Jaune

Un rond-point badigeonné de jaune à l’entrée de l’autoroute. Plutôt impressionnant. On y salue la mémoire de Denis, on y dit la volonté de poursuivre le chemin, cinq mois déjà et on discute avec celui qui passe.

Je m’arrête et prend quelques photos. Je suis touché.
Ce « Denis » vient percuter la litanie des agressions/interpellations dont nous bassinent les médias, alimentés comme il se doit par les canaux officiels d’informations.
Ce « Denis » me rappelle comme des femmes et des hommes, depuis de longues semaines maintenant, chaque samedi, et chaque jour pour quelques uns, se battent aussi et, pour certains, non contre, mais pour.

Je m’apprête à repartir quand des gens se dirigent vers moi.
D’autres « Denis ». Ils sont intrigués. Nous nous mettons à discuter. Et ça fait du bien. Du bien de mettre des visages, des regards, des paroles sur ce que notre manie du « on range tout dans des tiroirs » transforme en appellations génériques qui permettent tous les raccourcis, toutes les généraralisatons, toutes les divisions.
Il sont là, ils discutent avec moi, ils déplorent les violences, ils me montrent là où ils ont été tapés, où ils veulent en venir. Une main sur le coeur, pendant que le doigt dénonce : il y a quelque chose de l’ordre de la fierté à penser à ses enfants et petits-enfants. Et à le faire.
Je pourrai dire j’étais là, me dit cette femme.
En attendant, au présent, elle est là.
Et m’en repartant avec mes photos dans l’appareil, je me dis que les Gilets Jaune, pour moi, s’appelleront Denis.
Nommer les gens, c’est le début de la politesse. Un signe d’humanité.
Ne pas les nommer, c’est l’inverse.
Je n’ai pas vu des gilets jaunes, comme à la télé je ne vois pas des forces de l’ordre mais des femmes, des hommes. Une époque difficile. Et je vais laisser aux autres les rictus et les jugements hâtifs.

Un peu plus tard, j’ai entendu à la radio, par hasard, un sociologue évoquant la suite du « mouvement ». Il parlait de temps du commun. De temps de la vie. De rassemblements. De faire société. Et que cela fonctionnait quand chacun comprenait le sens de ce qui est proposé. Certains n’ont visiblement pas compris. Pas forcément ceux auxquels on pense. Alors merci mesdames et messieurs pour cet échange tout simple et si vrai. Humain. Pas commun.