Je m’en souviens très bien, des débuts « de l’internet ». C’était un printemps, une fin d’hiver, c’était pas encore cyber. Les premiers mails, les fax depuis un ordinateur, le bruit du modem, les premiers blogs, les moteurs de recherche. Eh bien sache le jeune que c’était il n’y a pas si longtemps et que nous autres, les vieux, on a l’impression que c’était il y a une éternité.
Ce qu’est devenu « l’internet du monde », ce que l’Homme en a fait, c’est pas tout à fait ce à quoi nous nous attendions à l’époque, nous autres pionniers qui nous nous ignorions.
L’utopie a vite valsé.
Le mercantile a vite percuté.
L’univers s’est recroquevillé.
On marche dans la nature, on se retrouve dans une galerie marchande.
On est dans le désert et on arrive à Dubaï.
Je me souviens très bien des premiers blogs.
Il s’y passait des tas de rencontres, il y avait une frénésie à lire les autres et à débattre. A produire. A Partager.
De parfaits inconnus débarquaient soudain chez moi, certains y restaient, d’autres s’en allaient, parfois ça restait et puis ça s’en allait, parfois ça s’en allait et puis ça revenait.
Nous construisions ensemble quelque chose dont on se fichait bien de savoir vers quoi ça allait embarquer puisque nous pensions que le numérique était une corde de plus. A notre arc. Pas autour de notre cou.
Facebook n’était pas encore né. Google balbutiait.
On se retrouvait là, un peu comme dans la maison Bleue, celle sur la colline, où l’on ne frappe pas.
On fumait des pipes sans tabac et sans fumée autour d’un feu qui n’était allumé que dans nos corps et nos esprits.
Nous étions trentenaires, nous rêvions, nous vivions.
Il se passait quelque chose.
Quelque chose de frais, de nouveau, d’assez épatant même.
Une liberté. Une liberté d’expression inconnue jusque là, en tout cas pas de de cette façon. Un enthousiasme.
Parfois, le village monde nous claquait au visage. On découvrait qu’un tel était au Canada, un autre en Afrique, et qu’on nous lisait en Australie. Le truc de dingues. Wikipédia était déjà en place, comme une immense fenêtre partagée sur le savoir pour tous.
Oui, elle avait de la gueule, cette utopie. Tout le monde n’était pas toujours courtois, y’avait des neurones qui chauffaient, des irritations, des agressions textuelles, mais la meute des haters n’était pas encore née et quand un ouvert claquait son beignet à un fermé, au fond, cela s’équilibrait.
Cet internet-là a duré une petite dizaine d’années.
Des liens se sont noués. Y compris dans la vraie vie. Quelle choc quand on voit en vrai celle et celui avec qui, déjà, on partage tant de choses sans ds’être jamais vus. Mais en se reconnaissant. Par delà les tuyaux.
Curieusement, je crois bien que c’est le référendum européen qui a sonné le glas de cette atmosphère. En 2005. Il y a clairement eu un avant – on se passionnait comme des dingues pour cette Europe là ou cette Europe-ci, une citoyenneté s’inventait, ou se réinventait – et un après. Un coup de barre non du fait du vote en lui-même, mais du fait je pense de toute cette énergie civique mise dans l’aventure.
Des liens ont commencé à se distendre, des débats à ne plus fleurir, et puis la suite on la connaît. Les twitter, Facebook, Microsoft et autres monstres numériques ont fleuri, ont occupé l’espace, façonné les modes de faire et fabriqué leurs algorithmes. Les smartphones sont devenus des ordinateurs de poche. Des appareils photos épatants. Le miniature a peu pris le pas sur nos rêves de grandeur. Comme couvercles sur horizon. Voilà que peu à peu, on s’est mis à voir moins loin, à écrire plus court, puis à ne regarder plus et à écrire de moins en moins, puis à n’écrire plus. Un blog, aujourd’hui, c’est une coquille de noix dans un océan avec à son bord quelqu’un qui parle tout seul. Ou pas.
Rapport d Ȏtonnements
16 piliers pour la « Maison France »
Plus ça va et moins j’aime cette façon « dont on nous parle ». Pas seulement parce que bien souvent « on » est un con. Aussi parce que trop est formulé d’une telle façon qu’à la fin, c’est le « petit » qui perd. Je m’explique : Alternatives économiques est une revue que j’aime parcourir parfois, parce que je suis un gros nullos en économie et parce que cette revue m’a l’air du bon côté du curseur de cette « économie ».
C’est-à-dire du côté de la femme et de l’homme. Et quand Alternatives économiques titre son édito avec ces quelques mots : 4 milliards pour aider les pauvres, je tique.
Au-delà du savoir faire journalistique qui m’invite ce faisant à lire l’article, je tique sur ce « pour aider les pauvres ». Je tique parce que cette économie les a pas mal fabriqués, ces pauvres, et parce que la nation française, l’Europe pour ce qui nous concerne, l’ont pas mal enfoncé la tête sous l’eau, le pauvre. Pas de débat d’expert, ici, je n’en suis pas un. Mais de savoir que les prix augmentent de la même façon pour toutes et tous pendant qu’on prive la moitié des français de contribuer à l’impôt « en fonction de leurs ressources », ça me gonfle. La calculatrice qui décrète à combien on est pauvre et à combien on ne l’est pas à bon dos, un peu comme l’algorithme du monde virtuel. Y’a quand même toujours des mains et des cerveaux derrière.
Ce qui me fait tiquer, c’est – déjà – ce « pauvre ». C’est – aussi – ce « aider ». Et c’est – surtout – ce condescendant « aider les pauvres ». 4 milliards « pour » aider les pauvres. La belle aumône que voilà ! Pas de débat d’expert ai-je dit ni d’opposition : ces 4 milliards, juste, c’est que dalle par rapport à d’autres milliards « pour aider les entreprises » ou « pour aider les riches ». Le seul ruissellement que je vois fonctionner vraiment depuis que je suis dans la vie dite active, c’est le covid.
Je n’aime pas cette idéologie de l’aumône, pour tout dire. Gamin, à l’église, je n’aimais déjà pas ça. Quelque chose me turlupinait. Je n’avais pas les mots mais je voyais bien ce type assis à la sortie qui tendait la main et ces femmes et ces hommes qui s’étaient recueillis passer devant lui sans un regard. Rien n’a changé. L’église n’est plus la même, c’est tout.
Alors, comme souvent, je repars dans les fondamentaux. J’aime bien la constitution française pour ça. Elle dit vite et bien les choses (pour les parties qui n’ont pas été triturées entre temps la transformant en indigeste bouillie à certains endroits). Je la consulte d’autant plus volontiers que dans quelques mois, en 2022, on nous demande de remettre une pièce dans le bousin.
Deux pièces, mêmes : élection présidentielle puis élections législatives.
Comme le texte a été « bidouillé » au fil des années, je plonge dans l’édition de 1946, qui me paraît la plus juste et la moins « arrangée ». La plus sage et la plus humaniste. On ne sort pas de trois guerres pour rien !
Ce texte, dans son prémabule et son article premier, dit ceci et dans cet ordre là :
- La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme.
- Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République.
- Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.
- Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.
- Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.
- Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.
- Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité.
- La nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.
- Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence.
- La nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales.
- La nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat.
- La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international. Elle n’entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple.
- Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix.
- La France forme avec les peuples d’outre-mer une Union fondée sur l’égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion.
- L’Union française est composée de nations et de peuples qui mettent en commun ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer leurs civilisations respectives, accroître leur bien-être et assurer leur sécurité.
- Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l’arbitraire, elle garantit à tous l’égal accès aux fonctions publiques et l’exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés ci-dessus.
Je trouve que ces 16 piliers ont une bonne gueule de modernité.
16 piliers pour redonner à la maison « France » l’envie d’y entrer et non d’en sortir, d’y évoluer et non de s’y retrancher ou de s’y fuir, de s’y épanouir, d’y respecter les jeunes et les anciens, les porteurs de handicaps et les moins aisés. 16 piliers pour s’honorer non plus « d’aider les pauvres » ou de « laisser tomber les territoires d’outre-mer » mais pour conduire une action humaniste assez lucide sur la « part » que peut prendre notre tout petit pays dans ce vaste monde. Ce sera déjà bien. Et je peux vous dire que moi, ça va pas me poser trop de difficultés, les moments venus, de savoir quel bulletin je mettrai dans l’urne. Car 1) bien évidemment, j’irai voter. 4 fois. Ni plus ni moins. Me suis pas fait vacciner pour rien !!! et 2) J’ai mes piliers en tête, comme une force souterraine, le roseau plie mais ne rompt pas. C’est bien connu.
Et vous, quelles sont vos fondations ?
Tant de mercis coulent à mes oreilles
Est-ce que les yeux humides d’un grand-père et d’un chef de gare qui voient s’en aller la dernière Micheline et s’installer le premier composteur automatique peuvent expliquer une sensibilité et des valeurs ? Déclencher, quand on est enfant, et que l’on ne comprend pas tout mais que l’on sent que quelque chose d’important se passe ?
Est-ce que ces dizaines d’ouvriers qui attendent le matin dans la nuit de l’hiver le car qui viendra les déposer à l’usine puis un peu après, l’usine fermer, déversant dans le village le mot chômage, peuvent expliquer une sensibilité et des valeurs ? Déclencher, quand on est enfant, et que l’on ne comprend pas tout, le sentiment que quelque chose d’important se passe ?
Est-ce que sous la pluie et le froid, chanter la Marseillaise et le Vol noir des corbeaux ami entends-tu peuvent expliquer une sensibilité et des valeurs, surtout quand c’est ton père qui donne de la voix et du piano devant le monument y compris sous la pluie ? Déclencher, quand on est enfant, et que l’on ne comprend pas tout, le sentiment que quelque chose d’important se passe et que les jours fériés ont un sens ?
Est-ce que ce travailleur venu d’Algérie, le premier du village à l’époque, qui sourit malgré les quolibets qui semblent, mais semblent seulement, lui passer au-dessus de la tête peuvent expliquer une sensibilité et des valeurs ?
Des vertus ?
Une morale ?
Je crois bien.
Les injustices vues de loin ne valent pas celles ressenties de près ; et pourtant, il me semble qu’au final, elles ont une même intensité ? Un même vocabulaire.
L’enfant qui ne comprend pas tout, devenu adulte, continue de ne pas tout comprendre.
Mais le jardin est semé.
Surtout quand dans ce coin de France de l’Est, deux cimetières se font face et se tiennent en respect, bien après les fusils. Un allemand et un français.
Surtout quand dans cette cambrousse, il y a eu des adultes qui n’ont eu de cesse de transmettre à des plus jeunes. Hors l’instruction scolaire s’entend.
Le plaisir de l’ensemble, le goût de l’effort, la confiance des initiatives.
J’ai de la chance.
Tant de mercis coulent à mes oreilles.
(billet inspiré par la lecture de cet article)
Le jour où… je m’en suis remis à Dieuze
C’était il me souvient un vendredi.
De ces jours dont je me souviendrai évidemment toute ma vie puisque 5 février (hier, donc), jour de naissance, 23 avant cette année-là, du fils. De gars de 23 ans comme on dit. Ce jour-là, l’effet domino a dominé. Pensez-donc que me levant le matin, pas une seule seconde je n’aurais pensé finir la journée pedibus dans la riante cité de Dieuze (57), avant de découvrir les parcs à huîtres de Marsal. Marsal est un village non loin de la riante cité susdite.
Pas plus que le tourisme en mode covid, c’est zéro troquet. Alors trouver à bouffer, et mieux, un café, ça vire au saugrenu, mais de ces saugrenus chaleureux, parce que rencontres avec des femmes et des hommes. Le café ? au bureau de tabac. Le repas de midi, pris à 15 h ? Chez un vendeur de gaufres (et pour ce qui me concerne, de croque-monsieur et de crèpe, au caramel beurre salé). Tout attentionné, me monsieur, je vous mets tout ça dans du papier alu, ça restera chaud.
Avant cela, deux autres rencontres. La première avec un agriculteur bourru ET serviable. La seconde avec un dépanneur frétillant la barbiche souriante.
Mais revenons à l’effet domino. A ces empalements de circonstances qui vous cognent une journée pour en faire une à nulle autre pareille. Mémorable.
D’ailleurs, commençons par la veille.
Le jeudi. Juste avant la milice. Je vais récupérer ma voiture chez le garagiste de la ville du coin. Quelques réparations : la dite automobile est dans sa phase vieillissante. Que dès le lendemain, elle est moi fassions du tourisme garagiste n’était donc pas prévu. Pas du tout. Non qu’elle ait fait quelque caprice, pas son genre, mais plutôt que tout commença tranquillou sur une départementale entre Meurthe-et-Moselle et Moselle.
Ce vendredi-là, je me décide en effet à rallier une capitale voisine pour quelques emplettes.
Inutile de le préciser mais je le précise quand quand même : je n’y suis jamais parvenu. D’ailleurs, commençons par le début : 1) imaginez : le gars (moi) au volant de son véhicule retrouvé, savourant le confort de la berline, prêt à un long et a priori non périlleux voyage. 2) Sur votre droite, voyez comme des étangs apparus après que les diluviennes pluies fussent tombées. Les champs boivent la tasse. Vous trouvez cela joli. D’ailleurs, vous vous dites : ô, c’est joli !
Alors ni une ni deux, voiture et moi tournons au rond-point sur la droite, pour aller faire quelques photos et merveille des merveilles, juste après le rond-point et ses somptueuses sculptures, un chemin tout mignon qui conduit droit vers les « étangs éphémères ». Tellement droit dessus qu’à un moment s’arrête le chemin, non loin d’un pont bleu qui pour le coup, sert pas à grand chose, tout perdu qu’il est au milieu des flots. Vous voyez deux cygnes s’ébrouer en descendant de la caisse, en souriant dans votre barbe. Bons signes, vous vous dites, cherchant dans le ciel blanc-gris où diantre est le soleil. Vous faites donc quelques photos. Celles-ci en l’occurrence :





Et là, le drame. Vous vous enflammez. Vous vous êtes enflammé. Vous ne savez pas ce qu’il s’est passé. Vous avez fait demi-tour, quittant le chemin, confiant, ô là là, trop confiant, bien trop confiant, même que vous vous êtes dit, ça va passer, je le sens bien. Que pouic ! Nada ! Nicht ! Pas du tout bien ça se passe, très pas bien beaucoup, même. Puisque voici :


Bref : je me suis embourbé.
Comme une merde. Tout seul dans mon champ près des étangs éphémères. Mauvais signe ? Les cygnes se sont barrés. C’est curieux alors comme il règne soudain un grand silence. Par rapport à d’autres fois, je trouve même que j’ai pas trop insisté avant de capituler. D’ailleurs, que vois-je là-bas non loin ? Une ferme de l’agriculture, mesdames et messieurs ! Voyez côté ciboulot ce que ça donne : un agriculteur a des machins à gros pneus qui vont peut-être m’aider à me sortir de boue. Je prends donc mes jambes et vaillamment, nous partîmes à l’aventure d’un pas guilleret, indifférents à la pluie qui s’est mise à tomber, petite pluie merdouillotte de rien du tout.
La preuve que tout va pour le mieux : avant la ferme, finalement plus proche des yeux que du pied, une maison, et un magnifique 4 X 4 garé devant ! Nom de Zeus : si c’est pas de la veine, ça ! Je m’empresse donc d’aller sonner. Une fois. Deux fois. Rien. Je reprends donc ma route vers la ferme et là, encore un sapré coup de bol : deux humaines silhouettes vont dans un hangar. M’aperçoivent, sourcils froncés, je comprends bien sûr. Expliquer ma mésaventure. Soupir bourru du patron, qui dit à son stagiaire, bon ben tu vas chercher les kebabs. Là-dessus, il cause peu le gaillard, il va chercher des sangles, monte dans un manuscopique (je frime avec ce mot maintenant que je sais ce que c’est) et détale, moi derrière, y’a qu’une place visiblement sur ce manuscopique.
Je hâte donc le pas pendant que l’autre est déjà quasiment arrivé à la bagnole, quand le 4 X 4 de tout à l’heure me double sans peine… Puis je rejoins mon preux chevalier, en mode cross, et là, il me demande le crochet. Il dit, vous avez le crochet ? Je réponds : le crochet ? Oui, il dit, le crochet. Ah non, j’ai pas le crochet. Ben je préfère pas prendre le risque, alors, il dit. Je vais tout arracher sinon. Je lui dis, je comprends. Et c’est vrai que je comprends, surtout quand il me confie : un jour j’ai dépanné un type, j’ai arraché un truc, il a voulu faire un constat ! Les gens sont dingues, je réponds, me confondant en remerciements, le regardant reculer, voyant peu à peu le manuscopique disparaître. Alors j’appelle mon assureur, qui met en route fissa le dépannage. Une charmante jeune femme, qui m’explique bien tout, limite à la fin de la bise en me disant que c’est mon jour de chance. Comme j’ai un peu de temps devant moi, et que je ne pense pas trop aux kebabs et aux frites que les deux autres sont en train de s’enquiller là-bas, je me décide à marquer de son empreinte cette journée, si je puis dire, et vais donc faire le tour de rond-point, puis prendre mes étangs éphémères avec un autre angle. Ca donne ces merveilles :















Et puis mon sauveur est arrivé. On a gentiment sorti la voiture de son ornière. J’ai décidé de le suivre quelques kilomètres histoire de voir si tout allait bien. Puis de le suivre jusqu’à son garage car tout n’allait pas bien. On a lavé la bagnole. Je suis re allé faire un tour. Mais tout n’allant toujours pas très bien, ma mienne voiture aimant visiblement la compagnie des garagistes, je la lui ai ramenée pour qu’il améliore un tantinet les choses.






La suite ? Deux heures gaillardes à déambuler dans Dieuze, ancienne cité Saline (d’où la présence des salines royales), ancienne cité tout court (d’où les nombreuses boutiques fermées et le peu de badauds trouvés), cité résiliente tout de même (d’où le croque-monsieur, la crêpe et le café dans le bureau de tabac).
La réponse surtout à l’épais mystère qui flottait au-dessus de moi comme vache qui pisse depuis que le garagiste m’avait dit : « Avant, on avait le 33 ! « . Cherché ce que c’était, le 33. Une brasserie ? Un usine de je ne sais quoi ?
Que nenni : un ancien régiment. Parti.
Tout fout le camp, même à Dieuze. Cité où les femmes et les hommes luttent et sont bien sympas. Ceci a largement compensé cela.
Pour finir, quelques photos de Dieuze, un 5 février 2021. Avec de la pub.

















Mais c’est quoi les parcs à huîtres de Marsal, vous demandez-vous sûrement depuis que vous avez lu cette phrase ? C’est rien. Une connerie.
On les voit bien, sur la photo ci-dessous, au fond, non ?

Soudain, l’anthropocène et la photo

Pour certains billets, le mieux, pour commencer c’est le dico. Qu’ensemble, on sache de quoi je cause…
Là, le mot, c’est anthropocène.
Ce qui commence mal : mon dico préféré (CNRTL, c’est ici) me dit formule introuvable.
Ce satané wikipédia se montre bien plus conciliant et propose comme éclairage voire comme définition : L’Anthropocène est une époque de l’histoire de la Terre qui a été proposée pour caractériser l’ensemble des événements géologiques qui se sont produits depuis que les activités humaines ont une incidence globale significative sur l’écosystème terrestre. Le terme signifie « l’Ère de l’humain ».Ce serait la période durant laquelle l’influence de l’être humain sur la biosphère a atteint un tel niveau qu’elle est devenue une « force géologique » majeure capable de marquer la lithosphère. La période la plus récente de l’anthropocène est parfois dite la grande accélération, car de nombreux indicateurs y présentent des courbes de type exponentiel. L’Anthropocène est un concept de plus en plus utilisé dans les médias et la littérature scientifique. Depuis 2005, un groupe international d’experts scientifiques, le Group on Earth Observations (en) (GEO), a été mis en place pour observer la Terre et mesurer notamment les conséquences des activités humaines.
Les présentations étant faites, pourquoi ? Oui, pourquoin je cause soudain et un tantinet brutalement de l’anthropocène alors même qu’il y a quelques minutes, je ne savions point de quoi il retournait ?
Eh bien parce qu’un article mon oeil a attiré. Et cet article, que vous trouverez en cliquant ici, évoque ce que l’on nomme l’#urbex c’est-à-dire l’exploration urbaine.
Je fais partie de celles et ceux qui explorent, en effet, notamment les lieux abandonnés, les lieux vides, les isolements et les abandons. Cela ne cesse de m’interpeller, car ainsi cavaler derrière des fantômes, ou leur contraire, c’est-à-dire des réalités, cela a forcément du sens.
Et découvrir, mettre en mots disons, que cette manière de voir et de photographier relève d’une forme de témoignage de l’impact de l’homme sur la nature et vice-versa, de découvrir également, lisant, que ces images réactivent un imaginaire romantique en donnant dans leurs représentations un aspect spectaculaire et pittoresque à des friches industrielles, des théâtres ou des habitations récemment abandonnés et qu’en même temps, convoquent une esthétique de la catastrophe : la ruine des structures ou, à tout le moins, leur abandon semble avoir été causée par un événement soudain, tout cela, loin d’être anodin, me semble au contraire furieusement d’actualité.
Les photos confinées et / ou de confinements en sont une illustration si je puis dire.
Tout tien en quelque sorte dans ce « soudain » qui colle bien à l’idée du clic clac c’est dans la boite ou du déclic de l’appareil qui fige l’instantané ou lui donne une éternité, donne à voir, à la fois dans ce qui est dans les images ce qui précisémment ne l’est pas et du coup s’esquisse, se laisse approcher ou non.
Récemment, une mienne connaissance me demandait pourquoi sur mes photos il n’y avait quasiment jamais de gens.
Je n’avais pas pensé à l’anthropocène.
Encore moins au rapport entre l’homme et la nature et vice-versa.
Et encore moins à ce soudain.
Derrière les façades, ma trouille
Pas de geste commercial pour les morts
Les petits étonnements sont parfois de grands agacements.
Ô rien de sensationnel mais des choses que l’on tait la plupart du temps et ce faisant que l’on banalise. Donc je la ramène.
Je veux parler des liens glaciaux et monétaires (pléonasme ?) que l’on entretient avec des sociétés de services puisque l’on délègue de plus en plus les services à des entreprises privées.
Les eaux gelées du Titanic

Echange avec une journaliste l’autre jour. Nous parlons d’une famille, d’un couple en fait, des septuagénaires, qui ont été virés de leur chez eux et qui se sont réfugiés sous des bâches avec leurs meubles sur un terrain dont ils sont propriétaires. Près d’une voie rapide.
Une « histoire » bien plus complexe qu’il n’y paraît, bien sûr.
Ils n’ont pas été abandonnés de toutes parts. Ils ont refusé bien des mains tendues. N’ont pas voulu de ces mains-là. Ils ont leurs raisons. La « société » les siennes. Il arrive que cela débouche sur de l’incompatible. Et du radical.
Je suis en train de lire en ce moment « Il était une ville », de Thomas B. Reverdy. Je n’en suis qu’à la page 95. Mais le décor est largement planté. C’est à Détroit que ça se passe. La ville s’abandonne aussi vite qu’elle a été abandonnée. C’est à Détroit qu’un jeune ingénieur a été envoyé, pour une mission fantôme décrétée par une entreprise où la hiérarchie change sans cesse. C’est à Détroit que des jeunes errent et brûlent des maisons, près de centres commerciaux vidés et où ne restent que tags et squatteurs, tout ayant été pris.
Deux angles bien distincts et pourtant un air commun. L’un dans la réalité, près de chez moi. Pour de vrai. Et digne d’une fiction. L’autre dans un roman, loin de chez moi. Si proche de la réalité.
L’autre soir, je suis allé voir un spectacle. Il y était question du bout du monde. Il y avait des tentes. Nous étions des migrateurs. Une femme et un homme dansaient. Comme l’orchestre du Titanic quand le monstre des mers s’engloutissait sur lui même dans les eaux gelées ?
Ambiance sonore
Chers dirigeants des services publics, banques, mutuelles and co

Lettre ouverte réclamant un peu d’humanité et de contribution à la lutte contre la fracture numérique.
Madame, Monsieur,
Ma mère est dernièrement décédée. Mon père est âgé de 86 ans. Je viens de passer une journée entière à effectuer les diverses démarches administratives publiques et privées nécessaires. Vous fixez le délai à « dans le mois qui suit le décès » autant dire que quand même, il faut faire fissa, je n’ose imaginer celles et ceux qui sont sous le choc.
Je n’ose imaginer, non plus, celles et ceux qui sont perdus dans toutes ces paperasses. Certaines je vous le concède sont on ne peut plus simples et logiques. L’on comprend bien ce qu’il y a à faire. Et pourquoi.
Je me permets toutefois une suggestion, si vous le voulez bien.
Quelque chose m’a frappé durant cette belle journée au téléphone et sur des sites internet. Je suis assez à l’aise avec tout cela heureusement. Mais quid de celles et ceux qui ne le sont pas ?
Passons sur les temps d’attente. Longs. Souvent longs. Parfois carrément trop longs.
Et venons-en à ma suggestion. Souvent au téléphone, on nous demande de taper sur des touches pour accéder au bon service. Une gare de triage, ai-je observé, qui laisse de la marge. D’après mes constatations, les touches 7 et 8 sont inutilisées.
Que diriez-vous de les mettre en circulation et de créer derrière les services qui manquent singulièrement ?
Tout est fait pour qu’on passe par des smartphones, et que je te conseille telle ou telle application, ou par internet, allez donc sur le site et tout et tout. Du coup on se fait gaver le mou avec mille et une propositions toutes plus alléchantes les unes que les autres. Fort bien. C’est connecté.
Mais comment font celles et ceux qui travent que dalle à tout cela ? Comment peuvent-ils y capter quelque chose, de par leur âge, ou le fait qu’ils n’ont pas accès à toutes ces technologies, ou qui ne peuvent se déplacer ? Et que faites-vous donc ?
Vous allez me dire, y’a les courriers, y’a les RDV, tout ça. Mais ceux qui écrivent pas, ou mal, qui n’osent pas, qui ont peur ? Comment on les aide, je veux dire, comment collectivement, au nom du sens commun, du bien commun, on adapte la société à ces personnes qui doivent pas en France être une ou deux mais des millions.
Alors voilà, mesdames, messieurs les dirigeants des services publics, des banques, des mutuelles, des caisses de retraite, des abonnements téléphonie et autres, je vous demande de prendre votre part de la résorption de la fracture technologique. Mettez donc des gens en face de ces personnes perdues dans votre univers. Prenez le temps de bien leur expliquer les enjeux, le pourquoi, le comment, et surtout, surtout, n’attendez pas d’eux qu’ils vous tirent les vers du nez pour avoir droit à ce qu’ils ont droit. Soyez corrects, humains, remboursez ce qui doit l’être, versez ce qui est dû, car pas une seule seconde je ne doute que vous saurez réclamer. Et ces personnes là seront encore plus acculées. La double la triple la quadruple peine, on peut s’en passer non ?
Je me tiens à votre disposition et dans l’attente d’une réponse vous adresse mes sincères salutations.
Didier.