et fait parler ces générations. Des garçons, des filles, des corps qui se frôlent ou plus si affinités. En mode cru.
Ce sont des passages entiers du roman qui sont ainsi clamés et déclamés par des acteurs à qui on n’a pas eu peur de confier des responsabilités.
Le seul en scène, sans bouger, face à un public, faut se le farcir ! La précision des multiples mouvements pour faire bouger l’espace scénique également.
Chacun leur tour, pendant que derrière, comme une chorégraphie, on illustre le propos, ils prennent ainsi la parole. Des mots de jeunes dits par des jeunes à un public parfois décontenancé, parfois amusé, finalement conquis par toute cette énergie transmise. Nous autres les masqués assis devant, forcément, en ces temps singuliers, avons pris bonnes notes de tout cela. Enfin, je l’espère. C’est beau des jeunes qui veulent vivre et c’est triste les bâtons dans les roues.
Pendant un peu plus de 3 h, et avant un final frais comme une victoire klaxonnante de la coupe du monde de football (nous sommes en 1998, Zidane président, on se réconcilie sur fond bleu blanc rouge), eh bien mesdames et messieurs, c’est un déluge. Un joli déluge. Une averse d’été Un ring où les mots fusent, où l’histoire déroule son fil, où le « chant » choral se narre le mot ciselé.
La bande son tient évidemment largement sa place dans le spectacle, sous le panier patibulaire d’un panneau de basket génération oblige.
Ca « décibel » pas mal, dans nos enfants après eux. Et ça sensualise, aussi. On sent moins que dans le bouquin la « société » comment elle va. Mais l’on sent plus que dans les bouquins « ces jeunes » comment ils font.
De la belle ouvrage qui donne envie de les revoir, ces comédiens, de le suivre là où il nous emmène, ce metteur en scène, et de relire le bouquin.
Même si pendant ce temps-là, c’est la culture qu’on assassine.
Dommage car dans la salle, le « théâtre du peuple » tenait bien son rang et dignement son nom.


La mouise du Goncourt

Le savez-vous, cher Nicolas Mathieu ? Je crois bien que vous êtes dans la mouise maintenant (si vous en êtes d’accord bien sûr). Parce qu’on attend, désormais. La suite. Je ne parle pas ici du Prix Littéraire qui vous est tombé dessus. Mais des années qui suivent celles dans « Leurs enfants après eux ».

Pour des raisons curieuses, cher Nicolas, permettez que je vous appelle cher Nicolas, je vous connais et je ne vous connais pas. Vous ne me connaissez pas, soit dit en passant. De miennes connaissances m’ont parlé de vous bien avant la sortie du livre qui a finalement dégoté le fameux Prix. On m’a recommandé d’ailleurs de lire le livre d’avant mais je ne me suis pas laissé faire par la grâce d’un cadeau de Noël. On m’a offert en effet « Leurs enfants après eux », et pour tout vous dire, perturbé par les commentaires des connaissances susdites, je ne suis pas entré tout de suite dans le bouquin. Je me suis contenté de la première page, longtemps. Regardée, palpée. Un côté viens donc qui m’a beaucoup plu, et qui me plaît encore.

Puis je suis entré en lecture comme on ouvre la porte d’un appartement inconnu. Je m’y suis plongé est plus exact, prenant la température au début, me demandant où diantre tout cela à allait me conduire, puis me laissant embarquer, de plus en plus agrippé à ces lignes, ces destins, ces détours de phrases, ces points qui tombent quand on se s’y entend pas, et ces vagues qui déferlent avec le poids de chaque mot. Tourbillon. J’ai aimé, évidemment, vous l’avez compris. Aussi parce que forcément… La Lorraine, ces années-là, votre enfance, un peu de la mienne quoi qu’une petite décennie nous sépare, je m’y retrouvais, putain, tellement. Troublant.

Et puis crac boum hue sacrebleu saperlipopette, malgré quelques subterfuges, ce qui m’attendait est arrivé. C’est déjà la dernière page. Je la sentais venir, évidemment, sans deviner ce qu’elle serait.
Et puis crac boum hue zut, sapristi, voilà la dernière ligne.
Provoquant cet étrange moment dont je vous remercie : on n’ose pas fermer le livre. On n’ose pas le refermer. On n’en a pas envie. On a un peu peur à mesure qu’on revient au réel. On entend ce silence. On soulève même quelques pages supplémentaires, au pays des merci et des imprimé à, espérant que… Mais non. Fini. C’est fini. Et on est comme des glands, avec mille suites possibles, l’envie de rester avec eux, encore et encore, avec vous, et pourtant c’est âpre tout cela, mais ce sont nos vies dans les leurs. Et puis surtout, ni votre plume, ni votre regard ne nous tendent la main.
Bref, on est là comme des glands.

Ce livre résonne évidemment en moi de cette Lorraine-là puisque Lorrain je suis. Alors dire que ça a causé, c’est rien de le dire ! Ca a remué, de voir tout cela écrit, de cette belle musique qui est la vôtre. Car moi qui m’essaie de temps à autres à des écrits, je me dis qu’il faut y aller pour tenir sur la durée tout ces entrelacs et ce « portrait de génération » qui réussit son coup puisque l’on pense aussi, lisant, aux générations d’avant, et bien sûr, surtout même, à celles d’après.

C’est pour ça que refermant malgré moi le livre, j’ai pensé : et leurs enfants après eux ? J’ai pensé aussi : et eux après, ce sont encore des enfants ? !!!

Bref, je vous espère dans la mouise cher Nicolas Mathieu. En train de bucheronner la suite de cet ouvrage. D’y songer, j’espère. Pas forcément tout de suite, évidemment. Vous devez crouler sous les projets. M’étonnerait pas que les faiseurs de films vous aient titillé. Mais un jour, qui sait ?

Il y a encore tellement à nous dire sous votre plume, je le sens.

Et je vous en remercie, quoi qu’il en soit.