Une brève histoire de mon épuisement démocratique

L’œil un peu torve, j’ai regardé jusqu’à pas très tard la « soirée électorale » du dimanche 24 avril 2022. Pas tout à fait remis de mon extraordinaire sens civique le mercredi précédent et le « débat » entre les deux intempérants suivi jusqu’au quasiment bout. La société du spectacle en a fait les finalistes d’une « partie » entre deux écrans de pub. Nous y sommes. Ce dimanche soir, cette pensée : Mais ils n’arrêteront donc jamais, me disais-je, moitié exsangue, moitié hagard, alors que les motos filaient le train à des voitures dans Paris et que la scénographie limite indécente d’un homme et d’une femme main dans la main entourés d’enfants se dirigeait vers l’hexagone installé devant la tour Eiffel ? Juste avant, les déchus refusaient de sortir du « JE » et annonçaient que c’était parti pour le troisième tour. A peine étions-nous dans le final du second. L’image qui apparaît à 20 h tout ça. A peine j’ai eu le temps de me remettre de mes deux dernières enveloppes bleues dans l’urne glissées. A peine j’ai eu le temps de seulement commencer à m’apercevoir comme cette campagne ultra-courte, cette séquence comme on dit de nos jours, a été fort beaucoup très trop longue. Telle une irruption incongrue du franco-français dans les décombres ukrainiens ou maliens. Laquelle Ukraine nous avait saisie, bien malgré elle sous l’œil mêlé de Moscou et du cyclone, alors que juste et si peu nous étions en train de nous remettre à redécouvrir des visages humains quand nous sortions dans la rue, après cette autre séquence, sanitaire celle-là (et qui s’apprête apparemment à revenir), et avec, confinements, masques, vaccins, et tout le toutim.
Invisibles sacrifiés, sur le devant de la scène soudain braqués par les projecteurs, mais vite, hein, on va pas s’éterniser non plus, augmentations de salaires ici, promesses d’investissements là.
On a si peu parlé des familles endeuillées. Des anciens partis avant d’avoir tout dit. Des jeunes comprimés par les dernières innovations pédagogiques. Pressurisés à passer en même temps des diplômes et à remplir des formulaires pour leur « avenir ».
Je me disais, « ils » sont dingues, « ils » jouent avec le feu. Alors que ça implose dans les foyers. Que ceux qui ont pas les mots sortent les poings, les flingues, se jettent sous des trains. Faut dire que de l’autre côté de l’Atlantique, twitter et sa mèche blonde allumaient d’autres feux mondiaux, aussi rapidement que chaque matin je me rendais à mon boulot. Tout de suite la suite, encore. Ce quinquennat de Macron 1er, a été épuisant en fait. Malotru.
Je n’oublie pas, en effet, qu’avant cela, déjà pour des histoires de carburant, d’énergie, des femmes et des hommes ont colère exprimé, se retrouvant sur des ronds-points, symboles circulaires du dernier lieu où l’on se parle. Parfaits bouc-émissaires déjà. On en parle encore. Nous sommes en 2018. On a gagné juste avant la Coupe du Monde de foot mais 20 ans après on ne s’est pas attardés. Il était déjà loin, le temps des nuits debout en 2016, éphémère mouvement intello commencé sous l’avant Macron, alors ministre de l’économie. En pleine « loi travail »…
Il m’a échappé comme tout cela narre seulement la suite de ce qui a précédé.
Ces divisions sans fin d’une société morcelée n’en finissant plus de se chercher des convergences et de les voir se diluer aussi sûrement que s’abaisse une matraque, que passe « quand même » une loi, qu’un renoncement en appelle un autre lequel en chasse un précédent.
Eh oui, déjà le tout de suite la suite, qui n’en finit plus de nous saper le quotidien.
Car à mesure qu’on sort d’un truc en mode post-trauma (Les tueries de Toulouse c’est 2012, Charlie-Hebdo et le Bataclan 2015, Nice 2016), hop, on enchaîne, on enchaîne. Et ça oui, c’est sûr, on enchaîne.
Le Quinquennat de Hollande comme celui de Macron a claqué avant même d’avoir commencé. Itou pour leurs prédécesseurs, en fait. Mitterrand a eu 1983, Chirac la cohabitation, Sarko la crise financière. Tabassés dans un coin du ring.
D’ailleurs, durant toutes ces années, on m’a parlé de sécurité, de travail, de pouvoir d’achat, de dette publique, précisément parce que pas, ou plus, ou moins. Et en même temps, comme dit l’autre, « baisses d’impôts » (mais augmentation de la TVA), « service public » démantelé, mais main sur le coeur, notre cher (trop cher ? si cher ?) modèle Français…
Mon épuisement démocratique, c’est cette sensation de pyromanes du futur : justice, éducation, hôpital, université, grand âge. Cette démocratie « à la française », putain putain, elle nous épuise. Car si le SIDA c’est 1981, le choc pétrolier c’est 1973, « L’effondrement du bloc de l’Est » c’est dans les années 1990, la « construction européenne (de 6 à 15 puis à 26) aussi. L’avénement d’internet également. Les attentats à New-York c’est 2001. Chirac et la maison qui brûle en 2002. Le référendum européen en 2005. Putain Putain. Arno, le chanteur Belge, est mort samedi 3 avril et le chante dès 1997. Vous me direz Dutronc et l’opportuniste c’est 1966.
Ici et ainsi narrée, mon anonyme histoire démocratique ressemble à une vaste partie de ball-trap à mesure que les cons-descendants (parfois dans l’arène) parlent à leurs con-patriotes, leurs con-citoyens, au sortir de leurs cons-ciliabules. Pendant que dans mon con-fort je con-tinue à con-templer et à tant bien que mal con-battre.
Con-seil : s’extirper de la torvitude, quelques instants, quelques instants seulement. Qu’on puisse, enfin si vous le permettez, déjeuner en paix. Puisque ça continue. Et qu’il faudra que ça cesse, quand même. Ambiance sonore

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