On est toujours le migrant de quelqu’un

Un regard. Guinée Conakry. Un regard. Quatre yeux. Cameroun. Un regard. Sourire. Bonjour. Bienvenue. Côte d’Ivoire.
Ce matin. En Lorraine. Pendant que les fachos s’emparent des vertiges et jouent avec. Pendant que beaucoup invectivent. 46 migrants. Jeunes.P d’angelisme. Ni chez eux. Ni chez moi.

47 regards 94 yeux. Les leurs. Les miens. Derrière leurs costards ou leurs survêtement les yeux fermés, dans leurs postures de ruminants, ils sont nombreux a esquinter le verbe, insultants, chercheurs de poux frileux qui jouent aux caïds dans la ouate installée de leur confort en quête de quoi on se demande. Ils clament. Par voix de presse. Sur les réseaux. A me faire honte.

Ces jeunes sont là. Ils sont arrivés ici. Jusqu’ici. Et ils y ont été accueillis. I

dorment mal ou peu mais pas dans le froid de l’hiver la nuit pas dehors pas nulle part. 46 jeunes avant tout. 46 destins déjà bien saccagés. Quelques uns disent d’ailleurs leur désespérance pour souligner sans doute comme ils esperaient.
Ce matin en Lorraine. Je suis au milieu d’eux. Nous parlons. De foot, aussi. Je suis un peu moins honteux de ma France. Il y a encore des lieux où l’on ne laisse pas tomber le déluge après soi. Des lieux où des professionnels font le mieux possible leur job et il se trouve, on l’oublie tellement, on le valorise si peu tant on met de l’énergie a virer ces mains qui cherchent les poux, la même énergie qu’on mettrait a chasser les cafards, il se trouve que ce job c’est tendre la main tendre les yeux accueillir réchauffer soigner.
Ce matin. Je suis dans un foyer qui accueille des jeunes migrants. Je ne sais pas comment ils sont arrivés là. Cela ils le taisent, la plupart pour de bonnes raisons, quelques-uns pour des mauvaises. Je m’en fiche. 46 regards. 46 paires d’yeux. Comme moi. Nés quelque part.
Juste l’envie de dire bienvenue. Bienvenue ici. Bienvenue chez vous. En attendant mieux. En craignant pire. Dehors les attendent celles et ceux bavent des lèvres. L’oreille sourde. Le regard vitreux. Double vitrage. Triple même.
J’ai souvent mal à ma France pays des droits de l’homme mon cul.
Mais ce matin je me sentais bien
Mieux. Éphémère sensation. Mais c’est toujours ça de pris.
J’ai vu des jeunes.
Et c’est tout.
Fuck les haineux.
Il y a des solutions qui se trouvent. Mieux que des poux qui se cherchent dans la tronche du voisin. De l’autre. Cet autre qui fait si peur alors que quelques secondes suffisent. Un regard un bonjour un sourire.
Merci les gars.
La dignité n’est vraiment pas la où on nous la montre. Où on nous dit qu’elle est.

Au pays des migrants

Un polar vibrant d’humanité au coeur des couches sales des migrations modernes. Animales. 

Olivier Norek, c’est du polar à la française de maintenant et je vous recommande sa dernière livraison en poche. Nous voilà aspirés par les vagues migratoires, la lande de Calais, dans les pas de femmes, d’hommes et d’enfants, surtout d’enfants, qui, bien loin de nos conforts, se coltinent des existences dont on sent bien que la réalité n’est même pas dépassée par la fiction, sûrement bien au contraire.
En toile de fond, l’attitude de chacun lorsqu’il est confronté à la question du que faire ?Comme d’habitude chez Norek, le livre se mange dans une tension permanente, des mots secs, des faits précis. On suit les personnages à la trace, on laisse de côté parce qu’on s’en fout quelques facilités littéraires, de la ficelle qui ne nous ligote pas, l’esentiel est sur le fond. Qui est cet enfant au juste ? Que va-t-il devenir ?
Et les flics ? Et les services secrets ?
Syrie, Afghanistan, Lybie, Soudan, France et surtout désirs d’Angleterre. 
Le beffroi de calais, qui rime avec effroi. Et froid. Parce que le camp fait du mal aux veines humanistes. Un polar utile. Un polar nécessaire, même.