Elle dit, Finalement,une vie, c’est pas grand chose.
Ta gueule, il pense. Ou alors ouvre les yeux. Les oreilles. Les narines. Sors de ton « moi je ».
Elle raconte. Ces dernières années qui ne sauraient résumer toutes celles d’avant. L’âpreté du vieillir. La solitude qui peu à peu rend âcre et morose quand au mieux tout va bien.
Il pense, alors ne résume pas. Justement. Ne résume pas. Au contraire : élargit ton champ, et le mien. Cueille l’horizon : il ne fait pas nuit.
Elle évoque. Quelques unes de ces années d’avant. Pas celles de l’autre. Non, les siennes. Ses souvenirs à elle. Grâce à la personne de la vie qui n’est pas grand chose.
Ben alors, faut savoir, il pense. C’est beaucoup, déjà, ce que tu racontes.
Plus encore si l’on songe à l’époque à laquelle cela s’est passé. C’était couillu.
Et encore plus si l’on pense que des enfants comme toi, à l’époque, puis les années suivantes, la vie qui ne vaut pas grand chose en a accueilli comme toi trente, quarante, cinquante.
Elle continue de parler. Partie dans ses méandres.
Il est surpris, encore et toujours ; que l’on puisse ainsi dire des choses qui expriment l’exact contraire de ce qui est en train d’être dit. Comme si les mots devaient tromper leur monde. Par inadvertance. Ou par effraction. Bandits de petits chemins. Ces vieux poncifs sont si essorés qui ressemblent à des pantins de poussière.
C’est un samedi d’hiver en presque février en Lorraine.
Ciel bas et ciel blanc. Vent. Il fait froid.
60, 70 personnes sont venues. Habiter un peu le silence qui a pris la poudre d’escampette. Prendre de la seule chaleur qui vaut : celles des femmes et des hommes qui donnent, partagent, reçoivent, écoutent, pleurent, serrent les doigts, lisent quelques mots. Pour rappeler comme chaque vie, chaque vie, est unique dans son coin de territoire et comme chacune, chacun essaime à sa mesure.
C’est beaucoup, une vie.
Oui c’est beaucoup une vie mais je comprends qu’on puisse penser et dire que se n’est pas grand chose. Comme je comprends qu’on puisse dire une phrase et son contraire, je pense que je fais ça moi quand je ne fais pas bien, que je suis toute embrouillée dans mes angoisses comme qd je ne sors pas de mon moi je , c’est la même chose. Et je comprends aussi le « ta gueule' » que je pense, qu’on peut aussi avoir envie de me dire quand mes, les narines sont fermées, les yeux et surtout mon cœur. Joli texte très parlant.
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