Concert en direct / Chapelle ardente (Catherine Watine)

Elle a pris des risques, Catherine Watine. Alors moi aussi.
Je vous propose une manière étonnante de suivre un concert : par écrit, comme si vous y étiez.
Sauf que c’était le samedi 14 mai . Concert privé avec du public. Voici ce que j’ai noté en direct.


Chez Watine. Dans sa maison. Une ancienne chapelle. Pleine de lumière.
Premier concert depuis sept ans, annonce l’artiste au moment de s’installer devant le piano. Pas n’importe quel piano. Le sien. « Il m’a sauvé » dit-elle. Voilà qu’on le regarde autrement. Elle dit cela après avoir lâché tout à trac les drames survenus dans sa vie ces dernières années.
Elle annonce : ce soir, c’est un test. Je me dis : c’est une messe. Fraternelle. Œcuménique. Amniotique.
Premières notes. Premiers mots. Voix blanche. « La vie c’est un pays étranger« . On est dedans fissa. Doigts velours sur le piano cristallin. Je regarde mes comparses d’un soir. Une cinquantaine de personnes et le silence de celles et ceux qui écoutent en profondeur. Ce silence-là est tout aussi prenant que les chansons déposées par Catherine dans sa tunique colorée.
La voix pose des notes délicates. Il faut noyer le chagrin, attacher ses cris. Un saxo surgit soudain à l’étage, un souffle profond, qui poursuit, qui ponctue, qui prolonge.
On entend alors les respirations. Toutes les respirations. Nous voulons des anges. Volons parmi eux. Les chansons se suivent et Catherine Watine pousse le concert comme on trace sa route dans la roche. Tendre. Il y a des jours, on est maussade. Il faut traverser des avalanches.
L’artiste chante avec émoi avant de laisser la parole au piano. Rt réciproquement. D’un monologue en prologue on passe au dialogue en catalogue.
Nous voici plongés en bord de mer, à dos de dune. Galets et bois flotté.
« Je veux une cabane en verre pour y voir le monde ». Même si ce monde a trop d’adversaires.
Il est temps d’interpeller Albert. Einstein. Le monde s’use quand on le perd, quand les ruisseaux ne vont plus à la mer. Il pleut des mystères. Tout est relatif. Rien n’est résolu. On comprend les nuits sans sommeil, les jours sans fin Par dessus mieux que par dessous surgit la beauté napppe déposée sur la table des invités.De titre en titre, toutfluide. Je hoche la tête. Je me perds avec aisance. L’œil regarde l’immobile, les oreilles entendent les contretemps, et il est digne, cet univers. Il flotte sur nos épaules comme des ailes qui se déploient et montent par dessus les arbres.
Dans cette chapelle, la vie est partout finalement. Par dessus le manque et les absents.
Un olivier dehors dodeline ses branches, on dirait qu’il complice. Ce concert ne pouvait jouir d’aucun autre écrin.
Puis voilà la nuit tombée. On voyage encore et encore. Embarqués au-delà de la vie sans répit sans repos.
On divague aussi près des vagues, vaguement. Le verbe est alerte, les de passes passent d’une âme à l’autre. Watine chante l’instinct de survie. Fait pleuvoir des mots habités qui jouent entre eux pour dire avec la force fragile fébrile agile. Complainte qui jamais ne se plaint.
Et puis déjà, c’est la dernière chanson.
 » J’écris des secrets sur les murs. Je garde la maison « .
Comme un bateau vogue sur l’eau, à l’ombre des cascades et des fontaines. Les artistes sont des explorateurs.

Le connaissez-vous ?

Le connaissez-vous ce moment interstice et indicible qui se pose dans votre quotidien sans jour fixe quelles que soient les saisons et les heures ? Il arrive à pas veloutés, sans mots dire, il ne se cache pas, il est juste au frais quelques temps. Quelque part. Le temps qu’il vous faut. Le temps des dernières plages. Il est précédé d’un moment savoureux que vous pouvez ou non prolonger à l’envi, un instant qui se redoute et se déguste, un espace délicieux où tout se range et s’accélère avant que tout ralentisse et puis cesse.

Le connaissez-vous ce passage ? La connaissez-vous cette sensation ? Elle arrive pour dire clap de fin et en même temps applaudissements, et en même temps sourire, et en même temps bonheur simple de soi à soi.

Ce moment est celui du polar que l’on vient de terminer après s’être creusé les méninges et dont la fin nous surprend quand même, c’est celui du spectacle auquel l’on vient d’assister avec le mal aux mains des applaudissements et du brillant dans l’œil dans le ventre, c’est celui du film que l’on vient de regarder et qui nous a happé dans le noir de la salle dans le rouge des sièges et le bleu des écrans, c’est celui de la peinture qui nous a scotché de la photo qui nous aspire et nous inspire celui de l’arbre et de la fleur celui du paysage et de l’horizon de la nuit et du jour d’une brume et d’un chant d’oiseau.

Vous le reconnaissez maintenant cet instant si particulier où le maintenant est tout simplement parfait nourri de ce que l’on vient de vivre et promesse de ce qui est à venir. Ce moment que l’on peut faire durer pour que flottent encore les effluves ou que l’on peut derechef aller chercher dans une autre oeuvre qui nous tend les bras qui nous attend jusqu’à ce que après nous prenions conscience que c’est nous qui l’attendions. Sans fébrilité. Avec la plus jolie des impatiences : celle qui est patiente.

Le connaissez vous ?

#Chanson – Catherine Watine

J’écoute Catherine Watine. C’est la première fois. J’ai découvert cette chanteuse par je ne sais quels biais numériques et cet après-midi, à l’heure de l’écoute, c’est une belle irruption. Dans mon panthéon. Il est sympa, mon panthéon. Je peux y faire place facilement à qui me touche. A qui m’en bouche un coin. Et pour le coup, ça le fait. Les âmes grises verront la pluie dans les souffrances mélancoliques. D’autres, les âmes bleues, une âme à partager. N’hésitez pas le plongeon.

J’ai acheté hier son album « Phos / A l’oblique ». C’est tout droit. Je l’écoute maintenant. Et ça serre la tripe à mesure que l’on avance dans l’album, comme une plongée. L’artiste est là, omniprésente, nous bascule là-dedans mais le fait joliment. Nous tient la main. J’aime celles et ceux qui nous plongent dans leur univers, qui ne nous y préparent pas, on les rejoint.

Ici, une voix de femme chuchote en permanence des mots Bleu. Les bleus de la vie, pour le dire gentiment. On perçoit que c’est bien sûr plus puissant que cela. Parfois c’est cru. C’est toujours élégant. De belles phrases font penser à la cueillette des mûres sauvages, vous savez, celle si goûtues de fin d’été qui perlent parfois de sang nos doigts aventuriers.
Donc c’est âpre et rugueux, Catherine Watine. Il pleut derrière les murs. La souffrance qui est sienne sait être nôtre et l’on se reconnaît. Evidemment. C’est digne. C’est debout. C’est en face.

Une forme de (fausse) langueur dit les valses à mille temps des sentiments, de l’amour qui sculpte nos existences surtout quand il est absent. Musique(s) au diapason. Parfois très discrète, comme un rimmel, une virgule. Parfois plus prenante, plus têtue, comme un râle qui s’extirpe, bras jaillissant d’un pull dans lequel on est entré sans facilité.

Le grain de voix fait penser à des yeux qui en ont beaucoup vu, trop, mais qui continuent, mieux, qui disent encore.
Catherine Ribeiro ne me semble pas loin. Barbara non plus.  Ce ne pourrait être que pensant. Que pesant. C’est enveloppant. C’est aimant. Nous sommes là, assis sur nos rochers à bascule, regardant l’horizon, ensemble, partageant nos sensations, nos émotions, c’est comme un bonheur de fuir.

Les âmes en peine ont la beauté féroce que la voix, les mots, la musique soulignent de traits cherchant la paix dans le vacarme furax de nos vies qui se font, se défont, s’en vont, s’en reviennent, se souviennent.

Cerise sur le gâteau : une artiste qui met café crème dans une chanson mérite un label Bleu ! Merci m’dame pour ce beau moment, près du feu de cheminée, des éclairages indirects partout dans la maison distillant des lueurs secrètes. C’était une belle invitation. C’en est toujours une.

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Disque disponible sur l’excellente plateforme Bandcamp ici : https://watine.bandcamp.com/album/phos-a-loblique

Retrouvez l’artiste sur les réseaux sociaux : https://www.facebook.com/catherine.watine

Sur internet ici : https://www.watineprod.com/

Arthur H : chapeau !

Un concert de Arthur , c’est une magnifique échappée à bord’un vaisseau qui vous embarque et dont vous ressortez avec de la chaleur dans le coeur, les couilles gonflées à bloc, des rêves et des images plein la tête, tête sur laquelle flotte désormais un chapeau. Et c’est fou ce qu’on peut faire avec un chapeau !

Mmmmmmmmmmhhhhhh. Trente fois. Mille fois. Comme un échange de ping-pong. 
Mmmmmmmmmmhhhhhh, fait l’artiste avec un sourire qui mêle distance pudique et proximité chaleur. Mmmmmmmmmmhhhhhh répond le public qui se dandine dans la salle. Mmmmmmmmmmhhhhhh fait l’artiste. Charmé. Mmmmmmmmmmhhhhhh répond le public, sous le charme.
Le charmeur charmé charme ceux qui ne demandaient qu’à être charmés (et dont certains l’étaient déjà par accoutumance et longévité dans le suivi) avec ses deux acolytes : à sa droite Nicolas Repac, à la gratte,à la voix, et tant d’autres sons. A sa gauche Raphael Seguinier, batteur de son état et complice quand jaillira un moment de franche drôlerie et d’échappée verbale du charmeur au chapeau, quand un morceau ne démarrera pas tout à fait quand il aurait fallu, et qu’inlassablement, le batteur tapotera sur ses baguettes pendant qu’Arthur H nous contera l’histoire amiotique de ce baťteur, qui avait un coeur et deux baguettes dans le ventre de sa mère. Un coeur deux baguettes et pas encore de tête 😊 Chapeau !
Arthur H se produisait un jeudi de brouillard épais à l’Arsenal de Toul (54). Un nom qui lui a bien plus puisqu’en préambule, il nous promet de la dynamite. La mèche était fastoche à allumer. Le briquet était joyeux.
Il est arrivé sous son chapeau qui ne le quittera pas au point qu’on se demande s’il dort avec. Peut-être le truc est collé là, faut dire que ça mouline, dessous, et que le chanteur, alors que ses doigts gambadent en permanence et quasiment sans interruption sur un orgue aux sons multiples, ne se fait pas prier pour nous faire partager ses odes à l’amour, à la femme, aux corps, et à la lune. On imagine le gamin qui la regardait. L’ado qui dormait dessous. L’adulte qui y enfouit ses rêveries. Cette lune qui élève du caniveau. Par ici la beauté !
Arthur H nous embarque dans son vaisseau et l’on flotte avec lui deux heures trente durant. Ravis. Enveloppés par cette voix chaude et rauque et aiguisée et douce aussi.
Enveloppés par les mots qui coulent dans ses veines. Des mots crus, des mots tendres, des mots doux, des motus, des mots dits. 
Enveloppés par les sons que les trois musiciens nous offrent pour relier tout ça. Certains jaillissent même d’un drôle d’atelier. Arthur H s’y love un instant. Nous tourne le dos. Un écran apparaît. Voilà ses mains, il  frotte des trucs, secoue des machins, bref, installe une ambiance sonore. Puis il retourne la caméra, mode selfie, et nous chante de face en nous tournant le dos. Ouais, y’en a sous le chapeau ! 
Alors forcément, à un moment, le public charmé par le charmeur descend dans l’arène pour se déhancher sous les regard. Mmmmmmmmmmhhhhhh. 
Et que dire de cette voix ! Si singulière, si poétique, si sensuelle et si sexuelle, des prairies du farwest à Tokyo en passant par Montréal, des prairies et des ruisseaux, sous la lune exactement. Une voix qui déroule le dernier album et quelques autres chansons pour nous rappeler qu’en fait, l’arsenal, c’est lui.
Et c’est d’un sourire brun chaleureux comme ses yeux qui se plissent, la main sur le coeur, puis les deux poings brandis qu’il reçoit nos mercis nos applaudissements et nos rappels. Puis il nous libère pour la nuit, loin de #Bigeard et #Morano.
C’est bon. C’est chaud. Chapeau l’artiste !

HF Thiéfaine, un 10 novembre à Dijon. Au zénith.

A bien y réfléchir, ce n’était pas de la nostalgie. Non. C’eût pu.
HF Thiéfaine, 2018, 40 ans de chansons, un concert largement puisé dans le vieux répertoire (mais l’on sait que toute oeuvre est éternelle donc hors du temps)…
Oui, c’eût pu.
Mais ce ne fut. Pour certains d’ailleurs ce fût.

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