Le vote de l’ours blanc

A quelques encablures maintenant d’une échéance qui ne changera pas grand choses à nos existences, malheureusement, il y a quelque chose de malaisant dans une une campagne épuisée pendant qu’une vraie guerre qui ne dit rien de bon a éclaté près de chez nous, faisant oublier les autres guerres qui ne cessent de se tenir ailleurs, et faisant passer celle menée contre un virus comme une arnaque verbale.
Nos grands dossiers ressemblent soudain plus encore à des petits problèmes pour peu qu’on fasse la liste de ces dossiers traités par-dessus la jambe et qui disent une société française des malaises et des oublis.
Pas une strate de la population n’est épargnée.
Les enfants, les lycéens, les étudiants, les jeunes adultes, les midlle of life, les quinquas, les seniors.
Les « issues et issus » de minorités, les moins riches que d’autres, les abandonnés.
Côté pro, pas mieux : les sans-emplois, les avec, les boites qui trouvent pas de salariés, les métiers de l’aide qui sont au plus mal, les cadres qui pètent des câbles.
Et le caillou bleu, qui est comme nous finalement : puisque ça se réchauffe, d’abord, ça se refroidit. On sait qui sera le plus fort à la fin.

Il fait très froid dans notre démocratie qui en est de moins en moins une à mesure que comme partout, l’impérialisme des hommes force les frontières fragiles des pays qui, ne l’oublions pas, pour certains, ont été tracés à la craie.
A quelques encablures donc d’une élection présidentielle qui cache juste l’élection suivante laquelle donnera à un gouvernement les moyens de mettre ses idées si tenté est que ce soient des idées, je veux juste lancer une alerte.
Ne votez pas pour ces candidats qui prônent le repli sur soi. Ni pour ceux qui annoncent des baisses d’impôts. Ni pour ceux qui parlent économies.

Ils sont des escrocs. Ils sont des fossoyeurs.
Le repli sur soi est un déni de réalité.
Les baisses d’impôts l’assurance d’une cassure plus grande encore de ce qui est de la responsabilité de l’état français : l’éducation, le soin, la justice.
Les économies sont un mot indécent quand sans aller très loin, on regarde qui paie le quoi qu’il en coûte et qui s’est enrichi.

Depuis que je suis en âge de voter, je me suis toujours efforcé de « voter pour ». Je ne vais pas me dérober cette fois encore même si force est de constater que plus ça va et moins je suis dans les bons camps. Il m’est arrivé d’être majoritaire, mais c’était y’a longtemps. Je suis de plus en plus minoritaire, quand on ne me dit pas que je suis nul.  Blanc est pourtant une belle couleur. Un beau projet.

Je pensais ne pas aller voter cette fois. Je pense toujours que je ne devrais pas voter tellement on se fiche de nous et de nos tronches. Je vais pourtant aller voter. Parce qu’au détour d’une baguenaude sur le net, fort à propos, une internaute que les femmes s’étaient battues pour obtenir le droit de vote, et parce que au-delà du féminisme, tout simplement, l’Humain s’est toujours battu pour obtenir des conquêtes sociales dont même les plus virulents profitent sans vergogne, la mémoire bien courte.

Cette élection ne changera pas la face du monde. Cela fait belle lurette que petit pays qui joue au grand ne pèse pas bien lourd. Mais par politesse, à l’histoire, à maintenant, à demain, voter prend un sens qui ne relève plus du « devoir civique » mais bien du droit. Nous avons des droits. Et mon petit doigt me dit qu’il va falloir batailler pour que un à un, ils ne fondent pas comme une banquise aux abois.

Au moment de voter, ou pas, pensez à l’ours blanc qui dérive affamé sur un morceau de glace. Il a faim. Il est seul. Il est dangereux. Il est en survie.     

Révélateurs #2019

Si le Bleu est en général ma couleur, et le demeure contre vents et marées, il s’est subrepticement teinté de jaune en pleine grisaille hivernale que quelques matins blancs n’ont pas déroutés plus que cela. Et l’on sait que Bleu + jaune = vert, ce qui me va bien, en ce moment si particulier où une année vient claquer au bord des rochers pendant qu’une autre se prépare en coulisses pour entrer en scène. Exit 2018, donc. Et bienvenue 2019.

L’air de rien, ce n’est pas tous les ans que l’on souhaite la bienvenue à l’année qui vient. Même si on le fait de manière rituelle sous forme parfois de rictus, jetant des cactus sous les pieds palmés de celles et ceux à qui au fond on ne souhaite rien mais que les convenances ont placés sous nos semelles.

Le jaune de 2018, donc, a pris la forme d’un gilet, de milliers de gilets, et si les effaceurs lacrymogènes s’essaient en faire disparaître les traces, forcés de l’ordre qu’ils sont, aussi, dans les esprits, la marque a pris aussi vite qu’une mayonnaise qui n’attendait probablement qu’à être tournée les ingrédients étant prêts.

Le vert, alors, qui sera celui de 2019 j’en fais le vœu. Celui de la transition écologique que je continue pour ma part à considérer comme un levier et une opportunité, non comme un fardeau. La transition, voilà un mot qui cause dans le Landerneau puisque si l’on desserre les pinces des étaux entres les extrêmes, il reste de l’espace pour franchir quelques paliers. Grandir un peu, si je puis dire. En humanité et en pragmatisme, ce que même les féroces utopistes comme moi savent manier sous leurs dehors idéalistes. Ils ont pris de la bouteille, les utopistes de mon crû. Ils raisonnent en générations. Ils savent que le chemin vaut bien mieux que l’arrivée à bon port. Mieux : ils savent qu’ils ne verront pas le port, eux, mais que ce seront s’ils ont bien œuvré leurs petits ou arrière-petits-enfants. L’esprit bâtisseurs de cathédrales, poser les premières pierres, élaborer les premières colonnes, pour que les suivants ajoutent leur obole, fassent monter l’édifice, et ainsi de suite.

Tout cela, c’est plutôt le Bleu qui me l’a appris.

Le jaune et le vert donnent du maintenant à ces vues qui furent longtemps de l’esprit, jamais démenties, toujours bottées en touche, un peu comme ce qu’expriment ces femmes et ces hommes non des ronds-points, car l’on tourne en boucle, mais des carrefours, là où l’on s’engage.

Ces femmes et ces hommes sont du quotidien. Ils se sont levés. Ils ont pris pleine tronche les ripostes. Ils sont restés debout. Parce que ces chez gens-là, on reste debout, quarante ans que ça dure, pensez donc…

En cette passerelle entre deux années, c’est leur côté révélateurs qu’il me plaît de souligner.

En quelques semaines, pas plus, pas moins, ils ont tout montré. Leurs visages sont apparus. Leurs parlés pas pareils avec. Leurs propos se sont incrustés. Et on a vu. Vu une France coupée en deux. Vu une Europe qui ne tient pas la route à force de trop tenir son chemin de la calculette. Vu des médias malmenants être malmenés. Vu des journalistes se trouver en pleine torpeur. Vu dans cette proximité soudaine les insoutenables distances qu’une république cinquième du nom, bâtie sur les valeurs d’un après-guerre solidaire, aurait dû préserver si les fourches caudines des petits hommes d’états et des technocrates ne l’avaient pas siphonnée comme on se repaît d’un plat dont on n’aura pas à payer le prix et dont même on n’aura pas à assumer les affres de la digestions. On a vu où étaient les responsables et où étaient les irresponsables. On a vu Paris et revu sa province. On a vu l’échec retentissant de ce qui aurait du être notre avenir et qui est déjà notre passé sans avoir pu se diluer dans l’eau de nos jours en effervescence.

Quoi qu’on dise, quel camp que l’on se choisisse, l’année 2018 a pris un coup de jaune dans le cornet et si l’on tente de ne nous en montrer que les inconvénients (violences, commerces qui souffrent, PIB qui baisse, croissance en berne), avec une promptitude à désigner soudain les coupables pendant que les 40 précédentes années on fermait sa gueule dans les alcôves où les mocassins glissent sur les moquettes épaisses le sourire condescendant dans l’attaché-case, je met du Bleu dans mes yeux pour en voir aussi les avantages. Voilà des gens qui reviennent en force dans le discours national. Et évidemment, ça ne plaît pas à tout le monde. Mais le propre d’une manifestation n’a jamais été, sauf erreur de ma part, de faire plaisir à tout le monde.

Et donc et j’en terminerai là on en revient au vert, celui de l’espérance on l’a compris, mais surtout celui du cap que nous tend les bras la planète que l’on a colonisée sans vergogne ayant inventer le fric en passant. La transition est là. Ecologique, énergétique, renouvelable. Vert d’avenir à moitié vide pour l’instant que nous serions bien inspirés, dès 2019, et plus fort encore les prochaines années, de remplir. Pour une raison simple. Les opportunités d’emploi, de pouvoir d’achat, de citoyenneté, d’humanité sont là et nulle part ailleurs.

Je pense précarité énergétique et je vois des milliers d’emplois dans le BTP.

Je pense mobilités et je vois des milliers de solutions adaptées aux territoires où l’on vit.

Je pense société et je vois des milliers d’emplois nouveaux.

Dans ma grande palette de couleur, je laisse même les profiteurs profiter, il y a de la place pour tout le monde.

La transition est là et il est bon de se souvenir qu’une transition est un passage. Un passage d’un état à autre. D’un âge à un autre. Qu’une transition est une mutation consécutive a un changement. Le fait de passer graduellement d’un état à autre.

Tout est bien sûr dans le graduellement.

Posons une première pierre en 2019. Ce sera déjà très bien. C’est ce que je nous souhaite collectivement et vous souhaite collectivement.

Après les guerres, visibles, il reste des ruines. 

Nos ruines sont invisibles. Mais sur des carrefours de France, des gens se mobilisent pour nous rappeler qu’elles sont visibles pour peu qu’on sache les voir.

Alors voyons. Voyons de quoi nous sommes capables.

Et beaucoup est dans ce nous. Un nous dont je mesure la fragilité autant que je mesure comme il a été fragilisé toutes ces dernières années.

Un nous monde et pas seulement un nous France.

Mais commençons déjà par le nous France. Nous pouvons agir. Et faire des choix. Ne pas voir uniquement à quoi nous renonçons et aussi ce vers quoi nous tendons.

Les révélateurs sont là.