C’est une histoire méconnue. Deux jeunes filles, deux jeunes femmes. Victimes de leur prénom. Deux jumelles qui ont longtemps fait la paire et qui se sont évertuées à tout bien suivre la ligne tracée. Leur destin déposé dans le berceau. Biberonné. Bonne terre : deux grosses têtes, comme on dit dans les cours d’écoles. Route tracée. Tresses et regards clairs. En double.
Le collège avalé, le lycée dévoré. Haut les mains. Fastoche.
L’une a fort logiquement choisi l’institut national de l’audiovisuel.
L’autre s’est évidemment tournée vers l’école nationale de l’administration. Montèrent à Paris, pas question qu’elles fussent séparées. 7 bornes par la rue Lecourbe, 1 appartement cossu déniché rue des Favorites : la montée vers la capitale fut comme tout le reste depuis qu’elles ouvrirent les yeux sur ce vaste monde. Menée la main ferme, sans anicroches, avec le Café des écrivains comme QG, la médiathèque Marguerite-Yourcenar à proximité.
Oui, tout roule, sans embuches, elles foncent, telles robots.
Et puis clac.
Boum.
Nul ne sait comment ni qui a fracassé le chemin écrit d’avance. L’une ? L’autre ? L’histoire retient seulement qu’un matin de mars, l’une a dit à l’autre, je n’y vais pas, ce matin. L’autre a dit à l’une : moi non plus. Elles se sont reconfinées elles qui avaient si aisément franchi les obstacles jusque là. Passant jours sur canapé, survêtement et t-shirts qui baillent. Deux jumelles aux yeux mi-clos. Qui passent les jours et les semaines. Portables vidés, amorphes, laissés quelque part dans l’appartement de la rue des Favorites. La porte fermée aux insistances.
Il a fallu le serrurier et la police.
Il a fallu ouvrir pour entrer et essuyer l’attaque suave des mauvaises odeurs.
Il a fallu ouvrir les fenêtres et fouiller (rapidement) les deux chambres, la pièce commune, la cuisine, la salle de bains.
Il a fallu escalader monticules de vêtements et de livres, de nourritures et de mouches. Cafards aussi. Déboulés d’on ne sait où. Ni vues, ni connues, les deux jumelles s’étaient volatilisées.
L’on confirma, tant à l’institut qu’à l’école nationale.
L’on confirma, tant au café qu’à la médiathèque, et même au Deuz Restaurant, où elles se rendaient à chaque fin de trimestre.
L’on pleura en pays natal, père, mère, bras ballants, cernes sous les yeux.
L’on esquissa mille et une explications comme autant de théories branlantes ne reposant sur rien.
L’on déclara la double déclaration, la double disparition. L’on médiatisa. L’on se passionna pour ce que les médias appelèrent le mystère des jumelles.
L’on ne pensa pas, à regarder du côté de l’état civil.
Ni à consulter du côté du bar des Timbrés, et ses savoureux cocktails.
L’on ne de se douta de rien. L’on ne pensa pas ce que l’on disât à tous bouts de champs. Qu’elles étaient belles et intelligentes, très. Qu’elles étaient inséparables. Tant qu’on ne leur connaissait ni amis, petits ou grands, ni amies.
Lena et Lina avaient fini par haïr leurs prénoms.
Lena l’école de l’administration.
Lina l’institut national de l’audiovisuel.
Une lente désagrégation qui avait fomenté en elles sans que l’une ne le dise à l’autre, sans que l’autre n’ose en parle à l’une, chacune sentant chez l’autre qu’un truc clochait. Jusqu’à ce que ce matin-là.
Plusieurs semaines s’étaient écoulées avant qu’elles n’aillent à la mairie de la rue Péclet. 600 mètres à pied. 600 mètres pour y rencontrer l’étrange attelage qui tenait le service municipal.
Deux soeurs jumelles.
Les quatre firent l’affaire.
L’une et l’autre promirent aux autres de ne piper mot.
L’une et l’autre retournèrent à l’appartement, le temps que les papiers arrivent. Puis ils arrivèrent.
Elles avaient changé de prénoms, bien sûr. Et aussi de nom. Tant qu’à faire avaient dit les deux mères de la mairie qui avaient volontiers donné les leurs, ceux de jeune fille.
Elles avaient ouvert de nouveaux comptes bancaires, procédé à de savants retraits et dépôts, laissé les parents payer les factures, amusées que tout puisse à ce point tourner tout seul sans elles.
Elles purent facilement devenir invisibles. Et danser en silence dans l’appartement inconnu qu’elles avaient loué en pleine campagne.
L’une avait toujours rêvé de faire du cirque et l’autre de s’occuper d’animaux. Elles y travaillèrent, avec la patience des orfèvre.
L’une et l’autre avaient toujours eu envie de voyager.
Elles ont pris la route pour quitter tout ce cirque et ce bal des animaux.
Je ne connaissais pas cette histoire. Prudence aux désirs des parents et au fardeau mis sur le dos des enfants. Ça existe dans tous les milieux. Bon, ok, nous avons tous des rêves pour nos enfants, bon ok, on veut le meilleur pour nos progéniture s mais les regarder grandir, les observer, les écouter dans leurs désirs, restent les meilleurs options. J’en suis aujourd’hui persuadée. Les enfants placés connaissent souvent cet place d’objet. Faites de vide d’eux. Tout les milieux sont concernés par cela. Remplir nos vides à travers nos enfants. Bel exemple pour garder notre vigilance. Christine
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En même temps, vue qu’elle est totalement inventée quoique, logique tu ne connaisses pas cette histoire. Elle est en même temps tellement d’histoires connues, croisées, évoquées, senties…
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