La mienne profession m’offre parfois des moments d’une belle intensité émotionnelle. Ce peut être froid comme une visite officielle ministérielle. Et chaud comme des temps humains qui font pétiller les prunelles. Mardi soir puis jeudi, ce fut le cas.
Mardi soir. Six élus locaux se voient remettre une médaille. 20 ans de mandat pour cinq d’entre eux, l’honorariat pour l’autre.
Les médailles, on s’en fout. Ce qui s’est dit et vécu, on ne s’en fout pas.
Il y avait des yeux brillants, une attention des uns vis-à-vis des autres, des petits-enfants appelés à la rescousse, des phrases de Nelson Mandela, du rire aussi (comment un maire épingle une médaille à son adjointe qui porte robe au plongeant décolleté ?), des jeunes qui disent à leurs anciens comme ils ont su éclairer les boussoles parfois bien embrouillées de l’engagement local, des chemins qui se racontent, des conjointes et des conjoints salués au passage, parce que… sans lui, sans elle…
Cela s’est passé avec masques à visages ouverts dans une mairie, et de ces femmes et hommes politique-là, on n’en parle pas assez.
Surtout, vraiment, ils ne méritent pas ces abstentions et ces amalgames.
L’élu local est une pierre précieuse de l’édifice républicain qui va devenir denrée rare si ce qui ne cesse pas continue.
Unir et rassembler mieux qu’opposer. Débattre et s’engueuler mieux que s’ignorer. Etre présent mieux que laisser le vivre ensemble se narrer derrière des écrans ou pire, se déliter dans le vide, la défiance, le fiel.
Jeudi après-midi. Tout autre décor et en partant ce sentiment que l’on vit tellement dans une société à l’envers que forcément, c’est ceux qui sont exclus qui donnent la leçon. Alors ils n’ont pas les mots, pas les diplômes, n’occupent pas les fonctions les plus prestigieuses, ne se costument pas ni se fardent les paupières, et pour cause : il et elles sont déficients mentaux. Ils vivent et travaillent dans ces lieux de vie qu’on cache derrière des sigles, comme ESAT, ou avant CAT. D’autres mots pour dire pareil, au fond : c’est là qu’ils bossent, quoi. Et ce jeudi, l’association qui se mobilise pour les employer (300 sur ce site l’air de rien !) proposait des binômes entre les uns et nous, les valides comme on dit en parlant du handicap, un peu comme la Province n’existe qu’à Paris. Ils font fi de tout ça. Et la leçon vient de leur joie. De leur bonne humeur. De leur fierté à nous montrer ce qu’ils font, comment. Quel choc quand dans tant d’endroits soit disant « valides », c’est soupe à la grimace et gueule dans le cul !
Comme souvent, il y a des situations où on devrait dire ta gueule. Parce qu’en d’autres situations, on dit simplement merci.
Merci d’être vous.
Merci de m’avoir permis de vous croiser.
Juste quelques heures. Un mardi. Un jeudi.