Ce que mes mots n’ont pas encore dit ici : une vieille dame de 80 ans a soudainement disparu, comme on se soustrait de à soi soi-même.
Nul ne sait où elle est maintenant.
De fortes présomptions par la police étayées laissent penser qu’elle a mis fin à ses jours et qu’elle a choisi une rivière pour le faire.
C’est choisir, ici, qui a son importance.
Un hommage lui a été rendu la semaine dernière. Ce ne fut pas étrange. Ce fut même plutôt beau. Il faisait bon dans la petite église chauffée à bloc avec son vieux four à bois.
Il y a eu des musiques, des textes, des chants. Il y a eu des statues figées par l’incompréhension et des larmes de départ. Il y a eu des regards dans le vide et des mains qui se cherchent, des bras qui enveloppent. Des dizaines de silences à l’écoute alors quand ce fut fini, il faisait encore jour dehors, les langues se sont déliées. Des dizaines de paroles se sont libérées, de circonstances ou non. Il y a eu des rires, de la brioche et des verres à la main. Un bien beau cluster, comme on dit de nos jours. Et alors ?
Pour le moment, rien d’autre. Nous avons salué l’âme. Nous ne pouvions pas faire plus, ni mieux, ni moins à ce moment-là. Les jours continuent de passer depuis le 14 janvier 2022. C’est ce jour-là que fut officialisée l’absence. Préférons cela à disparition, tant déjà de leurs vivants, de nombreuses et de nombreux disparaissent telles des ombres devenues, vies réduites à des gestes minimaux et calibrés, portions de chagrins.
Les lueurs bleues des écrans ne sont pas un avenir mais déjà une forme d’enterrement. C’est dans la boite.
Alors ? L’absence, donc, et la promesse que la société du papier et du règlement, du notaire et de l’avocat vont être les prochains invités du menu. L’officier de police a prévenu : nous sommes entrés dans une zone grise. DE fait, la machine est bien emmerdée. Que faire ? Comment ? Une zone grise suspendue dans le temps. Si cela peut durer dix ans, cela peut aussi singulièrement s’accélérer.
Dans tout ce texte, peut-être ne vous a-t-il pas échappé qu’un mot manque depuis le début de toute cette histoire.
Ce mot, c’est corps.
Alors ? Pas de corps.
Fredonnons ces quelques rimes d’un noir désir naguère porté aux nues et aujourd’hui banni : Pendant que la marée monte / Et que chacun refait ses comptes / J’emmène au creux de mon ombre / Des poussières de toi / Le vent les portera / Tout disparaîtra mais / Le vent nous portera.
Et accélérons ensuite le tempo, on s’amène au vent, au-dessus des gens…
Ambiances sonores
Chroniques ordinaires
Un silence longe les routes
Est venu le temps des restants. L’autre rive du départ soudain. Clap de fin un samedi de presque février. Ouverture des soldes. Le passage des symboles a installé sa caravane, quelques heures durant, quelques heures seulement, et il a refermé son cirque.
Les maisons demeurent. Avec, dedans, les quotidiens qu’on y niche.
D’autres noyades, dans d’autres effluves.
Des mégots à n’en plus finir.
L’énigme demeure et en même temps, peu importe l’histoire et sa chute en ces temps de tout de suite la suite. Ce n’est déjà plus l’heure de la bouche dégoût. C’est encore celle des pleurs. Il fait mou. Il fait torve, devant la désuète immensité qui tend déjà grands ses bras d’échalas.
Tout de suite la suite mais quelle suite ? Quel épisode de quelle série ?
Quand se taisent violons, le tempo se poursuit, inlassable, amputé d’un côté, bientôt nourri d’autres ruisseaux de l’autre.
Un silence longe les routes.
Ambiance sonore
Bon courage
Les jours passent. L’un après l’autre. On dirait que la météo est un doigt qui nous guide. Samedi dernier, c’était gris, froid, impétueux. Ces jours-ci, c’est l’hiver comme on l’aime en Lorraine avec du givre le matin, il blanchit les arbres et les prés, du ciel bleu et du soleil l’après-midi, une lune rousse, un grand ciel étoilé.
Les jours passent, l’un après l’autre. Un nouveau chemin s’est ouvert. Un chemin étrange. Il éclabousse, parfois. Il épuise. Il penche. Il se redresse. Il regarde droit devant. Il regarde droit derrière. Plein de mots le jonchent. Certains inédits, d’autres qui reviennent, en mode boomerang.
Les jours passent, l’un derrière l’autre. C’est un peu hagard. Certains jours. C’est plus apaisé, d’autres jours. Parfois, c’est dans la même journée que l’on passe du hagard à plus apaisé, du repos au tourment. L’incrédulité peu à peu s’estompe pour ceux qui sont dans cet étrange courant depuis plus de 10 jours maintenant. L’écume des colères noue les tripes. Les vases communiquent. L’incrédulité s’empare d’autres, et d’autres encore, sans que l’on sache vraiment jusqu’où frappe la vague.
Les jours passent, l’un après l’autre, et chaque lendemain peut aussi ressembler à un encore jour de trop. A l’absence chaque jour plus palpable s’ajoute une forme d’impuissance. Une lueur singulière. Dans cette météo hivernale, un brouillard est tombé, aussi.
Les jours passent et les films repassent. Les jours lassent et les histoires ressassent. Qui s’en veut. Qui se souvient. Qui n’a pas les mots. Qui en a trop. Qui est maladroit. Qui… Toutes et tous, unis malgré tout par ce fil invisible qui relie des femmes et des hommes par delà la géographie du vide et les lois.
Les jours passent et cette fois encore, il ne sera pas possible de « compter » sur cette société du parapluie et du règlement. Ce qui n’est déjà pas simple à vivre se double de mille et une obligations toutes plus compréhensibles et insupportables à la fois.
Non, cette société n’est pas aidante quand on a besoin d’elle.
Alors les jours passent.
Et c’est ainsi.
Les jours passent. La vie continue. Même si un être s’en est allé on ne sait où.
La vie continue et pèse de son poids mort comme métal autour des chevilles.
Qu’il est difficile, et délicat, alors, se trouver le bon souffle, de siffler le bon air.
Bon courage, ils disent toutes et tous.
Oui, c’est un bon courage qu’il faut.
AMBIANCE SONORE
2021. Quelle drôle de nombre pour une année déjà morte avant même d’avoir débuté, digne héritière de sa précédente.
Nette impression que plusieurs années s’y sont en réalité nichées. 2021 année éprouvante. Nous avons tous taffé, chacun dans son coin, autant que faire se peut.
Le mieux possible.
C’est vrai, quoi : rien qu’à prononcer 2021, tu es fatigué.
On a pris triple dose, comme un air de coupe du monde à l’envers, en mode seringue. Et un, et deux, et trois…
2021, se peut-il que tu aies été une année qui sur un scrabble compterait triple ?
Y’avait de l’usure, en tout cas, j’ai trouvé, sur bien des visages et dans plein de regards. Des rides aux commissures, des regards masqués, écarquillés, écartelés, parfois apaisés. Fatigue et nerfs en pelote. L’imparfait est seyant pour une année singulière.
Maintenant que les informations n’en sont plus.
Maintenant qu’à quel saint on ne sait plus se vouer. Dans le grand magasin des idéologies chacun pioche. Petites pointures.
Maintenant que toute honte est bue sans vergogne puis arrosée à qui pissera le plus loin.
2022 a d’ores et déjà l’air plus nerveux dans sa prononciation.
Au fond, 2021 n’a pas rimé à grand-chose et 2022… ???
Mais ne disions-nous pas déjà cela, après que 2021 ait succédé à 2020 ?
Deux ans qui semblent n’en avoir fait qu’un et mille à la fois, pendule chamboulée, alors que nous nous apprêtons à la troisième dose.
Une autre salve. Ici et là, ça grince. Pauvre escalier social !
Le sale air de la peur n’a pas fière allure alors que le nucléaire va devenir une énergie verte.
Le sale air de la peur comme gouvernail : l’Homme connaît la musique pourtant, mais il a oublié les paroles.
« Que les pauvres soient notre boussole » a écrit une mienne connaissance en guise de vœux.
C’est arrivé sur mon téléphone aujourd’hui.
J’ai aimé les nombreuses lectures possibles car cette connaissance, je subodore qu’elle est bien sûr allée au-delà de la simple apparence de la phrase et de ces quelques mots.
Pensons à tous les pauvres, oui.
Les pauvres de nous.
Les riches si pauvres.
Les pauvres si riches.
Les pauvres cons.
Les pauvres paumés.
Les égarés de tous chemins et de tous pays.
Les moisis et les jouvenceaux.
Bref, moi, toi, nos voisines et nos voisins, nous cousines et nos cousins, nos copines et nos copains.
Tout le monde se cherche une boussole, dirait-on pendant que braillent dans des langues inconnues celles et ceux qui s’évertuent à croire que la leur est la bonne. Pauvres d’eux !
Pour ce qui me concerne, 2022 est arrivé entre trois frontières et une épaisse brume. J’ai trouvé cela fort élégant.
On trouve son chemin quand même.
Le reste on en reparlera.
#etpuisquoiencore
Petite bougie démocratique, résiste aux tempêtes !
Premier soir : des chants d’oiseaux. De la terre et du soleil. Une scène et des gradins. Emily au cœur de tout cela. A fleur de peau. Minée en plus : un des musiciens dans le doute s’est abstenu. Covid.
Deuxième soir : n’a manqué que le feu de bois. Il y avait tout le reste dans cette belle salle de spectacle près de Strasbourg. Des mains chaudes et des guitares. Des voix et un accordéon pour célébrer plus que le métissage. Titi en « cerveau » de tout cela. A fleur de peau.
Troisième soir : Des masques et des regards, une salle des fêtes où se comptent et se recomptent les enveloppes et les bulletins, avant que le résultat ne tombe. Une modeste élection dans un village.
Rien ne lie de prime abord ces moments disparates et éclatés dans le temps. Pourtant beaucoup les relie.
Il est des étoiles qui flottent dans les ciels de chacune et de chacun et certains soirs, elles irriguent, d’autres, elles s’étiolent. Certains soirs c’est bonheur. D’autres c’est tristesse.
Si la démocratie était un ciel étoilé, j’y verrais des lueurs qui s’éteignent et donnent l’impression de n’en finir pas de s’éteindre.
Cette « modeste » élection a tellement ressemblé, en fait, ce que l’on voit à d’autres échelles. A ce qui se prépare et se poursuit dans notre pays. Le pays des petits hommes.
Heureusement, dans cette démocratie qui décidément se « joue » de moins en moins dans les urnes mais toujours en terme de voix, d’autres lueurs éclairent d’un tout autre éclat !
Premier soir : Emily nous a dit comme elle souffrait de ce monde et comme malgré elle bataillait pour que du soleil en émerge. Ecoutez Ycare, son dernier album, que perso, j’écris avec Y.
Deuxième soir : Titi avec ses doigts de fée qui ressemblent à un ruisseau nous a dit la main tendue et les regards appuyés que quand les peuples se parlent et s’aiment, on est invulnérable ou presque, quelles que soient les rives où l’on s’attache.
Troisième soir : les regards des « battus » du soir avaient de cette lueur d’une Emily, d’un Titi, de leurs musiciens, de spectateurs conquis. Vous savez, cette lueur qui brille par-delà les subterfuges et les apparences. Cette lueur qui laisse couler la larme pour embrasser le bleu.
J’ai mal à ma démocratie et à la fois bien sûr j’en respecte le verdict, une fois encore. Il y a eu vote. Il y a eu résultats. Mais comme certains autres soirs électoraux, je me dis, dommage, dommage, y’a que des perdants.
Mais il y a des Emily et des Titi, ds anonymes et des engagés, qui viennent heureusement rappeler que oui. Pour, c’est mieux que contre.
Le calme blanc
Le Saint-Nicolas, je n’avais pas reconnu qui c’était. Le Père fouettard non plus, au début. Puis il a parlé. Il a dit quelque chose à un voisin-copain. Avec ce chuintement inimitable. Débusqué, le père Fouettard.
Mais oublié.
Le gamin ne veut pas savoir, ni comprendre ; la bouche est pleine de bonbons même pas bons, mais généreusement donnés, offerts, saisis à pleines poignées.
Non, le gamin ne veut pas accepter que l’imaginaire, c’est moins bien quand en vrai. En chair et en os. Il préfère se dire que le Saint-Nicolas et le Père Fouettard sont réellement venus dans la salle des fêtes du village.
Le gamin sait très bien, au fond, que ce en quoi il croit, c’est ce qu’il préfère croire, puisqu’il ne croit pas en ce qu’il ne croit pas, au fond.
Il s’en fout. Il a choisi. Juste choisi : le moment garde sa magie, et pis c’est tout. D’ailleurs arriveront ensuite : la mandarine, le pain d’épice, un cadeau. L’enfant Lorrain bénéficie d’un échauffement. C’est son apéro avant le festin. Avant la suite. Un père Noël, puis deux. Même sans débouler par la porte ou la cheminée. Même sans cheminée. Puis un nouvel An. Le cinéma. D’autres cadeaux. Largement de quoi faire.
Avant la galette. Et les crêpes. Et les beignets.
Oui, largement de quoi faire.
Et ainsi passe l’hiver. Quand décembre est arrivé. Après l’anniversaire.
Et ainsi passe l’hiver. Surtout si par bonheur, il y a de la neige.
La carotte dans la tronche du bonhomme rondouillard. L’écharpe et le chapeau de paille.
L’onglée mêlée de sueur.
La gadoue.
Le calme blanc.
A plus d’un titre(s)
Suffit d’un titre de bouquin parfois pour avoir les pieds gelés. Ce bouquin et ce titre, un seul mot : mobylette.
Un souvenir : une 103 Peugeot. Rouge.
Une épreuve : aller au foot l’hiver à 15 bornes de la masure familiale. Assumer la promesse : oui, oui, si j’ai la mobylette, je vous embête plus à m’amener et venir me rechercher au foot. Super l’été.
Complètement con l’hiver : pieds froids. Gelés. Deux enclumes. Tu enfiles les grolles pour t’entraîner, jouer le match du samedi. Tu serres les dents.
Suffit d’un titre de bouquin, parfois, pour bien valdinguer.
Le même mot : mobylette.
La même 103 SP rouge. Encore.
L’épreuve : un gadin mémorable, grisé par la vitesse, au milieu d’une forêt, driblant avec dextérité les flaques, évitant les creux jusqu’au gadin. Pas malin.
Complètement con : ensanglanté coudes et visage, bras et mains. Pieds liés.
Suffit d’un titre de bouquin, parfois, pour réveiller une odeur. Un souffle.
Le même mot : mobylette.
la même 103 SP rouge. Toujours.
L’épreuve : la liberté. Son souffle chaud sur la nuque. Son coeur bondissant dans la poitrine. Le bled soudain qui semble moins étriqué. Plus ouvert. A l’adolescent qui compte les jours. Sur son vélo. Sur ses deux jambes.
Suffit d’un titre d’un bouquin, d’un mot.
Pour retrouver sa mobylette engloutie par les années en fait intacte demeurée. Mieux : les années ont passé, et le film peut se rejouer à l’envers. Et hop, marche arrière, pas de gadin. Et hop, les pieds chauds.
Juste le souffle chaud dans la nuque. La liberté.
Quelques années plus tard, ce sera nettement moins drôle. Un autre mot. Un autre deux roues. Une autre chute.
Ne le prenez pas mal, mesdames, messieurs qui êtes touchées et touchés de près par tout cela. Mais moi, toutes ces histoires de « genre », ça commence à me courir sur le haricot. Probablement parce que je suis à la fois trop simpliste et très tolérant. Probablement aussi parce que l’intime… c’est intime, justement.
Je suis mal placé, je sais. En France tout du moins.
Je n’ai pas été touché au cul, ni contrôlé dans la rue ; je n’ai pas dû me me battre contre des impératifs familiaux, ni des totales incompréhensions sociétales ; j’ai toujours gagné moins que d’autres dans ma vie professionnelle, et plus que certains.
Alors l’intolérance, je ne pratique pas. Je m’y frotte parfois, je trouve toujours cela très con, surtout qu’il semblerait que ça monte en flèche ces dernières années, à mesure d’ailleurs que les paroles se libèrent. Dun coup, si on entend mieux les « justes », on entend aussi davantage les « cons ».
Au final, quoi ?
Un homme est une femme, une femme est un homme, un homme aime un homme, une femme aime une femme, un homme aime une femme, une femme aime un homme.
Tout cela me va.
Comme me va l’idée que mon « pays » soit une terre d’accueil. J’ai connu, croisé, aimé des venus d’ailleurs et qui sont surtout des gens d’ici.
Comme me va l’idée que les couleurs de peau et les religions c’est pas des maladies. Ni des signes extérieurs de quoi que ce soit d’autre que le métissage, qui rend intelligent paraît-il, et le partage des cultures, qui enrichit, c’est une évidence. Rien qui ne puisse cohabiter quand on y pense. De la même manière qu’on est toujours le con de quelqu’un, on est toujours un migrant de quelque part. A minima de la Terre. Nous n’y faisons qu’un passage.
Comme me va l’idée que tout n’a pas été bien fait dans le passé et que tout peut être mieux fait dans l’avenir. Mais pire aussi. On sent bien les effets de balanciers.
Je boucle la boucle, du coup.
Ces histoires de genre, de repentances, de conflits religieux et finalement de conflits tous azimuts entre tout et tout, rien et rien, oui, tout cela me court sur le haricot. Je n’aime pas le nivellement par le bas. Et quand la jalousie et ou la peur dominent, pour le coup, ça hermétise les liens alors que pourtant, c’est l’inverse me semble-t-il qu’il faudrait.
Au fond, je me dis, pas si naïvement croyez-le bien, que quand on cesse de confondre coupable et responsable, et que si l’on jette les parapluies derrière lesquelles on se cache, déjà, ça serait mieux. Ce serait bien.