#365. Corona circus (année 1)

Journal de bord d’un Lorrain au fil des jours de la crise sanitaire et de tout ce qui va avec dans les différents quartiers de ma vie. Mises à jour régulières.

Lundi 15 mars

Mais quelle émotion, quelle émotion ! Un an, les amies et les amis : un an ! 1 an ! Un nan ? Hein ? Nan ! Un an tout pile aujourd’hui que l’on y est, que l’on y est encore, que l’on y est toujours dans la révolution sanitaire qui agite tout le bordel ! ca fait quelque chose, quand même ! Et ça ressemble un peu à ces lieux où il y a eu des travaux et l’endroit a été profondément chamboulé : on peine à se souvenir de l’avant, voire on ne s’en souvient pas du tout. Un an, bordel de nom de dieu de vingt bois !
J’écrivais ceci, au lancement de ce corona circus / le journal :
 » Je réfléchis. Beaucoup. Je m’informe. Un peu. Je liste. Ce que je peux faire pas faire. Les personnes fragiles que je connais. Je pense aussi à elles. Je pense aux soignants et à tous ces métiers où le geste barrière est impossible. La aussi je me demande ce que je peux faire. Pour les aider. Garder leurs mômes ? Faire leurs courses ? Ne pas tomber malade ? Je me dis aussi que l’art est un putain de chouette médicament. Même a domicile. Les bouquins la musique et toutes ces ressources sur le net. On a de quoi faire (…) J’ai des pensées con également. Plein. Je les garde sous le coude 😉 un exemple quand même : jai oublié d’aller chez le coiffeur. Je pense qu’on sera tous un peu cromagnon un jour de l’After. Horde d’hirsutes.
Et puis en ce dimanche aussi voter. C’est devenu couillon d’un coup ce scrutin. A la fois hâte de régler ce détail. J’irai voter évidemment. Je projette, enfin. Vais pouvoir faire des choses pour lesquelles je manquais de temps et voilà que ce temps est là. Tout ramène a l’intérieur de soi finalement ; en prendre soin. Beau projet. Bonne action. Pas courant depuis ces cinquante dernières années que la société incite a cela.
Quoi qu’il en coûte. Il fait froid dans le dos ce quoi qu’il en coûte macronien prononcé l’autre soir. Si peu d’empathie. Et pourtant. Et pourtant. Ce quoi qu’il en coûte, en indécrottable et paisible idéaliste que je suis persiste et signe, je l’entends. Ce jour 1 du corona circus se fait sur la pointe des pieds. Pour l’instant
« .
La vache !
Je ne vais pas vous faire le coup du bilan. On a chacun le nôtre. On en reparlera le moment venu. Puisque dedans jusqu’au cou nous sommes. Encore ou toujours, je ne sais quel adverbe choisir.
Aujourd’hui, un peu dans la foulée d’hier, j’ai plutôt envie de de lire d’autres choses.
Par exemple, adresser un immense « CHAPEAU LES GENS ! ». Toi, toi, et aussi toi. Oui, toi le jeune, toi le moins jeune. Oui, toi le vieux, le plus vieux, le moins vieux. Toi aussi le soignant, le pompier, le garagiste, l’aide à domicile, le fils et la fille, le père et la mère. Et toi également, derrière tes fenêtres, depuis si longtemps finalement. Et toi, évidemment, le caissier, la caissière, le jeune à scooter ou à vélo qui livre, le libraire, l’artiste qui en chie sa race. Vous toutes et tous, privés d’horizons, mastiqués par la broyeuse et ses perpétuelles incantations paradoxales. Et toi, le malade, du covid ou d’autre chose, si courageux etb courageuses.
CHAPEAU LES GENS car comme le chantait Brel, On n’oublie rien. Rien de rien. Rien du tout.
Un an plus tard, nous sommes toujours là, pas tous, mais presque, même si de plus en plus las. De moins en moins lalalala. Pas du tout tralalère. Pas encore trafalgar. Mais nous sentons bien que la fameuse et fumeuse théorie du ruissellement est en train de bruisser dans les campagnes et les chaumières.
Un ruissellement auquel visiblement nos « irresponsables gouvernants » ne travent que goutte.
La digue tient mais la perfusion ne suffit plus tout à fait.
Alors le ruissellement. Ou plutôt les ruissellements. Car s’il y a les bons, qui vont vers, qui sont pour, ces paroles qui se libèrent, ses manifestations pacifiques, ces interventions intelligentes, il y a aussi les ruissellement plus pourris, qui frappent en mode caché, derrière les fenêtres, justement, ou de nuit. A l’abri des regards. A taper sur enfants, femmes, hommes, journalistes, élus, démocratie. Un an, et on est toujours coincés dans l’auberge, celle où l’on gamberge, où l’on converge, où l’on diverge.
Avec tous ces masques….
Pourtant, depuis un an, on peut pas dire que ce soit carnaval tous les jours.
Alors je nous souhaite de la passion (et de la patience), du courage (et aussi du courage), de l’envie (et de la vie), des liens (et pas des baillons), des sourires.
Un jour viendra, nous nous embrasserons.
Et nous embrasserons à tour de bras.
Bises sanitaire sur le nez.

Ambiance sonore 2


Dimanche 14 mars

Parfois, le moment vient d’avoir envie de lire d’autres « choses » sur tout ce qui se passe dans les coulisses de cette satanée crise sanitaire.
Je trouve peu alors je vais produire. Et narrer, ici, la très belle expérience vécue en mode volontariat mercredi et vendredi. Une expérience  » hommage ».  » Hommages » en fait. Je me suis immergé dans la plateforme téléphonique vaccination du coin. Cela m’a donné envie de raconter ce qu’il se passe de l’autre côté du téléphone.

Trois salles, entre 20 et 40 personnes par jour, des téléphones, des ordinateurs. Du café. Un sandwich le midi (et un produit laitier). Des femmes, surtout, et des hommes, un peu. Acteurs d’une plateforme créée en janvier dernier. Ils travaillent au CHRU, ou dans des collectivités locales. Ce sont les voix. Ils viennent de Musées, de secrétariats, de piscines, bref, des agents publics de la santé et de la territoriale.
A la tête du vaisseau : l’agence régionale de la santé et le CHRU.
Le logiciel : Doctolib. C’est là que s’inscrivent les personnes pour être vaccinées. C’est à partir de lui que nous fixons les rendez-vous ou les annulons, selon les demandes. Les infos tombent en temps réel, en fonction des doses disponibles, des lieux de vaccination. Quelqu’un vient parfois annoncer que tel endroit, c’est terminé, mais que pour tel autre, on peut y aller.
Durant mes deux journées, j’ai passé et reçu environ 120 coups de fils. Durée moyenne : 6 minutes. J’ai pris le temps de l’échange. On ne nous a pas non plus demandé de l’abattage.
Essentiellement de la bienveillance et du calme côté plateforme.
Essentiellement de la gentillesse et du soulagement côté appelants.
Une seule galère : une femme âgée, sourde, à qui ce fut épique d’indiquer les jours et heures de vaccination, les lieux, de lui demander des informations sur son adresse, etc. Le moment bleuglerie vécu avec des sourires gênés vis à vis des collègues, des sourires complices, en fait.
Quelques connards mais peu. Ce couple, qui décroche en disant ah quand même, l’état se réveille, et qui me dit un peu plus tard, quand je l’informe que je suis volontaire, pas un professionnel de santé, ah bon, en plus, l’état prend des bénévoles !
Plein de beaux échanges, surtout. Essentiellement.
Cette dame, 85 ans, qui attendait depuis longtemps dans son coin de campagne, qui m’a offert un café chez elle, après que je me sois planté dans les validations et qu’il ait fallu tout recommencer. « Si ça marche, vous venez chez moi, si on doit faire une troisième fois, je viens chez vous » elle me dit, pudique, prenant les notes difficilement, Parkinson oblige, la voix pleine de soleil et de sourire, hâte d’aller se promener ; ce monsieur de 80 ans, me confiant que j’étais la première personne avec qui il parlait depuis plusieurs mois, et avec qui nous causons littérature, Arté, et qui me lit quelques lignes de son bouquin du moment. La vie de Picasso. Il a hâte de pouvoir aller voir ses enfants. Et tous les autres, calmes, patients, remerciant, têtes bien faites, très informés et parfois trop : vendredi matin, c’était la valse des annulations après que des infos négatives aient été diffusées sur le Astra.
Peu de triche, en fait, et des échanges par moments forçant l’humilité, quand à moins de 75 ans, on doit « justifier » de problèmes de santé afin de s’inscrire. Où l’on se retrouve à parler cancer, greffe du Coeur…
Et du coup, simplement dire qu’il y a derrière toutes nos indignations, nos ras-le-bol, nos questionnements, nos incompréhensions, des femmes et des hommes, des étudiants, des volontaires qui se sont de l’autre côté du téléphone et qui donnent, soudain, des visages et de l’humanité. Fier d’en avoir fait partie deux jours. Et épaté par celles et ceux qui font cela tous les jours depuis trois mois.
9 h – 17 h. Rincé le soir. Mais empli de quelque chose. De bien.

Samedi 13 mars

Ambiance sonore

Dans deux jours…
Le corona circus a débuté ici le 15 mars 2020.
Dans deux jours… un an déjà, un an seulement.
Bougie mieux que lueur. Peut-être que j’en déposerai une à ma fenêtre, tiens. Si le vent soufflera moins qu’en ce samedi.
Un aide-mémoire sonore me confirme qu’une année s’est écoulée : ces saloperies de #corbacs de nouveau en pleine ébullition, en plein printemps et en pleine nidification. Piaillements, coups d’ailes, coups de becs. C’est sonore. Ca démarre tôt le matin. Ca se termine le soir.
Nous avons les mêmes horaires… 6 h – 18 h, et que je m’ébroue, que je passe d’un nid à l’autre, que je me fous sur le bec avec les rivaux.
Nos vies seraient devenues comme celles de ces bestioles, la nidification sociale en moins ?
Ben merde, alors.
C’est que l’air de rien, la question n’est pas tant qu’avons-nous fait de cette année, mais bien que sommes-nous devenus ? Qui sommes-nous aujourd’hui que nous n’étions pas hier ? On y croyait au monde d’après à l’époque sans se douter à quel point avant, il y a le monde de maintenant à escalader, ou à explorer par ses fosses souterraines. On rampe. On crampe. Des choses tiennent encore, des digues ne valdinguent pas, et cela force le respect parce que devant nos yeux et nos oreilles, « élites » et « médias » continuent sans trembler à parler de nous, et ce sont ne pas forcément des lapsus, en terme d’anonymes, d’invisibles, de con-citoyens. En termes masculins et féminins. Anonymes, invisibles, con-citoyennes. Gestes barrières. restrictions. Termes militaires pour bien gonfler la voilure.
On se sent insultés par ces gros mots. Je me sens insulté. On insulte les anciens et les jeunes. On insulte les vies qui soudain ont été baptisées « non essentielles »
Cette année pour nous n’a pas été cette année pour eux. L’essentiel pour eux n’est pas le nôtre. Et de fractures en fractures, on va finir par découvrir ce qui est évident : la french démocratie est en lambeaux. Le fronton de ses mairies un mensonge. Et il y a mieux à faire que maintenir en mode je colmate mais ça pisse de partout : construire. Construire une France d’aujourd’hui. Dans le monde d’aujourd’hui. Un peu marre qu’on nous maintienne les pieds dans des godasses qui ressemblent à des chaussures de ski fixées sur leurs planches, bloquées en 1789, en 1918, en 1945. 2021, les gars ! 2021 ! C’est finit le temps où 2000 était un horizon, où 2040 était loin.
Longtemps, je n’ai pas osé le croire tant cela me semblait gros, mais force est de le reconnaître : nous n’avons ni les mêmes calendriers, ni les mêmes dictionnaires.
Pas les mêmes calendriers : eux pensent 2022, élections. Pas nous. On s’en fiche. Complet. Ont veut des trucs tous cons. Sortir sans regarder sa montre, aller boire un coût dans un café, faire des kilomètres pour voir la mer, la plaine ou la montagne. Continuer à se laver les mains.
Pas les mêmes dictionnaires : on réclame une vie normale pendant que la leur n’a guère changé ; le quoi qu’il en coûte n’était pas financier, ça ils s’en fichent, il était humain. Nous pensions qu’ils nous parlaient d’argent. Ils évoquaient de la chair humaine.
Un an après, on peut voir en effet qui sont les sacrifiés de la République.
On peut sentir le choc des valeurs. Ce qui est important pour les uns, ce qui est important pour les autres, avec dans l’ère quelque chose d’irréconciliable.
Tant mieux.

Mardi 2 mars

Une invitée de marque, aujourd’hui, dans ce corona journal. Une lectrice, sans doute, de ce palpitant carnet de bord : #victoriaabril herself, qu’une mienne connaissance m’a suggéré de lui demander des droits d’auteur. Mais que nenni évidemment. Solidarité capillaire, même ! La dame vient en effet de déclarer ceci :

Se présentant sans masque, l’actrice a commencé à aborder ce sujet en évoquant sa longue chevelure : « Je ne me couperai pas les cheveux tant que mes libertés ne sont pas rétablies. » Elle a ensuite expliqué : « La vie ne peut pas se résumer à la peur, la crainte de mourir vous empêche de vivre. Il y a quelque chose de pire que de perdre la vie, c’est de perdre sa raison de vivre. C’est un coronacircus ! » Décidée à dénoncer ce qui la révolte, la comédienne de 61 ans a poursuivi : « Ce ne sont plus des théories du complot. (…) Le vaccin prend deux mois à fonctionner, et il est directement testé sur les êtres humains, qui deviennent des cobayes. » Selon l’actrice, « la solution, c’est le retour à l’immunité collective, comme la Suède l’a fait » avant d’ajouter : « Pour le moment, nous avons plus de décès avec le vaccin que sans le vaccin. Ce que raconte la télévision est une chose, mais ce qu’on peut lire sur les forums scientifiques, c’est autre chose. On y apprend des choses impressionnantes.« 
« La seule chose que vous avez le droit de faire, c’est dormir »
La star des années 1990, qui vivait jusqu’à présent en France, a décidé de s’installer en Espagne, plus précisément à Malaga, pour ne plus subir les restrictions imposées par le gouvernement français. « La seule chose que veut Macron, c’est nous retirer nos droits. En France, on ne peut rien faire, ni danser, ni se rencontrer. La seule chose que vous avez le droit de faire, c’est dormir (…) La vie ne peut pas être juste ça. Depuis un an, nous prenons le métro, nous travaillons, et nous nous nous rendormons« , a-t-elle martelé avec colère.

Lundi 15 février

Franchement, quand on le peut, un auto confinement pour se déconfiner de la masse absurde qui ne cesse de nous tomber dessus comme averse, c’est une bonne idée.
Me suis offert ça il y a quelques jours. Il y avait toujours l’hiver et le 18 h, bien sûr ; le virus qui rôde, avec ses « variants » ; les gens qui en parlent, les masques dans les rues, etc. Mais c’est moins pesant et la dynamique mérite d’être conservée. Ca laisse de la place. Disons plutôt : ça en fait, de la place.
Pour de la musique, pour de la lecture, pour du rangement, pour du recul.
Se doucher de la crasse mieux qu’être douché par elle.
Un truc tout con, par exemple : le prisme. Remettre un peu le sien devant la charrue et devant les boeufs, c’est pas trop crétin. Remettre de la pensée à l’endroit, c’est aussi raisonner et retrouver le goût de ses drotis. Et pas que des d’interdictions et des devoirs. Pensée Ferré avec son génial  » ce qui est encombrant, avec la morale, c’est que c’est toujours celle des autres « . Et aussi :  » Ceux qui ont les idées tournent en rond « . Alors remettre un peu d’hirsute et d’angles en biais, avec respect et discernement bien sûr, c’est agréable au vu de tout ce qu’on se prend dans et sur la gueule depuis maintenant 305 jours : des interdictions, des devoirs et avec, cortèges nerveux, coktails ambiance délation, regards suspicieux, comportements peureux. Cela aussi ça use. Je ne me plains pas, j’ai chance de pouvoir continuer à mener une vie quasi normale, avec un boulot qui n’est ni planté ni suspendu, bien au contraire.
Et donc le prime… Un truc tout con : le décentrage.
Sur le coup, j’avoue joyeusement, j’ai pensé à Vichy, mais ce serait provoquer…
Alors disons une autre ville. Voire un autre village. Donzy, par exemple. Commune de 1 700 habitants réputée pour voter à chaque fois « comme la France » (on dit les donziais, les habitants).
On pourrait aussi aller dans l’Eure (qui suit) à Louviers. Voire si on veut taper plus grand à Bourges (Cher). On peut aussi aller à Châteaudun, dans l’Eure-et-Loire, ou à Annemasse, en Haute-Savoie. Pour quoi faire ?
Ben pour que décrétant un confinement, le gouvernement et ses services se confinent eux aussi et changent de prisme, justement, histoire de patauger dans une boue différente, de considérer la crise autrement que vue depuis Paris et les métropoles. C’était quoi qu’il en coupe qu’il eût fallu entendre l’autre jours de mars 2020 au lieu de quoi qu’il en coûte. Bon, pour les bleds, les 3 000 habitants supplémentaires voire les 523 000 si décentralise aussi les ministères, ça va faire bordel. Va falloir construire des salles, peut-être amener le haut débit s’il n’est pas encore là, quoi que l’ADSL, ça ferait des pattes à celles et ceux qui croient qu’hors leurs murs, tout est moderne à souhait. J’en ficherais alors mon billet que beaucoup de choses différentes seraient.

Samedi 30 janvier

Reprenant pour quelques instants, quelques instants seulement, l’image du  » Nous sommes en guerre » lancée il y a 289 jours par le jeune homme qui nous raconte de si belles histoires de la France et de l’Europe, la si grande France et la si belle Europe, mais nom de Dieu quelle belle idée l’Europe vous ne trouvez pas, logiciel rayé on y reviendra, je me disais que vues du ciel, nos cohortes de 66 millions de légionnaires procureurs s’ébrouant le long de la ligne de front doit ressembler à un sacré bordel. Ca doit partir dans tous les sens, en journée. Puis à 18 h ça s’arrête et vers 6 h du matin ça reprend. Aux lieux déserts succèdent des lieux bondés sans que l’on comprenne, toujours vu du ciel, à quoi cela peut bien correspondre.
Et donc, cela va continuer pendant quelques jours encore, quelques semaines peut-être, peu importe au fond, sans que l’on sache exactement ce que l’on attend. Des jours meilleurs c’est sûr. Mais en vrai ?
Que des vaccins arrivent ?
Que le pétage de gueule généralisé ait lieu le plus tard possible ?
Ou alord on copie sur le cahier du voisin ?
A moins qu’on colle au plus près des prochains congés scolaires pour faire d’une pierre plein de coups ?

Notez comme dès que l’on parle covid, c’est la valse ds points d’interrogations.
Pourtant, qu’est-ce que nous sommes informés ! Nom de bois ! Ca tombe comme vache qui passe, ça n’arrête point, presque le tournis. L’histoire sans fin pour de vrai. Cacophonie et cacaphonie oeuvrent de concert puisque la culture est à terre. Le tri est âpre, je ne vous apprends rien.
Nous sommes informés. Mais plus par des informations.
C’est l’une des page étrange de cette écriture collective de la page d’histoire en direct live que nous déposons sur le cahier des jours.

Machinalement, je lisais tout à l’heure un truc sur SANOFI et l’institut Pasteur. Grosso modo, ça disait que la France avait sacrément de la traîne. J’ai l’impression qu’on dit ça de beaucoup de choses, depuis bientôt un an. Après qu’on ait temps listé les « oubliés de la crise » et les « invisibles de la crise ». J’ajoute qu’on peut aussi en dire tout autant de cette bonne vieille Europe, cette si belle Europe, ce si beau territoire ouvert et sans frontières… Ben déso, mais perso, jamais autant entendu parler de frontières, moi.
Avec cette dernière en date : dès demain soir, on ferme.
La si grande et généreuse France se recroqueville tant et plus et a « décidé » que c’était chacun son covid, maintenant. Le tien t’appartient, tu le gardes, et tu montres patte blanche si tu t’aventures dans mes contrées.
Ah, la grande France et la grande Europe !

Avez-vous remarqué comme de masque à mascarade, il n’y a finalement pas loin et dans ce bain bouillonnant, c’est justement en rade que l’on retrouve la si grande nation des droits de l’homme.Ô, on ne le découvre pas. On se doutait bien tout au long de ces dernières années que ça chiffonnait. L’équation insoluble soumise tous les cinq ans à des mathématiciens de pacotille car c’est tout cela que l’on paie aujourd’hui, et que nos demains paieront chers maintenant que l’on se prive soi-même de nos libertés non qu’elles aient été exprimées mais bien qu’on ait cru qu’on les avait ces libertés, alors que pas vraiment et pour certains, pas du tout.

Oui, de masque à mascarade, il n’y a que quelques lettres, et si les masques ne tombent pas, force est de reconnaître que si à toute crise son mérite, celui de celle-ci est de bien montrer tout ce qui a été laissé en plan dans un passé proche qu’il serait feint et vain de vouloir ignorer. La recherche, l’école, le collège, le lycée, l’université, la justice, tout ce qui est du domaine de l’état, quoi, c’est une belle grosse merde, aujourd’hui, à force de gestion coupe gorge, de délabrement entretenu, etc.

L’ironie ? C’est que de toutes ces « politiques d’état », l’armée est l’une des seules à n’avoir rien vu baisser bien au contraire. Elle est censée être la deuxième du monde. Alors que nous sommes en guerre, donc, ça nous fait une belle jambe, non ?

Dimanche 24 janvier

Un mot nous manque et tout est dépeuplé. Ce mot est CONFIANCE. Combien sommes-nous à chercher dans le grand dépotoir ?
Trois mots rayés : Liberté EgalitéFraternité
Des paroles qui résonnent (raisonnent) bizarrement… [chant des partisans puis un couplet de la Marseillaise].
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne / Ami, entends-tu le vol noir du corbeau sur la plaine… Quoi ! Des cohortes étrangères / Feraient la loi dans nos foyers ! Quoi ! Des phalanges mercenaires / terrasseraient nos fiers guerriers !

Ad Nauséam*…
En ce dimanche, parcourant le net, des jeunes filles de 13 ans. Une lutte. Qui sera gagnante… Bien sûr, les médias ne relaient que les « stars » qui font porte-voix, mais partout, des femmes et des hommes qui n’en veulent pas, qui n’en peuvent plus mais. On voit décidément des trains qui déraillent de partout. A se demander s’ils sont lancés sur des rails. Ou alors ces derniers si peu entretenus depuis toutes ces années sont comme des dents qui se déchaussent. Notre démocratie République Pays a le palu.
Le Sénat a voté, le parlement retoquera, mais ad nauseam quand même.
Encore un mot, en tout cas, consentement, qui vient du droit et qui se retrouve dans nos chaumières, sous nos paupières, là n’est pas sa place.
J’aime mieux : quand c’est non c’est pas oui. Voire c’est non. Voire c’est pas oui donc c’est non.
Mais en ces temps de galopade technocratique, on n’est plus à un mot complexe près.

Ad Nauséam…
Les enfants jouent – non, six doses dans la fiole, non cinq doses, non six doses et je boude et je te donne pas de nouveaux gâteaux, non cinq doses et tu arrêtes de bouder, et vous là-bas, je peux venir avec vous, j’ai une nouvelle idée : et si en plus on proposait d’étaler dans le temps les deux vaccins, ça ferait grimper les statistiques, vous en dites quoi les copines et les copains, d’la bonne idée non ? D’accord haute autorité, d’accord mais cinq doses dans la fiole, non, six doses.
Personne pour dire ça suffit en attendant sanofi…
On a donné les clés du camion, le camion et le pognon aux enfants…

Ad Nauséam…
Les vaccins en Afrique ? Que dalle.

Ad Nauséam…
L’orchestre gouvernemental s’est remis en mode gilette pour gérer la crise. On coupe le poil avec plusieurs lames. 1) Soldat Véran au front et sur le terrain pour le moment, ça faisait longtemps. Il écope, avec ses balles, il jongle, dans un océan oui mais non peut-être sans doute pas quoique mais on attend... On attend… 1er étage de la fusée des annonces entre bien sûr fuites organisées et interventions intermédiaires du « porte parole du gouvernement », gonflage de la montgolfière médiatique. A venir 2) puis 3) : le PM puis le PR. Comprenez le premier ministre et le président de la république. Sans majuscules.
Pendant ce temps-là, sur le terrain, au local, l’autre France, celle du réel, se coltine les impacts et les balles perdues, les incohérences et les menottes. Les vieux lâchent quand c’est pas le covid. Les autres tiennent à leurs branches limées. Un rideau se couche sur nos jours à 18 h. Se lève à 6 h. L’heure des braves.
Au pays du en même temps, on attend, monsieur, et si ce qui est prioritaire, c’est quèe ce qu’on peut faire, en vrai, c’est tout ce qu’on ne peut pas faire qui prime. Mode usure. Création diabolique. Au local, dans la France réelle, on veut agir, solutionner, réuissir… mais ça doit passer par des feux verts qui sont donnés par celui qui donne les feux rouges. Le gouvernement… Et tous ses boucliers.. Alors hop, de dossier en dossier, 283 jours d’errance plus tard, on remet une pièce dans le bousin… Masques, tests, vaccins… Circulez, y’a rien à voir disait l’autre pendant que Devos nous narrait l’innérable circulation à un rond-point. Pensée pour Ferré. Les idées courbes. La morale des autres.


Ad Nauseam…
On inocule (en attendant) de nouvelles « réalités » au fil des jours, des semaines. En ce moment, c’est variant, qui a la cote. Comme par hasard, ces variants viennent comme s’ils avaient été convoqués.
Anglais, toi, le variant ? Bon, ok, tu peux entrer. Africain ? D’accord aussi. Brésilien ? Ca roule..
Combien d’autres sous la semelle, les amies et les amis ?
Combien dans la manche, en joker ?

Ad Nauséam…
Perversité… Supporte plus cette manière de ne rendre que la maladie responsable.
Nos états écoutez bien, regardez bien, avec leurs bonnes tronche de confipote, ne font que s’excuser, de dire désolé, comme tout le monde maintenant dit désolé, sans une once de désolation. C’est de conseils d’attaque dont on a besoin pas de conseils de défenses qui se réunissent le jour où y’a pas école. C’est de cap humain dont on veut pas de recommandations de scientifiques, technocratiques, juridiques, économiques, plastiques, pique et pique…
Nos états, écoutez bien, regardez bien, nous la jouent mais nous aussi sommes que des victimes de cette rafle épidémiologique. Alors ils procèdent. En fourbes. En petites bites.
On confine pas. On coupe l’herbe sous le pied. On confine pas mais pas on ferme à 18 h, pas d’apéro. On interdit les remontées mécaniques pas le ski, on ferme les salles de spectacles, les salles de sport, les animations, les loisirs, les médiathèques… Mais on interdit pas, hein. On interdit pas.
Franchement, ne trouvez-vous pas que les peudo remèdes sont pire que le mal ?ou le « pseudo remède » ?

Ad Nauséam…
C’est bien une guerre qui se conduit quoi qu’il en coûte, et moi au début je pensais que non ; j’avais compris que c’était une guerre contre un virus dont on parlait, et que le quoi qu’il en coûte ne décrivait que du pognon.
Naïf que je fus…
C’est surtout une guerre contre les femmes et les hommes qui encombrent d’autres femmes et d’autres hommes, qui se joue sous nos yeux planétarisés. Chair à canon, candide, qui tend l’épaule au seringues, le pif aux cotons tiges. Les envoyés spéciaux du front, les futurs médaillés qui joncheront les cimetières dédiés. Car en ces temps comptables, même les chiffres sur lesquels ont s’appuie temps se gourent. L’italie a confiné par erreur une région.
Sûrement la faute au stagiaire.
Ad Nauséam…

* Cette expression latine nous vient de la Rome Antique (bien qu’elle fût également utilisée par les Grecs). Elle signifie jusqu’à la nausée et servait à qualifier les raisonnements des philosophes sophistes. Ceux-ci répétaient inlassablement les mêmes choses (fausses ou non) dans l’idée de convaincre le public (jusqu’au lavage de cerveau).

Dimanche 17 janvier
J’avoue : j’ai décroché cette semaine du grand cirque barbare. Cessé de suivre les courbes mathématiques, pressé soudain de retrouver le printemps et l’hiver, pour je l’espère suivre des yeux d’autres courbes. A la place, j’ai ondulé dans le grand théâtre blanc qui s’est déposé sur nos villes et nos campagnes. De la bonne blanche. De la fraîche, qui tombe et retombe avec appétit. De la pure, qui apporte un peu de paix, de ouate, de douceur dans ce corona circus aux dents acérées, et maintenant aux seringues brandies.
J’avoue : 276 jours, ça use. Je vois tant d’adaptations, de dignité, de peur aussi alentour que plus ça va et plus le bal des faux culs et des vrais cons me sort par les trous de nez. 276 jours à recenser tous les oubliés qui encaissent tant mal que bien. 276 jours où ce qui tombe comme chape n’est pas la blanche neige mais tous ces nains qui nous prennent pour des billes. Une carotte dans le cul du bonhomme de neige pendant que nos yeux charbon.
J’avoue : mon admiration, ma bienveillance, ma fierté même parfois quand je vois, sens, lit, regarde toutes ces femmes et ces hommes assumer réellement une situation inédite, qui donne au « pendant ce temps là » un relief étrange, car bien sûr, la vie continue et pour toutes et tous – non non non elle ne s’est pas arrêtée une seule seconde, la vie, sauf à emboiter le pas borgne de celles et ceux qui veulent qu’on pense que leur vie est la nôtre et que si l’économie s’arrête la vie s’arrête mais pas du tout. En vrai elle s’arrête pour celles et ceux qui n’en peuvent plus, qui ne peuvent plus, qui ne veulent plus, sinon elle ne s’arrête pas la preuve : pendant ce temps là, un taré griffe à honte un drapeau qu’il croit sien, on s’excite sur des réseaux sociaux, des dents longues spéculent sur tout ce qui fait rimer crise avec gains ; pendant ce temps des migrants claquent de froid dans des montagnes redevenues frontières, dans des barques qui veulent gagner l’Angleterre, dans des villes française où on les laisse avant de les exclure face caméra ; pendant ce temps-là, partout, des femmes et des hommes luttent au quotidien pour qui maintenir une activité, un métier, une entreprise, entre résistance et résilience, créativité et paperasse administrative. Les jours se lèvent tard et se couchent tard. Car non, les journées ne se terminent pas non plus à 18 h.
Reconnaissance en ce dimanche blanc sur la Lorraine : pendant ce temps-là, celles et ceux qui tiennent le pays, les pays, ne méritent pas d’être à ce point les vraies cibles du « quoi qu’il en coûte ». Et parce que j’ai décidé de ne plus employer de ces termes guerriers de pacotille qui sont venus enrichir puis salir nos univers dans ce brouillard numérisé qu’on appelle le cloud et qui tel un baissé de frog géant, je ne parlerai pas de lignes et de boucliers, de papiers à brandir pour dire si, madame, monsieur, si j’ai le droit de sortir de chez moi.
J’avoue : on ne sait plus où donner de la liste. On ne sait plus si on doit relever tout ce qui n’a a priori pas de sens ou ce tout qui en a encore ; on ne sait plus ce qu’est une information ; on ne sait plus c’est quoi l’actualité ; on ne sait plus si obéir c’est mieux que désobéir. Je sens ça et là des graines de révolte lisser des échines courbées et fourbues qui n’ont pas rendu leur dernier mot.
Laisse tomber la neige, on dit en Lorraine, dans un bel exemple de pragmatisme fataliste et néanmoins résolu.
Les roseaux plient. Ne rompent pas.
Que n’ai-je…

Dimanche 10 janvier

Photo : https://www.lindependant.fr/2021/01/09/espagne-tempete-filomena-les-images-de-madrid-sous-la-neige-9301290.php

Il neige à Madrid et Pascal Obispo a eu peur de mourir. Une femme s’est s’évanouie dans la nature depuis bientôt un mois et un gang d’adolescentes et venu fritter un voisin. A Lyon, un étudiant a dit stop et une manifestation s’est tenue en soutien aux organisateurs d’une fête le 31 décembre.
En consultant mes sources d’informations parallèles aux médias officiels et dominants, histoire d’entendre d’autres sons de cloches, allant même jusqu’à lire des « débats » sur les réseaux sociaux pour « sentir » comment ça va la France, j’entends une mélopée disgracieuse et disséminée qui ressemble à des post-its collés sur des listes déjà longues. Collés dessous.
Pétages de plombs « ordinaires », statistiques à gogo, faits divers foldingues pourrait-on penser, si l’on ne pensait pas qu’aucune vie n’est ordinaire.
Aux six coins de l’hexagone, des tensions s’exacerbent et ne font que quelques lignes dans les gazettes voire zéro. Le mystère des portes fermées, là où fomentent les grands drames des « petites vies », comme on pourrait dire, si tenté et je ne le pense pas que des petites vies ça existe.
Nous sommes tous égales et égaux devant la pandémie, prêts à endiguer, tenaces, même si des tarés de bords différents dont le point commun est a minima d’être des tarés, qu’ils s’enrichissent en se frottant les mains de leurs mauvaises bonnes actions (la gueule tout sourire du type devenu le plus riche du monde quand il apprend qu’il est devenu l’homme le plus riche du monde !!!) ou qu’ils envahissent des lieux avec des croix gammées sous des moumoutes de chasseurs tatoués qui ne se cachent plus ; à Blois, on a annulé une vente aux enchères d’objets nazis.
Il neige à Madrid et Pascal Obispo a eu peur de mourir. Donald ne peut plus jouer les mickeys sur twitter. Pause des pouces c’est tout. Il lui reste le majeur. Comme ce commissaire qui a envoyé des voeux raciste et qui donc, bien sûr, a été suspendu. Ou ce ministre de la justice qui voit s’ouvrir une information judiciaire et que le « Ministre de l’intérieur » appuie sur des boutons moraux lui qui ferait mieux de rendre son tablier. Pendant ce temps-là, des millions de femmes et d’hommes voient le jour social s’éteindre en même temps que le jour s’éteint à l’heure d’hiver : à 18 h. Le covid attend que ces même personnes se réveillent quand que le jour n’est pas encore levé et on repart pour un tour. De vis. De tourniquet. Brinquebalés d’échéances « peut-être » en échéances « bientôt », d’échéances « attention » en échéances « pyromanes » histoire de préparer chacun comme mouton ; depuis mars 2020, bientôt un an déjà, bientôt un an seulement, un long serpent s’est mis à nous onduler dessus et nous on fait mine de s’y habituer alors qu’on vrai, on ne s’y habitue pas.
Il neige à Madrid et Pascal Obispo a eu peur de mourir. Les violences conjugales ont augmenté de 60 % lors du deuxième confinement et plus de couples ont fait l’amour sur leur temps de télétravail sans que l’on sache s’il y a là deux informations ou si il y a lien de cause à effet. Pendant que peu s’ouvre après s’être tant fermé, à la stupéfaction générale bien sûr, Pôle emploi se prépare à une déferlante en 2021 et chacun pourra se mettre en arrêt maladie. Sinon, on cause pendant qu’il neige à Madrid et que Pascal Obispo a eu si peur de mourir : après les masques, le racisme, le sexisme, on remet ça sur le vaccin prêts pour en remettre des couches sur les effets secondaires.
Heureusement, l’état français est bien entouré : en plus de tous ses « experts », 4 cabinets privés le conseillent sur la manière de gérer la crise.

Vendredi 8 janvier

Parle-t-on assez en règle générale des grands moments de solitude que nous rencontrons parfois dans nos quotidiens ? Je suis tenté de penser que non. Nous nous coupons alors malheureusement de lumineuses fragrances, d’instants de haute philosophie, le tout les mains dans le cambouis. En l’occurrence pour ce qui me concerne, les mains dans la merde. Mais soyons précis : ce grand moment de solitude puise sa source, si je puis dire, d’un matériel défectueux. Lui-même investi par nos soins malgré nous alors qu’un défaut de fabrication était constaté dans les travaux qu’alors nous avions entrepris ou plutôt fait entreprendre à des professionnels. Cet épisode m’avait à l’époque marqué car un ouvrier du BTP sous son bonnet et son expérience avait dit d’emblée, ça le fera pas. Son patron et l’architecte l’avaient rabroué du haut de leur « savoir » en disant, si si, ça va le faire. Ca ne l’a pas fait. Pente insuffisante et investissement, donc, dans une pompe de relevage. Pour faire court : cette pompe permet à la merde et autres déjections lde quitter notre maison pour s’en aller rejoindre les égouts (dont je me rends compte pour la première fois à quel point ce mot est proche de dégoût). Sauf quand la pompe ne fonctionne pas. Ou plus. Ce qui est le cas en ce moment. Le moment de solitude est le suivant : nanti d’un saut, vous plongez dans la fosse et vous enlevez le liquide qui stagne. Ceci à plusieurs reprises. Deux fois par semaine. Mais où est l’instant de philosophie, vous demandez-vous à juste titre ? Il arrive il arrive. Ce faisant, je songeais à la métaphore dans laquelle je plongeais malgré moi. Cette idée qu’il faut puiser la merde car la pompe ne fonctionne plus. Cela m’a fait penser à ce que nous vivons en ce moment. La pompe a lâché. Elle a fait péter les plombs de la maison (c’est comme ça qu’on a su que la pompe était à minima dans le coma, au pire kaput, diagnostic en court). Faut mettre les mains dans la merde pour écoper. Et écoper encore.
Le corona circus, c’est un peu la même chose.
La pompe a pété. On attend pour la remplacer. Et on demande aux autres d’écoper. On étant un con par définition.
Cela ne me dérange pas d’écoper compte tenu de la bagarre qui est mondialement engagée pour soigner la saloperie.
Ca me dérange davantage ce que « on » est en train de fabriquer. Pas une pompe de relevage, non. Une forme de purge qui ne dit pas son nom et qui pue autant que mes mains quand j’ai eu fini de vider mes sauts du trou. Une purge qui dézingue à tout va les plus pauvres, les plus vieux, les plus jeunes, les plus indépendants, les plus petits commerçants, les plus artistes. Une purge qui expose dangereusement à des chocs celles et ceux qui soignent, accompagnent, instruisent, ramassent nos poubelles, bossent sur des chantiers.
Une purge qui me donne envie de vider la cuve de ma pompe, d’y lancer on est un con, d’aller aux chiottes et de tirer la chasse et hop, tchao.
Mais ce n’était qu’un moment de solitude. Qu’un essai de philosopie de caniveau. Toujours tant qu’on a pas changé le moteur la merde revient. Encore et encore. C’est son destin de merde.
PS : ironie ++, la marque de ma pompe est Feka. Fallait la trouver, celle-ci !

Image chipée sur le net. Ce n’est malheureusement pas tout à fait l’allure de Feka VX 550.

Lundi 4 janvier

Incontestablement, pour moi, l’info du jour, ce furent trois infos.
La première, c’est que le 10 août 2008 on m’avait fait cette photo que je suis dessus mais je vous dis pas où et franchement, ben c’est cool à partager maintenant, cette image, à cette heure-ci, en plus : 18 h 19, le stop and go du moment nous a poussé dans nos masures à 18 h. Quelques collègues en ont eu quelques sueurs, car tous les métiers ne s’arrêtent pas de manière aussi tapante. Cette photo, c’était à Belle-île-en-Mer. A Palais. Aux marches du palais, même. Et en ce moment, j’ai de furieuses envies de Belle-île-en-Mer.

Seconde info, plus coronavissée celle-ci, débarquée dans ma boite email : le nombre de français vaccinés. Cette statistique, surtout. Ce chiffre, en fait : ce lundi matin, 0,0008 % des Français avaient été vaccinés, selon le très sérieux site Covid Tracker. Plus que 59,9992 % pour atteindre 60 %, premier seuil d’immunité collective à ce qu’il paraît. 516 personnes. 0,1 % des doses reçues. A cela un air de « voilà voilà » qui dit rien mais qui dit… que… enfin bref. A toutes fins utiles, que vous soyez pour ou contre la piquouze, voici le lien pour accéder au #vaccintracker.

Troisième et dernière info du jour, neigeuse quoi qu’ici en plaine dans cette belle Lorraine il ne neige pas, pas encore, ou pas assez : Un million de milliards de flocons tombent sur terre chaque seconde. Assez pour que chaque humain puisse modeler un bonhomme de neige toutes les 10 minutes. Ca vous la coupe non ?

Dimanche 3 janvier

Alors, c’était comment ? Ben c’était super. Je suis arrivé à la maison à 17 h 57. Me sentant privilégié, quand même : toute la France ne peut pas en dire autant. J’étais juste avant en balade dans la Meuse, puis je buvais un merveilleux capuccino chez mon fils à Nancy quand soudain, ô putain, merde, faut que je rentre…
Voilà comment elle commence cette année : faut que je rentre… Sinon je vais dépasser les 18 h… et la arbeit polizei va me tomber dessus.
Chemin faisant, j’ai remarqué que nous étions nombreux sur la route et que l’air de rien, à mesure que nous approchions de l’heure couperet fixée donc pour ce qui nous concerne à 18 h, ça roulait plus vite que d’ordinaire. Je réfléchissais le pied sur le champignon. Car en ces temps où l’on s’essaie chacune et chacun à bien définir pour nous ce qui essentiel et ce qui ne l’est pas, pendant que côté gouvernement on le fait sans queue ni tête apparemment et cela ne nous convient pas, je me disais une fois encore que les mots ne sont jamais anodins. Ils nous recouvrent d’une enveloppe qui n’est pas forcément la bonne et qui fait des dégâts par les pores.
Chemin faisant, donc, j’ai décidé de ne pas employer l’expression qui nous a été une fois encore assénée avec deux heures d’avance. Je dis une fois encore, parce qu’on ne dira jamais assez que ce que l’on appelle le Grand Est et qui pour moi demeure à tout jamais la Lorraine paie en général assez cher son côté avant poste frontalier. Fut-ce une invisible frontière avec ce nouvel empêcheur de tourner en rond qu’est le virus au nom de bière. Car aussi je continue à le nommer ainsi. On donne bien des prénoms aux tempêtes, maintenant.
Donc je ne prononcerai plus les mots qu’on nous fout sous la cagoule dans une pseudo rhétorique guerrière avec des mots d’hier qui, en fait, non, que nenni, nada, que pouic n’avaient pas disparu du tout quoi que nous en pensions y compris dans nos songes les plus fous.
Faisons plus simple : il y a donc une pandémie. Nous sommes conviés à faire en sorte qu’elle n’aggrave pas son cas (et les nôtres). Et comme visiblement, cela ne satisfait personne, nous ne sommes pas conviés en réalité. Des types avec des ciseaux, des maillets et des pioches, des cravates, des belles chemises, des calculettes et des bunkers, après avoir tant piétiné, tant consulté, sont en train de parfaire l’oeuvre et rien ne dit qu’ils en sont conscients.
L’oeuvre n’est absolument pas le terme qui convient.
Carnage est plus juste. Sinistre entreprise plus doux à l’oreille quoique.
Prenez un pays, une nation, sa langue, sa devise.
Mondialisez. Shaker. Remuez dans tous les sens.
Et vous avez nous maintenant, enfants d’un lent détricotage dont personnellement, je peine à trouver les racines mais quelque chose me dit que c’est à peu près au même moment ou en état de choc, pas encore pétrolier, ce pays panse ses pierres et pleure ses morts, ne rêve que de paix au sortir de trois guerres, Lorraine en tête, puisque chez nous, ça a quand même pas mal déglingué entre 1870 et 1945. Et un, et deux, et trois…
Bref, égalité mon cul, liberté tagueule et fraternité non.
Voilà.
Perso, à cinquante balais, ne me demandez pas de faire comme tous ces inconséquents. De laisser porter le chapeau à mes enfants et à mes petits-enfants. Je pense que contrairement à bien d’autres dont la mémoire semble s’effacer comme neige au soleil, je ne serais pas hyper bien à l’heure de le quitter, ce monde, avec ce poids dans la ganache.
Alors on remet l’ouvrage sur le métier ?
Dignité. Humanité. Equité. C’est un beau programme et je sais qu’il est ridicule à poursuivre dans mon jardin. Ridicule et pourtant ? L’est-il tant que cela ?
Ce n’est pas lui au fond qui l’est, mais mon seul jardin… dans ce vaste monde… Peuplé de toutes ces femmes et de tous ces hommes pour qui vivre est l’essentiel. D’ailleurs, en parlant d’essentiel, j’ai retrouvé dans mes archives prémonitoires « Le livre de l’essentiel » (Albin Michel éditions / 1995). J’ai pas mal d’autres mots en réserve si besoin.
Voici les verbes de l’essentiel, je vous les dépose. D’autres sont possibles comme se soigner, festoyer, travailler, jouer, prendre soin de soi, s’endormir, enfanter ou encore s’éveiller, se lever, bouger, paresser, créer, s’affirmer, s’engager, donner, remercier…

Vendredi 1er janvier 2021

Ce sont des associations d’idées qui se baladent dans la cambuse de mon cerveau, et qui en ce jour 1 de l’an 21, m’ont fait penser fichtre diantre… aux frêres Jacques. Groupe que les moins de je sais pas combien d’ans n’ont jamais connu. C’est précisément la chanson « La confiture ça dégouline » qui m’est venue à l’esprit (vous la trouverez un peu plus bas).
Il y a un an, mon père à son tour s’en allait et à l’époque, on ne disait pas emporté par le covid (que je continue à évoquer en mode masculin, parce qu’une saloperie, c’est un covid). Il avait été au bout, et même un peu au-delà. Il aimait cette formation musicale, ce mélange de chant et de théâtre, et ces mots simples pour dire plus loin que le bout de son nez. Changez par exemple le mot confiture. Parce que vous voulez, exemple la connerie. Ou La covid. Ca donne ceci : La connerie / la covid ça dégouline / Ça coule coule sur les mains / Ça passe par les trous de la tartine / Pourquoi y a-t-il des trous dans le pain ? Bien sûr on peut avec du beurre / Les trous on peut bien les boucher / Ça ne sert à rien c’est un leurre / Car ça coule par les côtés / Faudrait contrôler sa tartine / La tenir droite exactement
On la met en bouche elle s’incline / ça coule irrémédiablement / Et ça vous coule dans la manche / Et ça vous longe le pourpoint / De l’avant-bras jusqu’à la hanche / (etc.)
Pas que la pensée paternelle, bien sûr, en ce jour pas que de 1 de l’an 21, puisque 260 du corona monde. Alors des choses changent. Si cette année ça a moins susurré par sms, sur les réseaux sociaux, ça dégouline sec, les en voeux-tu en voilà, avec des variantes selon les humeurs. Je te dis bonne année mais je le pense pas, je te le dis pas mais je le pense, je te le dis et je le pense, je te le dis mais pas trop fort presqu’en silence, je te le dis et j’y crois à fond cette fois, je te le dis parce que pire que 2020 ça peut pas, etc.
C’est diversifié, cette année.
J’ai vu aussi des images de réveillons comme jamais : les rues vides dans Paris, les grands axes avec plein de gens en bleu près de véhicules boule à facette bleue, comme un écho à celles dans des appartements. Crissements de feux d’artificies ça et là. Un 31 décembre pas comme les autres et à la fois si un peu : cette année, on cherche moins le nombre de voitures brûlées et le curseur des moralisateurs à deux balles s’éclatent à débusquer les qui ont pas souhaité faire à six max, les pas gentils, les qui ont triché. Ce matin (il est en effet 14 h 25 et le 1er janvier, c’est le matin), condoléances à ceux qui se sont fait choper car cette année, 135 balles par personnes minimum. Et je pouffe en pensant à tous les pas vus pas pris. Je devrais pas pouffer, je sais. mais je pouffe. La confiture… Quand elle dégouline… un peu comme de la vaseline… Plus que de la biafine… Je salue avec force respect toutes celles et ceux qui n’ont pas forcément fait comme si mais qui ont fait quand même, boules à facettes dans les appartements, musique en bandoulière, à cinq, à six ou à huîtres, téléphones en mode caméra et hop, on partage.
Bravo.
Perso, nouvel an très cool à la casa, c’était parfait pour moi, un an après, 260 jours plus tard, moins pour les miens qui aiment ces moments de fêtes et de retrouvailles Moi qui ne boit pas, me saoûlent ces agapes, je suis vite aux abois. Quand alentour ça déroule. Biberons comme des pelles.
Bonne tartine à toutes et tous !
Et à votre santé, papa et maman, maman et papa.

Mardi 29 décembre

Moi, un truc qui m’intéresse, mais je peine à trouver des informations, comme c’est surprenant n’est-il pas, c’est de connaître ce que « perrmet » cette pandémie mondiale. Puisqu’elle n’est pas sans impacts négatifs, elle n’est donc pas sans impacts positifs. Quels sont-ils ?
C’est en lisant ce passage que je me suis dit, ben oui, au fait. Pas con ! « Des plages tropicales alignant leurs transats vides aux canaux de Venise libérés des embouteillages de gondoles, l’épidémie de Covid-19 a des effets particulièrement sensibles et visibles sur le tourisme globalisé ». Un mot, alors, me saute à la gueule, le garnement et ce mot, c’est répit. On a besoin de répit. Toutes et tous. Besoin de pêrspectives, certes, mais surtout de répit. Pas de tout mettre en pause, non, mais simplement de pouvoir souffler un peu, de cracher la crasse qui nous abîme, et de prendre un peu d’oxygène ailleurs que dans un hôpital.
I have a dream, a little : puisque visiblement, tout est immédiat genre on a les chiffres des mecs à peine ils ont pas encore le covid, pourquoi que par exemple on ne saurait pas je sais pas moi, combien de saloperies en moins on a déversé dans les cours d’eaux, combien d’arbre ne sont pas mort, combien de sites revivent, combien d’animaux ont été peinards : bref, l’empreinte de l’homme fermant un peu son clapet, ça dit quoi une fois qu’on pleure pas dans nos canapés sur tout ce qui bouge et ne bouge pas ?
My dream est cinglos, j’en ai conscience : bien moins alléchant de prime abord ce traitement de la pandémie. Mais de prime abord seulement. Parce que l’air de rien, alors que tout le monde ou presque se désespère, ça donnerait un peu d’air et de perspectives. Du matos pour penser et panser le monde d’après, comme on disait fut un temps, c’est à dire il y a longtemps, c’est à dire il y a quelques mois seulement. Cinglos, parce que je me doute que ça fissurerait pas mal de murs déjà bien lézardés. Cinglos parce que de bons sens, donc pas susceptible de faire en sorte qu’on se fute sur la gueule.
Mais franchement, je préfère de loin ce cinglos là à ce que je vois outre Atlantique comme on dit. Un type et ses conseillers, seuls au monde, qui dézinguent tout comme des gamins énervés parce qu’ils ont perdu à des élections. Un principe de réalité violent qui en dit long sur le côté infantile de celles et ceux qui dans le même temps nous usent de recommandations et de leçons de morales. Faut dire que si on allait plutôt du côté des leçons de moral, ils seraient forts dépourvus face au peuple dont ils ne voient qu’une masse grouillante pourtant bien divisée.
Moi, j’observe que pas mal de gens témoignent avoir aimé finalement le premier confinement. Parce que soudain, c’était calme. C’était un répit. Et comme il prend sens, alors, ce mot, comme il est doux, même, à l’oreille : répit.
N’est-ce pas au fond de cela dont nous avons le plus besoin ? Le plus envie ?
Pour délaisser quelques instants, quelques instants seulement, les regards inquiets qui pèsent sur les nuques de nos anciens et de nos jeunes, se délester quelques instants, quelques instants seulement, du sac à merde qu’on nous inflige dans ce ballet infernal d’actualité dont la mission n’est plus d’informer mais d’alimenter des flux et d’engraisser le data.

Répit. Commençons le pied ferme et le doigt souple avec une douce mélopée… Connaissez-vous la polonaise Hania Rani ? Son bandcamp pour acheter ses disques est ici.

Flash. Back. Les Guignols de l’info. Et le célèbre « tout de suite la suite ». C’est cela, je crois, l’insupportable du corona circus : ce « on attend la suite ». Dans une impuissance collective qui ne me donne même plus envie de guetter les infos, de regarder ce qui se trame côté gestionnaires de notre république. Le maintenant est constamment sacrifié. Suspendu. Pendu, même. Chacun isolé. A attendre comme chiotte et chiot de « savoir » que l’on peut, ce que l’on ne peut pas ; si pour moi, ça ne mange pas trop de pain, ça ne m’empêche ni de bosser ni de sortir prendre l’air, ni de chauffer du cuir chevelu dans un appartement tout petit sans vue, sans arbres, sans nature, je ne cesse de penser à celles et ceux qui depuis 256 jours maintenant vivent dans cette apnée qui me fait penser, autre flash back, à cette blague du type qui se suicide du haut d’un immeuble et qui à chaque étage, dit, pour l’instant, ça va. C’est cela qu’on attend de savoir ? Franchement, chapeau les gens même si l’on sent que les positions se durcissent et les barrières sautent dans ce que l’on pense et ce que l’on dit, écrit, commente. Le « vivre ensemble » se prend une sacrée torgniole depuis 256 jours et pas seulement parce qu’il est organisé, ce délitement. Pour raisons sanitaires, bien sûr. Mais pas que.
D’où ce bémol : quel sens donner à ce « ça va » ?
Qu’est-ce qui va dans ce ça va ?
Si la question est résumée à j’ai pas chopé le covid ou je l’ai chopé mais ça va, la blague agit.
Mais elle vire aigre si on va plus loin que le bout du nez. Je vois plein de chiffres passer entre les gouttes du covid et ces chiffres-là, franchement, ils ne sont pas cool. Je ne vais pas en faire la liste ici, juste observer que les projecteurs se braquent à mon avis trop sur ce maintenant insaisissable et scientifique, sur ce « tout de suite la suite » et pas assez sur ce qui se passe aussi au moyen terme ; ok pour suspendre le long terme, mais ça n’empêche pas d’anticiper des choses, de s’adapter avec plus de bienveillance et de sens des responsabilité aux impacts et aux conséquences de tous ces tout de suite la suite ; on est dehors, et on attend.
La pluie. La foudre. La morve au nez. La neige. La cata.
On attend. On attend le tout de suite la suite.
Et ça n’est pas bon.
Que soigne-t-on ici que l’on ne rend pas malade là ? Quel est, quel sera le prix des casseroles que l’on traîne et que l’on fabrique ?
L’autre jour, j’ai lu je ne sais plus où que depuis le début de la pandémie, on avait privilégié la santé à l’économie.
J’ai failli m’étrangler en lisant cela. Comment peut-on dire ça ? L’écrire ? Le penser ? De quelle économie parle-ton ?
En ce lundi de télétravail pour moi, je pense à toutes celles et ceux qui, je l’espère, ont pu malgré tout quoi qu’il en coûte s’offrir une vraie pause de « magie » avec Noël.
Ce n’est pas ma tasse de thé, même ça me gonfle ces flonflons et ces flocons, mais cette année, j’ai senti que plus encore que les années d’avant, c’était nécessaire de remettre du rêve et du lien et de la pause et du sourire dans des quotidiens traumatisés. Surtout que Noël a été préféré au premier de l’an. Que je guette à mesure qu’il se rapproche. Car forcément, en arrière plan, vogue la vague idée et l’idée vague du post traumatique.

Samedi 19 décembre

J’étais très occupé à défricher dans les herbes folles de l’actualité si mal traitée où que l’on regarde, à tel point que moi, journaliste, j’en finis par me demander mais en fait, c’est quoi une information ? Très occupé, également, à avaler puis digérer ce qui nous tombe sur le poil, avec cette sensation que le lait déborde de la marmite, le couvercle tremble sous le feu brûlant.

Mais non, mais non, je ne lâche pas ce journal, je n’ai pas déserté le corona circus, d’ailleurs comment le pourrions-nous, il est partout et de tous les instants, celui-ci ; un « machin » sans fond ni fin, comme un trou qu’on creuse, aller au charbon, se vautrer dans l’énergie fossile. Oui, comment pourrions-nous vivre en dehors du corona circus, malgré tout ses efforts et les nôtres ?
Mon dernier test m’a dit « négatif » mec. Je n’ai donc pas chopé non plus la saloperie.En fait, j’attendais. Les « annonces ». Je scrutais les infos. Et quand je scrute, ça veut dire que je consulte au large pour faire mon idée. Pour trier. Et c’est tâche harassante car ça tire dans tous les coins. J’attendais de voir et de sentir – dédaut de savoir – à quelle sauce, à quel vaccin plutôt, serait finalement placée la trêve des confiseurs, comme on dit. Sauf cette année : ça sent pas trop la trêve, même si alentour, on se réjouit pour ceux qui ont un boulot d’être enfin en vacances, et l’on se prépare aux soirées réglementaires des 24 décembre (famille) et 31 décembre (copains). Visiblement, c’est pas simple…
J’attendais donc, sans m’attendre à du limpide.
De ce côté-là, je suis ravi. C’est parfaitement pas clair, ou si c’est clair, c’est parfaitement incompréhensible. Comme beaucoup, je ne comprends pas (ou ne comprend que trop) certaines décisions et comme beaucoup, je sature de ce flux qui sans cesse l’air de rien de manière insidieuse « nous prépare à la suite » en mode : ô putain, ça va être pire les gens, faisez gaffe, faisez pas les cons. Cette pseudo moralisation culpabilisatoire me saoûle.
J’attendais donc sans attendre de mettre à jour ce covid journal très occupé à défricher dans ls herbes folles de l’actualité si mal traitée où que l’on regarde, à tel point que moi, journaliste, j’en finis par me demander mais en fait, c’est quoi une information ? Très occupé, également, à avaler puis digérer ce qui nous tombe sur le poil, avec cette sensation que le lait déborde de la marmite, le couvercle tremble sous le feu brûlant.
Début 2020, je n’ai souhaité à personne une bonne année. Pour une raison simple : 2019 avait été putassière, avec trop de décès alentour, dont mes parents. Je n’avais pas le coeur à oser le bonne année bonne santé que la tradition m’avait contrainte à débiter le 1er janvier venu et pour un mois qui serait une grosse merde s’il n’y avait pas nous secourir les merveilleuses galettes des rois à la frangipane. Tout autre type de galette, soyons clair, ne mérite aucun respect.
Pour 2021, je ne serai pas un précurseur, je pense. Pas grande me semble-t-il n’aura besoin et envie de dire bonne année bonne santé surtout qu’avant d’en arriver là, ben Noël pue du cul. Sent le sapin. J’allais me lancer dans un art devinatoire sur le sujet mais à la place, je suis tombé sur une vidéo que je glisse ici avec grand plaisir. Tout est dit.

Jeudi 10 décembre

A la Saint Romaric, tu penseras moins au fric et plus à tes zygomatiques
Et à la Saint Romaric, aux Abonde, Melchiade, Miltiade, Sandou, Sosithée, Valère tu penseras.
Car demain, c’est la Saint Daniel.

J’attendais, je ne vous le cache pas. J’attendais cette séquence du confinement 2 bis ter, si je puis dire. Et j’ai. Nerveusement probablement mais j’ai ri. Sincèrement. De bon coeur. Style mais de quelle pantalonade sommes-nous au juste les témoins, les acteurs, attiffés de tous les rôles : les gentils, grâce à nous le virus ralentit sa cours ; les méchants, à cause de nous il ralentit pas assez vite ; les qui coûtent un pognon de dingue ; les qui embêtent la police qui a pas le temps de garder la paix maintenant qu’est force de l’ordre ; les problèmes et les solutions
Alors je l’attendais ce point presse. Je la guettais, cette mascarade de plus dont je n’attendais rien mais qui m’aura une fois encore permis d’entendre ces mots de couvre-feu, de ceci, de cela.
Peut-être est-ce le froid, qui s’est abattu sur la Lorraine ces derniers jours ; peut-être est-ce l’hiver, qui raccourcit les journées, allongent la nuit, dans un lugubre qui pour le coup fait que la pandémie est de saison ; peut-être est-ce mois de décembre, qui n’en finit pas, on dirait qu’il a commencé en septembre et qu’il ne va jamais se terminer ; oui, peut-être tout cela, et sans doute… plein d’autres choses encore…
Alors ces pupitres, ces mines masquées, ces costumes, ces langages médiatico-démocratico-sanitairo-économico-moralisateurs, soudain, ça a saturé. Bim.
Soudain, écoutant et lisant les gouvernementales annonces, je me suis vacciné, et ça m’a rappelé que le rire coûte pas une thune à la sécurité sociale. Je me suis vacciné à la manière de quelqu’un qui se met enfin à voir ce que mes yeux avaient pris en photos il y a quelques temps déjà.
La fumée blanche, la ronde sans fin des escaliers qui descendent et remontent les pentes, la nuit qui veut voir le jour, les oiseaux qui se barrent en souriant à la lune, les lumières qui n’éclairent que la poudre de brume, le voile des chemins incertains, les racines et les branches emmêlées comme un poing qui se sert, une beigne qui part.
Le ahahahahahah le plus sonore quoi que tout en intérieur m’est venu quand j’ai observé que le 24 décembre était open bar la nuit et pas le 31 décembre. Un ahahahahahah jaune, à vrai dire. La « fête » catho ok mais sans messe de minuit. La « fête » laïque, républicaine, civile non. ahahahahahah me suis-je dit, chocottes des feux d’artifices et des brûlages de bagnoles, et chocottent à juste titre, je pense, mais pensent-ils, pensons-nous sérieusement, deux secondes, que ces interdits interdiront quoi que ce soit ? A Lyon, au nez et à la barbe de tous, une nuit des lumières n’a-t-elle pas claqué dans le ciel, l’autre soir, avec les réactions ébahies et stupéfaites des « autorités » ?
Je les comprends, quelque part, ces « décideurs » qui tournent le truc dans tous les sens et je ne ahahahahahah pas de les sentir si sombres devant leurs miroirs teintés qui dégoulinent parfois de leurs fronts sous les projecteurs.
Alors rions, oui, marrons-nous, poiladons nous sinon personne ne le fera à notre place. Trinquons à la santé de toutes et tous devant nos ordinateurs qui fixent notre image d’un air torve, laconique, ridicule. Rions de ces capes noires qui viennent se ficher sur nos intérieurs barbouillés, rions de ces mis entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos têtes, rions à la pensée des colchiques dans les prés, des calendriers de l’après illisibles, juste parce que ça fait du bien de se trémousser.
Rions. Ce qui ne tue pas rend plus fort. Le reste on en reparlera. Mais pas ce soir.

Samedi 5 décembre

Exercice d’analyse de discours avec plein de fois le mot guerre qu’on croyait que c’était carotte et bâton mais en fait déjà c’était que bâton.


Discussion à double entrée avec gars de 22 ans, l’autre soir. La loi, le droit, les règles d’une part ; la communication d’autre part. Il ne comprend ou n’est pas d’accord avec certaines des logiques qui agitent ces deux domaines, précisément ces endroits en courbe où justement, ce n’est plus la logique qui prend le volant mais comment on la traduit, ce qu’on en fait, ou pas.
Je lui expose ce mien adage, toujours à remettre sur le terrain vague de nos humaines relations : la communication, c’est surtout celui qui la reçoit qui la fait.
Celui qui émet n’en est ni le maître, ni le propriétaire.
Du coup m’est venue l’envie de reprendre l’allocution du président de la « République » ».
Celle du 22 mars dernier, juste après le quopi qu’il en coûte dont on mesure mieux aujourd’hui qu’il ne parlait pas de thunes.
Celle qui lançait les hostilités, si je puis dire. La guerre. Ce que chacune et chacun d’entre nous a considéré à son niveau, avec sa lecture, ses prismes.
Pour info, la dite parole est en ligne, on peut la relire si on le souhaite en cliquant ici.
Maintenant qu’on en sait plus, maintenant qu’on a vécu plus de 200 jours dans le corona circus, certaines phrases dites alors prennent un tout autre autre relief.
D’emblée, le type se pose au-dessus. Le 16 mars, on est lundi. Il a déjà causé le jeudi précédent. Et tout part de là en vérité, quand il dit l’autre jour j’ai causé mais ça vous a semblé lointain, ce soir, on déconne plus, maintenant que j’ai parlé, la réalité est devenu concrète, brutale, vous ne pouvez plus nier les meufs et les mecs, au contraire, jeudi je vous dit que et paf ce lundi, c’est le bordel, il était temps que j’intervienne, c’est moi qui ai créé la pandémie je vous le dis.
En réel, ça donne ça : Jeudi soir, je me suis adressé à vous pour évoquer la crise sanitaire que traverse le pays. Jusqu’alors, l’épidémie de Covid-19 était peut-être pour certains d’entre vous une idée lointaine. Elle est devenue une réalité immédiate, pressante.
Après, ne lui faites pas dire ce qu’il n’a pas dit ! Ainsi, c’est clair ert là je cite : Tout notre engagement, toute notre énergie, toute notre force doivent se concentrer sur un seul objectif : ralentir la progression du virus. Ce qui n’est pas dit ici, c’est : votre santé n’est pas prioritaire. Ce qui compte, c’est de freiner la saloperie qui a gagné. On va juste ralentir, gagner du temps, éviter de surcharger nos hôpitaux. Tout cela se tient, évidemment.
Ce qui suit peut se résumer comme ceci : 1. Chacun d’entre nous doit à tout prix limiter le nombre de personnes avec qui il est en contact chaque jour. Les scientifiques le disent. 2. J’ai décidé de renforcer les mesures pour réduire nos déplacements et nos contacts au strict nécessaire. 3. Partout sur le territoire français, en métropole comme outre-mer, seuls doivent demeurer les trajets nécessaires. a) pour faire ses courses, b) pour se soigner ; c) pour aller travailler ; d) pour faire un peu d’activité physique ; e) toute infraction à ces règles sera sanctionnée. Au cas où ce ne soit pas clair, il conclut cette strophe, euh ce paragraphe : ce soir, je pose des règles nouvelles. Nous posons des interdits. Il y aura des contrôles.
Le bougre poursuit, avec deux digressions indiquant au passage que nous sommes devenus ses « chers » compatriotes (pognon de dingue) : 1. au fait, on annule le second tour des municipales. 2. Il nous est demandé de rester chacun chez soi et de garder le calme. Au passage, quelques conseils , ça ne dit pas le monde nous dans lequel nous vivons mais plutôt celui dans lequel certains vivent : il ne faut pas que les fausses informations circulent à tout-va (coupez internet, lisez pas les médias), occupez-vous des proches (salut à vous les 9 millions de personnes qui vivent seules), lisez (salut à vous les 60 % de français qui ne lisez jamais) et enfin ; retrouvez aussi ce sens de l’essentiel (euh….).
Et là, bim ! Je vous mets non pas un, non pas deux, non pas trois, non pas quatre, non pas cinq mais six « nous sommes en guerre » ! Pétard ça va chier !
Guerre 1 : Nous ne luttons ni contre une armée ni contre une autre nation, mais l’ennemi est là, invisible, insaisissable, et qui progresse. Et cela requiert notre mobilisation générale. Toute l’action du gouvernement et du Parlement doit être désormais tournée vers le combat contre l’épidémie, vous ne nous emmerdez pas, restez chez vous. Les gamins, faites pas chier ceux qui bossent.
Guerre 2 : J’appelle tous les acteurs politiques, économiques, sociaux, associatifs, tous les Français à s’inscrire dans cette union nationale (…) La Nation soutiendra ses enfants (en fait uniquement ceux des personnels soignants). Naissance de la première ligne. Et en filigrane, déjà, le fait que le vrai gouvernement, ce sont les scientifiques. Le type décide rien, c’est eux qui disent.
Guerre 3 : L’Etat paiera. Le pays accompagnera. On vous tient la main, les gens. La preuve : les armées apporteront aussi leur concours.
Guerre 4 : On ferme les frontières.
Guerre 5 : Dégâts collatéraux. Vous l’aurez compris, vous le pressentez, cette crise sanitaire sans précédent aura des conséquences humaines, sociales, économiques majeures. Pour les plus précaires, pour les plus démunis, pour les personnes isolées, nous ferons en sorte, avec les grandes associations, avec aussi les collectivités locales et leurs services, qu’ils puissent être nourris, protégés, que les services que nous leur devons soient assurés. Là, c’est plus l’état ni les scientifiques, les amies et les amis, c’est le local et les associations. la deuxième ligne qui ne dit pas son nom. Notez bien : jusque là aucun budget n’est évoqué, aucun chiffre n’est donné.
Mais Guerre 6 et là le quoi qu’il en coûte arrive : s’agissant des entreprises, nous mettons en place un dispositif exceptionnel de report de charges fiscales et sociales, de soutien au report d’échéances bancaires et de garanties de l’Etat à hauteur de 300 milliards d’euros. Les factures de gaz ou d’électricité ainsi que les loyers devront être suspendus (pour les entreprises).
Et pour finir, ceci : Nous gagnerons, mais cette période nous aura beaucoup appris. Notez la bancale attitude de cette seule phrase. On parle au futur avec une négation. Nous gagnerons… Mais… Et juste derrière, un petit dernier bim pour la route, attention les vraies infos sont là, compatibles avec les promesses de campagne élecorale, l’apothéose du en même temps plus fort que le ni ni, c’est open bar : beaucoup de certitudes, de convictions seront balayées, seront remises en cause. Beaucoup de choses que nous pensions impossibles adviennent. Ne nous laissons pas impressionner, agissons avec force, mais retenons cela, le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour aux jours d’avant. Nous aurons appris et je saurai aussi avec vous en tirer toutes conséquences. Toutes les conséquences.
Je vais m’arrêter là pour ce matin.
Juste un rappel électoral. En 2017, le président et ses amies et amis ont obtenu 8 656 346 voix (premier tour) puis 20 743 128 au second tour. Si 83 % des français n’ont au final pas voté pour eux , 17 % l’ont fait.
Et en règle général, même au pays flouté du en même temps, le type sert les siens.
La parole martiale ne nous est donc pas forcément destinée à nous autres les assis devant même si tout semble indiquer que si puisque nous accueillons ces paroles, ces adresses aux français comme le dit L’Elysée (françaises, on vous parle donc pas…), dans nos salons. Ou nos cuisines. Ou nos bagnoles.
Chacun chez soi, quoi.

Dimanche 22 novembre

Peut-être que tout simplement, ce papa qui fait du vélo avec ses enfants, qui regardent le bout de bois dans la rivière et s’esbaudissent face à l’arivièrissage d’un cygne rendu plus majestueux et plus immaculé encore avec le soleil automnal de ce dimanche matin hors de la zone, c’est l’image à conserver. La ligne de conduite à préférer à ce décompte permanent des chiffres dont on ne sait plus s’il s’agit d’un compte à rebours ou d’une litanie sans fin, chiffres qui finissent par ne plus rien dire sans doute parce que ce n’est à nous qu’ils s’adressent. Les écoutilles sont fermées et ce que l’on voit depuis nos hublots nous regarde et nous appartient, de préférence à l’incroyable liste des revendications, légitimes ou non, qui n’en finissent plus de tomber les unes avec les autres, dans un autre morbide décompte, celui des libertés qui s’empoisonnent, des lois qui s’amendent, et des amendes qui se brandissent. Celui d’un Noël qui approche et qui donne soudain envie à tous les amnésiques des années précédentes de le fêter, comme soudain d’autres qui ne lisent plus ont eu envie de rouler des pelles au moindre libraire qui passe.
La riposte fut pathétique. L’on préféra fermer là où le danger pandémique a plus de chances de voisiner que d’ouvrir là où ces mêmes chiffres disent que le danger ne pointait pas spécialement le bout de son nez. Mais il est des chiffres d’affaires, des chiffres à faire, quitte à faire glisser des vies, quitte à fracasser les petits.
Dans ce concert cacophonique, c’est devenu chose étrange, ce bout de bois qui flotte dans l’eau fraîche d’un matin d’automne, ce cygne qui brandit ses ailes, cette rivière qui, inlassable, va vers l’océan.
254ème jour d’un voyage qui transforme des prévisions en lois, des absurdies poussées jusqu’au vice, jusqu’au versa même, le règne farfelu d’une terreur mâtinée de carotte, qui recule masquée, dans une brutalité qui confine à l’atonie après tant d’année où au nom du progrès, il nous semblait que nous avancions. Quelques esprits éclairés, artistes, scientifiques, universitaires, certains depuis aussi longtemps que possible, allons même jusque chez Platon, avaient signifié, pourtant, signalé, même encore récemment mais le train ivre a poursuivi son chemin, très certainement parce que c’est son destin, possiblement aussi parce que personne ne sait comment l’arrêter.
C’est de cette ivresse dont il convient maintenant de s’extirper, à mesure que ce second confinement vaut moins que le premier, et que cette seconde vague malgré les cassandres dit bien que pour présente qu’elle soit, le décompte nous rappelle sans cesse comme l’on souffre dans les hôpitaux, comme les pompes funèbres ne connaissent pas la crise, la pandémie s’est muée en gigantesque miroir. Un miroir où excellent sorciers et sorcières, gourous et fanatiques, dans un langage que l’on croyait périmé. Il est des dates de préemption qui qui riment avec plus l’infini.
C’est la guerre, avait dit le petit homme dans l’ombre de sa mentrice et de ses financeurs, et inventons-là, puisqu’elle n’en était pas une. C’est l’union sacrée, aurait-il dut clamer, ce qu’il ne fit pas, ce qu’il n’a sans doute jamais pensé, ce que personne ne lui aurait accordé, chacun engoncé dans son pays virtuel, lui c’est le en même temps qui ne fait que diviser et soustraire là où toutes nos énergies eûent pu être mobilisées, s’additionner, se multiplier. D’autres zappent joyeusement la pandémie comme si elle n’était qu’un épiphomène et se projettent sur des échéances qui ne comptent que pour eux, hors du temps, loin de maintenant, si peu importantes au fond, tellement décalées aussi. Et que dire de celles et ceux qui éructent en sourdine jusqu’à imploser, ou qui éructent en tartines sur les réseaux déposées.
Nous voilà donc 254 jours après le début de cette nouvelle ère et plus ça va, plus l’on plonge dans une boue puante, nourrie de mots empoisonnés. A chacun son échelle du pyromane qui promet d’éteindre l’incendie.
Le petit bonhomme est lui-même instrument, lui-même marionnette de la parodie qui ne fait pas sourire du tout à mesure que se déglingue cette « liberté » dont nous avons si peu profité en moutons bien éduqués et dont nous mesurons à chaque ineptie comme ça va finir par nous manquer.
Alors sans vergogne, et sans ausweiss, profitant du luxe de vies provinciales où des animaux paissent dans les champs, où la nature n’a pu qu’être grignotées et pas dévorées, reprendre les fondamentaux.
Un père et ses deux enfants. Des yeux brillants. Un bout de bois qui flotte dans la rivière. Un cygne qui atterrit.

Samedi 14 novembre

Eh oui. Vous ne rêvez pas. 246ème jour qu’on est tombé du grand rocking chair mondial. Ca balance pas mal.
Nous sommes toujours en 2020, et nous vivons encore en apnée dans un monde ubuesque qui ne sait plus à quel barreau de l’échelle il est. Quoi que c’est très con ce que j’écris : le ubuesque n’est pas celui des autres ; on n’a pas attendu un virus pour savoir que ce monde était ubuesque. Et comme on dit, tout le monde n’est pas perdant dans cette affaire, quelles que soient les échelles, quels que soient les barreaux, quels que soient les bourreaux.
Cette semaine, j’ai fêté mon anniversaire. Confirmant mon ancrage dans la décennie des quinquas. Un bel âge.
Cette semaine, j’ai aussi connu le point final d’une partie de mon histoire, et avec de celle de ma famille : la vente officielle de la maison des parents, décédés en 2019 (content pour eux, je sais pas comment ils auraient vécu tout ça).
Cette semaine, j’ai vu débouler le documentaire hold-up et la manière dont il est à la fois flingué de toutes parts et regardé massivement (au point que je me suis permis de beaucoup lire dessus, de partager parfois, et que je me suis promis, le moment venu, de le regarder comme une bête de foire).
Cette semaine, j’ai surtout médité sur une phrase.
Celle qui est devenue en quelque sorte notre drôle de bouée et la masse en même temps avec laquelle ça pilonne, celle qui est brandie pour nous faire avaler couleuvres, vaseline et autres vessies et lanternes : les mesures de distanciations sociales servent à éviter aux services de santé d’être submergés.
Moi, j’aime bien rendre service.
Mais c’est assez étrange d’avoir recours à un virus dont je ne souffre pas directement de prendre la mesure de ce que le quinqua je suis vit depuis une quarantaine d’années maintenant.
Pendant ces années, j’ai connu une phase où l’on ne jurait que par le progrès. Puis une autre phase…
Les miens parents m’expliquaient comme c’était fabuleux, quand même, le progrès.
Tiens, me disaient-ils, tes grands-parents, connaissaient pas l’eau courante, l’électricité, la télévision, le téléphone. C’est quand même merveilleux, non ? Eux qui ont connu les guerres, qui se cachaient la nuit, qui vivaient dans un silence et des maladies qu’on ne soignait pas, et qu’on s’est mis à soigner.
Ils y croyaient. J’y croyais.
Même si plus tard, à mesure que le progrès continuait à galoper, que peu à peu, on a commencé à y mettre des guillemets, à ce « progrès », le SIDA puis le chômage sont venus taper la tronche à cette vision idéalisée d’un monde, d’une vie, où ce serait le bonheur le curseur, où tous serait derrière. La maladie, la guerre, etc.
A 20 piges, on est con, mais y’a quand même des trucs qu’à défaut de comprendre, on pressent.
Dans ce monde, en France, on n’a eu de cesse de déplorer le délitement social. Il me souvient mes juvéniles combats d’éducation populaire des années 1990 où nous vitupérions comme anguille sous roche dans le village après tous ces gens qui délaissaient la vie locale, les spectacles et autres à force de rester chez eux devant leur télé,
Nous étions loin, bien loin du compte, et bien trop occupés ensuite à prendre le virage d’internet, pour continuer sur ce chemin qui, pourtant, était juste. Mais tout s’est accéléré. La machine s’est emballée.
Un peu comme dans ce film où un train roule seul comme un cinglé et menace d’exploser une ville.
Cette semaine, enfin, j’ai aimé lire sur facebook ceci, que j’aurais adoré écrire tellement je le pense (et qu’aussi c’est cool de rappeler qu’on trouve aussi plein de choses intelligentes sur les réseaux sociaux).
J’en laisse maternité à son autrice si tenté est que ce soit son vrai nom (auquel cas si oui ça claque) : Martine Lagrenade. Ce texte, c’est celui-ci :
Mon sentiment c’est que personne ne comprend le sens de ce Virus ni comment il est VRAIMENT transmis, ni acceuilli par le corps ou non. On a une vague idée, mais rien n’est vraiment sûr. Et je crois que le souci se situe là, dans l’ignorance on cherche toujours un sens. Et si on ne le trouve pas, on en invente un, ou on se rallie à l’idée d’un sens.
La vérité c’est que tout cela n’a pas beaucoup de sens, cette pestilence est parmi nous, et nous nous sentons punis, soit par la maladie soit par l’enfermement pour l’éviter, soi-même comme aux autres. Tout ce qu’on vit par rapport à cela est punition. Et lorsqu’on vit une punition on cherche des gens à blâmer, on se rebelle en se disant que c’est trop injuste, et on réagit à criant sa tristesse, son désarroi. Tout cela n’est que souffrance. Souffrance de l’incompréhension.
Et si ce qu’on pouvait souhaiter à l’humanité, n’était pas d’essayer de comprendre mais de comprendre vraiment ? D’avoir accès une connaissance suppérieure, collective, qui s’étend à bien plus que l’humain ? Fustiger l’ignorance alors que réellement personne, ne sait vraiment ce qui se passe, pourquoi et comment ne fait pas avancer. Chercher qui a tort ou raison non plus.
Merci.

Dimanche 8 novembre

Donc…
– on part d’un pangolin ou d’une chauve-souris. En Chine. Ces jours-ci, sale temps pour les visons.
– on a un virus qui transforme le monde en mode pandémie. Comme on aime beaucoup le rétroviseur, cela permet d’évoquer Camus et sa peste, Orwell et son 1984, et plus récemment Jean Jaurès. A la fois, interdiction d’acheter des livres ailleurs que sur amazon sauf combines trouvées par des littéreux créatifs. (question : les artistes ne sont-ils bons qu’à produire de la matière pour ensuite rendre hommage à des victimes de frités du casque ???)
En 5 760 heures, nous avons appris plein de choses.
– D’abord que le virus était genré et avait muté. Le covid et devenu la covid.En vrai : on sait rien, on comprend rien. Ou alors on, qui est un con ne l’oublions pas, sait et ne dit pas tout à fait tout.
– Ensuite que ce virus a un pouvoir incroyable : dès qu’on confine, il fait beau. Idéal pour se promener max un kilomètre au-dessus de chez toi.Ballot en même temps.
– On a appris aussi ce covid était en mode random : il sort la nuit, il laisse les gens travailler le jour, il enferme chez eux celles et ceux qui ne travaillent pas, il fait une pause l’été pour permettre à chacun d’aller en vacances, il dispute ensuite ces mêmes gens que en gros ils sont partis en vacances, il fait une pause pendant les vacances suivants, celles de la Toussaint, mais après non, pas bien, fallait pas sortir les amis. Les gens, pardon.
– que les hôpitax sont au nout du rouleau, avec et surtout les soignants mais que que l’on continue à fermer des lits faute de milliards qui tombent du ciel soudainement mais qui curieusement sont affectés ailleurs. Pourtant on a bien compris que la santé était de l’ordre de l’essentiel contrairement par exemple et au hasard à la 5G.
– que le covid aime la culture populaire et médiévale mais pas toutes les autres formes de culture. De même, il préfère les sports télévisés et ferme les autres lieux où l’homo épidemicus pourrait au hasard se dtendre, nettoyer ses nerfs, prendre soin de son corps, vibrer un peu.
– que prendre l’air c’est bien mais que comme c’est à la ville qu’on décide de ce qu’il convient de faire, ben les ploucs ds cambrousses ont qu’à obtempérer. A défaut, ils cueillent des amendes que des hommes en bleu sont officiellement prêts à leur délivrer.
– que dans une société où il y a grande nécessité quand même de se faire du lien, ben on transforme tout en mode robocop. Le masque tu portes, d’un autre bipède tu t’éloigneras, tes anciens seuls tu laisseras, tes enfants au casse-pipe tu enverras, etc.
– que le covid refuse de faire ses courses en proximité avec quelques clients mais est d’accord pour que tout le monde aille s’empaler dans des granes surfaces bondées.
– Etc, etc.
345 600 minutes que nous sommes soumis à ce régime
– pendant que des femmes et des hommes se attent contre la saloperie qui devrait rassembler au nom d’un but commun et qui en réalité scinde encore plus des sociétés qui ne savent plus faire nation. Et je ne parle pas de l’Europe.
– pendant que le grand ballet des médias fout les jetons à toutes celles et ceux qui les regardent et les commentent en même temps c’est l’oeuf et la poule ce truc puisque plein de millions de gens sont confinés avec pas grand chose d’autre à faire parce que nettoyer sa maison, tondre sa pelouse, couper du bois, ça va cinq minutes quand même.
– pendant que dans le grand oeil invisible du cyclone, tout ce qui n’est pas évoqué encore pue du cul : les gens sont sur les nerfs, certains ont le caisson qui dérape, des femmes et des enfants sont chez leurs bourreaux, on coupe de perspectives tout ce qui pourrait en avoir besoin, au hasard des jeunes, et on pr »écipite dans le grand noir des vieux qui en ont soupé.
– la pandémie est présentée comme un prémisse, une avant garde de ce qui pourrait se profiler puisque pendant que le permafrost se dégèle, on continue joyeusement à claquer notre sale empreinte carbone sur toute forme de vie, et pourtant, ce prémisse se réduit aux deux mois qui viennent.
20 736 000 secondes de ce bordel ambiant et pourtant
– les experts continuent de donner des consignes à des politiques qui sont restés des technocrates et ont visiblement oublié que l’impunité n’était pas de mise puisque sur le papier, ils sont responsables.
– cette responsabilité, pourtant, ils la font porter à 65 millions de personnes en France et ailleurs, semblerait que ce soit le même tintouin.
– la société de comptable née du projet merveilleux de faire un pays avec 80 % e bâcheliers et tant pis pour les embarqués malgré eux dans ce « système » continuer de dénier le réel pour ne contempler que des chiffres et des tableaux et des courbes qui rappellent que l’équation est un peu aux maths ce que la question est à la philosophie.
– dans la vie, deux options : on raisonne problème, on réagit ; on raisonne solution, on agit. Désolé, mais là, pas de en même temps.
Voilà.
Jusqu’ici, tout va (presque) bien.

Ambiance sonore.

Samedi 7 novembre

C’est le temps du smog.
Vous savez, c’est cette brume brunâtre épaisse, provenant d’un mélange de polluants , qui limite la visibilité dans l’atmosphère. Avec, les nervosités et une peur ambiantes que l’on ressent mieux cet automne, je trouve, que durant le dernier printemps. Les timbres de voix sont moins assurées à mesure que les voies semblent comme le permafrost. Les regards sont plus troubles à mesure que la crise s’installe, les crises plutôt, puisque l’effet papillon fonctionne aussi dans ce cas là : on a bien compris que la crise sanitaire servait de masque à tout ce qui couvait et tout ce qui est secoué par le brutal changement de vies et de comportements qui nous sont demandés. Pas seulement par les gouvernants et le corps médical, soyons juste : par la maladie baladeuse, qui déjoue tous les pronostics, surprend tous les experts, déroute tous les malades.
Ce smog finalement est un peu le covid-19. Il n’est cependant pas tout à fait désagéable de moins se la péter.
On sait qu’on ne sait rien. On le savait mais on se se faisait croire le contraire. On regardait la maison attendant qu’elle brûle. On guettait les falaises, les icebergs et les eaux. On traquait la météo. C’est un virus qui est venu s’infiltrer plongeant nos sociétés officiellement prêtes mais en vrai pas du tout.
Ce covid qui smogue à tout va tout ce que nous touchons a transformé la planète comme un ordinateur qui s’est chopé un virus. Soudain, plus rien ne fonctionne.
Pour l’heure, on continue de compter. De mal compter. Le bordel américain en est une belle illustration. La sortie de l’Europe de l’Angleterre, qui s’y connaît en smog, en est une autre.
Même les pétatges de câbles chez nos élus nationaux se montrent sur les écrans.
Si ceux-là nous feraient sourire puisque la ouate ils préfèrent, dans la vraie vie, ils prêtent moins à cela.
Il suffit de mettre un peu son masque dehors pour ressentir et sentir la nervosité de beaucoup, les regards plus sombres ou carrément perdus, les mots tristes et délabrés.
Drôle d’ambiance où même les fêtes de fins d’année mettent à mal toutes celles et tous ceux qui, avant, disaient à quel point ça les emmerdait, cest fêtes. Et Noël entend-on ? Modeste luxe de ceux qui pensent que l’on peut encore se projeter comme si de rien n’était. Noël ? Ben on s’en bat les couilles, pour tout dire, cette année. On le fera en juillet 2021 s’il faut. Ou encore après. Ou pas.
Y’a plus urgent, en fait. A commencer par soigner, bien sûr. Mais pas que en mode médical. Soigner les relations humaines pour qu’elles ne se délitent pas trop. Soigner les maux bleus. Prévenir les déprime saisonnières s’il n’est pas trop tard. Remettre devant ses yeux autant que faire se peut de l’amour et de la beauté. Car rien n’est parti. Mais cela ne tombe plus dans le bec de l’oisillon dans son nid. Faut serrer les dents et aller chercher. Plus qu’avant. Plus que d’habitude. Et sortir du smog.

Dimanche 1er novembre

C’est une règle toute personnelle que j’ai repérée je ne sais plus quand et que j’observe le plus souvent possible.
Je l’appelle la règle des trois jours. C’est le temps que je « laisse » au temps pour organiser ma pensée, prendre du recul, ne pas tout vivre ou commenter sous le joug de l’émotion.
C’est souvent de bon conseil. De bon aloi.
Par rapport à l’annonce du confinement acte 2, j’ai donc laissé passer un peu de temps pour sentir, voir comment ça s’emmenchait, cette affaire. Je suis rarement déçu.
Ainsi ce débat autour des commerces.
Traité sur la forme, source de désobéissances et d’arrêtés, moteur de cris d’orfaie, il est révélateur des injonctions contradictoires des uns et des autres et la cacophonie masque le plus important je crois : nous voilà à débattre sur ce qui est essentiel et ce qui ne l’est pas.
Certes, comme d’habitude en ces temps nerveux, c’est sous forme de colère, de revendications que ça se fait.
Mais au fond, la question mérite sacrément d’être posée ! Qu’est-ce qui, en 2020, est essentiel ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ?
Tout est tellement divisé et individualisé que chacun verra bien sûr midi à sa porte.Et il y a fort à parier que si chacune et chacun dit ce qui est essentiel, non pour lui et lui seul, mais à l’échelle de la société, sûr qu’on aura 65 millions de lois. Alors nous pourrons joyeusement dire que nos gouvernants sont des cons.
Actuellement, une seule chose est essentielle : la santé. Tout le reste en découle et Saint Covid 19 le rappelle malgré la surdité ambiante.
Si effectivement la santé était l’essentiel, alors on procéderait autrement.
Un état providence fondé sur les jours heureux tel que la France protégerait effectivement les plus fragiles. A mesure que le temps passe, on les connaît mieux. On peut donc agir. A plusieurs reprises l’autre soir, le « président » a évoqué des décisions difficiles à prendre. Depuis, c’est vrai, il n’a pas été aidé : resurgissent des attentats trop ciblés pour n’être que l’acte désespéré d’un ciinglé isolé ; pendant qu’à léchelle du village monde, chacun y va de sa religion et de sa folie (pléonasme parfois).
Les décisions difficiles, selon moi, ne sont pas prises.
Comme souvent, les constats sont bons. Mais les moyens débloqués ne vont pas là où il faudrait.
Un seul exemple : on sait maintenant que le covid attaque là où ça fait mal. Lorsque l’on a plusieurs pathologies. Un âge avancé. Ou que faute de moyens, on vit à 12 sans le sous dans des tours et des appartements.
La santé est l’essentiel ? Eh bien puisque l’on peut sortir des milliards à gogo, allonz’y courageusement. Pour les Français (sondage IFOP), le budget minimum pour vivre en France est de 1 760 €. Ce niveau de revenus est 70% plus élevé que le seuil de pauvreté.
10 millions de personnes sont estimées pauvres en France.
Donc go ! Pour raison de crise sanitaire, mettons en pause l’attirail indescriptible des « aides », et créons un revenu de solidarité de 1 760 €.
Comme par hasard, plein de choses évolueront : certains pourront consommer pas que de la merde et donc créer des revenus chez les producteurs et commerçants locaux. Ils continueront d’engraisser Amazon et compagnie, les fournisseurs de téléphones, les banques et les mutuelles, les opérteurs internet : donc pas d’écroulement de ce côté, tanquillisez les actionnaires.

Samedi 31 octobre

Jeudi : comme un vent de panique semble souffler dans les petites villes. Des bagnoles partout, dans tous les sens. Des coiffeurs saturés. Ce covid n’en finit pas d’être surprenant par ses accélérations et ses ralentissements. Il se couchait plus tôt, avais-je noté maintenant que la nuit tombe à 18 h et que dans certains endroits, elle se décrétait à 21 h. J’ai regretté que les villes et départements où le couvre feu avait été décrété n’aient pas poussé la logique jusqu’à éteindre les éclairages publics. Ca eût pu avoir de la gueule mais ça n’en a pas eu le temps.
Vendredi : route du sud vers l’est pour rentrer se confiner. La veille, je m’étais dit, merde faut que je fasse attention, ça va être blindé de monde, et puis comme éclairé durant la nuit, le matin, je me lève en me disant, ben non, tu es con ou quoi, pas la peine de regarder, tout le monde est confiné, ça va rouler comme billard. La vérité ? Entre les deux. Des bouchons, des accidents, un changement de lettre vers Lyon (N7 au lieu de A7), et cette étrange sensation à mesure que je quittais les grosses zones urbaines pour me diriger vers l’est profond d’une désertion progressive. De moins en moins de monde sur les routes, quasi personne dans les stations. Un autre monde qui semble se mettre en place petit à petit.
Samedi : au doigt mouillé, je dirais qu’en effet, ce confinement est comme en mars dernier mais en pas pareil. Re ballet des tondeuses et autres occupations dans les masures, mais pas le même silence, plus de voitures.
A suivre…

Jeudi 29 octobre

9 h 30. Digestion. Préparation du retour. Je viens de me rendre compte que les coiffeurs seraient fermés. Première catastrophe. En même temps, j’aime aussi cette crise pour ça : on a plein de premières. Ce sera donc ma première séquence de tourisme capillaire. Me suis fait avoir la dernière fois. Si les échoppes ne sont pas trop blindées ce jour, on pourra dire que j’ai retenu la leçon.
Hier soir, c’est dans ma voiture entre La Coulète, DN7, et Tourves, DN7 également, que j’ai écouté le « Président ». Après une magique balade entre Cannes et Castellane. La Route Napoléon. Puis les gorges du Verdon, mais de nuit. Entre les deux, des couleurs automnales et une géographie à couper le souffle. Un détour mystique. Mais j’y reviendrai.
Le président, donc. A la radio, c’est presque moins pénible finalement. Mais à chaque annonce son ton et cette fois encore, je n’ai pas trouvé que le ton était bon. Ce déroulé professoral en disait long sur tout ce que l’on ne sait pas, et visiblement, là-bas dans les palais, on n’a pas encore compris et sans doute ne comprendra-t-on jamais que ne pas savoir fait partie de l’épidémie sanitaire et de tout ce qu’elle révèle. A plusieurs reprises, je me suis agacé.
Le on s’est planté sur les prévisions vite contrebalancé par les experts nous disent que.
La longue litanie pour expliquer ce qui ne sera pas fait : pas un grand intérêt. Je repense à une célèbre phrase, qui dit que quand il y a un flou, il y a un loup. Et vous savez comme moi que l’homme (gardons le masculin sur ce coup-là quoique) est un loup pour l’homme. Et donc que du côté de la meute, on laisse tomber les plus faibles.
Si le terme n’était pas si violent, je pense que j’oserais évoquer une épuration sanitaire qui ne dit pas son nom.
A la fois, si l’on commence à chercher le nom de tout ce qui n’est pas dit, on n’a pas fini. On peut y passer un confinement entier.
Ce qui m’a le plus désolé, je crois, c’est le nombre de fois où l’expression « prendre des décisions difficiles » a été utilisé. Voici la véritable lecture du « en même temps » : on ne décide pas. Et là, merde, voilà un virus qui nous oblige à décider. Mais même ça, on n’y arrive pas tout à fait. On confine mais pas complètement, pas pour celui-ci, ni celle-là. On ferme, mais rien, nada, pas un mot sur l’amorce d’un début de changement, aucun appel clair à la créativité, à l’adaptation, à l’invention de nouvelles solidarités par exemple, aucun discours « positif » en direction des jeunes.
Ces précautions qui ne pas qu’oratoire sont pénibles. L’infantilisation et la culpabilisation des foules continue. Le prof a rappelé mille fois de son ton moralisateur ce protégez vous, protégez les autres.
C’est insupportable.
Je lisais l’autre jour un article dans lequel un médecin disait que la seule priorité à suivre était la crise sanitaire. On perd du temps à tarder à l’assumer pleinement pour tenter de sauver un capitalisme qui quoi qu’il en coûte sera sur les rotules. ET si ce n’est pas l’année prochaine, ce sera en 2022, 2023, 2024.
L’économie me fait penser à ces falaises d’Etretat qui s’effondrent et glissent sur elles mêmes.
Colosse aux pieds d’argiles dont a bien compris à qui profiter le crime.
Puisque en disant le contraire, on enrichit les labos, les sphères qui capitalisent, les actions en bourse.
La bourse ou la vie ? Au pays du en même temps, on dit les deux. Dans le réel, je dis la vie. Tous ces milliards qui sortent du chapeau, je propose de les affecter différemment.
Construisons quelque chose dès maintenant sur les décombres des falaises effondrées. Demain sera le premier jour . Take care.

Lundi 26 octobre

Ne vous fiez pas aux apparences. Je ne délaisse surtout pas ce carnet qui, 277 jours après, commence à peser de son poids puisque l’on a bien compris maintenant que c’était historique, ce que nous vivions, qu’il y aurait bien un avant et un après, mais pas comme prévu, ni comme annoncé, encore moins comme ça s’enquille. Franchement ?D’une certaine manière, ce je ne sais pas ne me déplaît pas s’il n’était pas encore et toujours par cette arrogance qui se nomme en réalité ignorance. A défaut de savoir, je fais croire que je sais, semblent-ils tous disent, quel que soit leur étage de l’échafaud. La preuve que je sais : je suis entouré d’expert ; ou alors mon voisin m’a dit.
Non, mesdames et messieurs. Nous ne savons pas. Nous ne savons rien. Et ce n’est pas une information.
A vrai dire, je me suis tu.
Je me suis tu pour ne pas en rajouter à toutes les cacophonies ambiantes et je n’ai pas assez de doigts pour les compter. Je ne vais surtout pas les lister !
Je me suis tu parce que parfois, un silence est beau. Il est teinté de respect. De pudeur. D’humilité. D’empathie.
Il a ce poids-là, mon silence.
J’ai d’autant plus pensé à ce prof assassiné que mon père en fut un, de ces profs, et que tout ce que j’ai pu lire et entendre et voir m’a donné à voir autrement l’oeuvre éducatrice de mes parents, puisque ma mère en était aussi.
Je me suis tu aussi à l’entrée dans notre vocabulaire d’un énième terme d’un autre âge que naïvement nous pensions disparu à jamais: couvre-feu. Un autre terme qui dit la guerre à laquelle certains jouent.
Ci-dessous trois images. Elles résument bien résumer ce que je ressens de ce que nous vivons depuis 227 jours.
Non que j’ai dans l’idée que ce « nous » ait encore un sens, mais parce que chacun, comme nous le pouvons, c’est quand même ce que nous faisons : le vivre, ce moment historique, ce point de bascule, cette crise qui nous ramène pour l’instant dans des temps anciens faute sûrement d’avoir des idées sur ce vers quoi nous voulons tendre. Mais pas que. Certains se vautrent avec délice dans ce grand foutoir qui donne les codes nucléaires aux fous et ce n’est qu’un début.
Je continue pour ma part, dans ce délétère ambiant, de croire aux étincelles, d’observer que la créativité est peut-être le meilleur médicament pour se soigner du covid, que le bon sens, c’est comme la morale de Ferré : c’est toujours le bon sens des autres.
Il reste cette phrase de ce même Ferré, à laquelle j’ajoute une autre de Thiéfaine :
– à force de tourner en rond, on a les idées courbes.
– dans l’odeur des cités aux voiles d’hydrocarbure / les rires sont des ratures qui s’attirent et saturent / j’y traîne en réglant ma radio-chimpanzé sur fréquence mépris point zéro nullité / cosmonaute du trottoir, éboueur en transfert, je peins mes hiéroglyphes sur les murs des waters, avant de m’enfoncer plus loin dans les égouts pour voir si l’océan se trouve toujours au bout.

Jeudi 15 octobre / Beurk

Je crois bien que j’ai surtout entendu tout ce que le président n’a pas dit, mercredi. Ô, j’ai écouté, très attentivement, même. Et comme ils gueulaient, ces mots invisibles qui se nichaient sous le bavardage.
Comme certaines omissions noyaient soudain le propos. Crédible pas du tout.
Je ne vais pas commenter ce qui a été annoncé. D’autres le font, très bien, mieux que moi.
J’ai plutôt envie de déposer des étonnements.
Pourquoi remercier les soignants et pas un mot sur l’hôpital, le manque de lits ? Pourquoi d’ailleurs un format « interview » si pas de place pour les questions ?
Pourquoi pas 23 h ?
Pourquoi laisser les métros et les trains bondés dans les agglomérations qui doivent donc se lever tôt… et se coucher tôt.
Pourquoi des « gouvernants » – qui se croient « responsables » – qui nous font la leçon – appuient en permanence leurs « décisions » en mode justification / parapluie sur les recommandations de tels experts, les conclusions de tel rapport, sans oublier, évidemment, une pincée de naphtaline (couvre-feu, ça va, ça fait assez guerrier ? Assez amish ?), et surtout une bonne giclée de vaseline ?
Pourquoi tenter de nous faire avaler l’idée que tout le monde va au restaurant ?
Pourquoi n’évoquer, à travers le travail, que les aides qui vont être débloquées pour les entreprises ?
Pourquoi aucune idée de recettes nouvelles ? Pourquoi aucun mot sur toutes les petites boites qui claquent en sourdine ? Pourquoi pas un mot sur 2021 qui s’annonce économiquement furieusement redoutable ?
Pourquoi pas un mot sur ceux qui ne peuvent pas travailler ? Pas un mot sur ceux qui sont salariés ? Pas un mot pour celles et ceux qui sont à la rue, n’ont pas de quoi se nourrir ? Autres que je file 100 balles.
Pourquoi dire soyons unis et en même temps ne nous voyons pas, ne nous touchons pas ?
Pourquoi cette sensation qu’on ne fait que reculer un mur – l’air de rien, juin 2021 est annoncé – et que cela doit bien en arranger quelques uns ?
Je sais bien, et vous aussi, que ces pourquoi ne sont que rhétoriques.
Que les réponses sont impossibles… ou trop évidentes.
Le plus déglutissant, pour moi, aura été la justification du « couvre feu » par le soin à apporter aux personnes âgées.
C’est bien connu en effet que ce sont eux qui sortent comme des maboules le soir et que y va bamboula sur bamboula dans les EHPAD.
De même c’est bien connu qu’à 20 ans, 18 ans, 25 ans, on va sagement n’aller pas dans les lieux de convivialité de 21 h à 6 h du matin dans les huit agglomérations du pays pour le moment ciblées, en attendant les autres.
De même, enfin, qu’inviter à partir en vacances, ce n’est pas du tout suggérer aux susdits des 8 métropoles de se tirer à la cambrousse pour qu’ensuite quoi ? Attendre quoi ?
Personnellement, on fracasse pas les horizons de tous sans « raisons » qui, pour le coup, raisonnables ne sont pas.
Si la mire est 2022, franchement, en ce moment, on s’en bat largeos les coucougnettes.
Take care.

Dimanche 11 octobre

Ce n’est pas grand chose, une main qui se tend. Non, pas grand chose. Et pourtant, plus ça va dans le délirium collectivus corona circus, nouveau nom de code de ce qui fut ici longtemps le simple corona circus, plus ça devient quelque chose de proprement hallucinant, tendre la main. Un truc incongru, ubuesque, tant en réalité, les mains se retirent de tout. Sauf nuque baissée pouces en avant. Index, pour moi, vieille école…
La sourde violence s’impose dans les âmes grises. Les yeux se détournent, les têtes se baissent, et avec, les échines, les mains n’ont plus de doigts.
Ce sont des moufles rentrées, qui s’échappent, se lancent au loin. S’enfuient. Ou s’écharpent.
Maintenant que tout est masqué, y compris les visages, pas sûr que pour certaines et certains, cette situation de distanciation systématique soit une si mauvaise nouvelle.
Les apparences restent juste soignées, c’est tout : on se salue en hochant la tête, on s’écrit des mails, des sms, des snap et et des whats, on s’instagram, on se facebook, on se twitter. J’en passe. Et j’en oublie. Et puis chacun rentre chez lui, où n’en sort pas, selon ce qu’il vit. Ce qu’il peut faire. Ou ne pas faire.
Sa colère en n’dans, rentrée, prête à suer des doigts, ou à s’abattre sur plus faible, voire sur n’importe quoi. Et même n’importe qui.
Cette semaine, une mienne connaissance traduit bien cette poudre d’escampette. Il est sur son lieu de travail. Il va vers la cinquantaine. Deux enfants. Soudain il apprend qu’une sienne personne de la sienne famille est covidée. Le voilà figé. Pétrifié. Bras ballants, bras ballots, regard apeuré. Tout son corps dit ce vendredi je ne sais plus mais qu’est-ce que je fais ? Mais où diantre ai-je rangé ma boussole et mon baromètre ? Paumé complet y compris dans son propre corps. Trouille en écharpe et en bonnet. Finalement, il s’en al’ra, pour, merveille des expressions de maintenant, une « quatorzaine de sept jours ».
J’ai presque envie de m’arrêter ici, de dire : voilà. Mais voilà quoi ?
Voilà au bout de 212 jours de badigeons comment les gens vivent en France.
Alors tendre la main… Ça devient l’apanage de quelques âmes non encore conspuées. Mais regardez bien alentour, il y en a !
Je mate les infos, et les réseaux, et heureusement, ça et là, artistes en tête, j’en vois des mains tendues et c’est ce qui fait du bien ces temps apeurés où tout est préservé pour aller bosser et rien ne l’est tout à fait pour le reste. On régresse, les amies et les amis.
On régresse et cette régression transforme le mouton en agneau, l’agneau en plus petit encore. Sera-ce le mammouth qui viendra à la rescousse ? Il ne m’a pas n’échappé en effet qu’à mesure que Trump semble se diriger vers une seconde élection quel que soit le résultat du vote, voilà que l’on parle permafrost et gênes néandertaliens.
N’est-ce pas merveilleux, comme le chante HF Thiéfaine, de se sentir piégé ?
N’est pas vrai que soleil cherche futur et que comme le dit le dicton, quand soleil cherche futur présent trouve nuit ?
Pendant qu’on se marrait en écoutant nos anciens nous en promettre une sur la gueule, de guerre, que ça nous ferait du bien, se retrouver en cette presque fin de 2020 à 20 jours de la Lune Bleue coincés entre Néanderthal, des virus de Mammouths et la gestion sans foi ni loi au doigt mouillé d’une pandémie devenue bouclier, il y a de quoi tendre la main. A fleur de peau, l’automne venu.

Samedi 3 octobre

J’ai entendu parler de la violence du débat américain pour la présidentielle et que, certainement amoché par ses propres postillons (pure et gratuite hypothèse personnelle), l’actuel « président » des Etats-Unis avait été déclaré « positif » au Covid.
Voilà bien une première que cet homme-là soit déclaré positif à quelque chose.
Vase communicant : il semblerait que son opposant ait été amené à lui aussi se vautrer dans la boue et l’agressivité.
Et ce « nivellement par le bas », malheureusement, semble devenir monnaie courante. Où se niche la beauté ?
J’ai entendu dire et j’ai peut-être même lu que la covid, on dit la covid c’est bien ça ?, avait muté et était nettement moins dangereuse. Il semblerait que les chiffres que je ne regarde plus et n’entend plus en attestent.
Ce matin, une mienne connaissance me confiait son soulagement : six mois plus tard, « maman » va avoir droit à des obséques « dignes de ce nom ».
J’ai aussi noté ce même matin l’étonnement d’une dame qui se présentait à une manifestation « festive avec masque obligatoire » et qui ne comprenait pas pourquoi il y avait aussi la fouille des sacs. Je n’ai pas vraiment su lui répondre.
Ces derniers jours, j’ai suivi avec épouvante la sinistre fin de vie d’une jeune fille prénommée Victorine. J’ai observé comme le sordide qui se terre derrière les masques sort comme volcan ça et là, sous des formes les plus diverses.
Je passe sur les lâchers de mots sur les réseaux et je retiens des animaux mutilés, des bagarres ici, le sabotage des freins de la bagnole d’un député voisin…
Et je n’ose évoquer les débats insensés sur la tenue des unes et pas des uns.

J’ai bien entendu observé ce qui apparemment vaut la peine d’être « sauvé » et en même temps ce qui ne le vaut pas. On nous fait croire que le « en même temps » se fout sur la gueule, mais pendant ce temps-là, il poursuit son chemin dont on sent bien que la seule source d’inspiration est un hier qu’à défaut de retrouver l’on provoque comme si c’était au fond la seule solution. Reconstruisez donc une économie de guerre, ce sera la meilleure façon de la faire, cette guerre. Qui, en attendant, se « noue » dans des tronches polluées et remplies de décombres.
Donc ce qui « vaut la peine d’être sauvé » : on prend les mêmes et on continue ; que (sur)vivent les entreprises, ces milliards là on les trouve, les financeurs de campagnes électorales de préférence.
Ce qui ne vaut pas la peine de l’être : les « petits »et les minutieux, ces milliards-là, on les a pas et puis la méchante Europe (si absente de la crise soit dit en passant) brandit le bâton de la « dette ».
Les Petits et les Minutieux, je ne mets pas de guillemets mais des majuscules : les Artisans, les Poètes, les Paysans, les Artistes, les Travailleurs sociaux, les Éboueurs, les Caissières, bref, celles et ceux qui soit disant « coûtent », les mêmes qui ont « tenu la baraque » au plus fort du confinement, les mêmes que l’on dit aujourd’hui irresponsables et différents, selon qu’ils habitent ici ou là, selon qu’ils sont jeunes ou vieux.

Et puis ce samedi, en comptant sur mes doigts, en arrivant à ce 204ème jour, forcément, je me clâme Nom de zeus ! 204 jours déjà et pas 204 jours seulement. 204 jours putain, 204 jours de ce qui n’est qu’un autre début d’un autre tunnel qui, si je compte cette fois avec une calculette, va nous conduire en 2022, puisque c’est cet horizon que louchent nombre de nos « gouvernants ».
Alors 204 jours, purée, c’est énorme pour un début de suite d’un confinement qui prend l’air avec son masque sur le nez. Je comprends que ça plonge dans le puits. Que ça dégouline et que ça haine, puisque « ça » n’aime pas.
204 jours, près de 5 000 heures après la bascule, mesdames et messieurs.
5 000 heures !
On perçoit bien les ondes que tout ces chambardements occasionnent.
5 000 heures à glisser sur une pente qui ressemble à un char d’assaut lequel à son rythme d’escargot sans état d’âme détruit ce qui se présente sur son chemin.
5 000 heures qu’heureusement, quelques uns réussissent à transformer en un investissement avec à venir des choix sur du mieux, du plus altruiste.
C’est à celles et ceux là qu’il convient d’ouvrir les bras. En grand.

Dimanche 27 septembre

Waouh ! Fait pas bon se balader en ce moment. Et ne pas se fier aux apparences. Ce qui se déverse sur les réseaux sociaux et dans les gazettes (désolé je ne regarde plus la télévision, je ne peux donc dire ce qu’il s’y passe) provient bien de ces cerveaux-là, que l’on croise dans les rues avec masques, et pour quelques-uns, grandes folles et grands fous va, sans.
Les élastiques des slips et des strings se tendent, incontestablement. Et même si ça ne tire pas à belles réelles, ça déboulonne des statuts de partout ou presque. J’ai l’impression d’être dans un tiers lieu où se donneraient des tickets sur lesquels seraient écrits le combat à mener, la personne à dézinguer, l’ennemi du jour. La liste s’allonge à mesure que moralisateurs de tous poils sans foi ni lois se heurtent aux mieux pensants que les autres lesquels se foutent sur la gueule avec ceux qui payent des impôts et en ont marre des autres, ceux qui de telle origine peuvent pas blairer les pas comme eux, etc.

Waouh ! Mais quel bordel ! Foires d’empoignes qui trouvent toutes chaussure à leur pied à mesure que le soleil remballe les gaules et, avec, les nuits plus longues, les jours plus courts, les fleurs moins pimpantes. Ça promet pour l’hiver !

J’ai lu je ne sais plus où que l’Homme (je mets désormais un grand H pour qu’on comprenne bien que je parle de l’Humain, et non des propriétaires de couilles en particulier) était doté d’un sixième sens : ferions-nous avant l’heure la montée des eaux en temps de réchauffement climatique ? Les vagues déferlent et il pleut sec, foudres éteintes. Le niveau des amers monte, c’est net et plein de ratures.
Derrière masques et profils, privés de contacts humains que si l’on ose comme dans le monde d’avant serrer une paluche ou biser une joue on est derechef estampillé délinquant, irresponsable, cinglé, on se lâche du bout des doigts sur tout ce qui bouge encore, ou ne bouge plus, c’est selon. On se déverse comme une pente qui ne retient plus le caillou.

Drôle d’ambiance, que je ne vois pour ce qui me concerne que de mon petit bout de France. Est-ce partout pareil ?
Tout étant estampillé covid, ce virus ne tempère plus les crânes et j’ai le sentiment qu’on est entrés il y a 198 jours dans le début d’une guerre d’usure qui fait son tri.
Après le confinement, et avec la fin de l’hiver, après le pseudo déconfinement, et avec l’été, voilà l’entre deux qui brandit sa masse au-dessus de foules ivres de trouille : on reconfine ? On reconfine pas ? C’est une menace ? C’était pas si mal pour beaucoup de gens, la confinerie : combien de gens ai-je entendu évoquer le bien être qui soudain leur était offert, le temps à soi, le temps de cogiter aussi, à des futurs tout aussi incertains mais davantage pris en main non par le collectif mais bien marqueurs indélébiles de prises en main de soi pour soi et les siens. Des uns voulaient changer de taf, des autres de région, d’autres encore évoquaient des voyages, la prise de temps.

Bientôt le 200ème jour de ce qui ressemble de plus en plus à un délire collectif nourri de millions d’individus qui ne regardent pas dans les mêmes directions et alors que rien ne se démêle, tout s’emmêle et tout le monde s’en même. Feu aux poudres. Poudres d’escampettes.

Samedi 26 septembre / Le choix entre tant mieux et tant pis

Je regarde les statistiques en me disant que c’est complètement con de regarder les statistiques. En fait, plus que la véracité des chiffres, c’est le ratio que je mesure. L’écart décès/infections. La dangerosité réelle de la bête. C’est le besoin de resituer en permanence ce que je vis, le besoin de relativiser, et de savoir raison garder, tellement ça part dans tous les sens avec, plus qu’une montée du virus, une visibilité de la connerie troublante. Je crois qu’il y a bien plus dangereux que le covid-19. C’est ce que nous en faisons.
Tout s’exacerbe dans une folie qui n’a certainement jamais disparu et ce qui change le plus, ce qui s’accélère, c’est la visibilité en temps presque réel que celle « d’en haut » avec ses cravates cohabite en proximité avec celle « d’en bas » et ses coups de savates.
Quelque chose bascule.
Par principe, j’ai personnellement tendance à penser tant mieux. A le dire, nous allons pouvoir rectifier les choses, les améliorer, être dignes de nos futurs. Mais dans le même temps, je vois bien que nous sommes capables de faire exactement l’inverse.
Ces deux « nous » disent bien la ligne de front.
On est dans l’un. Ou on est dans l’autre. Et plus ça avance – 200 jours déjà – plus cela se crispe, évidemment.
L’avantage d’avancer masqué et que l’on scrute avec plus d’acuité les regards.
Ils mentent pas et si ils mentent, ils mentent mal.
Ce que je vois le plus, autour de moi, c’est la trouille.
Ce que je perçois le plus, c’est la panique.
Ce qui se voit plus, c’est au fond l’irresponsabilité collective dont nous portons chacun une part quoi que l’on en dise et quel que soit le matériau dans lequel on se drape.
Soudain, au fond de lui même, chacune et chacun se retrouve dans une grande et grave solitude. Une solitude qui ne tombe pas d’un coup du ciel mais qui se rappelle à nous.
Cette solitude avec nous mêmes nous engage y compris lorsqu’il s’agit de « faire société quand même ». Ce « nous » en pleine déliquescence, il ne date pas d’aujourd’hui. Il s’est patiemment détricoté au fil des décennies. Et cette crise dans laquelle nous sommes immergés depuis 200 jours maintenant dit simplement que de l’état à l’étau, il n’y pas loin. Notre chance : pour l’instant, aucun feu n’est au rouge. Ils clignotent. Ils disent à chacune et chacun : que fais-tu ?
Le mythe du bonheur est sans doute la faute la plus crasse commise par nos temps modernes. On en comprend la genèse : Les jours heureux en 1945, un cri d’espoir au sortir de guerres monstrueuses ; l’état providence, comme un appel à se protéger les uns les autres, à faire en sorte que les mieux nantis contribuent à la dignité des moins bien lotis. Une utopie concrète qui peu à peu a dérivé à mesure que les comptables prenaient le pouvoir, que les ordinateurs remplaçaient les femmes et les hommes, que le chômage devenait la nouvelle variable d’ajustement, et que les finances s’emballaient non comme des cadeaux mais comme des poisons.
Il est temps, chacune et chacun, de se saisir de cette opportunité qu’il nous est possible de saisir, avec plus d’acuité, plus d’urgence, puisque au fond rien ne change : les cris d’hier sur la planète, les relations humaines, les violences faites pas seulement aux femmes, le tout techno, le sens réel du mot progrès, la toute puissance de la science…
Tout est pareil en plus intense, avec cette différence : tout est plus visible.
Il n’est plus possible de se cacher derrière un masque et des morales à deux balles.
Il n’est plus possible de dire je ne savais pas, je n’ai pas vu.
Et je trouve ça plutôt chouette.

Lundi 14 septembre / Propritude

Hier, je me sentais sale. Aujourd’hui, je me sens propre.
J’ai pris une douche. Je me suis bien lavé les mains. J’ai pas parlé trop près et sans masque avec des gens.
Surtout, j’avais bien l’intention, hier, d’une écriture en deux temps. J’ouvre donc le second volet.
Je me sens propre parce que j’ai confiance.
Depuis 185 jours, j’ai vu des choses extraordinaires se passer, j’ai échangé avec des gens magnifiques, j’ai lu plein de beaux projets, de belles intentions et tout ceci n’a en rien menacé ma foi en l’avenir, en l’être humain, aussi désespérant soit-il en certaines circonstances.
Je me sens propre parce que de toute façon, il fallait que ce « monde » se pète la gueule à force de repousser sans cesse les limites de l’arrogance. L’homme immortel, qui ne vieillit jamais, mon cul la balayette. Alors si l’arrogance n’a pas encore claqué dans son jus, si l’on a bien compris que la crise générait des richesses et que ces richesses tombaient dans des poches, si l’on voit bien que du côté des populations c’est de plus en plus panique à bord au point dans les scrutins d’élire des fous comme une sorte de dernier baroud.
Je me sens propre parce que ancré sur des valeurs, conscient d’être un randonneur sur le chemin et pas une fin en soi, conscient aussi que nombre d’entre nous ont besoin de toucher le fond de la piscine pour oser le rebond de la pointe des pieds.
Nous n’en sommes pas encore l)à, de l’eau encore va couler, mais nous nous en approchons.
Je me sens propre parce que je crois en la résilience, et en l’idée que beaucoup de choses vont se passer dans les prochains mois, les prochaines années.
Bien sûr, les gazettes n’en parleront pas. Ce sera « invisible » comme on dit maintenant. Indolore. Et en face, sûrement, ça pétera dans les quartiers, les rues, les maisons, de ça on parlera. Mais chevillée à l’âme, cette « espérance » est un guide bien plus qu’une méthode coué, un horizon bien plus qu’une utopie, un cap bien plus qu’un idéalisme.
J’ai passé l’âge et c’est heureux.
Je me sens propre parce que je considère qu’il y a de la place pour chacun, en ce bas monde bas de plafond, et tant qu’il en restera un, cela m’ira.
Je me sens propre parce que j’ai accompagné mes parents dans leur fin de vie vers leur dernière demeure et parce que j’accompagne mes enfants, mes amis et les leurs avec un mot qui prend une place énorme en ces temps caniveaux. Ce mot, c’est dignité.
Je me sens propre, oui.
Et je vous invite à en fairen autant.
Tant de belles choses à venir.
Une crise vaut par les opportunités qu’elle offre. De celles qu’on n’attend pas le cul sur son canapé ou dans l’aigreur des conversations périmées, mais que l’on va saisir, chercher, trouver, tout simplement parce qu’il n’existe, au fond, que deux attitudes : vivre problème ou vivre solution.
Vous choisissez quoi ? 😉

Dimanche 13 septembre / For Sale – Fort sale

En Anglais, For Sale signifie à vendre.Mettre en vente. A prix bas.
En Français, fort sale, signifie cradoc, dégeulasse, mal lavé, goret, porcas. Ou encore abject, acide, affreux, égrillard, amer,v barbouillé, boueux, cracra, crasseux, , dégoûtant, douteux, honteux, impudique, laid, louche, méchant, nauséabond, pollué, sagouin, saumâtre, souillé, suspect.
Je me sens sale. Sali. Et sans étiquette : ne comptez pas sur moi pour les trucs de complot, ou les catégorisations qui flottent comme des drapeaux éteints. Je ne suis pas anti-masque, je ne suis pas pro truc, contre machin, etc.
Je me sens sale. Pris pour un con. Depuis 184 jours, je vis en France sous le joug non d’une pandémie mais de la manière dont on nous la fait vivre. Avec, insupportables, des règles à géométrie variable. Des informations comme nous mal traitées. Et le sentiment que tout se passe par ailleurs. Et que l’on est à vendre. Fort sale.
Je me sens sale comme devaient se sentir sales les femmes et les hommes chair à canon des mille et une guerres qui ont façonné notre globe, notre humanité, notre organisation sociétale. Sale comme un Poilu en 14-18 la gueule dans la boue dans le silence de la nuit.
Je me sens sale de voir passer les obus sans trop pouvoir y faire quelque chose.
Hier soir, je suis allé à un spectacle. Dimanche dernier aussi. J’ai été frappé par l’intelligence des organisateurs et du public. Séduit par la maturité qui se dégageait y compris dans ce que certaines consignes avaient de stupide.
Je me sens sale que ces gens-là, et avec eux, toutes celles et ceux qui dignement « tiennent le pays » soient à ce point méprisés, infantilisés, pris pour des cons.
Je me sens sale car nous méritons mieux, mais je sens bien que l’hystérie qui fût sidération il y a 184 jours devient plus que jamais le fruit de tout ce qui a été semé depuis une trentaine d’années. Rien ne nous a préparé à ce que nous vivons parce que dans l’insolence d’une croissance de merde, tout a été for sale. L’état providence, rogné ; le service public, bradé, vendu, amputé ; le bien commun, divisé ; le bon sens, poudre d’escampette ; les relations humaines, déshumanisées.
Je me sens sale que la solidarité soit devenue un délit. Que la loi s’applique aux uns et bourre les fouilles des autres.
Je me sens sale du débile environnant.
Une mienne connaissance me narrait un mariage, la semaine dernière. Mairie, lieu public, 10 personnes maxi, masque obligatoire. Fête dans un lieu privé, 90 personnes, pas de masques. Ne reste qu’à traiter ces 90 vivants de cinglés, de tarés, de criminels et le tour est joué. On s’en approche.
L’autre jour, une femme me disait en avoir ras-le-bol de tout ça, et clamait son impatience à choper la maladie, comme ça ça sera fait.
L’autre jour, un collègue me lançait un regard noir parce qu’il m’a croisé dans un couloir de plus de 50 mètres de long et de dix de larges dans lequel j’étais seul.
L’autre jour, une connaissance me disait que dans le village vacances (en France), où ils étaient allés, ils étaient 8 000 dans une cohabitation de tous les instants.
L’autre jour… L’autre jour…
Nous avons tous de telles anecdotes qui n’en sont pas.
On avance masqué les mains propres et l’on se se sent sale.
Avec nos gueules à être dénoncés.

Samedi 12 septembre

Ouf ! Hier, c’était le 11 septembre. Un jour noir. De sinistre mémoire. De mémoire sinistre. On a d’ailleurs pu revoir des photos de tours assiégées, d’autres ont évoqué le Chili. On aurait aussi pu évoquer la Grèce, quoi qu’on l’évoque, mais en mode « migrants« . Un sujet qui a particulièrement le don de m’agacer. Je l’évoquerai demain en mode « Français, donc je me sens sale« . Aussi je me demandais ce qu’il allait en sortir, de ce 11 septembre, des fois, au point où nous en sommes, que des ceusses se soient mis en tête de « jouer les symboles« .
Bon ben y’a eu que dalle. C’est tant mieux. Nous avons déjà bien assez à faire comme ça.
En ce 183ème jour de corona circus, un chaud samedi de septembre, la valse se poursuit à un rythme endiablé. Les statistiques, lancées en mode hausse avec pas plus de décès depuis le 15 août, poursuivent avec assurance leur chemin, rythment les infos et les jours, et là où ça fait son petit effet, c’est que l’on parle moins de la météo sûrement parce qu’on a changé de baromètre. C’est le trouillomètre l’instrument de mesure officiel, masqué bien sûr, lisible dans certains agissements, perceptible dans certains réflexes.
Je le sens sur mon lieu de travail, dans les rues, sur les réseaux.
Le masque reste furieusement d’actualité, de mode, y compris dans des anecdotes qu’on me conte ça et là et qui n’en finissent pas de me surprendre. Ce sera pour demain aussi 😉
Ce soir, en effet, je brave la tempête, je suis un authentique déglinguos, un fou furieux : je vais à un concert. A un concert de jazz. De jazz. Mais pas que. Au menu Nick Bärtsch.
Notez ceci : Son travail est à l’intersection de la musique contemporaine, du jazz, et se nourrit d’influences venues du funk. L’utilisation de la répétition, ainsi que de structures à base d’entrelacement d’éléments dans sa musique laisse entrevoir l’influence de la musique minimaliste, et en particulier de Steve Reich. Bärtsch est aussi influencé par la philosophie orientale et les ostinato de James Brown. Bref, ça tabasse.

Mardi 1er septembre

Un peu comme le Corona, en fait, la Lorraine est un région conciliante. Du genre je me mets au diapason. Météorologiquement parlant, elle s’est mise tranquillou à la page de la rentrée avec un n gris parfois pluie, parfois juste gris, des soirées plus fraîches, avec promesse d’été indien.
Parfait pour ce jour de « rentrée » mots désormais valise puisque ce doit être en réalité la quatrième ou la cinquième de l’année. Nouveauté de ce mois de septembre 2020 : les hordes de jeunes masqués qui déambulent aux abords des collèges et des Lycées.
Encore un de ces moments incongrus que nous offre la « crise » dont j’observe la subtile évolution au niveau des statistiques proclamées par les médias et leurs indics, les pouvoirs publics. Ou les labos, je ne sais plus.
Au plus fort de la tempête un peu avant que le printemps n’arrive, que nous n’étions que des apprentis en mode covidé, le décompte mortifère quotidien laissait flotter ses sueurs froides. Les hôpitaux dégueulaient de gens. Tempête.
Il me semble que nous sommes loin. Que nous n’en sommes plus là. Et que seule l’appréhension d’un « au loup, au loup » justifie l’organisation actuelle. Ou plutôt l’organisation de sa désorganisation.
D’ailleurs, on se contente désormais de nous donner chaque jour les seuls « nouveaux cas » dont on sait peu ou prou que pour 97 % d’entre eux, guérison au bout sera le chemin. Les « risques » sont donc faibles et les moyens mis en face démesurés.
J’ai déposé gars de bientôt 18 ans dans son nouveau temple de la connaissance, ce matin. Ruminant mais quels messages en réalité adressons-nous aux générations futures ?
Chemin faisant, nous évoquions cette rentrée masquée, trébuchant sur ce « principe de précaution » qui semble bien loin d’être un principe resté et dont on peut se demander si l’on mesure bien les effets secondaires.
Nous riâmes de concert nonobstant à l’idée de tous ces visages qu’il allait croiser sans trop percevoir ce qui se cachait derrière. Nous pensâmes que tant qu’à faire, autant se compliquer davantage la vie. Nos temps modernes le font très bien. Reconnaissons-le.
A se demander (référence à ma virée de samedi) de quel théâtre le peuple est aujourd’hui tout autant l’acteur que le public. Ou pas.

Dimanche 29 août

Mais tout ce qui m’arrive d’important et tout ce qui donne à ma vie son merveilleux contenu : la rencontre avec un être aimé, une caresse sur la peau, une aide au moment critique, le spectacle du clair de lune, une promenade en mer à la voile, la joie que l’on donne à un enfant, le frisson devant la beauté, tout cela se déroule totalement en dehors du temps. Car peu importe que je rencontre la beauté l’espace d’une seconde ou l’espace de cent ans. Non seulement la félicité se situe en marge du temps mais elle nie toute relation entre celui-ci et la vie.
Je soulève donc de mes épaules le fardeau du temps et, par la même occasion, celui des performances que l’on exige de moi. Ma vie n’est pas quelque chose que l’on doive mesurer. Ni le saut du cabri ni le lever du soleil ne sont des performances. Une vie humaine n’est pas non plus une performance, mais quelque chose qui grandit et cherche à atteindre la perfection. Et ce qui est parfait n’accomplit pas de performance : ce qui est parfait œuvre en état de repos.
[STIG DAGERMAN, 1952]

Franchement, ce n’était pas possible de ne pas y penser. Hier. En pleine cambrousse des Vosges. 3 artistes sur scène. Une soixantaine de personnes côté public. Des précautions infligées – c’est le mot – de partout aux organisateurs et aux gens. Pour, heureusement, un moment « hors du temps » comme le permettent les arts et la culture de proximité. Mais ce désagréable agacement qui perdure.
Franchement, comment ne pas penser aux 5 000 autorisés du Puy-du-Fou ? Ou aux 8.000 habitants d’un village vacances en Provence ?
Comment ne pas avoir le sentiment d’une sinistre farce, d’un foutage de gueule généralisé, et d’une émotion, surtout, ce que je préfère retenir finalement : ces organisateurs, ces artistes, ce public et tous ces regards qui se croisent, remplis d’humanité, de sagesse, de paix au coeur dans cette guerre qui n’en est pas une mais qui, peu à peu, en devient une il n’est qu’à voir comme partout dans le pays ça commence à fritter sévère.
Crise de nerfs au Pays du Corona Circus vs culture oxygène, dans de petits écrins, devenus autant de bulles puissantes pour peu que l’on en prenne conscience. Que l’on y aille. Que l’on s’y installe. Sans masque.
Franchement bis, ce n’était pas non plus possible de ne pas relier le texte monument de Stig Dagerman, Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, écrit en 1952, à ce que nous traversons depuis quelques mois. Plus sûrement depuis quelques années mais ça se voyait moins. C’était cela le menu de la séquence culturelle : une création sonore et parlée, offerte par le comédien et metteur en scène Simon Delétang avec les chanteurs et musiciens du groupe Fergessen. Le tout dans un écrin extraordinaire, le fameux théâtre du Peuple de Bussang, créé en 1895, on créait en ce temps-là, tout de bois vêtu avec son arrière scène qui s’ouvre sur une forêt. Et on l’améliorait au fil des années, y compris en 1952, quand de son côté, Stig Dagerman écrivait son texte. Un lieu qui, dans tout ce contexte, tellement habité, est un personnage à part entière du spectacle. Nous étions bien dans ce temple de bois, proches de l’odeur des sapins, entre le rauque des mots et le rock du son. Entre la voie et la voix.
Merci.

Imaginez… Des sons saturés. Une voix posée. Et ceci :

Puisque je suis au bord de la mer, je peux apprendre de la mer. Personne n’a le droit d’exiger de la mer qu’elle porte tous les bateaux, ou du vent qu’il gonfle perpétuellement toutes les voiles. De même, personne n’a le droit d’exiger de moi que ma vie consiste à être prisonnier de certaines fonctions. Pour moi, ce n’est pas le devoir avant tout mais : la vie avant tout. Tout comme les autres hommes, je dois avoir droit à des moments où je puisse faire un pas de côté et sentir que je ne suis pas seulement une partie de cette masse que l’on appelle la population du globe, mais aussi une unité autonome.
Ce n’est qu’en un tel instant que je peux être libre vis-à-vis de tous les faits de la vie qui, auparavant, ont causé mon désespoir. Je peux reconnaître que la mer et le vent ne manqueront pas de me survivre et que l’éternité se soucie peu de moi. Mais qui me demande de me soucier de l’éternité ? Ma vie n’est courte que si je la place sur le billot du temps. Les possibilités de ma vie ne sont limitées que si je compte le nombre de mots ou le nombre de livres auxquels j’aurai le temps de donner le jour avant de mourir. Mais qui me demande de compter ? Le temps n’est pas l’étalon qui convient à la vie. Au fond, le temps est un instrument de mesure sans valeur car il n’atteint que les ouvrages avancés de ma vie.
Mais tout ce qui m’arrive d’important et tout ce qui donne à ma vie son merveilleux contenu : la rencontre avec un être aimé, une caresse sur la peau, une aide au moment critique, le spectacle du clair de lune, une promenade en mer à la voile, la joie que l’on donne à un enfant, le frisson devant la beauté, tout cela se déroule totalement en dehors du temps. Car peu importe que je rencontre la beauté l’espace d’une seconde ou l’espace de cent ans. Non seulement la félicité se situe en marge du temps mais elle nie toute relation entre celui-ci et la vie.
Je soulève donc de mes épaules le fardeau du temps et, par la même occasion, celui des performances que l’on exige de moi. Ma vie n’est pas quelque chose que l’on doive mesurer. Ni le saut du cabri ni le lever du soleil ne sont des performances. Une vie humaine n’est pas non plus une performance, mais quelque chose qui grandit et cherche à atteindre la perfection. Et ce qui est parfait n’accomplit pas de performance : ce qui est parfait œuvre en état de repos. Il est absurde de prétendre que la mer soit faite pour porter des armadas et des dauphins. Certes, elle le fait – mais en conservant sa liberté. Il est également absurde de prétendre que l’homme soit fait pour autre chose que pour vivre. Certes, il approvisionne des machines et il écrit des livres, mais il pourrait tout aussi bien faire autre chose. L’important est qu’il fasse ce qu’il fait en toute liberté et en pleine conscience de ce que, comme tout autre détail de la création, il est une fin en soi. Il repose en lui-même comme une pierre sur le sable.

Mercredi 26 août

Il devient difficile de partager des infos sur le covid, fussent des infos qui, me concernant, traitent de sujets connexes à la maladie, ou d’impacts sur telle ou telle chose. Cela devient difficile parce que aussi sec, on sent du virulent dans les échanges. Ce n’est pas dit, mais ça y ressemble : une dictature du pisque tu sais pas, ta goule. Perso, ces réactions ne me troublent pas plus que cela. Sur le fond, par contre, elles me dérangent en ce qu’il devient vraiment compliqué d’essayer de débattre, en ces temps de furieuses moralisations de toutes parts. Et d’infantilisation.
Et d’une, si on appliquait à toutes et tous le ta goule tu sais pas, il régnerait un silence soudain assourdissant. Depuis le temps, on a bien compris que la crise que nous traversons n’est pas du domaine du savoir. Que personne ne sait au juste de quoi il retourne, de quoi on cause au juste, de ce qu’il conviendrait de faire et de ne pas faire. Même mon médecin me disait l’autre jour être effaré de tout ce qui se dit. Et de son contraire. Et ainsi de suite. Nous en sommes doctement restés à des infos de base, du genre tu te laves les mains le plus souvent possible, tu restes à un bon mètre des gens que tu ne connais pas, et dans les lieux publics fermés, le masque, ça le fait quand même. Rappels utiles, dénués de passions et d’émotions, simples mesures de bon sens.
Et de deux, suite du et de un, cette impression qu’enfin, j’ai compris la pensée nébuleuse de notre bon président lorsqu’il a évoqué en des temps anciens le ruissellement et les premiers de cordée. Le ruissellement par la peur. Les soit disant responsables qui lâchent les suivants. Quand à la guerre, oui, finalement, il y a un peu de cela en ce sens où le citoyen-usager-client que nous sommes est de la chair à canon.
Avec tout cela, je comprends mieux comme le masque est bien plus qu’un truc qui protège. C’est un symbole. Un puissant symbole qui combine le taisez-vous avec l’isolement des uns et des autres + un air de sortez masqués, avancez couvert, autrement dit, prenez pas de risques, pas de responsabilités, courage fuyons. Résultat : on fixe des caps mous et on demande au local de se démerder. Exemples avec la rentrée scolaire. Si vous rentrez dans les détails, vous verrez le bordel que c’est ! Et c’est cela qui m’insupporte : ce recours au local qui transforme tout en 66 millions de réalités. C’est plus du doigt mouillé, ni du fil de l’eau, c’est de la miette. Notre France indivisible s’émiette comme un vieux quignon de pain mou du genou.
L’état « providence » continue ainsi peinard d’être laminé.
C’est une entreprise de destruction qui ne date pas d’hier. Qui avance masquée, donc. Evidemment. Parapluie devant, parachute, par avant, par arrière.
Dans ces moments où la quête de sens taraude, savoir d’où l’on vient, reprendre les fondamentaux, c’est toujours intéressant.
Alors je vous remets sous l’œil quelques principes de notre constitution. A toutes fins utiles 🙂

La Nation assure à l’individu et à la famille
les conditions nécessaires à leur développement.
Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs.
Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler
a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence.
La Nation proclame la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales.

La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte
à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat.

Vendredi 21 août

Je ne sais pas vous, mais moi, je le trouve bien, ce corona virus. Bien élevé. Docile, ponctuel. J’apprécie.
Par exemple, le lundi 31 août au soir, je travaillerai sans masque. Je croiserai des collègues.Tout sera comme avant. Et paf : le 1er septembre, potron minet, tout pareil mais là le masque sera obligatoire. Même gens, mêmes bureaux, même boulot mais masque.
C’est la loi qui le dit.
Presque corvéable à merci, le covid-19 : on a vécu ça le 15 et le 16 mars, souvenez-vous, on vaquait à nos occupations tout ça et le lendemain, que nenni, on ferme tout.
Dans l’autre sens, ce fut entre le 25 et le 26 mai : on faisait 1 h à la ronde depuis un bail quand soudain, open bar !
Y’a pas à dire, il s’adapte, le gaillard ! Et il discerne : tel événement ? non. Tel autre ? oui. Là tu entres as you want. Là non. Des rues sont bonnes, d’autres pas.
Je tiens très sincèrement à le remercier. Sans lui, nous ne vivrions pas tout ça.
Les virus modernes frappent pas à l’aveugle comme dans l’ancien monde, où bim, tu pouvais te prendre une grippe ou une angine sans avoir été prévenu par qui que ce soit. La loi à l’époque était nulle : générale, elle s’appliquait à toutes et à tous. Alors que maintenant, c’est à la carte ou presque. Un peu comme le 80 km/h : là oui, là non, cherche pas, c’est le nouveau monde.
Autre chose, impeccable aussi : le respect par la maladie de la période estivale et le sourire affiché par les professionnels du tourisme. Ca fait plaisir. Vraiment. Et que dire du foot : avant, il fallait aller au match, avoir des tenues bigarrées, vociférer, manger des merguez dans du pain mou et des frites dans des barquettes sales, faire des bornes une fois garé, et ensuite sortir des bouchons pour rentrer chez soi. Maintenant, plus besoin de ça. Un stade vide suffit pourvu qu’il y ait des caméras.
Et puis maintenant c’est cool, on peut être con sans vergogne. Au pire sur les réseaux. Sinon on pète la gueule à un vigile ou des pompiers.
Là est finalement la vraie catastrophe du corona : avant les cons, on arrivait à les repérer. ils osaient tout. Maintenant tout le monde ose tout. Et son contraire.
A presque en tomber malade 😉

Mardi 18 août / 10 h 20

INFOS CORONA. Chiffres du 23 juillet 2020. 80 084 personnes ont été guéries du covid-19 en France (215 605 personnes infectées) et 8 656 734 dans le Monde (15 232 830). 75 % des habitants se disent inquiets.
30 175 personnes sont décédées (toujours chiffre statista, en date du 23 juillet).
Dans notre hexagone qui sera bientôt rongé par la montée des eaux sauf en Lorraine, où les vignes couleront à flot et les chênes verts sonneront la fin des chenilles processionnaires, les principales causes de mortalité sont connues et les chiffres dépassent de bien loin ceux du Corona.
Je suggère donc la mise en œuvre de vastes plans de lutte, quoi qu’il en coûte :
– Installation de puces électroniques sur tous les habitants afin d’interdire eles suicides, les violences faites aux enfants, aux femmes, aux hommes et aux animaixu.
– suppression immédiate dans l’ensemble des foyers et des lieux de toutes sortes tout ce qui sera à même de produire des chutes accidentelles. Seuls les centers parks, les supermarchés, les églises et les gymnases, vidés de tous ce qui peut générer une chute, seront autorisés à rester ouverts. Les coins de ces établissements devront cependant être moletonés avec un mètre d’épaisseur de ouate biodégradable. Les accès aux toits, aux fenêtres seront condamnés.
– Des tests systématiques seront réalisés pour toutes celles et ceux qui entrent à l’hôpital avec un gros risque de se choper une maladie nosocomiale. Ils ne seront pas soignés. Les personnels soignants ou assimilés se verront greffer à la tempe des caméras miniaturisées afin de vérifier que les mesures sanitaires sont bien respectées.
– Les routes, les chemins, les voitures, les trains, les avions, les cars, les scooters et si besoin les vélos seront supprimés, leur fabrication interdite, pour mettre fin aux accidents de transports. Tout contrevenant sera fusillé.
– La production de tabac et de toutes denrées, patates comprises, à même de faciliter la fabrication d’alcool sont supprimées à l’instant même. Celles et ceux qui possèdent de telles denrées doivent les apporter dans les déchetteries les plus proches. Un comptage scrupuleux sera effectué.
– L’état s’engage afin de compenser les pertes occasionnées et la suppression de nombreux emplois de fabriquer en France les caméras et les puces de surveillances.
Avec ses 1 500 décès annuels, la grippe reste autorisée.
Autrement dit, et la France a bon espoir que l’ONU et l’OMS soient d’accord, il est décidé de supprimer de la vie tout ce qui pourrait produire un risque.
En attendant, interdiction de sortir de chez soi. Les routes restent dangereuses. Fumer c’est pas bien et boire non plus. Se suicider c’est con. Choper une maladie ça craint. Tout le monde n’a pas son masque.

Lundi 17 août / 19 h 42

Eh oui. La pause estivale est finie. Presque. Encore quelques jours, quelques heures.
Aujourd’hui 157ème jour : je reviens dans le trafic et rebranche les fils du corona circus.
C’est avec plaisir !
4 semaines sans journal de bord, ce fut un bon break, sous la cagnasse exactement, jamais bien loin du coronaland évidemment, puisqu’il est tout à la fois nulle part et partout. Vacances estampillées masques, étrangetés, cassandres et tout le boxon.
Je ne suis pas tombé malade et j’ai mangé des glaces.
J’ai profité du sud de da France faisant mien avec délice le rythme par la chaleur imposé, poisson dans l’eau à sommeiller jusqu’au couché du soleil, avec quelques écarts quand même : une balade matinale dans les monts escarpés de la Sainte-Victoire ; quelques courses où tu entres par là et tu sors par ici ; un spectacle dans un théâtre antique où les places sont limitées mais où les gens se serrent les uns contre les autres (pas compris) ; un petit tour à Avignon le jour où il fait 42 degrés et que tu vas boire un coup dans un café mais tu as oublié tes thunes ; le même jour claque soudain un orage torrent et derrière, s’offre majestueusement un arc-en-ciel de derrière les fagots ; et puis aussi des clebs de tous poils ; une bergerie restaurant ; lectures de polars à foison ; la saga du magazine Society sur Xavier Ligonnès dévorée.
J’ai bien sûr fait moisson de photos de toutes les couleurs et noir et blanc.
J’ai mangé de la courgette et des pois chiches, aussi.
Chapardé des raisins et des prunes avant de retrouver la Lorraine et ses mirabelles.
Fait un aller et retour obsèques où un prêtre pertinent m’a questionné sur l’espoir et l’espérance. Je vous dépose la médiation : c’est intéressant ! Surtout en ce moment, je trouve, où le désespoir et la desespérance font leur lit dans les draps sales de ce que femmes et hommes peuvent produire de plus crétin (et sur ce point, on voit qu’il y a du matos sur le caillou bleu, jusqu’aux manettes des états, ça se voit mieux comme ça).

Pendant ce break j’ai aussi rencontré 30 personnes. Chiffre qualitatif. Je précise : j’ai pris le temps, retrouvé et échangé avec elles. Je ne compte pas les boulangères et les vendeurs de fruits, les serveuses de café et les croisés ici ou là.
De belles histoires et des moins belles (ça craque dans des chaumières), des lourdes et des plus lourdes encore, des plus légères : chacun vit son corona comme il peut, selon les âges, sans insouciance, ai-je trouvé, avec agacements la plupart du temps, avec inquiétude visible ou moins.
Ce qui m’a le plus épaté, c’est la convergence entre ce virus à la con, de plus en plus miroir de notre folie, le devenir de la planète, son maintenant, son hier aussi un peu, tellement on a le sentiment de régresser en mordant nos oreillers et nos quotidiens à tous, nos virages, nos choix.
Espoir ?
Espérance ?

Jeudi 16 juillet / 9 h 36

L’important en ce jeudi matin, pour moi, c’est ce mot, VACANCES.
Elles sont enfin arrivées 125 jours après et pas mal de péripéties.
Pas que des corona péripéties, d’ailleurs.
Ainsi, durant ce laps de temps, comme une inversion dans les courbes si je puis dire. Les 360 jours précédents furent marqués par des fins de vies et des douloureuses luttes. Là, des réussites scolaires et universitaires ont gagné la casa.
Battle de mentions.
Il y a de la fierté, bien sûr, mais pas de celles qui se griment pas au ronflant.
Ce n’est pas le diplôme ou la note qui fait satisfaction, c’est le chemin « réussi » de madame et de mes gars qui chauffent le coeur. Leurs efforts récompensés. Et les miens, aussi, car faut se les faller, les étudiants ! (sourire qui clignote)
En parallèle du mot vacances, donc, le mot mérité. Et cette jolie constatation que je vous laisse méditrer car elle est bien moins cucul la praline et pléonasmatique qu’elle n’en a l’air : si l’on récolte ce que l’on sème, on sème ce que l’on veut récolter…
Bref, pendant quelques semaines, à partir d’aujourd’hui, ce corona circus devient le corona (vacances) circus.
Mes premières du genre, avec promesse de masque par exemple dans les lieux fermés à compter du 1er août. Et petites évolutions l’air de rien dans les préparatifs, les organisations, les destinations. Il est là le salopiot. Il rôde, le virus. Et même si c’est on a l’air bravache, on l’a quand même dans le ciboulot. Avec des moins et des plus. C’est assez sympa, je trouve, toutes ces destinations à deux pas de chez nous qui se trouvent et se redécouvrent, se mettent en valeur, comme une fierté inavouée jusque là retrouvée soudain. Je pense à tous ces terroirs de France, qui clament avec un peu plus d’audace leurs richesses et leurs fiertés, avec un peu plus de fraîcheur leurs trésors et leurs pépites. J’y associe bien sûr les territoires frontaliers voisins, puisque l’idée ancienne de l’Europe sans doute morte avant d’être née a montré sa formidable absence depuis la crise, sans doute qu’à Bruxelles et à Strasbourg, il ne reste que les lobbyistes, esseulés, comme des cons, à mesure que s’ouvrent et se ferment des frontières qui soudain ne sont plus invisibles.
Quelle crise révélatrice cette corona séance ! Pour un peu, je la biserais sur le museau, tellement ce qui criait en sourdine se voit maintenant comme le nez au milieu de la figure. Que d’invisibilités sur la place publique ! Que de sachants déchus ! Que de gens de pouvoir soit disant démunis ! Que d’experts que dalle !
Certes, la main est encore fermement posée sur le couvercle, ça continue à mijoter dessous à faire le roquet dessus, mais ça tangue le navire, le vaisseau ivre, le train fantôme, et parce que je suis de ceux qui croient que le progrès sera de toute façon et quoi qu’il en coûte comme dit l’autre humain avant d’être technologique, quitte à bouffer des couleuvres encore et encore on a l’habitude, je me réjouis. Peut-être finalement remisons-nous l’idée que nos descendants vivront moins bien que nous pour enforucher le cheval plus joyeux de ceux qui se disent enfin, on va à notre tour construire quelque chose. Bon, j’ai toujours pensé cela, c’est vrai, et je vois bien tous les mots en « re » utilisés par le chef du nouveau gouvernement (ou plutôt le nouveau chef du gouvernement sans gouvernail qui subit pour sa gouverne) pour ne pas croire une seule seconde que tout cela se fera finger dans le pif. Les histoires de monde d’avant, de monde d’après, c’est des conneries, c’est juste affaire de nous éloigner du ici et maintenant.
Je vous laisse avec la chanson du jour, elle clin d’œil avec beaucoup de choses et surtout avec des amis artistes que j’irai voir sur scène fin août pour écouter ce texte (à lire en version intégrale ici).

Vendredi 3 juillet / 11 h 59

En ces temps égalitaires, où une madame préfet est une Préfète, une madame écrivain une écrivaine ou une auteure voire une autrice, voici le mot du jour.
C’est MISANDRIE.
Prononcez mesdames Misandrie.
Je ne fais pas de mysoginie en écrivant cela bien au contraire : ce mot est pour vous !

Chacun connaît de manière plus ou moins éruptive le terme de mysogynie. C’est de bon ton de le brandir, et très souvent, c’est tout à fait exact. Pertinent. Justifié. Mais il existe son pendant si je puis dire. La misandrie, donc.

Minute dictionnaire : La misandrie (du grec ancien mîsos (« haine ») et anếr (« homme ») est un terme désignant un sentiment de mépris ou d’hostilité à l’égard des hommes motivé par leur sexe biologique.
Le terme est sémantiquement antonymique à celui de misogynie (sentiment de mépris ou d’hostilité à l’égard d’une ou des femmes). Tout comme la misogynie, la misandrie est une forme de sexisme.
David Gilmore, conscient que le terme est utilisé trop peu couramment, lui préfère le néologisme « viriphobia », qui selon lui serait plus à même d’englober à la fois la haine et la peur de la masculinité hétérosexuelle. Misandre est donc une femme qui a une hostilité manifeste à l’égard des hommes.

Jeudi 2 juillet / 7 h 41

Juillet est là et juillet n’est pas comme les autres mois de juillet. Ceux d’avant. Il flotte toujours ce parfum d’été, cet air de vacances, mais on hésite à enfiler son masque et à se mettre sur le pif un nez rouge. Le besoin de s’aérer, de partir un peu, de bouger est là, presque plus fort que les années précédentes. Mais le temps joue à l’accordéon. Se compresse. Juillet est là et ce n’est pas tout à fait juillet. Les vacances rôdent plus qu’elles ne s’approchent. On ne sait pas trop par quel bout les prendre. Le covid-19 plane comme un nuage de Tchernobyl et les regards se floutent en quête d’horizons. Juillet est là et cette année, juillet me semble encore loin, et que dire d’août, et que de dire de septembre.
Faut dire que chez nous, côté progéniture, le futur proche, je ne parle même pas de l’avenir, c’est un vaste flou artistique.
Gars de bientôt 18 ans, s’il a le Bac sans l’avoir passé mais récompense d’un travail sérieux et régulier comme c’est écrit le bulletin de notes, a encore des tests à passer d’ici la fin du mois à cinq cent bornes de la casa avant de faire ou pas un choix en partie déjà amorcé par ce fameux parcours sup dont à part le côté ça fout le bordel je ne comprends toujours pas l’intérêt.
Il faut dire aussi que gars de 22 ans après le cycle entier et trois années d’université sature un peu et se verrait bien opter pour un break utile. Un demi sabbatique. Apprendre l’anglais avant de s’orienter vers de nouvelles aventures. Prendre un petit job. Un appartement. A moins que ce soit une manière de prendre la température, si je puis dire, de mouiller l’index et de le tendre vers le ciel pour sentir où va le vent ? En tout cas ne pas reculer, mais avancer doucement, prudemment, écouter tous ces appels qui fleurissent à prendre le temps et le prendre, ce temps ?
Inventons !
De ce point de vue, il rejoint pas mal d’autres générations. Trentenaires, quarantenaires, cinquantenaires, sexagénaires et même septuagénaires : le corona est passé par là, assurément. Ça cogite. Qui d’un nouveau lieu de vie ; qui d’un métier différent ; qui d’une réorganisation de ses loisirs.
La vie n’est pas une affaire de dates scandées par un président ou des médias qui nous inventent une guerre, un monde d’avant, un monde d’après.
Autant de formules qui ressemblent plus à des couvercles sous lesquelles ça chauffe individuellement même si chacun reprend, ânonne même, ces formules qui n’ont quen le sens que celui que l’on veut bien leur donner. Mais on sent déjà l’ironie, le cynisme, la défaite. Ou pas.

Mercredi 1er juillet / 8 h 01

Samedi 27 juin / 7 h 34

Confinement / Créafinement. J’aime bien cette association. Cette idée qu’à du contraint type confinement on adosse du créatif type créafinement. Ce matin, c’est cette notion de confinement qui m’intrigue. Parce que très sincèrement, nous ne sommes pas des lapins de six semaines, et quand bien même nous le serions, on n’a pas attendu 105 jours pour observer que ce confinement, avant d’être décrété de manière factuelle parce qu’un virus déboule dans le paysage, il a plus d’ancienneté que cela. Je prends mon exemple : cinquante-deux ans, bientôt cinquante-trois. Blanc, catholique, non pratiquant, non croyant, issu du milieu rural de France, celui des bals en bois sur la place du village, des fêtes foraines où les plus costauds tapent sur une prune géante pour faire sonner la machine et gonfler leurs biceps, la dure loi de la marche arrière dans les auto-tamponneuses, les parties de flipper et de baby-foot, une scolarité sans sourciller, les parties de foot, la musique, puis la vie professionnelle, payer les factures, fonder une famille. Etc. On passe de la voie lactée à la voie tracée sous couvert des injonctions propres à chaque époque.
Moi ce fut, enfant, le pénible qu’est-ce que tu feras plus tard quand tu seras grand (je continue à essayer de répondre à cette question). Puis la peur des parents pour leur progéniture, parce que le chômage pointait le bout de son nez. Fallait aussi emprunter pour la maison, épargner pour la retraite, assurer sa vie et sa santé.
Puis est venue à mon époque la peur du SIDA. J’y repense souvent depuis le corona circus, car à l’époque, pareil, on disait tout et n’importe quoi, on ne savait pas quoi en penser. On avait peur.
Bref, le confinement, on connaît. Et pour avoir vu des reportages sur des personnes aujourd’hui très âgées, ayant connu la guerre, la vraie, je me dis que l’homo occidentalus, le confinement, limite il est né dedans. Limite il le transmet de génération en génération.
Alors vous pensez bien que c’est pas 105 jours qui vont nous faire découvrir que confinés nous sommes, et ce bien depuis des lustres.
Ce qui fonctionne bien, encore et toujours, c’est la peur. Individuelle et si possible collective voire mondiale. Tout marche à la peur, dans nos sociétés dites évoluées (mais qui vont toujours chercher leurs philosophies chez les ancestraux, les indiens massacrés, les africains colonisés, les tibétains envahis, etc.).
Et cette peur, je ne sais pas vous, ce sale air de la peur comme on dit, on le paye cher.
Au-delà des théories complotistes de tous bords, cette peur est brandie comme l’ennemi invisible à abattre, il n’est qu’à voir pour revenir plus près de chez nous, comme l’Europe nous est infligée. Alors que ça fonctionne pas. Mais ça ne peut pas. Sa naissance, c’est pour arrêter ces saloperies de guerre. Puis on a scandé la paix. Et hop, le pas de côté est fait.
Pourquoi je parle de l’Europe ? Parce qu’avec cette crise du Corona, on a bien vu que ces histoires de frontières ouvertes, c’était du flan. Chacun a fissa fermé les siennes. Comme pour le nuage de Tchernobyl. Hop, je ferme mon rideau de fer et passera pas chez moi, s’arrêtera pile sur le pas de porte. La peur reste bien au chaud comme ça.
L’Europe est un autre confinement qui en dit long. Perso, j’y suis favorable. Mais ce que je vois depuis les années 1980, c’est juste de la daube. Et c’est dommage.
Alors on prend le créafinement, comme un médicament, ou un antidote, pour supporter le confinement, pour en faire quelque chose, pour le transcender même, si c’est possible. Et évidemment, c’est possible. On met beaucoup de choses dans le créafinement : du soin à soi, à ses proches, à sa maison, à son jardin ; on écoute de la musique, certains en font, on lit des livres, certains en écrivent, on dessine, on marche, on fait son jardin, on tire des plans sur la comète. Jusqu’à ce que la peur revienne et ainsi de suite.
En ce moment, cette peur, l’intime, celle de chacun, je ne sais pas vous mais moi je la perçois dans les regards alentours, dans certaines phrases, dans la manière dont cet été se prépare. Confinés de dedans. Avec ce sentiment, tenace, qu’un coup de pied au cul ferait pas de mal. Et cet autre sentiment : on commence par quoi ?

Vendredi 26 juin / 8 h 07

Réflexe professionnel ? Je lis trop de polars ? Il n’empêche : sans être (loin de là) un spécialiste de l’économie, je ne peux m’empêcher de noter dans ce journal une sensation. Elle rôde en moi depuis le début de la crise. Elle me questionne. Me taraude même. La racine se trouve dans des restes de mes cours d’histoire de naguère. J’avais imprimé dans ma mémoire collégienne l’importance économique d’une guerre et le fait que nos sociétés en croissance avaient bénéficié des reconstructions nécessaires après les conflits, notamment après 1945 et ces fameux « jours heureux » qui transformaient le paternalisme industriel en paternalisme national.
C’est là-dessus, bénéficiant de la période de paix la plus longue jamais connue, que de décennies en décennies nous sommes arrivés en 2020. Depuis une bonne trentaine d’années, après le virage « austère  » de 1983, puis la disqualification symbolique de l’impôt sur le revenu transformant peu à peu le citoyen en client et en électeur, on nous abreuve de termes comptables négatifs. Tout n’est que coûts, déficits, économies à réaliser. Le résultat est humainement désastreux. Les inégalitézs se creusent de partout, lézardant le barrage, mais ne le fissurant point. Solide, le gaillard. Nous restent cette pauvre statistique et quelques théories fumeuses : la richesse mondiale augmente sans cesse. Oxfam le résume ainsi dans un de ses rapports : Les milliardaires du monde entier, qui sont aujourd’hui au nombre de 2 153, possèdent plus de richesses que 4,6 milliards de personnes, soit 60% de la population mondiale. Dans le même temps, près de la moitié de la population mondiale, soit près de 3,8 milliards de personnes, vit toujours avec moins de 5 dollars par jour. C’est une donnée avec laquelle nous vivons comme si de rien n’était, au fond.
Puis surgit le Covid-19. Et notre « président », sans sa première allocution, ni une ni deux, nous annonce que nous sommes en guerre. Il martèle « Quoi qu’il en coûte ».

L’économie de guerre est relancée. Wikipedia en dit ceci : L‘économie de guerre désigne les pratiques économiques exceptionnelles mises en œuvre lors de certaines périodes historiques de fortes agitations ou d’autarcie extrême, généralement mais pas nécessairement liées à l’existence de conflits armés. Elle a pour objectif le maintien des activités économiques indispensables à un pays, l’autosuffisance, la dissuasion de la consommation privée, la garantie de la production des aliments et le contrôle de l’économie depuis l’État. L’économie de guerre est une occasion de croissance et de développement, car ils peuvent alors augmenter leurs exportations aux belligérants. Dans d’autres cas, l’économie de guerre soutient des processus de recherche et de développement technologiques qui améliorent la capacité du pays.
Sans doute est-il un peu là, le fil rouge invisible de la gestion française de la crise sanitaire. La fameuse résilience. Et, intact, les réflexes d’hier en nous bassinant avec les choix pour demain. On commande des millions de vaccins non encore produits. On injecte notre pognon pour les avions et bientôt les trains. On donne des médailles aux vaillants soldats. On laisse claquer les arts, la culture, la vie associative.
Et là-dessus, vraie nouveauté finalement, on numérise encore plus la vie en société et ça se frotte les mains ici et là.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?

Mercredi 24 juin / 7 h 21

Allez / Des bisous. Collectez les vôtres !
Il y a tellement de choses « bashing » en ce moment, je dirais plus que d’habitude, que ça fait du bien de percevoir des signaux souvent tous simples qui sont comme des antidotes au bal des cassandres. Je vous en ai collecté quelques uns, comme ça, à la volée, histoire de rappeler comme dans les petits coins de France, il se passe aussi des trucs incroyables, donc invisibles puisque positifs.
Ainsi l’autre jour, pour mon test nasal covid 19. Cette femme âgée, qui prend les inscriptions si je puis dire, et qui me confie être à la retraite mais être « revenue » au début du confinement. Pour aider.
Ainsi cette infirmière libérale, qui vient ici file le coup de main et qui a choisi, lorsque l’épidémie a déboulé en France, de faire son métier et de quitter son domicile, mari et enfants, pour ne pas les contaminer.
Ainsi, pas plus tard qu’hier soir, ce prof de maths d’un lycée qui tient à saluer ses élèves de terminale et les invite tous à boire un coup dans un café de la ville.
Ces modestes apports dans le flux des nouvelles alarmistes qui ne cessent de tomber comme à la parade font du bien, non ?
Le fameux ruissellement… J’y pense quand je prends connaissance de ces petites histoires dans la grande histoire, et si j’y pense aussi quand je ressens l’autre vague, celle des peurs et des ras-le-bol, cela m’aide à me dire que que ça fait un paquet de gens en France et dans le Monde tout ça, que ça vaudrait le coup de la rassembler en un lieu pour voir cette puissance, cette force, ces regards, qui en disent long sur le cap à suivre et la route à emprunter. On pourrait aussi réunir les autres, évidemment, observer ces deux camps, mais l’on serait peut-être surpris. Lequel serait le plus important ? Quelle armée serait la plus performante ? Moins qu’hier, altruisme, bienveillance, bien commun, service public, entraide, coup de main sont des gros mots. On redécouvre même en les murmurant que ce sont en réalité des Grands mots. Ils ont aussi cette singularité d’être humains. C’est-à-dire ni techno, ni comptables, ni flippants, ni grossiers. Ce ne sont pas des insultes mais une forme d’élégance, de politesse. Et notez je vous prie ce que vous apporte la lecture de ces quelques lignes. Ca fait du bien non ?


Mardi 23 juin / 7 h 28

C’était hier les 100 jours du corona circus. On y est encore. En plein n’dans même si entre temps, le confinement s’est assoupli. J’écris cela car selon moi, nous ne sommes pas encore déconfinés, et je pense que nous ne le serons pas vraiment tant que la seconde vague du virus ne sera pas de retour.
Cela invite à regarder différemment l’avenir, en mode moins immortels, il n’est qu’à percevoir comme se projeter, aujourd’hui, coule moins de source.
Cela invite aussi à se souvenir du premier jour. Et à considérer autrement, aussi, cette expression qui d’ordinaire décrit un état de grâce.
Historiquement 100 jours, c’est une prise de pouvoir. Napoléon. En 1885. Surnom de la période : le vol de l’aigle. Une expression qui d’ailleurs ne désignait pas le retour de l’empereur mais l’absence du roi. On ne se refait pas. Derrière, il y eut l’exil.
Mais revenons en 2020. Premier jour. Le 15 mars, j’écrivais ceci :
Je liste. Ce que je peux faire pas faire. Les personnes fragiles que je connais. Je pense aussi a elles. Je pense aux soignants et a tous ces métiers ou le geste barrière est impossible. La aussi je me demande ce que je peux faire. Pour les aider. Garder leurs mômes ? Faire leurs courses ? Ne pas tomber malade ? Je me dis aussi que l’art décidément est un putain de chouette médicament. Même a domicile. Les bouquins la musique et toutes ces ressources sur le net. On a de quoi faire même si pour moi ce sera boulot demain. Il y a des endroits où il faut être. J’ai des pensées con également. Plein. J’ai oublié d’aller chez le coiffeur. Je pense qu’on sera tous un peu cromagnon un jour de l’After. Horde d’hirsutes. Et puis en ce dimanche aussi voter. C’est devenu couillon d’un coup ce scrutin. A la fois hâte de régler ce détail. J’irai voter évidemment. Je projette enfin. Vais pouvoir faire des choses pour lesquelles je manquais de temps et voilà que ce temps est là. Tout ramène a l’intérieur finalement. Il fait froid dans le dos ce quoi qu’il en coûte macronien prononcé l’autre soir. Si peu d’empathie. Ce jour 1 du corona circus se fait sur la pointe des pieds. Pour l’instant.

101 jours aujourd’hui. Le hasard veut que côté boulot, pour les besoins d’une document de communication, je sois en plein dans un bilan / perspectives de cette crise hors norme. C’est impressionnant tout ce qui a été fait face à l’ennemi invisible. Le sens dessus dessous. Chacun a son vécu de la période. Je vous invite d’ailleurs à narrer le vôtre. Cela fait date. Persiste en mpoi en tout cas la sensation d’une opportunité extraordinaire mais d’un poids sidérant. En même temps. Les fous encore plus fous, les lobbies encore si forts, l’aregtn maître du jeu, le mépris de l’Homme omniprésent, chair à canon, le manque de confiance aussi, car beaucoup plus de chose se voient. Pour ceux qui veulent voir bien sûr. Se faire croire. Le déni est un compagnon comme d’autres.

101 jours et si je devais résumer en un mot sur ce qui est au menu aujourd’hui, ce serait fatigue. Je pense que le Pays est fatigué. Saturé peut-être.
C’est devenu si compliqué.
Non que ça ne l’était pas avant. Ca l’était, mais autrement.
L’irruption d’un virus dans nos quotidiens agit comme un extraordinaire révélateur. Un miroir redoutable. Décombres et absurdités. Mensonges et gens admirables. Peurs individuelles et collectives. ET ce qui me frappe, à moins qu’il soit resté confiné, si peu d’espoir qui transparaît entre les lignes. C’en est suspect.
Aujourd’hui, dans l’usage courant le terme de crise peut désigner des choses diverses comme une manifestation violente, la mutation brutale d’une maladie, une période de tension, ou une situation de rupture préoccupante, un état de pénurie… Que du négatif. Pourtant, étymologiquement, ce mot crise issu du grec associe les sens de « jugement » et de « décision » mis en œuvre pour dégager une décision entre plusieurs positions ou tendances opposées sinon conflictuelles.

Dimanche 21 juin / 10 h 17

N’empêche. Pour ceux qui continuent d’appeler FB face de bouc, l’air de rien, avant le confinement, j’avais 136 amis.
Me voilà passé à plus de 500.
Rien que des gens avec qui j’ai eu des contacts, des échanges, des affinités. Notamment via #fleurdeschants2020 mais pas que.
Les messages privés se multiplient.
Plein de relations se créent.
C’est un des beaux effets de la crise, si je puis dire.
Merci à celles et ceux qui ont élargi mes horizons.
Qui lisent, qui réagissent, qui participent, qui contribuent.
Et petit message aux silencieux qui se contentent encore bien trop sopuvent de passer, de matern de consommer : sortez un peu vos mots, vos lectures, vos images, vos instants de leur armoire et partagez, partagez, partagez !
C’est aussi cela qui fera que de la crise, ses gestes barrières et autres l’on se sortira par le haut là où tout nous tire par le bas. Ensemble.

Sinon, c’est la fête de la musique aujourd’hui.
Je vous suggère d’en écouter plein et de délaisser un peu les actualités, les informations, les messages alarmistes que les bien en place de l’avant 16 mars 2020 distillent sans vergogne via les médias et les influenceurs. Ne tombez pas dans le panneau des infos qui n’en sont pas. Ou qui sont et mal traitées, et maltraitées.
Oui, le trou de la sécu fait un bond. Oui, le chômage a augmenté et atteint des records. Oui, les perspectives économiques ne sont pas bonnes. Ecaetera.
Comme toute crise, ce qui existait avant a pris une torgnole.
Et comme tout crise, des tas de secteurs vont en bénéficier.
Côté moquette épaisse, cravates et manucure, seins en silicone et implants capillaires, on se frotte les mains. L’enjeu est qu’ils ne le fassent ni trop ostensiblement, ni trop souvent ni trop longtemps. Pour cela, il faut des têtes relevées, des manches retroussées, des regards horizons, des caps et non des épées.
Arrêtons un peu le tête basse, les lèvres fripées, les mentons flageolants et osons les envies, les rêves, l’impossible. Ça fera contrepoids au salaire de la peur. À la morgue au nez et à la barbe.

Samedi 20 juin / 7 h 20

Marjorie tiendra désormais une place singulière dans ma vie. Elle est la première femme, et la seule d’ailleurs, à s’être aventurée aussi loin dans mes tréfonds naseaux. A deux reprises. Je me suis d’ailleurs félicité que nous n’ayons que deux narines. Nous ne connaissions pas, elle avait une sorte de coton-tige géant, elle m’a tout bien expliqué et ensemble après que j’ai rempli un questionnaire qui me permettra sûrement de faire partie de la méga application covid, nous avons compté jusque dix. Une fois. Deux fois. Elle a un peu triché au démarrage gagnant quelques secondes pendant que ça triturait dans les naseaux et que les larmes affluaient en bords de paupières. Quoique vers 6 – 7, j’ai fermé les yeux, pressé qu’on arrive à 10.
Bref, j’ai passé le test covid. Marjorie est infirmière libérale. Elle file le coup de main dans cette campagne de dépistage mobile : un bus s’était posté près de mon lieu de travail.
Je confirme le peu d’intérêt de la chose hormis l’exploration nasale et ce moment d’intimité avec Marjorie. Je saurai si j’ai le corona (et si oui, hop, quinze jours d’arrêt de travail illico presto) et si non, je suis évidemment susceptible de le choper au plus vite. Et je confirme le bon côté de la chose : rendre un peu concret ce virus avec des échanges très sympas avec celles et ceux qui donnent de leur temps pour participer de cette action. Il y avait des sourires, c’était bon de causer avec d’autres, même si à la fin, tout le monde pleurait dans le bus 😉

Vendredi 19 juin / 7 h 40

Allez, faisons ce matin un peu de sémiologie* de comptoir. Manière de dire, en mode ni érudit ni spécialiste. Montons un peu dans une montgolfière. Prenons de la hauteur. Et voyons ce que nous regardons. Regardons ce que nous voyons.
Sous l’angle qui me fait marrer, dans les relations sociales, je me dis qu’un paquet de nanas doivent être ravies de ne plus avoir à biser les blaireaux qui passent dans le parage. Faut dire que la bise sociale m’a toujours intrigué. 97 jours de cure de ce côté-là ça doit être cool.
Sous l’angle de quelques coïncidences troublantes, que nous dit aussi cette crise et je ne parle bien sûr que de la sanitaire. Pas encore de celle qu’on nous prédit à venir, elle sera terrible les amis nous dit-on, l’économique, ouh la la, ça devient vraiment grave alors. Faut toujours quelques peurs d’avance, dans le monde libéral et individualisé, n’est-ce pas ? La crise sanitaire , donc, depuis 97 jours, c’est le règne d’une dégradation encore plus aboutie des relations humaines, des liens sociaux, cette fois officiellement, avec lois et arrêtés préfectoraux. Donc il faut des gestes barrières et mettre des masques. Ne pas postillonner. Se tenir à un mètre voire un mètre 50 de l’autre. Il faut rester chez soi. Manifester à 9 maxi. Ne pas danser. Ne plus faire de sport sauf ceux sans contacts. D’ailleurs, aussi, on paye sans contact, si possible pas en liquide. On évite les magasins et on préfère passer par internet pour faire ses courses, acheter sa bouffe, remplir sa déclaration d’impôt, gérer ses comptes, etc. Bref, coupons-nous les uns des autres. C’était déjà pas mal amoché avant-. Le Corona est venu en rajouter une couche. On ajoute là-dessus toutes les inquiétudes nées des conséquences de ce qui est décrit ci-dessus. On saupoudre de menaces sociales, financières, environnementales, sanitaires. Et on obtient un cocktail assez puissant.
Rassurez-vous, je ne suis pas en train de la jouer complot. On prend de la hauteur, n’oubliez pas. N’empêche qu’avec tout ça, on se retrouve au mieux dans un pétrin, au pire dans un smog dont on se demande ce qui coule au bout. Ce qui se jette dans l’amer. Il reste juste à calculer le prix et le coût du salaire de la peur et ce sera complet.
En attendant, perso, dans mes contacts quotidiens, je connais cette étrange situation récurrente : je m’approche de quelqu’un que je connais, je fonce sur lu_i même, prêt à l’accolade, la poignée de main et donc aussi la baise puis je m’arrête net et s’entame alors cette étrange chorégraphie corona siglée : on recule tout en prenant contact. Pour peu qu’on ait des masques et des lunettes, je vous raconte pas.

* Sémiologie. Définition. Dans le monde non médical, il s’agit de la science des systèmes de signes (intentionnels ou non) et des systèmes de communication. Elle décrit le fonctionnement de tous les systèmes de communication non linguistiques, étudie les significations attachées aux faits de la vie sociale et conçus comme systèmes de signes.

Jeudi 18 juin / 7 h 50

Finalement, c’est fatiguant de s’informer. Voilà en effet que le covid-19 ressemble de plus en plus à ce fameux nuage de Tchernobyl qui s’est arrêté pile à nos frontières, le bon gamin.
Ce qui me taraude n’est pas dans tout ce qui se dit, se montre, se déplace. Manifestations autorisée, culture sabordée ; municipales ; présidentielles (eh oui, déjà) ; relance économique.. On a de quoi occuper nos mirettes.
Non, ce qui me taraude, c’est bien sûr tout ce qui ne se dit pas, tout ce qui ne s’évoque plus. Et y’a masse !
A défaut de monde d’après, on est donc retourné docilement dans un calendrier de l’avent dont le graal pour beaucoup sera enfin les vacances.Mais une partie de moi reste en mode warning.
Par exemple, je cherche dans ce fatras d’injonctions paradoxales (tout va bien / protégez-vous) des réponses à des questions qui ne se posent plus et c’est bien dommage.
Je reste par exemple estomaqué par le non dépistage systématique. Logistique, coût nous expliquait on à l’époque (les derniers articles sur le sujet datent de mars dernier…). Mais bon. 500 milliards nous a dit le locataire de L’Elysée ont été injectés pour sauver l’économie (oui, ces types sont des sauveurs avec nos thunes). Ben comme on est plus à ça prêt, fallait en rajouter un peu et commander 60 millions de tests.
On aurait soulagé pas mal de gens. Mais la question a disparu des radars.
A la place, 300 millions de vaccins ont été commandés nous dit-on. Pré-commandés en fait. Car le vaccin n’existe pas. Pas encore.
Alors que le test, il soulage. Il rassure. Il est ici et maintenant. Ni dans un hier miasmesque, ni dans un demain hypotéhique.
J’ai vu l’autre jour une collègue en stress parce qu’on suspectait le corona chez elle.
J’ai vu son visage après quand revenue, soulagée, elle a brandi le spécial c’est bon, je suis négative. Positive, donc.
Je sens la fatigue de tous.
Oui, c’est compliqué de s’informer.

Sinon, rare reliquat de mes années collège et lycée, je ne pouvais pas passer à côté aujourd’hui. Aussi parce que jeu de mot à la con que j’ai toujours aimé : l’appel du 18 juin / la pelle du 18 juin…
Il y a pile 60 ans, celui dont tout le monde continue de se réclamer comme si le monde était né ce jour-là, le Général de Gaulle lançait son fameux (appel) depuis Radio Londres. Mais il disait quoi, ce texte ? Voici :

« Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat. Certes, nous avons été, nous sommes submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne de l’ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd’hui. Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l’Angleterre, utiliser sans limites l’immense industrie des Etats-Unis. Cette guerre n’est pas limitée au territoire de notre malheureux pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances n’empêchent pas qu’il y a, dans l’univers, tous les moyens pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là. Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialisés des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu’il arrive, la Flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.Demain, comme aujourd’hui, je parlerai à la radio de Londres

Mercredi 17 juin / 7 h 02

Perplexe. Je suis. Je crois bien que ce que je perçois le plus ces temps-ci, c’est la grosse fatigue générale. Et avec la peur. Les peurs. Et avec des montées d’adrénaline. La question par exemple des violences policières me trouble. Je vois comme tout le monde ces images de flics qui matraquent. Mais par habitude, lecture pragmatique de l’actualité explique, je me pose deux barrières sanitaires, si je puis dire : 1. Cela représente combien de « cas » sur l’ensemble ? 2. Ce que les images ne montrent pas. Nous sommes à l’ère du chiffre et du zoom. Les chiffres et les zooms, on leur fait dire ce que l’on veut. Le racisme, pareil, j’ai du mal à en penser quelque chose. Pas sur le fond, bien sûr. Mais sur cette idée que peu à peu, et cette crise coronesque l’a montré, faut-il redouter ou se dire tant mieux ? Redouter les prises en otage, les divisions, les intégrismes. Ou apprécier que ce qui se cachait et enrichissait le vaste monde des « invisibles » passe sous les feux de la rampe ?
Hier, des soignants ont manifesté, exprimant eux aussi comme un symbole leurs appréhensions et leurs colères. Ce qui a changé, c’est que ces manifestants-là ont considérablement changé de statut. Sont un peu devenus intouchables. Et je notais sous un commentaire dans un site média ce propos d’un homme qui rappelait de se méfier des mots génériques. Soignants disait-il en gros ne doit pas devenir un nouvel arbre qui cache une forêt. Et en effet : dans les hôpitaux comme dans les maisons de retraites, dans les lieux d’accueil de personnes handicapées comme dans les domiciles de celles et ceux qui ont besoin d’une aide humaine pour assurer à minima les gestes quotidiens, il y a bien d’autres métiers qui agissent, dans la coulisse. Je pense aux gardiens, à ceux qui font le ménage, à celles et ceux qui assurent l’administration, à celles et ceux qui font la cuisine, qui livrent les produits, qui vident les poubelles.
Je travaille dans un conseil départemental. Un chiffre n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd, il y a quelques années. Une étude « développement durable » comme on disait alors avait calculé combien d’emplois « indirects » à la seule vie de la collectivité étaient assurés par les dotations, subventions et autres partenariats. On était à 10 000. Ce qui est pas mal pour une boite de 3 000 personnes dans un département de 750 000 habitants. Une sacrée force de frappe si on multiplie par cent, le nombre de départements en France. Et si on y ajoute ce que l’état génère, ce que les régions génèrent.
Mon propos, vous l’avez compris, n’est pas de vanter le secteur public, de la même façon que je ne diabolise pas le secteur privé. Le débat n’est pas là. Il n’est pas non plus d’aller sur le terrain de est-ce bien raisonnable tout cela. Il est de rappeler que ces colères, ces fatigues, au-delà de celles et ceux que l’on voit, se propagent à la manière d’un ruissellement par le bas bien plus compact qu’il n’en a l’air, et bien plus agile et partagé qu’un autre ruissellement qui n’apporte pas la moindre preuve de son efficacité humaine. Je crois que dans son approche, chacun a sa part non culpabilisante de préférence dans la manière dont nous nous conduirons aujourd’hui, demain et plus tard. C’est un souhait. Un espoir. Et une crainte. Un appel surtout : profitons aussi des temps libres et des vacances pour se reposer. Nous en aurons besoin. Et je ne parle pas que de moi !

Mardi 16 juin / 9 h 08

Dimanche, en Une de ce corona journal, j’ai mis une planche à billets en photo.
Aujourd’hui une route. Parce qu’il y en a une.
Pour être parfaitement franc, je ne me remets pas du fatras républicain qui voit un président décrété des trucs que sur le terrain, chacun se démerde ensuite comme il peut. J’ai du mal à me dire qu’on « organise » quoi que ce soit de cette manière. Il n’est qu’à voir comme tout le monde est paumé avec l’école, le collège, les mariages, les enterrements, les spectacles, les vacances. Il n’est qu’à voir comme au fond, les responsables ne sont pas responsables de grand chose au sens qu’ils ne sont pas impactés directement voire concernés par les conséquences de leurs propres décisions et comme en face, les invisibles, les anonymes, les petites gens, les gens de peu, les métiers l’un après l’autre (l’industriel, le paysan, l’artisan, l’instituteur, le cuisinier, le boulanger, la caissière, le demandeur d’emploi), à l’exact opposé, prennent de fait (eux n’ont pas le choix) leurs responsabilités. A eux je dis bravo. Aux autres qui nous montrent de plus en plus comme ils vivent dans un monde parallèle, hors sol, déconnecté tant ils semble prisonniers de leurs propres jeux de rôles qui confinent finalement à des gesticulations d’un autre temps, je dis fiasco. Je ne suis pas naïf toutefois, ni bêtement sectaire.
J’ai su observer dans ce journal précédemment qu’à certains moments, je trouvais que le gouvernement se démerdait bien vu le bordel du départ, les non dits, les mensonges.
Je ne nie pas qu’un pays, ce n’est pas facile à « tenir » et que faire société, faire front commun dans des conditions aussi délabrées où l’individualisme est tour à tour l’oeuf et la poule, le problème et la solution, ça fait un paquet de paramètres à prendre en compte.
Il y a des mayonnaises, elles ne peuvent plus prendre.
Depuis dimanche, je me dis que le type, ses conseillers, ses experts nous disent la recette et puis après, ils vont jouer au golf. Cela me dérange. Me serre la tripe. Sans qu’il soit question de déception. On a bien compris à mesure que les cinglés s’emparent des manettes que du chaos ne naître pas des étoiles. Comme on a bien compris que cette fois, le coup de l’homme providentiel, ça ne marche plus.
Là où naguère des pavés se jetaient sur les plages, je regarde mes chaussures dans les cendres de ce que fut la France et au risque de surprendre, ça me donne non seulement une putain d’énergie, mais surtout un supplément d’âme qui transforme l’agacement, la honte de l’autre soir en saine colère et en énergie pour participer à mon échelle de quelque chose plus robuste, une société plus juste, plus équitable et réellement bienveillante.
Pour moi, ce ne sont pas des gros mots. Ni un délire de gauchiste qui mange des rayons de soleils avec des pétales de fleurs en dessert tout en prenant des bains de guimauve. C’est un cap. C’est une boussole. Tout autant une politesse qu’une élégance. Et à dire vrai, une dignité. C’est en tout cas ma réponse à la question qu’on ne m’a pas posé.

Dimanche 14 juin / 20 h 45

A parlé.
J’ai de plus en plus de mal à penser « Le président » mais en attendant, faut faire avec donc je ne peux que l’écrire : le Président a parlé.
Ce dimanche. 20 h. Comme promis.
L’œil clair, pas de théâtre cette fois, est un entre les lignes finalement très fastoche à décrypter. Z’avez vu la jolie fontaine, au fond de l’image ? C’était pas beau, ça ?
A tout dit : en mars, malgré moi, j’ai dû décider de placer la santé avant l’économie. Mais en juin je reviens : je remets l’économie au-dessus de tout.
Ensuite, le gars, il monte dans la moissonneuse-batteuse et il pioche à tout va, de tous côtés, il ratisse large, le mec, grâce à qui tout a été solutionné, grâce à qui tout va s’arranger.
Sauf que… sauf que…
Ben le virus il se fiche un peu de tout cela.
D’ailleurs, j’ai pensé à lui à un moment. Il a dû se dire, putain, je reviens fissa. Qu’est-ce que c’est que ces balivernes ? On parle de moi quelques secondes, et après basta ? Ben crotte alors.
Le reste, ce fut économie, emploi, souveraineté, économie, emploi, protectionaisme, économie, emploi, Europe, avec saveur verte et solidaire pour enrober la sauce. Mais après. Bien après.
Franchement, j’ai eu honte.
Ce « nous »… Cette récupération… Ce cri de victoire… Beurk.
Je n’oublie pas… Comme les soignants et plein d’autres professionnels se sont démerdés tous seuls chacun dans son coin.
Je n’oublie pas… comme depuis des années et des années, la France des territoires, celle hors Paris, trépigne et s’agite pour dénoncer ce qui relève d’une prise en otage de la République, dont on a rogné le côté décentralisé, sauf pour faire assumer aux
Je n’oublie pas… comment on gère les migrants… comment le racisme est toujours vivace… Comment l’Afrique on l’a pillée…
Et puis le chiffre massue tombe… 500 milliards…
Et puis cet aveu : la jeunesse, qui porte toutes les conséquences…
Et puis cet oubli, déjà : la police et les gandarmes nous permettent de vivre en sécurité…
Mais cher monsieur, où étais-tu ces 92 derniers jours ?
Que faisais-tu ? Du golf, toi aussi ? Des tweets également ?
Le ruissellement, les premiers de cordées, c’est en bas qu’ils sont. Ce sont ces femmes et ces hommes qui ont tenu debout le pays, tout le monde emboîtant le pas, parce que la sécurité était alors sanitaire, et elle l’est toujours.
Ces femmes et ces hommes se sont mobilisés avec conscience, courage, sens des responsabilités. Parce que ces métiers, on ne les fait pas par hasard, surtout dans ces conditions, surtout à ces salaires, surtout quand depuis 15 ans minimum, on s’en fiche comme d’une guigne de vous.
J’aime assez l’idée qu’effectivement, nous allons dorénavant applaudir les actionnaires, les banquiers, les mutuelles, les assurances pendant que la thune sera versée au pot commun pour garantir notre santé, notre sécurité, notre émancipation.
Ah au fait : en 2019, les dividendes versés aux actionnaires à travers le monde ont atteint 1.430 milliards de dollars. Et en France les banques ont fait 28 milliards de bénéfices. Sans oublier les fameux GAFA (Google, Facebook et compagnie) dont les bénéfices annuels se situent entre 6 et 12 milliards de dollars.
Nous voilà rassurés.

Vendredi 12 juin

Mes notes corona prises au quotidien sont implacables. Cette journée de vendredi en a été une jolie illustration. Trois exemples :
1. Pour cause de virus et de crise sanitaire, mes rfrères et moi avons reçu un mail nous disant que l’acte notarié ne serait pas signé physiquement dans les locaux du notaire mais de manière virtuelle. En gros : nous renvoyons à madame des documents remplis de plein de formules complexes et néanmoins droitistes et légales signés par nos soins avec bon pour accord et tout et tout. Date, paraphe, ce genre de choses. Primo : je dois donc imprimer les quelques 40 pages. Mon imprimante est ravie. Secundo : je m’apprête à scaner les dites pages. Mon scanner est content, mon emploi du temps moins. Heureusement, juste à temps, je vois une phrase qui me dit que ma signature doit être authentifiée. Ben vlà. Comment je fais ? Ben faut aller en mairie. Ce qui est super, quand tu bosses, puisque les horaires sont parfaitement compatibles… Bref. Je m’arrange, je vais en mairie, un type joyeux comme un rossignol aphone et en plein burn out authentifie ma signature. Et me voilà à la Poste maintenant. Où je veux payer les 1,90 € en liquide mais non en fait pas de monnaie elle a la dame donc carte bancaire. Sans contact bien sûr. Puis je repars, avec cette sensation que plus ça va et plus on fait à nos frais le taf des autres pendant qu’ils se servent. Je me disais ça des impôts, des courses. Les notaires, maintenant. Et à venir certainement l’eau, le gaz, l’électricité. Et tout cela on le fait sans même s’en rendre compte. Comme si c’était normal.
2. Discussion au bureau de fin de journée. Il est aux environs de 18 h et plus. Nous ne sommes plus très nombreux dans le vaisseau. Et là, elle me narre ceci : le Préfet a pris un arrêté qui élargit le champ des possibles pour celles et ceux qui se marient. Mais le même arrêt interdit la danse ! Because vous l’aurez compris gestes barrières. Moi, perso, je danse pas : me gêne pas, cet arrêté. Mais pour des milliers de gens, voilà qui est sacrément épineux. Et drôle. Car la chenille avec un mètre de distances, les slows avec un mètre de distance, le rock avec un mètre de distance, ça doit valoir son pesant de cacahuètes ! Je me marre. Et il faut un préfet pour arriver à ce type de fonctionnement. Assurément un haut fonctionnaire.
3. Enfin un sujet dont on ne parle pas assez et pourtant je me suis renseigné je vous le promet : le jeté de noyau d’abricot. Ou le trognon de pomme. C’est comment qu’on fait ? Hein ? Comment ? J’étais dans ma voiture, retour vers la casa, et je mangeais des abricots. Ce type est dingue, vous devez vous dire. Car oui : je fais quoi avec mon noyau en fait ? Je le jette par la fenêtre ? Je ne le jette pas ? Il est dangereux mon noyau ? Il l’est pas ? Vous imaginez le cauchemar, vous, pendant que vos abricots vous mangez, et que les noyaux augmentent, inévitablement. Alors information sanitaire d’importance, car j’ai jeté les noyaux par la fenêtre : Rue du Sergent-Blandan à Nancy (1 noyau avant ARTEM et un après), Rue du Général-Duroc (1 noyau), Rue Gabriel-Péri à Vandoeuvre et rue du 8ème régiment d’artillerie (1 noyau) à Vandoeuvre : faites gaffes !

Jeudi 11 juin / 22 h 28

Parfois, juste noter au vol des pensées et des images puis les restituer, comme ça, brutes de traitement.
Mais avant cela, vous soumettre une mésaventure qui est survenue ce matin, ou plutôt hier vet cette nuit. Coup de fil de la brigade des mineurs. Genre 17 h 30. Venez au poste demain, madame. Genre 8 h 30. Impossible de dire quoi que ce soirt au téléphone. Je vous laisse juste méditer sur ces 13 heures entre les deux horaires. Ce qui mouline dans le bocal. Ce qui traverse l’esprit à la vitesse de la lumière. Pour au final, tout autre chose. Mais le devoir de réserve et le secret de l’instruction m’empêchent de vous vous en dire plus. Ce qui, ici, d’ailleurs, n’a aucune importance ». Mais ces 13 heures, purée. Faut se les farcir !
Et donc, revenons à nos moutons, nos oignons, nos lardons, hier, en voiture, au terme d’un toujours trop long passage autoroutier, j’ai eu bonheur en frôlant la ville d’à côté, Metz, de voir la cathédrale surgir tonitruante de la brume matinale. La voyant, je me suis demandé quels sont les nouveaux « temples » de nos jours, tout étant un peu parti en sucette côté croyances sauf pour celles et ceux qui continuent la foi en bandoulière.
Il y a quelques temps encore, ce pouvaient être ceux où s’ébrouent les « dieux » des stades. Mais ils ont disparu des radars. Et depuis 88 jours, loin des lieux d’apparats de la République, je crois bien que ce sont les hôpitaux.
Nous ne les regardions pas. Plus. Sauf quand nous allions dedans.
Maintenant nous les voyons, et surtout nous les savons, là, villes dans les villes, théâtres sanitaires, citadelles mystérieuses et inquiétantes et rassurantes à la fois, selon.
Et d’un temple à une pyramide, y’a pas loin. Je pensais, cheminant, à celle dite de Maslow. Il me plaît de la déposer ici ; en ces temps encore enfumés et fumeux, où l’on ne parle déjà plus du monde d’après en ces termes « ‘monde d’après », comme si le piège fonctionnait, celui qui fait confondre un retour à l’anormal évident avec un retour à la normale qui ne veut plus rien dire tant les normes ont été boutées du circus.
Pour mieux revenir ? Certainement.
Mais nous ne sommes pas dupes, quoi qu’il se passe, et même si résonne ce légendaire désormais plusieurs fois répété par l’organe vocal présidentiel de la France « quoi qu’il en coûte » dont on sent bien que c’était plus une menace qu’une promesse.
La fameuse pyramide, donc, vient rappeler du bas vers le haut nos besoins fondamentaux avec l’idée que, selon Maslow, un besoin nouveau n’émerge que lorsque le précédent a été satisfait.
L’image ci-dessous est dans le bon sens.
Ce sont juste nos temps modernes qui nous font croire qu’elle est à l’envers.
Quant à la minute wikipédia, c’est ici : suivez le lien, et partez à l’assaut de la pyramide !

Mardi 9 juin

Avec mon consentement bien sûr, je profite de la corona période pour être sondé. Participer à des enquête en fait. L’une sur l’impact de la crise sanitaire dans ma vie, mes ressentis, mes émotions, la qualité de mon sommeil, mes pensées, etc. C’en est une parmi d’autres mais en suivant ce lien, vous verrez que scientifiques et universitaires d’ici (en France) et d’ailleurs ne chôment pas. Parallèlement aux travaux en laboratoire pour comprendre le covid, trouver comment le soigner, se foutre sur la tronche selon qui a commandité les études, pas mal de choses se bossent en ce moment sur les effets du confinement et de la crise sur le comportement des individus, euh, pardon. Des gens.
Parce quand on sort des domaines sanitaires et économiques, les deux mamelles dirait-on du lait que l’on nous fait boire depuis 87 jours, on commence à se rendre compte que d’autres effets apparaissent. D’autres tensions, on va dire. Et pas des moindres. Ca sent le soufre et le souffre. Voilà que le racisme s’oxygène aussi à l’air libre lui si souvent confiné dans les cuisines obscures. À cœur ouvert. À ciel ouvert. Ça part comme souvent dans le monde d’avant qui n’est qu’une copie pastel du monde d’après, des États-Unis, décidément solide sur ses bases et ses vieux démons. L’american dream contre le I have a dream, irréconciliables poisons là-bas et ici. Tant de choses couvaient qu’il ne faut certainement pas s’en étonner. Faut-il en avoir peur ? Oui, bien sûr. Tout change rien ne change, pour ça sûrement que les pensées des Platon, Aristote et compagnie gardent quoi qu’il se passe une incroyable actualité. Autre dossier, pas des moindres non plus : les violences policières. Qui reviennent dès que des manifestations déboulent. Avec quelque chose d’implacable. Les types, comme les soignants ou d’autres payés au lance-pierre, ont leur fange de tarés. Dans leur immense majorité je crois, ils font leur taf, aux ordres, parce que c’est leur taf. Complexe. En parlant de manifestation, j’ai bien noté que des milliers de personnes s’étaient mobilisées pour crier l’horreur du chacun sa peau et la mienne te revient pas. J’étais curieux de voir comment ça allait être géré cette affaire, puisque la loi coronavissée interdit bizarrement tout rassemblement de plus de 10 personnes. A Paris, faisons un peu de théorie, c’ eurent dû être des dizaines de milliers d’arrestations ou de PV. Que nenni. 18 arrestations ai-je lu, des fauteurs de troubles. Décidément, en cette période, les mots valsent aussi sûrement que les certitudes, langage d’un jour n’est pas langage du lendemain. La désobéissance raisonnée comme outil citoyen ? C’est bien possible face à l’hypocrisie des mesures, aux géométries variables, aux discours qui n’engagent jamais ceux qui les prononcent et toujours ceux qui les croient. Car comment ne pas se presque esclaffer quand dans le flux des informations, vous lisez des titres qui disent l’exposion du nombre de chômeurs, ou le grand retour d’un trou de la sécu qui va rendre jalouse la fosse Marianne, plus grande fosse marine connue à ce jour. 11 kilomètres quand même ! (la minute wikipedia, c’est ici). Et cela claque comme une ironie, la fausse Marianne, non ?

Lundi 8 juin / 21 h 31

J’ai pris mon temps. Je voulais voir, sentir, vivre les premiers jours de l’étape 2 du déconfinement. Je voulais amener un peu de fond dans mes écrits quotidiens. Je me suis contenté de prendre des notes dans mon coin. Une sorte de nouvel observateur. Qu’ai-je vu, senti, vécu ?
Ben qu’on n’est pas rendus ! J’ai été frappé, et je n’écris pas surpris car malheureusement je ne l’ai pas été et pourtant ô combien j’aurais aimé l’être, par la vitesse à laquelle beaucoup se comportent comme si de rien n’était. Comme si tout reprenait et qu’on était le 16 mars bien que nous soyons en mai, puis donc en juin. Le cocktail amnésie et déni est redoutable. Certains et certaines furent blancs comme des culs. D’autres joliment hâlés. Certains dirent bonjour, prirent des nouvelles d’autres absolument pas. Certains narrèrent des choses que même sans masques tu les sentais masqués. Et surtout démasqués. Ce ne seraient en temps normal que des péripéties. Mais là, je fus frappé par des comportements à mes yeux choquants. Et si en écrivant cela, je pense beaucoup à ma sphère professionnelle, je dois reconnaître que cela a valu aussi dans ma proximité. J’ai par exemple perçu comme les jeunes avaient les chocottes. Comme les informations étaient de plus en plus circus et de moins en moins corona.
J’ai noté les déchets de retour dans la nature. Noté que dans les mers et les océans on retrouvait déjà des masques. Appris que M. Amazon s’était fait des couilles en or. Observé que la production de plastiques avait progressé de 20 % depuis la crise sanitaire.
Ce matin, en me rendant à mon boulot, profitant des feux rouges, j’ai pris quelques notes. Quatre points. Je vous dépose les deux premiers :
1. J’ai vu passer une info de quelqu’un qui a pensé à faire des masques transparents. Pour les personnes sourdes et malentendantes. J’ai trouvé ça génial.
2. On m’annoncerait qu’un vaccin a été trouvé, je pense que je n’y croirais pas. La confiance s’est envolée. Les gouvernants, les médias, les ceci et les cela, à force, sont devenues localement et planétairement inaudibles. C’est ballot. J’ai l’impression que la fameuse histoire qu’on me racontait quand j’étais môme, le type qui crie au loup au loup, est devenu une sinistre réalité. Une inédite réalité. Car alors. On croit qui ? On croit quoi ? On fait comment ? On fait société ensemble sur quelles bases ? Cela devient franchement complexe. Fatiguant. Usant.
Et de la même manière que je trouve qu’on en demande trop aux « Petites gens », aux « Vies minuscules » comme l’écrit avec l’élégance Pierre Michon (pour la minute wikipedia, cliquez ici), on en demande trop aux citoyens. Qui doivent décidément s’occuper de tout, du tri des déchets au passage des produits dans les magasins, des démarches administratives au tri des informations. Ceci dit, pendant ce temps là, les fous peuvent twitter, les petites frappes se faire des bisous pour les municipales. La machine n’avance pas. Elle roule. Bientôt on va nous annoncer le trou de la sécu, la montée du chômage, les faillites, les drames quotidiens et alors tout sera prêt. Les capitaux. Les remèdes. Et je chanterai dans la lune rousse : et mon cul, c’est du poulet.

Sur ce, je vous laisse en musique. Avec deux chansons.
Une de 2003 du groupe Tanger. Qui se relie à Christophe, paradis perdu.
Et l’autre de l’immense Léo Ferré. De 1956. Que je vous recommande d’écouter jusqu’à la fin. Ou de lire, c’est ici. Les trois derniers mot, au pire.

Samedi 6 et dimanche 7 juin

Vendredi, la merveilleuse plateforme de vente en ligne musicale Bandcamp refaisait une journée où l’intégralité des thunes étaient reversées aux artistes. J’en profite en général pour aller soutenir des artistes méconnus ou inconnus et me plonger dans leurs univers. Grâce à l’amie Catherine Watine, j’ai ainsi en ce moment sous les oreilles le piano de Hania Rani, musicienne polonaise (à découvrir ici). C’est délicieux. Je laisse les notes couler comme l’eau d’une rivière.
Quelques mots du jour de ce week-end en vrac : impôts, notaire, fleurs, vacances.
Quelques agacements aussi, quand par exemple, tu vas aider une personne âgée à faire sa déclaration en ligne et que tu découvres dans ses comptes qu’un opérateur de téléphonie mobile dont je tairai le nom mais dont la première lettre du sigle et S prélève depuis plus de 3 ans 5,5 € par mois à la dame. C’était l’assurance que son défunt mari avait prise à l’époque. Là où c’est magistral, c’est que tu ne peux absolument pas joindre le service de téléphonie mobile dont la seconde lettre est F car le numéro de téléphone a été transféré chez un autre opérateur. Du coup tu n’es pas client. Mais ils prélèvent quand même. L’air de rien, ce sont 230 balles qui sont ainsi tombés dans l’escarcelle de cet entreprise dont le sigle se termine par R. Résultat : un courrier à pondre pour récalmer son dû et une certaine impatience, je l’avoue, à attendre la réponse. Que vont-ils trouver pour ne pas… ?

Vendredi 5 juin

Une journée étonnante, finalement.
« Anniversaire » du décès de ma mère sous un temps de chien. Un an déjà. Un an seulement. Moment apaisé près de la rivière qui me vaudra la minute géographique suprise. Lorsque nous avons regardé ma mère partir, une rose posée sur sa photo, petit bateau, un de mes frères a dit qu’elle allait rejoindre la mer, comme ça. Dans mon esprit, c’était côté Meuse et mer du Nord en Hollande que que ça se situait. En fait non.
L’Ornain se jette dans la Saulx qui se jette dans la Seine. C’est donc à Hontfleur que madame se rend et celà lui va bien. Ce mémoriel du jour s’est fait avec sa frangine, 82 ans, qui se recroqueville mais ne rompt pas, et garde une sacrée patate.
Quelque chose de l’inexorable lorsqu’elle évoque l’évolution de son mari, en établissement spécialisé, Alzheimer. Quoi que dans son cas, ce serait presque une chouette aventure. Cette homme malade du diabète a vécu toute une vie de contrôle strict et là, il redécouvre les gâteaux, la musique, la danse. Je me dis qu’il est à l’abri dans sa mémoire. Comme, pensant à mes parents partis en 2019, j’ai souvent songé que c’était mieux pour eux qu’ils n’aient pas connu tout cela.
Le corona bordel.
Il n’est qu’à voir comme d’autres « anciens » (ils ne sont pas les seuls) ne savent plus à quelle pensée s’accrocher.
Fin de la virée dans le sud Meuse, Ligny-en-Barrois principalement, que j’ai aprenté, curieux, pendant deux bonnes heures, appareil photo en main. Surprenante cité de 5 000 habitants : je me suis demandé s’ils avaient été informés, ici, que le déconfinement se met en œuvre depuis quelques semaines. Croisé plus de chats que d’habitants. A moins que je n’ai juste découvert une ville, petite, comme coupée en deux entre hier et aujourd’hui, prudente voire calfeutrée du fait de la pluie, entre maisons vides en vente ou délabrées abandonnées, rues désertes et aménagements pimpants, chaleureux.
Le pays de mes pensées a ensuite suivi les routes sinueuses d’une campagne où ont poussé des éoliennes.
Musique d’ambiance

Lundi 1, mardi 2, mercredi 3 et jeudi 4 juin

Le retour du boulot en mode présentiel comme on dit de nos jours. Les espaces de convivialité ont été enlevés pour raison sanitaire et le ballet des comportements différents face à la Corona crise continuent de s’exprimer parfois de manière surprenante. Quelques déplacements pros entre urbain et rural et cette sensation que quelque chose continue de ne pas tourner rond. Moins de voitures sur les axes mais plus de voitures quand même. Retour de la pluie, aussi.

Dimanche 31 mai / 16 h 40

Tiens… Dans la série des conséquences invisibles du Corona Virus. Invisible sur le plan général, bien sûr. Tellement elles crèvent les yeux en particulier… Les personnes qui ont des maladies complexes, qui datent de bien avant, qui nécessitent des expertises bien spécifiques, qu’on ne peut traiter ni n’importe comment, ni par n’importe : comment elles font quand, fragiles, on leur dit ok pour l’hospitalisation, comme s’il fallait maintenant son mot personnalisé, mais chez « Les Corona », comme s’il y avait une nouvelle race de malades.
Sinon, on ne le leur dit pas, mais ça s’entend fort quand même, sinon, ben attendez mardi (puisque lundi est férié). Ben oui, tu t’es pété quelque chose, en l’occurrence ici des côtes, parce » que ton corps devient de porcelaine, tu as peur pour certains de tes soins quotidiens qui t’arrachent des cris de douleur, tu as peur aussi car tu te demandes si la plèvre est touchée (mais l’un des examens qu’on t’avait prescrit n’a pas été fait va savoir pourquoi on point où on en était), mais attendez mardi (puisque lundi est férié). L’ironie du sort, c’est que ce fameux lundi férié qui l’est mais qui ne l’est plus c’est selon est désormais appela la journée de la solidarité. Un peu, finalement, comme il existe 140 journées mondiales de quelque chose, genre la journée mondiale de la racine carrée (qui ne tombe pas souvent : il faut que les chiffres du jour et du mois soient tous les deux la racine carrée des deux derniers chiffres de l’année), la journée mondiale de l’utilisabilité (le 3 novembre), la journée internationale du Parler Pirate (19 septembre) ou encore et c’est de saison plus que ça n’en a l’air : la journée internationale pour la préservation de l’environnement en temps de guerre. Ça se passe tous les 6 novembre depuis 2001. Sans oublier évidemment la journée mondiale du lavage des mains. Le 15 octobre.

Samedi 30 mai / 18 h 55

Une petite minute météo, pas plus.
Ici en Lorraine, depuis le début du confinement, qu’est-ce qu’il fait beau ! Dès le lendemain de l’annonce, en fait, jusqu’à maintenant, une merveille. C’est très agréable et franchement, je m’en fiche un peu pour l’heure de savoir si c’est lié au réchauffement climatique. Je prends.
Le moment énervé, maintenant. Énervé calme on va dire. Agacé. Triste. Gêné. Avec en bordure un peu de honte face à cette société qui décidément carnage chaque génération. Ce soir, c’est de mes fils dont je veux parler. Et à travers eux, tous ces jeunes qui ont entre 16 et 22 ans, plantés net dans leur existence à un moment où l’on devrait rêver. Dans une période où l’on pourrait s’envoler. La manière dont sans le corona, c’était déjà le bordel et le tout juste supportable, avec le corona, je vous raconte pas. D’un côté tout qui se passe sans que les faits puissent venir concrétiser les choses. De l’autre tout est su pendu. Ces jeunes ne peuvent pas se projeter, et du coup, optent pour le vol à l’intérieur de la cage.
Franchement, ça me fait chier pour eux. Et je ne suis pas fier d’être de cette société qui décidément ne respecte plus trop ce qui est humain.
Et ça me gonfle de plus en plus de lire de ci, de là, d’entendre de là, de ci, la vie reprend, tout ça. Comme si elle s’était arrêtée. Comme si elle n’avait pas respiré pendant 76 jours, la vie, retenant son souffle, puisque les beaux jours sont là. Comme s’il fallait cautériser la plaie béante creusée dans l’ordre établi des choses, et fissa, y retourner, dans cet ordre, même s’il n’a plus aucun sens tellement le désordre s’est installé. Il est même devenu une manière de gouverner. Il campe. Et à mesure, les discours prennent, les médias transvasent, et tutti quanti.
C’est ainsi que l’on produit de la pensée automatique, sans trop de vergogne avec les mots, leur sens, et encore moins de vergogne avec ces 3 mois dont on a de plus en plus le sentiment qu’ils n’auraient au final pas existé alors qu’au contraire, ils ont creusé un sillon. Cela ne me plait guère, l’amnésie organisée, le doigt qu’il faut regarder pour ne pas voir la lune, la maison qui brûle pendant qu’on regarde ailleurs. Je devrais y être habitué depuis le temps. Mais il est des choses auxquelles il vaut mieux ne jamais s’habituer. Même si l’indignation n’est pas suffisante, évidemment. Je fais quoi dans mon bout de jardin ? Ben j’écris, je témoigne, j’échange, j’essaie d’apporter ma petite pierre. Ce n’est pas assez.

Vendredi 29 mai / 20 h 08

Le coup du week-end qui te tombe sur la tronche comme un coup de massue, je ne connaissais pas. Ce soir, enfin tout à l’heure, bim, ça me l’a fait. Ploutch. Comme un ordi qui plante. Une voiture qui cale. Un poisson qui finalement pas ne mord pas à l’hameçon. Alors, bon. Me suis mis en week-end. Ca tombait bien. Boulot fini ou pouvant attendre. Vendredi. Semaine épaisse comme de la crème fraîche. Alors banco, repos, et même je me propose avec joie un petit dodo, comme ça, en passant, se requinquer.
Mais c’était sans compter sur la mouche. Vous savez, la mouche que vous ne saviez pas qu’elle était là et qui se met à vivre au moment où vous optez pour le roupillon. Allez, feignant, elle dit dans sa langue de mouche. Dors pas, lève-toi, bouge.
Alors pas de roupillon et randonnée à la place. Au bled. Le long de la rivière sacrée.
Nous en avons tous une, non ? La rivière de l’enfance, celle où l’on se baignait, celle près de laquelle on retrouvait copines et copains. Celle que l’on emprunta en Kayak au bahut. Qui a certains moments de l’année devenait toute rouge. Les lavoirs où l’on faiksait péter des pétards. Où les vieux du coin et d’autres pêchaient. Un dédale sympa, mon petit Venise à moi, que j’ai égayé d’une partie sympa d’urbex rural.
J’en ai d’ailleurs vu un, de pêcheur, mais il était dépité. Que dalle. Rien dans la musette. Me suis étonné à sortir une phrase très con de ma besace : ben pourtant on est vendredi ! Je fus seul avec ma plaisanterie. Puis on a parlé photos. Vous photographiez quoi il m’a demandé. La nature, j’ai répondu. Excellente pêche, j’ai ajouté. Admiratif : plus que le pêcheur, la femme du pêcheur mérite un respect infini elle qui accompagne son homme.
Sinon, premier jour de l’acte 2 de la sortie progressive du confinement. On prend peu à peu conscience des effets des annonces, de ce qui se met en place disons, de ce qui se prépare à horizon 2 juin.
Comme j’étais au bled, en repartant, suis passé à la maison de mes parents qui s’en sont allés en 2019 et qui n’ont rien connu de ce merdier. Tant mieux. Ils continuent de recevoir du courrier, cependant. Comme toi si on est tous fichés y’a certaines infos qui se communiquent moins que d’autres. Alors ils reçoivent des publicités. Des relances. Des promotions. Sur le web, une mienne connaissance aime à rappeler que chez lui, le quartier ferme jamais. Vrai. Ceci, tant mieux pour les voisins : un colis avait été déposé par mégarde derrière chez mes parents. Suis allé le ramener aux destinataires. Ca m’a fait plaisir. Plus que de lire ce qui commence à sortir dans les médias autour des effets psychiques du confinement. J’en parlais l’autre jour vu de mon canapé. Quand les érudits s’y mettent, ça prend une autre tournure. Sans tomber des nues.

Jeudi 28 mai / 20 h 45

Bref, c’est le bordel. Au point que je serais presque tenté de dire, je ne comprends pas. Mais comme beaucoup, je pense que je comprends trop bien. Mais je n’ai pas envie de gober tout cru la flopée d’annonces gouvernementales du jour. Ni de me faire croire que ça y est tout ça.
Je me doute que beaucoup sera abondamment décrypté, commenté, critiqué, amendé, édulcoré, brassé, détourné dans les prochains jours. Et que l’on va découvrir plein de détails en glu derrière ces pans de nos vies que sont par exemple des restaurants où l’on ira pisser avec un masque.

Donc non. Le corona circus continue, ce journal aussi. Et je ne vous cache pas que cela m’arrange un tantinet. Disons que peu à peu, peu ou prou, et pouet pouet la galette, des fermetures s’annulent, des interdictions se lèvent, mais je sens que mon genou gauche grince un peu à certains moments. C’est un signe.
Par exemple cette application gratuite, tout ça.
Beurk. C’est pas le fichage qui me dérange, ce sont les comportements que cela va générer. Sans parler du fait que les infos, elles arrivent comment et d’où dans le téléphone pour me dire, tiens à côté de toi, y’a un pestiféré… Ou que l’on dise ça de moi… Quoi qu’il faut être testé… Mais tout le monde ne l’est pas… Bref c’est le bordel et ce sera sans moi. Stop covid. Je m’arrête au Stop. D’entrée.
Autre exemple qui pourrait fort bien me voir ricaner mais non : tout rassemblement de plus de 10 personnes interdit. Ok. Mais parcs d’attractions, manifestations de plein air de plus de 5 000 personnes autorisés. Spectacles, festival (festivaux) ? Démerdez-vous. Cinémas ? 22 juin pour que ce soit partout pareil en France… Nom de Zeus : toutes ces logiques mises en route en même temps presque me donnent le tournis.
J’allais dire, cette fois, le mot déconfinement, je valide. Ce journal s’arrêtera donc lundi 1er juin au soir. Pour la reprise du 2 juin. Nonobstant le fait que ça me foutait un tantinet dans la mouise (en effet, je m’étais dis que le nombre sur lequel s’arrêterait le corona circus serait celui du département dans lequel j’irais en vacances cet été, soit le nombre 78 et donc les Yvelines, quoi que Versailles, la forêt de Rambouillet, la Vallée de Chevreuse, pourquoi pas). Mais le corona circus est bien parti pour nous en faire des belles et des pas mûres, des vertes, des oranges et des rouges.
A propos de couleurs, d’où la chanson que vous trouverez en fin de lecture pour aujourd’hui, j’ai adoré en voyant les cartes qui nous étaient proposées à l’écran voir comme la Corse avait bougé en masse côté reprise de l’école 🙂 Ce que ce doit être super, la Corse, au mois de mai !!!
Bref, c’est le bordel.Et cela se comprend. Funambules de nos vies nous sommes. Au pays de Guignol et de Candy. Un pied sur un rail sanitaire, un pied sur le frein, un pied sur l’accélérateur, un pied sur le rail économique, un pied sur le mode vacances, un pied sur… Putain, déjà six pieds! Sur terre. A bientôt pour d’autres nouvelles. Tant que mon genou grince et pas avant le 15 juin ce Corona Journal s’arrêtera. Soit 92. Et là encore pourquoi pas. Boulogne-Billancourt, Neuilly-sur-Seine, le Parc et le Château de Sceaux, Rueil-Malmaison. Des vacances de choix.
Pourquoi le 15 juin au fait ? Parce que normalement, les « frontières » de l’Europe se réouvriront. Je pourrai aller acheter mes clopes au Luxembourg et mes fringues en Allemagne. Et là, ça commencera vraiment à ressembler à un déconfinement. Sachant que selon mon médecin, la prochaine vague corona aura lieu en janvier février 2021. Nous serons prêts

Mercredi 27 mai / 17 h 21

Bon, vous avez noté, hein ? Le Prime Minister cause demain dans le poste, avec nouvelle carte et tout et tout. L’essentiel est dans ce qui va pouvoir se faire en terme de culture, de moments de convivalité, d’été, etc. Ou pas pouvoir se faire. A moins que vous n’optiez pour la désobeissance civile ? Les paris sont ouverts ! Moi, je n’ai pas attendu pour me balader entre le verre et le rouge. Un autre registre, vous l’avez compris. Mais peut-être un effet du corona allez savoir. J’ai deux hypothèses. Mais avant, je précise : je suis allé jeter nos déchets verre dans les contenairs mais ce fut une course car ceux près de chez nous sont bourrés jusqu’à la gueule, et d’autres pas loin de la maison aussi. Hypothèse 1 : tellement y’a en ce moment de déchets verts que y’a pas le temps pour les déchets verre. Hypothèse 2 : le rythme de ramassage est le même qu’avant mais ça picole davantage. Faudrait demander dans les magasins, tiens.
Sinon, pour moi, demain va sacrément me rappeler l’avant confinement avec journée non télétravaillée et réunions à foison.

Mardi 26 mai / 21 h 37

Ce soir, ce sont les mots en « ion » qui vont faire fil rouge.
Parce que ça se bouscule au portillon.
Parce que j’ai fait très attention aujourd’hui à mes postillons.
Parce que je ne suis pas très enclin à jeter en l’air des cotillons.
Parce que j’ai appris que ces arbres entièrement recouverts de toiles blanches et que je croyais dur comme larve à l’idée que les chenilles processionnaires étendaient leur territoire alors que non, ce seront de jolis papillons.
Parce que les clowns et leur nez rouge sont loin d’être des couillon
s.

Quand j’écris que ça se bouscule au portillon, c’est rien de le dire et c’est surtout parce que deux choses.
Primo, boulot oblige, je me suis davantage replongé dans « l’actualité ». Les infos. Les médias. Aïe Aië Aïe. C’est pas folichon.
Secundo parce que mini déconfinement explique, j’ai pu voir et revoir des amis, la famille, et que chacun y allant de témoignages dans sa proximité, de son vécu ces dernières semaines, je me retrouve avec pas mal de pensées qui s’en vont et qui reviennent, qui se choquent et se croisent, se bousculent et se télescopent, formant un surprenant légo. Puzzle. Tetris. Ce genre-là. Mais je bis : Aïe Aië Aïe. C’est pas folichon.
Pour un peu, plein de gens regretteraient le confinement !
Personnellement, je n’en fais pas partie. Parce que chaque chose a son temps. Mais autour de moi, même si ce n’est pas dit, cela s’entend. Fort. Et ce n’est pas dit aussi parce que les réalités sont multiples, les raisons diverses, chacun ayant plongé dans sa bulle plus ou moins.
La trouille. Je sens que plein de gens pétochent et si le pseudo déconfinement du 11 mai n’a pas vu des hordes de moussaillons se jeter comme des dératés là où les vents les portaient, c’est pas seulement par nostalgie des jours heureux à la maison passés.
N’est qu’à entendre celles et ceux qui racontent comme soudain, partager est difficile, se mélanger effrayant. Ganglions.
La trouille, c’est aussi cette histoire de masques. Le mot de l’année je pense. Qu’il s’agisse d’évoquer le scandale d’état que l’on suppose ou dans son quotidien le je le mets, je le mets pas, qui le met dit-il pour surtout protéger les autres, qui ne le met pas. Etc. C’est le boxon.
Je suis de ceux qui le mettent à minima et qui se marrent quand ils voient des gens seuls dans leurs bagnoles masque aux dents. A vrai dire, sur le sujet, toujours pas ma religion est faite.
A la fois je comprends. Donc j’en fait pas des caisses. On va pas se mettre la rate au court bouillon. Je me dis, une fois encore, que chacun fait comme il peut et que la moindre des choses est de respecter. Même les tous seuls dans leurs bagnoles.
La trouille, enfin, elle suinte chez nos « gouvernants ». Pas tous les mêmes trouilles. Me semble par exemple que le chef des armées qui a disparu depuis qu’il a dit que nous étions en guerre laissant à son prime minister la charge de gérer l’ingérable, laissant finalement tout le monde servir non de chair à canon mais de chair tout court aller au front, est déjà branché présidentielle d’après. Terrifiant.
Me semble aussi que certains continuent envers et contre tout d’avancer au frein à main. Et que d’autres reculent en se persuadant que le rétroviseur est l’avenir de la femme et de l’homme. Fatiguant.
Sans parler de celles et ceux qui surfent sur la vague, en quête qui d’une élection, qui d’une réélection, qui d’une porte de sortie, qui d’un sésame pour entrer. Affligeant.
Rien de nouveau de ce côté-là. Évidemment. Les logiciels, ça se change. À condition de le vouloir. Désespérant pour qui veut espérer, je m’en rends compte. Du coup je ne vais pas en faire des caisses, juste rappeler cette phrase de James Freeman Clarke. Nous la connaissons tous, je pense. Elle ne mange pas de pain à être déposée ici :

La différence entre le politicien et l’homme d’Etat est la suivante : le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération.

Du coup, revenons à nos oignons. Les nôtres. C’est là que ça se passe, quoi qu’on en dise et même si l’étrange album des jours ressemble aussi à une sorte de nouveau compteur par temps de crise : qui sera l’oublié invisible révélé du jour ?
Peu à peu, l’air de rien, en mode suivez derrière, on saucissonne à nouveau l’air de rien ce « faire société ensemble » qui avait émergé et je confirme que on est un con.
Il y a eu les soignants, les éboueurs, les caissières de supermarchés, les enseignants, les travailleurs sociaux et médico-sociaux, les pompes funèbres, les petites entreprises et les artisans, les artistes, les personnes âgées, les jeunes, les étudiants, les lycéens, les…
Nan mais quoi ? On fait un dico de l’ONISEP ou quoi ? Un par un on va nous sortir du chapeau tous les métiers qui « fonctionnent » ou bien ?
Non qu’il ne faille pas montrer tout cela, bien au contraire. Mais de grâce, ne la jouons pas uen cause par jour et passons. Sans cesse faire mine de découvrir que l’eau tiède, c’est le résultat d’un mélange d’eau froide et d’eau chaude, ou d’eau chaude et d’eau froide selon son opinion, c’est pénible. Surtout sur cet air ininterrompu du tout de suite la suite.

Lundi 25 mai

Le comme un lundi fonctionne toujours. Et pourtant, chaque lundi soir, je suis surpris. De me sentir si fatigué. D’avoir besoin, parce que les yeux piquent d’une journée télétravaillée avec des horaires un peu tourneboulés quand même, d’une balade au couchant avant de se coucher.
Ce lundi, il y avait donc du vert dans mon ère. Des grillages et des fougères. Un faon dans les champs. Le soir, on a mangé du poisson. On a parlé des vacances d’été, en se rendant bien compte qu’on ne savait rien de ce qu’il serait possible de faire ou d’oser. J’ai lu quelques pages du roman du moment, Toscane, de Vincent Ollivier.
Au fait, ça y est. C’était important de le faire, pour acter le bousin, c’est fait. Je veux parler de #fleurdeschants2020. Finito y compris sur Facebook puisque le nom de la page a finalement été changé. Elle s’appelle désormais « Paysâme, la chanson française a son jardin ». L’idée : on reste dans l’esprit, on perd pas le fil, mais on avance. L’idée bis : dans ce jardin virtuel poussent de belles fleurs. L’idée ter : faire de cette page un lieu de découvertes. C’est l’un des mots qui est le plus revenu dans les bilans, les commentaires, les sensations. Beaucoup d’espaces existent déjà pour faire son nid à la chanson française. Aux chansons françaises. Francophones. On va voir si cet espace-là a un avenir. Ou pas. Et si oui lequel. Ou non. Life is life.
Et pour justement terminer en chanson, voici celle qui a participé du choix de la page (que l’on peut arpenter ici que l’on soit ou non inscrit sur Facebook). Où l’on rend hommage indirectement à Claude Nougaro…

Dimanche 24 mai / 11 h

Mon grand-père paternel avait comme loisir la peinture. Il peignait. Principalement des paysages et des villages. Je ne l’ai pas connu. De ce que l’on me disait, ils débarquaient ici et là en famille, lui s’installait avec son matériel, les autres alentour, le plus silencieux possible. Des centaines de tableaux ont été créés. Encadrés. Répartis dans la famille. Lorsque je me promène à mon tour, soixante ou cinquante après, j’ai parfois l’étrange et agréable sensation de me promener dans les tableaux de mon enfance. D’en chercher les couleurs et les angles. Les couleurs surtout. Comme si j’entrais de plein fouet, et peut-être de plein cœur, l’œil aux aguets, dans ces peintures qu’enfant, sûrement, sans m’en rendre compte, je regardais, dont je m’imprégnais.

Il faut dire que à l’époque, toutes les maisons de la famille paternelle en étaient remplies, de ces tableaux, par dizaines accrochés, dans les salles à manger, les salons, les couloirs. Ils se transmettaient. De parents en enfants. Nous avons tous les nôtres. Je me souviens de ces maisons assez sombres, elles sont souvent sombres de dedans les maisons en Lorraine, elles l’étaient disons, car de plus en plus, chacun s’essaie à leur redonner de la lumière ; probablement ces tableaux étaient comme autant de lucarnes de lumières. De verdure. D’espaces. Désir d’évasion ? De témoigner ? Sûrement mais pas seulement. Communication. L’homme, m’a-t-on confié, était atteint de surdité. Il était sévère, aussi. Irritable. Tout ceci pouvant expliquer cela. Alors les mains dansaient sur les toiles avec légèreté et précision, disant avec ampleur ce qui devait se taire. Volubilité picturale mieux que les mots, plus que les maux. Un devait au sens de peut-être. Ou au sens de c’était comme ça en ce temps-là.

Il m’arrive bien sûr de m’interroger sur mes photos. Certaines ressemblent à des peintures. À ses peintures. Comme une influence qui aurait traversé les temps. Une influence qui me fait rechercher avec soin des ombres et des alliages, éviter les voitures et les gens, tentant de restituer – peut-être – ce que le grand-père voyait, exprimait et ce qu’il voyait, exprimait était très certainement précieux pour l’enfant que j’étais. Des lueurs.
Parmi les nombreux enseignements du connard virus, la crise, ce qu’elle engendre, l’art au sens large a pris son rang dans ce qui nous est nécessaire, non pas utile, non pas objet, mais regard, respiration.

Pendant que l’homo économicus tente et va tenter vaille que vaille de tout redessiner à l’aune de ses principes que ne balayent pas – loin de là – les formules pompeuses monde d’avant et monde d’après, il me plaît de noter cet apport de celles et ceux qui peignent, dessinent, écrivent, font du théâtre, de la danse, chantent, musiquent. On est là ni dans le monde d’avant, ni dans celui d’après, bien au contraire. Dans le monde de maintenant. Dans le monde d’ici, quels que soient les continents (sauf la saloperie plastique qui flotte on ne sait où), et ce depuis toujours, de la grotte à nos jours.

Samedi 23 mai / 21 h 02

Bel échange téléphonique ce samedi alors que j’étais de nouveau en mode pieds trempés. Décidément. Mais là, point de chute dans les eaux d’une rivières. La rosée, la pluie, et une randonnée photo dans un pays où trônent de vieilles machines rouillées, improbables pour qui, comme moi, trave que pouic à tout ce qui est industriel et machines outils.

Je n’en suis pas moins doublement fasciné : 1) Parce que naguère, des hommes ont construit ces bestioles. 2) Parce que dans la foulée, d’autres hommes les ont fait fonctionner.
Maintenant, elles sont là, rappelant que l’œuvre d’artisan n’est jamais bien loin de l’œuvre d’art. La seconde est destinée aux regards, et met en scène d’abord celui de l’artiste. L’œuvre d’artisan est d’abord un objet et c’est lorsque se créée l’air de rien au fil des ans et des dépôts une presque scénographie muséale qu’elle s’offre aux regards.
J’aime ces voyages sans mots.
De l’émotion passe. De la sueur avec. Et, ce matin, de la pluie.

La conversation est de celles qui donnent envie de trouver su sens à la crise coronavissée. Pas d’en chercher : d’en trouver.
Tant de choses ont été dites, écrites, filmées que je ne vais pas en rajouter.
Il n’empêche que ces échanges, où l’on balaie connivent ce qui a été vécu et ressenti ces dernières semaines, font du bien. Ils produisent du contenu.
Et à ce que je vois, à ce que j’entends, à ce que je sens et ressens, il y a beaucoup à apprendre, beaucoup à dire, beaucoup à construire.

Je pense souvent à ces fameux jours heureux, ce texte de référence qui a fondé en 1945 tout notre système de solidarité nationale, qu’il faudrait réécrire. L’adapter. Le moderniser. Le ripoliner tant qu’on y est. Foutaises ! Surtout pas. Justement : arrêtons avec cette idée que l’avenir ne se construit qu’en réécrivant le passé. Sachons d’où l’on vient, bien sûr, évidemment. Mais n’y restons pas, ce n’est plus. Soyons créatifs, inventifs, ne sortons pas que les doigts du cul : sortons-les aussi du nez, de la bouche, des oreilles, des yeux. Du cœur.
Mais là, j’en conviens, c’est bagarres. À tous les étages. C’est qu’il a le cuir tanné ce « système » ; il a ses repères, ses rites, ses prières, ses menaces, ses habitudes, les clefs du coffres, les codes, les notices pour construire le coffre.
Et pourtant, ce système, ce machin, cette chose, ce n’est rien d’autre que nous.
Un nous qui fait peine, qui demande beaucoup d’efforts. Mais n’est-ce pas aussi cela, faire ensemble société ? N’est-ce pas aussi cela, définir en permanence ce qui fait bien commun ? Comme la liberté. Comme la fraternité. Comme l’égalité. ET puisque ces utopies n’ont ni vieilli ni rajeuni, je remets quelques mots en é.
Comme Humanité. Biodiversité. Équité. Solidarité. Proximité.
Bref, une belle conversation. Qui fait du bien quand dans le même temps, après Air France, voilà qu’on nous dit qu’il va falloir sauver le soldat Renault. Le type du ministère, sûr qu’il incarne le nouveau monde avec ses réflexes d’hier. Et ce gouvernement, sûr aussi qu’il est crédible pour participer non de ce monde d’après, quelle connerie cette appellation, mais du monde de maintenant.
J‘ai sept ans, laissez-moi grandir. Un président jeune pour une France moderne. Un homme neuf, une France en marche. Avec la France, pour les Français. Un président pour tous les Français. La paix et la sécurité. La force tranquille. Il faut un président à la France Le président qu’il nous faut. La France unie. Nous irons plus loin ensemble. Du sérieux, du solide, du vrai. La France pour tous Jacques Chirac Le président du vrai changement. Croire en la France. Oser la solidarité, ça change tout. Une France pour rebâtir le monde. La France en grand, la France ensemble. Une force pour la France. Présider autrement une France plus juste. La République, force de la France. L’écologie pour choisir sa vie. La France des différences. Pour faire enfin bouger la France. La République qui vous respecte. Nos vies valent plus que leurs profits. Ensemble tout devient possible. Plus juste, la France sera plus forte. La France Présidente. Vive la Vie, Vive la République et Vive la France. Le changement, c’est maintenant. La France forte. Oui, la France. Un pays uni, rien ne lui résiste. La France solidaire. L’écologie, la solution ; L’écologie, le vrai changement. La France en marche. Remettre la France en ordre.
Joli, non ? Tous ces slogans sont ceux des présidentielles depuis 1965. Eh bien en ce temps-là, déjà, un homme avait pour slogan un homme neuf, une France en marche.

Vendredi 22 mai / 23 h 13

Tant de jours ces derniers jours que je ne sais pas par quel bout commencer. Je vais donc refaire le coup du vrac. À la va comme je te pousse (et quelques notes prises çà et là tout de même). Où l’on parle élections, scandale culturel, police scientifique et poétique du débroussaillage.

  • Élections. L’autre jour, je me disais, mais qu’on en finisse avec cette histoire de second tour des municipales ! Ce midi à 12 h on m’avait dit, à 12 h 30 c’était annoncé en fait, à 12 h 35 ça a démarré, je me suis donc retrouvé devant l’écran de la télévision française et une chaîne d’information continue (beurk). Enfin une date avec tous les guillemets possibles et les sous couverts de imaginables qu’en terme choisis toutes ces choses là sont dites : ce sera donc le 28 juin. Ouf ! Plus tôt je me disais, on fait sortir les mômes, on autorise les cultes, peut voter ! On note que l’histoire retiendra un second tout trois mois après le premier… pour pas toutes les communes. Rappelons en effet que, et l’histoire le retiendra aussi, que 30 000 communes avaient déjà leurs nouveaux élus mais toujours pas leurs nouveaux maires, et que 5 000 communes ont besoin d’un second tour.
  • Le truc qui m’énerve pour rester poli/ le scandale qui n’a pas encore dit son dernier mot. L’engagement culturel qui a été le mien durant ce confinement a développé un sens aigu de l’injustice culturelle, l’une des crises parmi les autres. Alors quand j’apprends que le 11 juin, le Puy-du-Fou va rouvrir ses portes, je sors de ma godasses et me tape la tête contre les nuages. Pour faire court et simple : c’est choquant. Vraiment. Les mômes des villes de France peuvent pas aller dans les parcs et jardins, les concerts sont annulés, des cohortes d’artistes de tous les arts sont plantés pendant quelques mois minimum, et tout tranquillement dans le même temps, l’air de rien, on dit ok, on ouvre le Puy-du-Fou, comme on avait aussi ouvert le Mont-Saint-Michel il y a quelques jours. J’espère que personne n’est dupe. J’espère n’être pas le seul à trouver la carte avec son vert et son rouge a des sacrés allures de carte touristique. A quand le vert à Paris ?
  • Habitudes gardées ? Des trucs sympas qu’on ne voyait pas avant semble persister et je trouve cela plutôt agréable, tant à la ville qu’à la campagne. Des coupes qui marchent, des femmes et des hommes qui se tiennent par la main, un type allongé au bord de la fenêtre et qui joue de la guitare au soleil, des gens qui se parlent d’un balcon à l’autre. Comme un désir de faire perdurer des choses simples. C’est cool.
  • L’anecdote professionnelle. Où je me dis, policier scientifique, c’est nul en fait. J’étais fan de la série « Les experts » à ses débuts (avant qu’elle ne devienne une machine à cash). Plus maintenant. Du tout. La faute à une voiture de service. J’en ai pris une mardi pour sortir de mon département et y entrer à nouveau (magie de la Meurthe-et-Moselle). J’avais reçu avant le départ une notice détaillées des règles d’hygiène à respecter. Rien que du logique. Mais putain, le soir, au bout de 15 minutes à tout faire, je bichais moins. J’avais l’impression d’être un crimier. D’enlever toutes mes traces, toutes mes empreintes, avec mes petites lingettes, la housse à remettre, le sac-poubelle à jeter. Nom de Zeus ! Normal tout cela mais singulièrement pénible.

Mercredi 20 et jeudi 21 mai

Pas le temps. Désolé. Fatigué les soirs.

1) Plein de taf mercredi pour le boulot.
2) 9 h de débroussailleuse le jeudi qui était donc un jour férié sans boulot mais avec du taf dans la maison vide. Ou plutôt ses extérieurs.

Me suis fait cette poétique remarque : quand les habitants d’une maison s’en sont allés, quand la maison a été vidée et ramenée à seule dimension de pièces en attente d’autres vies, les âmes des personnes se sont mises à voleter dans l’herbe et le potager, plantes vigoureuses et herbes hautes.

Mardi 19 mai / 22 h 37

Bé quelle journée ! Sortie professionnelle de terrain, aujourd’hui. J’aime. Ça fait du bien de sortir de ses pénates, de voir d’autres personnes, de « ressentir » aussi le boulot de tous ces invisibles devenus oubliés et vice versa dont je sens bien que pour ma part, le Corona, il me donne une furieuse envie de les voir, de les regarder, de parler avec eux, de les montrer. Là, c’était un chantier routier.

Chaud soleil. Les mecs cramaient. Les mecs masqués n’en pouvaient plus ; de leurs masques, en plus des « tenues de boulot », en plus des casques, en plus de la chaleur de l’ouvrage. A la fois, nous étions bien, là. Je les prenais en photos. Ils souriaient. On causait. Même si côté maisons en face, une femme à sa fenêtre me courrouçât. En mime. Je traduis : Ca ne va monsieur, espèce de tête de pignouf… Non, elle était bien plus aimable et affable que cela. Je traduis mieux : Monsieur, il faut mettre votre masque, vous n’avez pas de masque, mettez votre masque.
J’étais dehors, en pleine rue, loin de ceux à qui je parlais, attentif à ne pas postillonner. Puis quelqu’un a remis ça un peu après. Sur le sujet des masques, faut pas trop me bousculer. Mais mets ton masque ! dis l’autre. Il a le sien. Il me protège. Je ne le protège pas. Le doute, putain, le doute. Alors je l’ai mis, le masque, passant en mode myope, parce que lunettes et masques, ça fait buée. Donc lunettes sur les cheveux. Et discussion sérieuse, après. Instructive. Avec des mots que je comprenais.
Au contact de types qui s’occupent d’organisations professionnelles dans les métiers du BTP et des routes. On évoque la crise, bien sûr. Je pense qu’elle est là, moi. Mais eux la savent pour plus tard. Et l’on ne parle pas de la crise sanitaire, hein, mais bien de la crise économique. Cette année, disent-ils, ça ira encore. Les commandes étaient passées. Mais l’année prochaine… Et son comparse de préciser : les grosses boites s’en sortiront, elles ont la trésorerie. Ce qui nous inquiète plus, ce sont toutes les petites entreprises, les moins de 20 personnes. Elles n’ont pas la trésorerie.
Avec plusieurs mois dans la tronche, plus la probable fin de la prise en charge par l’impôt du chômage partiel, ça va trembler dans les ateliers. Et comme si cela ne suffisait pas, la peur fait aussi son chemin. Des gens n’osent pas lancer de chantiers. D’autres pas en commander. Sans parler, pour toutes ces boites qui vivent à 75 % de la commande publique ai-je noté, qu’avec les changements municipaux, ça va pas se remettre en route comme ça. Cela m’a laissé songeur, évidemment, moi qui le matin chemin faisant me demandait à qui allait profiter la crise, qui allait morfler, et comment allions-nous savoir cela, essayer de le savoir, du moins. Je cogitais à cela en mode : on va encore ne nous parler que des faillites, des problèmes. Et c’est normal. Mais combien y’aura-t-il dans tout cela de faillites d’opportunité, de rebonds, de créations ? Combien de créations ? De réorientations réussies ? D’opportunités saisies ?
Voilà en tout cas un vrai bon sujet que je vais me pencher dessus.
En attendant, voici quelques images de mes héros invisibles du jour et un peu d’hier et sûrement de demain !

Lundi 18 mai

Bon, je démarre tout de suite par l’air con. Oui, mesdames et messieurs, je me suis tapé samedi soir un grand moment de solitude. A l’air libre. Dans les herbes, mêmes. En bord de rivière. C’était la jolie balade pedibus du samedi, après une matinée et un début d’après-midi largement consacré à ce que j’ai nommé « La blue compagnie », à ce que l’on peut aussi appeler « l’après fleur des chants », quoi pour le coup, on y reviendra, les fleurs des champs, j’étais en plein dedans. La Blue compagnie, c’est marrant : c’est l’acte 3 de mon mode « créafinement » né dans les coulisses du « confinement », et c’est plus un début qu’une fin Je vous explique : dès le confinement a été décrété, j’ai senti que je devais en même temps impérativement mettre du créatif dans le biniou sinon ça irait pas. Surcroît de travail, infos bof, j’avions pas envie de sombrer. Là-dessus est arrivé le message « Hey mec » et si on organisait un festival confiné. Là suite, ce sont 7 soirées concerts en direct livre, un groupe facebook avec plus der 2000 membres, 32 artistes, une belle immersion dans une chanson française méconnue dont je ne cesse de découvrir les mille et une pépites. Puis vient la demande du public de lancer une cagnotte chapeau pour rémunérer autant que possible les artistes. Puis l’organisation d’une conférence live facebook qui me fait cogiter à mais diantre, qu’est-ce que je peux faire ? De là est née l’aventure naissance « The blue compagnie » : j’ai offert bénévolement aux artistes de fleur des chants et à leurs amis un coup de main bénévole en matière de communication. J’ai vu, travaillant sur leurs « kit com » que ça ne mangerait pas de pain. Et comme en plomberie, en en bricolage, en mécanique, en jardinage, je ne suis pas opérationnel sauf à faire tout rien que pour que ça énerve les autres, on n’est pas talentueux en tout, la communication, c’était mieux pour eux. Et pour moi.

Et l’air con, vous demandez-vous ? Comme s’il n’y avait que cela qui vous intéressait ! Mais je vous comprends. Alors l’air con, on y vient. Je décide samedi soir d’aller me faire une balade. Je choisis une vieille route gallo-romaine derrière Gerbéviller. Mais très vite, je me retrouve dans le village voisin, qui s’appelle Moyen. Trop tôt pour rentrer, me dis-je, osons l’aventure. Non loin, la rivière du coin, la Mortagne, et l’idée géniale qui vient : et si je rentrais à pied en logeant la rivière puisque la dite rivière relie les deux villages. Et comme en plus la lumière est magnifique, que le soleil va se coucher, que mon calcul aléatoire des distances me dit que sans souci je serai pile à l »‘heure du couchant pour avoir le village en arrière-plan, ni une ni deux, je mets en route. Un petit trémolo en passant près du stade de Moyen, totalement livré à lui-même, abandonné quoi, et le souvenir de parties endiablées naguère. Puis je longe la rivière. Au début, c’est super. Mais à un moment ça se complique. L’air con arrive, soyez sereins. La dite rivière a des méandres assez radicaux. Et ma marche fait que je suis genre à deux centimètres du bord de l’eau, 1 mètre au-dessus. Je longe, je longe et ça se compliqué : voilà qu’une clôture électrique me coince encore plus en bordure de « falaise » qui rime avec glaise. Le terrain est glissant. Au loin, je vois des vaches. Elles broutent peinard, la croupe dorée au soleil. Je poursuis mon chemin quand à un moment, coincé entre la rive et l’électricité, je vois mes vaches qui raboulent en horde jusqu’à coller leurs museaux contre ma tronche. Et il est là, le moment de solitude, l’air con : je suis prisonnier ! Car un vieux relent d’enfance vient me percuter. Et je me souviens que j’ai peur des vaches. Alors je cavale, les vaches me suivent. Puis j’analyse la situation. Mais un pied ripe et paf, je glisse la glaise et pouf un pied dans l’eau le tout en mode héroïque bien sûr puisque je sauve l’appareil photo. La séquence dure un peu, pour ne rien vous cacher, le temps que je me rende compte qu’en fait non, je n’ai pas peur des vaches, qu’elles ont plutôt l’air benaises, comme on dit dans l’ouest, curieuses. J’en profite. Gros plans et tout le bordel. Puis le moment vient de me tirer, mais elles bougent pas, les bovines, je vois bien qu’il y en a deux, c’est les meneurs.
Bref, je réussis à me sortir de ce vachier, je reprends ma longitude de la rivière, mais je ne suis pas au bout de mes peines car en fait, je suis beaucoup plus loin qu’envisagé du lieu où je voulais immortaliser la scène (la Vanne, pour celles et ceux qui connaissent), je vois le soleil qui se couche dare dare, en même temps on est largement aux environs de 20 h et là, bim à nouveau : la rivière fait un drôle de virage, par dans tous les sens ou presque, et j’arrive au bout d’un champ. Second moment de solitude. Et second air con. D’abord parce que j’arrive dans des orties qui sont à hauteur de mes aisselles, ensuite parce que si ça fait une démarche chaloupée, ça questionne sur ses pieds, car on voit rien, enfin, j’arrive au bord de l’eau, me rend comp^te que je vais devoir la jouer saut de cabri, j’avise un endroit avec peu de largeur, parfait me dis-je, je me lance et là, splaoutch, ma jambe gauche s’enfonce jusqu’au genou dans un machin noir qui pue sa race. Je m’extirpe heureusement facilement et rapidement de ce spongieux, amorçant mon patient retour vers ma bagnole qui est encore loin, à cet instant. Résultat de cette belle aventure : 3 bonnes heures de déambulations, plus de 10 bornes dans la ganache, 200 photos quand même, une godasse noire pétrole et l’autre gris glaise, un demi jambe mouillée et deux pieds qui font floc.

Vendredi 15 mai / 19 h 12

Si je fais un vrac de tout ce que j’ai à raconter pour aujourd’hui, ça donne ça : croissants / CD / masques / réunion / plan Marshall / spectacle vivant /concerts / Journaux. Et j’en oublie certainement. Vais pas parler des retrouvailles avec un sandwich poulet-Curry, par exemple. Car ce matin, retour au grand siège social de la firme. Et réunion de travail avec les quelques collègues présents.

Mais si derechef j’enchaîne sur ce vrac dans l’ordre décroissant, je ne parle donc pas tout de suite des croissants mais des journaux.
Du drame qui est en train de s’accentuer pour notre bonne vieille presse papier… et du fameux « méchant syndicat puissant qu’est la CGT du livre ». Au passage, pour les buralistes vendeurs de médias, pas mieux.
Je suis allé en fin de journée au tabac-presse du coin et je dis à la vendeuse, ah ben tiens, je vais en profiter pour regarder un peu la presse. Intéressant, disais-je, pas mal et pas con de voir ce qu’il se publie en ce moment. Mais elle me dit, pas la peine, c’est grève. Grève des livreurs de journaux, comprenez. Car vous ne le savez peut-être pas, mais en gros, en France, hors Paris, la presse nationale est imprimée dans les régions et la distribution est assurée par une ou deux entreprises. C’est ainsi que nos magasins locaux sont achalandés. Sauf que ça se passe pas bien. Et que plus ça va moins ça va au point que de sérieuses menaces semblent peser sur ces imprimeries / centres de distributions régionaux. Ensuite c’est cascade : si plus de journaux, plus de ventes en kiosques, et donc plus de journaux et plus de kiosques. La chienlit. Peu à peu, les buralistes deviennent banquiers, collecteurs des impôts, vendeurs de jeux. Z’imaginez les tabac-presse sans presse ? Internet passe par là, évidemment. Un bien ? Un mal ? Je ne sais pas. Pas assez spécialiste. Mais ce que je sais, c’est que ça tourne en rond, cette affaire. Il y a quelques années, un buraliste me disait qu’il ne comprenait plus rien à la manière dont la presse était distribuée. Ils veulent plus d’invendus, il me disait, alors ils baissent les dotations. Du coup, les gens achetaient moins. Comme si ne pas avoir de stock était préférable à vendre des journaux. J’avoue qu’en forme d’accents circonspects mes sourcils de sont froncés.

Ensuite passons sans transition aux relations sociales en entreprise. Quelque chose a changé dans l’ère. Indubitablement. Les bonjours sont particuliers, les installations en salle de réunion aussi, la machine à café ne sert que de transit (mais le café gobelet est toujours aussi dégueu), dehors à la pause clope, ou dans les couloirs, on se parle à distance. Surtout, et j’en viens aux croissants, car j’en avais apporté quelques uns dans un esprit de convivialité avéré.
Une collègue m’avait dit la veille, ben oui, mais si personne n’ose les toucher ?
Je lui avais répondu, quand même pas. Elle avait raison ! Ce sans parler des masques. Bien sûr, ils permettent pas de manger des croissants. Mais leur présence autour d’une table dont je sentais bien que chacun essayait de s’en éloigner le plus possible au nom du mètre réglementaire de barrière hygiénique, ça change des choses aussi.
Déjà, on voit vachement plus les yeux.
Ensuite, parfois, surtout avec les masques en tissu ai-je observé, on entend moins bien. Enfin, une partie de l’importantissime communication non verbale s’en trouve de facto altérée. On va apprendre, quoi.

Sur mon agenda, j’avais noté les spectacles musicaux à aller voir jusqu’en juillet. J’ai par exemple été voir Magma à Epinal (mais c’était annulé et j’étais confiné), ce soir je vais voir pas Murray Head à Vittel (c’est annulé, d’ailleurs j’espère qu’il va bien, Murray).
La semaine prochaine, j’irai pas voir Mark Lannegarn à Metz.
Putain, les artistes du spectacle vivant, ils savent pas comme on souffre, nous les assis devant ni assis ni devant. Soupir empreint de tristitude…
Heureusement c’est vite balayé : c’est weekend. Et pour ce qui me concerne, c’est le premier week-end depuis huit semaines qui est vraiment un week-end maintenant que l’aventure #fleurdeschants2020 est bouclée. Mais le sillon est tracé et je passe une partie de mes moments avec les artistes de l’édition 2020 à mesure que je reçois des CD, que j’en achète d’autres.
Avant-hier, c’était Laura Wild. Magnifique.
Hier, c’était Vincent Féret. Tout doux, tout frais. Très agréable.
Ce sera Maxence Merlot et Galim ces jours-ci. Elle est pas belle, la vie ?

Je termine donc par le plan Marshall avec la minute encyclopédique qui va bien. C’est quoi un plan Marshall ? J’ai lu ceci dans un journal, en me disant, tiens, bonne idée de le partager. Alors je vous le partage ! (Source : le JDD).

« Plan Marshall pour le tourisme », « plan Marshall pour les banlieues », un autre pour le milieu rural… L’expression revient rapidement dans la bouche des responsables politiques dès lors qu’ils proposent un paquet de mesures assorties d’une enveloppe budgétaire importante. Le terme est né dans l’immédiat après-guerre. Alors que les Etats-Unis cherchent depuis la fin du conflit à réduire les capacités productives allemandes, il changent de doctrine en 1947 et décident d’aider l’Europe à se reconstruire, alors qu’une extrême pauvreté ravage de nombreux pays.
Très discrètement, c’est le général George Marshall, alors secrétaire d’état des Etats-Unis, qui annonce ce plan d’aides sans précédent à l’époque : 16,5 milliards de dollars (ce qui correspondrait à 173 milliards de dollars en monnaie constante 2019) sont prêtés pendant quatre ans à de nombreux Etats européens pour qu’ils reconstruisent leurs infrastructures. Au départ, le projet se nomme « Programme de rétablissement européen ». Le pays le mieux doté est alors le Royaume-Uni, puis la France, l’Italie et la jeune République fédérale allemande. L’idée était d’aider ces pays car leur pauvreté était un facteur d’instabilité politique. Les Américains regardaient alors les scores électoraux des partis communistes, notamment en Italie et en France.L’utilisation de ce terme pour désigner d’autres plans est très française. A peine la retrouve-t-on en Belgique où il a été question il y a peu d’un « plan Marshall pour la Wallonie ». Aux Etats-Unis, l’expression n’a été reprise que pour aider La Nouvelle-Orléans après l’ouragan Katrina et par Al Gore, pour sauver la planète.

Jeudi 14 mai / 22 h 08

Bon, ne tournons pas autour de la pipette. Z’avez noté mardi comme j’y allais à l’instinct rapport à la « suspicion » de Corona de ma dame l’autre jour ?
Limite, le gars, vous vous êtes peut-être dit, pensant inconscience ce à quoi je répondrai méthode coué, inquiétude cachée dans le sourire, qui, comme chacun sait, a été inventée à Nancy (la méthode Coué) ?
Eh bien le résultat est tombé. Madame n’a pas. N’a pas Corona.
On en reste donc à cette bonne vieille bronchite de chez maxilase, avec dafalgan, antibios et tout et tout.
A ce propos, je me permets un apparté, dans la série décidément, de nos jours, tout le monde parle à l’envers.L’info, donc, c’est « Test négatif ». En réalité, quand on y pense deux secondes, le test est positif. Le type ou la nana dans son labo, il scrute. Il débusque. Il note : Pas de corona. Donc test négatif. L’émetteur qu’il est dit donc à l’autre qui attend plus ou moins fébril, le test est négatif. Super nouvelle ! Mais si on pensait un peu au récepteur de la communication du résultat, on lui dirait, bonne nouvelle, vous n’avez pas le corona. Le test est donc positif . Vous n’avez pas la maladie. Mais pas comme ça qu’on dit. Passons….

Surtout qu’aujourd’hui, nous avions réunion de conseil d’administration à la maison aujourd’hui avec madame et gars de 21 et 17 ans. Je vous mets un Pater, je leur ai dit. Faut qu’on fasse un point de situation. J’y trave plus rien déjà qu’on confine encore en mode moins confiné quand même : l’un est étudiant, l’autre en terminale, l’un a bouclé ou boucle un Master, l’autre a bouclé ou boucle le Baccalauréat, et nous zautres parents, on s’y paume d’autant plus que derrière, ben, vacances ou pas, jobs ou pas, et surtout, suite des études. Qu’est-ce qui continue, qu’est-ce qui s’arrête, et la suite, qu’est-ce qu’il s’en dit ?
Ce fut intéressant. Quelques balises temporelles sont posées, du bout des pieds, du bout des yeux, de toute façon, le 2 juin, on n’y est pas encore. Cette date-là ne nous appartient pas. En attendant, l’un va passer une partie de son été avec un mémoire en guise de futur. L’autre va suivre parcours sup et tenter une école, une université. La vie quoi.

Sinon, et j’en terminerai avec ça pour aujourd’hui le reste on en reparlera, séquence cocasse dans la forêt d’à côté de la ville du coin. Une bonne partie de la balade du jour s’est faite en musique : du genre tonitruant. Du genre tout faux, aussi : je me suis dit, marchant loin je pense mais entendant bien car côté watts, c’était pas du chiquet, cool, des jeunes qui se lâchent après le confinement. J’entendais des cris, du rythme, ça le faisait et j’étais content pour eux. Et puis à un moment, m’étant rapproché sans le savoir, magie du son dans les forêts, j’ai vu. C’était pas du tout ça ! C’était un cours de gym tonique, pour le coup, avec prof survitaminée et élèves quadra quinqua surmotivés. Nom de bois ! Quelle ambiance ! Pour le coup, biches, canards et autres bestioles bronchaient pas. Ils devaient se dire merde, sont déconfinés, ceux-là. C’était bien avant.

Mercredi 13 mai

RAS.

Mardi 12 mai / 21 h 48

Une journée de dingue ! Ce mardi 12 mai restera gravé… dans les nasales de madame. Qui bronchote depuis quelques jours et qui du coup, avec l’aide de son chevalier volant (je conduisais quoi) s’est rendue chez le médecin.
Lequel a lâché le mot. Suspicion, le mot.
Et lequel a derechef sorti le kit corona, curant la fosse nasale de madame, suspendue depuis dans l’étrange pays du froid tombé d’un coup d’un seul à la sortie de l’officine, dans l’attente fébrile mais toujours pas fiévreuse du résultat du test.
Donc possiblement, chez nous, ça peut changer d’ambiance même si l’un d’entre nous a rapidement profité de l’espace réouvert dans les circulations sociales pour filer à la capitale du coin quelques potes rejoindre, pendant que l’autre, lycée fermé mais cours à la maison, au dit domicile se voit contraint de rester. Ainsi que le télétravailleur de service. Normalement, on saura demain.
Journée de dingue, aussi, parce que dans la même maison mais plutôt c’est à dire le matin, un bipède est venu boire un café chez nous. Il parlait la même langue que nous. Nous avons du communiquer et nous voir, autour d’un breuvage réputé pour sa convivialité. Ce fut agréable. Et saisissant : sur le coup, ça fait drôle, 57 jours sans visites.
Et très vite, en même temps dirait l’autre, ça fait normal. Logique.
Il ne m’en a pas fallu plus pour comprendre ce qu’une mienne collègue m’a confié, et ce que pas mal de gens ont déploré, retrouvant leurs lieux de travail, déçsu, surpris, agacés que certains et taines eux-aussi revenus se comportent comme si de rien n’était. Comme si rien ne s’était passé. Comme avant.
Faut-il s’en étonner ? Je ne le pense pas. Ces 57 jours n’ont pas existé ? Bien sûr que si. Mais une fois encore, l’on mesure que chacun fait au fond comme il peut avec cette situation inédite.
Se frôlent et rôdent des espaces temps que chacun a habité et habite à sa manière, sans plus de perspectives que cela, puisque le 11 mai étant passé, il reste à voir le 18 mai, maintenant, puis le 2 juin, puis…

C’est cela, finalement, l’effet corona : des dates qui tombent d’on ne sait où et qui rythment nos semaines, un coup ça va, tu votes, un autre coup ah non, chez toi tu restes, un coup tu reprends l’école, mais pas tous, et pas les plus grands, un coup peut-être à nouveau tu voteras, mais on va voir quand, peut-être juin, peut-être septembre, quoi que sur ce terrain-là, moi, je m’en fiche : chez nous, élections pliées en un dimanche. Et dans ces un coup ici, un coup là, le taf, donc, sur site, ou en télétravail, ou pas de taf, ou… Bref. Ca reste compliqué à gérer, tout ça. Aussi restons dans du proche et du poétique. De l’encyclopédique, même peut-être, si quelqu’un a la réponse : j’y reviendrai en images, mon bestiaire du corona circus s’est encore enrichi, en cette journée frappadingue décidément, avec des agneaux tous chauds sortis de maman. Rigolos comme tout. Protégés de près. Une balade très studieuse : après avoir déboulé près d’un champ où s’ébrouaient poneys et chevaux dont l’un était en mode je pète une durite dans l’indifférence brouteuse de ses congénères, je me suis pas mal trituré les méninges, enfin faut pas exagérer non plus, pour deviner pourquoi la balade du jour a été baptisée « Sentier des folies ».
Comme souvent en pareilles circonstances, je n’ai évidemment pas trouvé, finissant piteusement devant google. Espérant wikipéedia mais non. Donc j’ai pas trouvé. Restent des jolis descriptifs des offices de tourisme du coin. « Petit chemin sur les hauteurs de Lunéville. De plus, par beau temps, vous aurez une très belle vue sur le début des Vosges. Le chemin est bordé d’arbres fruitiers (mirabelles, cerises, pommes) et de nombreux chevaux et autres animaux« . Je confirme. Et aussi : Au départ du sentier des Folies, sur les hauteurs de Lunéville, une table d’orientation est installée sur un promontoire qui offre une superbe vue sur la cité cavalière. Des bornes thématiques jalonnent le parcours de 3 km environ. Je confirme également. Les dites bornes te guident pour appréhender la flore. Mais pourquoi sentier des folies ? Ben pas trouvé. Mais je n’ai pas non plus eu envie de me rendre dingue avec ça. Stanislas, peut-être ?

Lundi 11 mai / 22 h 23

Hé hé hé. Presque je vous vois venir, cheveux au vent, crinières dorées en ouvrant ce numéro 57 du Corona circus. Voyant ces joyeux smileys apparaître, vous vous êtes peut-être dit, ah ben, en voilà un, l’est content dis donc. Ce confinement allégé, ça le met en joie. On sent qu’il s’est bien poilé.
Mais en fait pas du tout.
Ca ne me met pas en tristesse non plus, ce confinement light, mais en vérité, ces smileys ont deux fonctions.

Première fonction : un poil de moquerie. J’ai lu je ne sais plus où que à l’heure où le 11 mai ouvrait ses yeux et autant que faire se peut remettait en ordre de marche notre pays, ben la loi était pas encore officiellement actée. Celle qui fixe les 100 bornes, le rouge et le vert, les ceci et cela qui nous attendent jusqu’au 2 juin prochain. Et oui, ça m’a fait sourire. Trop peu de gens étaient de mèche pour que ça vire gros bordel, mais c’est plutôt marrant de se dire que d’une manière ou d’une autre, finalement, aujourd’hui, tous ou presque, nous étions hors la loi. Nul n’étant censé l’ignorer évidemment. Nous étions même le cul entre deux lois, dans l’improbable interstice qui fait qu’on ne sait pas, que l’on n’a pas su plutôt, et prenons l’exemple du code de la route, que l’on ne savait plus quelle était la vitesse légale, à quoi rimaient les panneaux croisés sur la route, étaient-ils encore bons, pas bons ? Et qu’auraient faits les dignes représentants de la maréchaussée s’ils avaient dû nous arrêter ? Un espace temps passé inaperçu ; sans conséquences évidemment. Mais assez drôle pour le noter. D’autant plus drôle que pour « expliquer » cette absurdité, des ministres s’en sont pris au temps de l’assemblée nationale. A la durée des débats. On n’est plus à ça près, z’allez me dire, pas de quoi se friser la moustache, ni s’épiler avec de la cire tout le long du corps, mais quand même. Cette manie de tout reprocher à la démocratie, pour des démocrates, ça me laisse pantois. Autant que ces pas démocrates qui font croire que si, finalement, ils le sont.

Seconde fonction : une vraie joie pour le coup, non dissimulée ! J’ai enfin pu aller chez le coiffeur ! Eh oui ! Le coup de bol, d’ailleurs : fallait prendre RDV, mais en cette grande journée de l’interstice, j’ai pu profiter d’un autre entre deux. Et c’est dans une inhabituelle tenue plastique, donnant limite le sentiment d’enfourcher un sac poubelle, avec manches ajustées, que j’ai pris place devant le miroir, avec yeux de chimère pour ces héros du quotidien que sont les coiffeurs, ces Dieux du ciseau et de la brosse, du peigne et du rasoir, qui nous ont tant manqué. Faut dire que j’avais manqué d’inspiration, à l’époque. Avant la confinitude, je devais aller me faire tailler la mèche, et j’ai pas pensé que les coiffeurs feraient partie de la vague des désolé c’est fermé. Du coup, pendant ces 56 jours, ce fut par moment burlesque, d’autant qu’avec l’âge vient le cheveu blanc et que ce fumier, quand il s’installe, il a un sale air de paillasse. Heureusement, c’est désormais un souvenir. C’est le cheveu léger que je chemine désormais sur les sentiers incertains de nos jours à venir. Stupéfait quand même d’avoir failli installer une statue du coiffeur devant la mairie de la cité.

Dimanche 10 mai / 22 h 24

Cette distinction permanente du « en faux » face au « en vrai » des relations numériques ne cesse de me fasciner. Bien sûr, ce n’est pas pareil. Ce n’est pas la même chose. Mais toujours les opposer, d’un air sentencieux, genre y’en a un qu’est bien et l’autre pas bien, ça devient poussif. Car en certaines circonstances, c’est quasi au fort que du « en vrai », le virtuel, tout simplement parce que ce qu’il s’y passe EST vrai. Vrai au sens EST JUSTE. Ici. maintenant Cela fait partie de nos rites collectifs qu’on le veuille ou non.
Si en écrivant cela, je pense à la belle aventure humaine numérique qui s’est passée du 22 mars au samedi 9 mai, par la grâce de la co-organisation d’un festival confiné de chanson française, j’y reviendrai tout à l’heure, je pense aussi à tout ce qu’il s’est passé professionnellement durant cette même période où pour moi, le rythme de boulot n’a pas spécialement faibli, voire même a été amplifié à certains moments, logique quand on travaille dans le domaine de l’actualité.

Photo de Josh Hild sur Pexels.com

Je n’étais pas fan du télétravail. Cette idée un peu rance que boulot à la maison pas bon. Je ne suis toujours pas super fan, mais j’ai appris à faire, durant cette période, et pour moi, en cette veille de reprise, il me fallait faire un choix. J’ai opté pour maintenir le télétravail. Puisque je peux quasiment tout faire depuis chez moi. Et puisque si ma présence quelque part est nécessaire, et dans le cadre de mon job, c’est le cas, je me déplacerai. Comme je l’ai fait durant ces 56 jours.
Ce n’est pas qu’une décision sanitaire. C’est aussi une décision de bon sens.
Tout à l’heure, je me baladais. Ma promenade pedibus du jour. Et je me disais, là, tout de suite, maintenant, si je suis arrêté par la gendarmerie, je me prends une prune. Mais demain, non. Cela m’a fait sourire. Apprécier, aussi, qu’un voile d’interdits se lève un peu. Pas mal, les 100 bornes. Pas mal, les 10 personnes. C’est déjà ça. Mais tous les ponts levis ne sont pas levés. Et donc maintenir une certaine distance me semble utile. Geste barrière, comme on dit.
J’aurais des mômes en bas âge, par exemple, c’est sûr que je les aurais pas mis à l’école.
Et pour les personnes fragiles, je préconise de continuer à rester chez soi autant que faire se peut. Quant à ces histoires de départements rouge et vert, je prends acte, mais je reste circonspect. Pas parce que nous sommes en rouge, nous ici, en Lorraine. C’était sûr. Mais parce que certains vert, j’ai des doutes.
Mais passons. Pas grave. Et revenons à ce dimanche.

Certains dimanches sont des veilles. D’autres des lendemains. Les troisièmes des aujourd’hui. J’étais dans le second wagon, ce 10 mai. Ce dimanche a très longtemps été uniquement un lendemain. Décompression, certainement, après une folle journée, riche en émotions, très riche même, riche en échanges, très riche même. Je ne cacherai pas ici que j’avais les larmes aux bords des yeux vers la fin, parce que c’était la fin. Parce que se terminaient 50 jours avec en bandoulière un truc un peu cinglé.
Il me souvient… Ce message reçu par messenger. Ce « Hey Mec » devenu depuis comme une signature. Ce « et si on faisait un festival« . C’est ainsi que c’est parti, c’est ainsi que ça a continué, puisque nous sommes du genre à faire les choses proprement, correctement, quoi qu’il nous en coûte aurait dit l’autre, et cela nous a a coûté, c’est sûr, du temps, de l’énergie, de l’argent aussi. Mais cela a tellement apporté à nous, à d’autres (2 000 personnes environ, près de 40 artistes) et tellement apporté en échanges, en rencontres « virtuelles », en promesses d’après, que cela valait le coup. Surtout que le confinement simplifiait quand même sacrément les choses.

Soudainement, plein de niveaux sautaient, et l’on pouvait se retrouver à rapidement échanger directement (et donc simplement) avec les artistes.
Je vous rassure : les très connus ne prenaient pas la peine de répondre, ce qui est dommage, quoi que un l’a fait via sa fille (Francis Cabrel) et que d’autres ont répondu dans la durée (Têtes Raides notamment).
Les autres étaient là, disponibles, frileux ou pas, théoriques ou pas et c’était bonheur de pouvoir envisager des concerts, puis de les mettre sur pied avec un solide « associé » qui verrouillait le bordel techniquement (parce que sans ça, pas de festival de toute façon pis c’est lui qui avait eu l’idée d’abord).Le sourire de ces artistes à la fin, le nombre de fois où l’on a entendu des « c’est la première fois », tout cela ne sonnait pas comme du faux mais bien comme du vrai.

Ce dimanche a longtemps émargé dans le camp des lendemains, puis rapidement des aujourd’hui, il se transforme en veille à mesure que la pendule avance. Veille non de déconfinement car je l’ai expliqué, pour moi, ça n’en est pas un. Mais veille d’un début de quelque chose. Une reprise. Mot que je n’aime pas.
C’est finalement cela aussi, l’effet corona : on utilise des mots qui n’ont pas encore été inventés. Ils vont surgir dans notre quotidien. Petit à petit. Pas comme hier. Pas comme demain. Pas encore. Je continuerai donc à tenir ce journal car le corona circus, il se poursuit, lui !

Samedi 9 mai

Dodo. Courses. Festival Fleur des chants le final en non stop 16 h – 2 h du matin.

Vendredi 8 mai / 22 h 52

Bon, on rigole, on rigole… Mais un truc ne m’amuse vraiment pas. J’aimerais de grâce que l’on ne tombe pas tous dans le panneau. Et qu’on cesse de parler de déconfinement. Parce qu’on en est loin, quand même, très loin !

Je fais pas mon cassandre ; j’entends bien l’impatience de chacune et de chacun après tant de jours. Mais franchement, franchement, ils soulèvent juste le couvercle de la cocotte-minute, là, prêts à la refermer au moindre bug. Souvenez-vous, mesdames et messieurs, adeptes des « mondes d’avant » et des « mondes d’après », souvenez-vous…

Photo de Yaroslav Danylchenko sur Pexels.com

Nous sommes le lundi 16 mars 2020. Le confinement est enclenché sans mot dire. Le président le décrète sans décret et sans le nommer. A l’époque, le covid-19 n’est pas encore une maladie, le corona est déjà un virus. Officiellement, c’est une gripounette ou apparentée. Pas de soucis avec les masques des soignants et avec les hôpitaux. Même pas on va fermer les écoles et les lieux publics. Tout ça. la preuve : on fait le premier tour des élections municipales.

Et puis 54 jours sont passés… Certaines communes ont deux maires, d’autres l’ancien qui a rempilé malgré lui ou à sa grande joie. Les gens tapent sur des gamelles chaque soir à 20 h. Des tas de professions sont dans la merde noire. Lundi, nous serons le lundi 11 mai.

Est-ce que le 15 mars, vous aviez un rayon de 100 kilomètres autour de vous à respecter, un masque à mettre pour sortir en présence d’autres gens, pas le droit de réunir plus de 10 personnes, pas de restaurant, pas de troquet, pas d’hôtel, des classes avec pas de mômes, des notions de « distances sociales », du télétravail, pas de spectacles, parcs et jardins publics fermés, pas de projections sur vos jours fériés, vos prochaines vacances… Et je ne parle pas, parce que je ne connais pas, pas assez bien, pas trop du tout bien, de chômage partiel, de magasins plantés nets, de clés sous la porte, de ce qu’on va découvrir derrière les murs, des oubliés de tous poils tellement oubliés qu’on les a oubliés, etc, etc, etc

Déconfinement, vraiment ?

20 h 06

Toi qui lit ce journal coronarien, tu ne le sais pas aussi je te le dis : là, tout de suite, présentement, je suis en nage. Je sue à grosses gouttes. Parce qu’il fait chaud, en Lorraine, nom de bois. Et parce qu’avec l’accord de mon voisin, je viens de tondre. Pas tout le mais une bonne partie. Il y a des pannes sèches, on les guette ! Mais si je te raconte ça, c’est surtout pour te confier que je me demande quand même si ma tondeuse n’est pas écolo. Je le sens. Dès qu’il n’y a rien à tondre, elle pète le feu. Elle gazouille comme une furie. Tu as l’impression qu’elle va te tondre tout le bordel en mode dragster. Et puis dès que tu tonds concrètement, hop, elle se met à soupirer, à chuinter, à bourrer, et comme elle a mis hors service l’auto-tractage, tu pousses, tu tires, tu débourres. Je crois que je l’aime bien, ma tondeuse, cependant. Première de ma vie qui démarre quart de tour. Et ça c’est précieux !

Jeudi 7 mai / 18 h 43

Allez, pour ce jeudi, un « en vrac », c’est à dire une succession de petites anecdotes qui ne mangent pas de pain.

Météo. Ici, en Lorraine, il fait un temps merveilleux ! Je le signale d’autant plus volontiers que si jamais vous habitez à 100 kilomètres d’ici, voilà un coin de France à arpenter pendant vos vacances estivales !!! Ce corona, quel vainqueur tout ce qu’il réussit, quand même ! La Lorraine pour les vacances, ça c’est du monde d’après. Mazis vous ne le regretterez pas. Les Vosges, merveilleux. Nancy, belle ville. Les côtes de Toul, une merveille. La bouffe, du léger, du fin, du sucré, du salé. Des rivières et des lacs. On ne vous dit que ça !

Sexo. Y’a des types, je veux pas dénoncer, d’ailleurs je ne les connais pas, mais tu sens que ça chauffe, entre les guibolles. A deux reprises sommes allés avec Madame faire quelques emplettes bricolage, aujourd’hui, et je peux vous dire que les types n’y allaient ni avec l’oeil léger, ni avec le mot sous masque. C’était quand j’étais pas là, et heureusement. L’un et l’autre étaient bien plus baraqués que moi. Cette « chaleur », avec un angle bien plus poétique et un savoir écrire bien plus abouti, notre Goncourt Lorraine Nicolas Mathieu, l’évoque aussi sur son compte instagram. Ca donne ceci (extrait) : Hier dans un Monoprix où j’allais m’acheter des bières de bobo, j’ai croisé une jeune femme qui portait un short en jean très court, un petit pull gris et un masque. Elle avait des cheveux blonds bouclés, et des yeux clairs. Elle était belle, malgré ce masque, ou grâce à lui. Comment savoir ? Je me suis alors rendu compte que notre monde entrait dans un nouvel âge de l’érotisme. Autour de nous, au travail et dans les rues, dans les supermarchés et dans les gares, ce qui est caché ou montré s’est réorganisé à toute vitesse, à la faveur de l’épidémie, de ses urgences et de ses lois. Des sourires ont disparu, les regards pris un poids inédit, comme dans ces pays d’Orient où un trait de khôl vaut toutes les transparences. Aujourd’hui, il me semble que les jambes sont plus longues quand la face n’existe plus qu’en partie. La ligne d’une poitrine prend une intensité nouvelle dans son balancement sans visage. Tes fesses ont quelque chose de plus équivoque quand je ne te reconnais plus. (…)

Masque rigolo. Une réflexion con que je me suis auto faite et que je vous partage. M’est revenu en mémoire le débat pas si lointain que cela en vérité sur le voile. Et son port sur la voie publique. Ben pour le coup, avec le masque, on va être servi ! Et j’ai comme l’intuition que là, nettement moins de gens ça va déranger. Limite même c’est ceux qui auront pas de masques qui seront les gros blaireaux. Comme quoi, les cris d’un jour ne sont pas les cris de toujours. Et un peu de mauvaise foi ne nuit pas, surtout sur un dossier comme celui-là.

Promo. Une partie de la journée à « organiser » les festivités finales de #fleurdeschants2020. On a ouvert sur un coup de tête et le fameux « Hey mec ça te dirait pas… ». C’était il y a longtemps. Ce week-end, on termine en fanfare avec une conférence-débat le matin (pour déconner mais on n’a pas trop osé le dire : RDV à 11 h devant le monument aux vivants, on s’est dit) pour s’informer sur la super année de merde des artistes et du spectacle vivant. Puis un concert tout en douceur aménera chacun vers son déjeuner. Ou petit déjeuner, car apparemment, pas mal de décalages horaires dans les chaumières. Le soir, autre concert. Et samedi du non stop live de 19 h à tard le soir. C’est là que ça se passe, et ça regarde même si on est pas sur facebook https://www.facebook.com/groups/fleurdeschants2020/

Mercredi 6 mai / 21 h 34

Allez, que des jolies histoires, aujourd’hui. Trois. Et même je me permets de m’adresser à Maria Doyle.

Ils sont deux. La soixante-dizaine. Ils se tiennent par la main. Ils ont chacun un appareil photo autour du cou. Je ne résiste pas. Je les prends en photo. Je m’approche et le type me dit d’emblée, il veut me la vendre ? La dame ne dit rien. Je lui dis, non non, je vous la donne (la photo). Il recule. Elle avance. Je lui demande si elle a une adresse mail, où je pourrais leur envoyer le cliché. Cadeau. Il est de la police ? C’est lui qui parle. Pendant qu’elle cherche un stylo. Je lui dis alors, à elle, ben je suis con, moi, je vais noter sur le téléphone. Puisque stylo et papier nous ne trouvons.
Ils viennent ici tous les jours. C’est le mur, là-bas, au fond, qui marque pile leur kilomètre quotidien.
Mais là, ils louchent derrière moi.

Derrière moi, c’est l’usine.
L’usine éphémère. L’usine éphémère de fabrication de masques textiles. Je les y conduis pour qu’ils puissent y jeter un oeil. Ils avancent, timides. Ne feront pas de photos. Dans le vieux hangar, l’ambiance est concentrée. Incroyablement concentrée. Ils sont une quinzaine. A gauche, la machine qui prépare les masques. Au centre, la blanchisserie. Avec son fer à repasser, ses vapeurs. A droite, la couturière. Ses bobines de fil. Les masques se débitent à la chaîne. Ils seront bientôt distribués aux habitants du département.Ils sont jolis, ces masques. Couleur écru. Tissu du coin. Dessinés par un créateur de mode local. Son truc, c’est le jean. Avec la crise sanitaire, il a bossé un projet. En quelques semaines, il s’est transformé en industriel. 800 000 masques à faire. Deux mois de production. Tout s’est fait en un temps record. Les mesures d’hygiène et de sécurité sont drastiques. Les femmes et les hommes qui ont été embauchés sont dans des parcours d’insertion. Elles et ils apprennent les gestes. Sourient.
Sur la table, certains ont déposé des gâteaux. Servez-vous, c’est écrit.


Ce sont mes belles histoires du confinement de ce 52ème jour.
Et comme on dit jamais deux sans trois, je vous en remets une troisième.

C’est une femme que je découvre, dont je découvre la vie. Elle s’appelle Maria Doyle. Ceux qui regardent « The Voice » à la télévision savent de qui je parle. C’est cette magnifique chanteuse dont j’ai appris il y a peu qu’elle habitait à quelques kilomètres de chez moi. Because organisation du festival fleurs des chants, nous sommes entrés en contact avec elle. Mais pour plein de raisons, cela n’a pas pu se faire.
Elle ne chantera pas pour nous. Pas cette année, en tout cas. Pas en mode confiné.
Il n’en demeure pas moins que dans le réseau des qui la connaissaient, on m’a prêté sa biographie. Que je viens de dévorer.


Madame, Maria, je ne vous connais pas mais maintenant, lorsque je pense à vous, et même là à l’instant où j’écris ces quelques lignes ça me le fait, j’ai la chair de poule. Je frissonne. Fasciné. Estourbi. L’histoire de votre vie, madame, et celle de votre mère, car on ne peut distinguer l’une sans l’autre, m’a donné une magistrale gifle.
Vous savez, ce sont ces belles gifles qui font du bien, qui nous bottent l’arrière train. Ces gifles qu’après, on se sent mieux qu’avant. Depuis tout petit, je me demande comment ça fait d’être aveugle. Je ne sais pas pourquoi. Et en deux ou trois pages, bim, on comprend ce qu’il se passe. Mais tout le reste arrive et là, même en lisant, on oublie. On oublie le handicap. Presque on s’en fiche. On se met dans votre sillon. Sillage. On ne voit jamais aussi bien qu’avec le coeur, dites-vous. En connaissance de cause. A presque nous faire envier votre sort. J’ai adoré ce passage où vous expliquez que votre cécité a bloqué vos images à l’âge de dix ans. Et que du coup, tout le monde reste jeune.
Votre vie, madame, et celle de votre mère, dans cette Irlande d’hier, puis de la Suède aux Etats-Unis, m’a tenue en haleine parce que je ne cessais de me dire, mais comment diantre cette dame, son mari, ses enfants se retrouvent dans notre chère Lorraine.
Votre vie est un hymne puissant à la vie. Au respect de la la différence. A la volonté. Au soleil.
Le soleil qu’on a dans la tête. Qu’on promène avec soi et qu’on partage. A tel point que parler de handicap devient indécent. Je suis allé voir sur internet. On ne parle évidemment que de cela. Dommage.
J’ai lu quasiment tout le livre, et plus je le lisais, plus j’étais impressionné. Le quotidien en Irlande. Ces foyers pour mères célibataires. Le quotidien. Et la chanson. La voix. Le chemin. Bien sûr, vous ne retenez que le beau, c’est tout à votre honneur, mais vous ne masquez pas le moins beau. Et du coup, lire votre vie, c’est lire un roman. Personnellement, je l’ai lu comme un chanceux à qui l’on fait de précieuses confidences. Merci.
Il me reste quelques pages a lire. Je vais les déguster tout à l’heure.
Je les ai gardées, en fait. Je m’endormirai avec.
Des Merci plein les paupières.

Mardi 5 mai / 18 h 52

J – 6 ! J – 6 de quoi donc ? Ben du déconfinement bien sûr. Je blague !
En vrai, je n’ai pas envie de blaguer. Peut-être pour cela que je blague, d’ailleurs.
Non, pas envie de blaguer parce que peu prête à cela dans ce que je ressens, lis, reçois, perçois depuis quelques jours. Au point que j’ai relayé ces derniers jours deux vidéos d’hommes politiques. Cela ne m’arrive jamais.
L’un de gauche lançant un appel au Président de la République, général des armées invisible depuis qu’il a dit qu’on était en guerre, pour qu’on arrête le délire et que la rentrée scolaire ait lieu en septembre. Sobre, efficace, de bon sens. Avec solutions proposées.
L’autre d’un droitier centriste, rappelant à la tribune du Sénat que le Covid-19 n’était pas une maladie du libéralisme mais une maladie tout court. Et que bon sens également il fallait savoir garder. Deux visages d’une France, deux discours bien différents, deux réalités et l’envie, pour ce qui me concerne, de ne pas loucher sur les poux qu’on pourrait être tenté de leur chercher dans la tête mais de tracer des traits d’unions entre ces hommes de bonne volonté. Une expression qui a du sens pour moi : des femmes, des hommes de bonne volonté. Cela change tout !

Il y a de la nervosité dans l’ère, je trouve. Pas vous ? Il y a du côté des idéologues de tous crins, et de tous horizons, de quoi faire son beurre sur le dos de la bête. Il y a tout pour : du temps confiné, idéal pour tourner en rond dans le réduit de son cerveau ; une absence de lien social qui en est à son 51ème jour, parfait pour enfoncer le clou de son réduit ; une absence de projections possibles, même pour des congés : parfait pour se cogner la tronche contre le mur ; des mensonges à gogo et des désinformations à tout va : nickel pour fomenter des airs de complots au moindre postillon ; d’ailleurs même le postillon s’en prend plein la tronche. Enfin, un bel air de n’importe quoi derrière des décisions dont on sent qu’elles sont prises à reculons, par défaut, par intérêt, des propos parfois honteux de ministres censés… Bref, on est loin d’un cap à suivre, loin d’une vie à continuer et non à reprendre ou à arrêter, elle qui n’a jamais cessé de continuer. Le tout avec des grandes formules qui feraient rire si elle n’étaient pas entrées dans le langage commun.

Il serait question d’un monde d’avant. D’un monde d’après. Espérons que ça partira aussi vite que c’est venu. Il serait question de déconfinement : ma qué, la blague. Entre un président de la République qui annonce un confinement sans jamais prononcer le mot, et un Premier ministre qui nous déconfine en nous disant que notre liberté, c’est de porter des masques et de pas aller à plus de 100 bornes de chez soi, si cela n’était pas pathétique, je crois qu’on y verrait ce qui nous manque le plus : le sens du maintenant.
Le sens du ici et maintenant.
Et j’y ajoute : arrêtez donc l’infantilisation permanente des gens, arrêtez d’envoyer au casse-pipe les vieux et les jeunes d’abord.
Les gens, vous, nous, moi, , s’y on y regarde bien, si on y regarde avec honnêteté intellectuelle et bonne foi, ils sont à 90% des cas exemplaires : on su se confiner, respecter massivement les consignes même quand cela virait à l’injonction paradoxales. On a accepté de sortir avec un mot des parents, comme un bon point à montrer aux forces de l’ordre. Certains, malmenés quelques semaines ou quelques mois plus tôt, on su se mobiliser, se remobiliser, tenir la digue. Soigner, s’occuper des autres, vider les poubelles, remplir les rayons des magasins pendant que d’autres ont donné, inventé, proposé, aidé, sans se plaindre plus que ça, en tout cas il ne m’a pas semblé, sans forcément demander quoi que ce soit en échange.

Et je ne parle pas de tout ce que je vis à travers la version créative de mon confinement. Le festival #fleurdeschants2020. Plein d’échanges avec des artistes. Des gens qui aiment la musique, la chanson.

Juste je mets en ligne pour conclure cette mise à jour du jour de mon corona journal cette cette chanson de Alain Souchon. De 1977. J’avais 10 ans. C’est pas bidon.

Lundi 4 mai / 9 h 02

Cinquante jours ! 1 200 heures. Qu’on vit en conscience avec un virus dont il faut se protéger (avant, nous vivions avec, à côté plutôt, mais nous ne savions point). 1 200 heures que la vie dans notre France et dans le Monde, chacun avec des résolutions diverses, a été bouleversée par la bagarre qui s’est engagée finalement, entre des pays qui se croyaient immunisés de tout et plus forts que tout, et un brutal rappel à l’ordre de notre humaine condition. Une bagarre qui a exacerbé nos fragilités, nos manquements, nos errances, nos possibles. 1 200 heures que les chiffres sont devenus les compagnons mortifères de nos jours, stupide compte-à-rebours qui ne mène nulle part, surtout que cinquante jours après, il dit si peu, finalement. Ou plutôt il crie très fort tout ce que l’on ne sait pas. Les chiffres n’ont que la valeur qu’on leur donne. Il en est toujours un, personnellement, qui m’a plus parlé que d’autres, on le trouve sur le site Statista (dont je n’ai pas vérifié c’était qui derrière tout ça). C’est lui, non ma boussole, mais ma machine à pondérer. Aujourd’hui, par exemple, à propos du coronavirus, je lis ceci : 3,2 millions de cas de Covid dans le monde. 228 057 décès. 986 062 personnes guéries. Pour la France, au 30 avril : 166 628 personnes infectées, 49 132 guérisons, 24 087 décès.

Pourquoi j’évoque cela, comme ça, avec des chiffres très certainement discutables ? Justement parce que ces chiffres sont discutables. Ils disent en creux tout ce qu’il est légitime de se demander. Sont-ils justes ? D’où sortent-ils ? Que ne disent-ils pas ?

Mais nous évolutions dans des temps comptables. Alors de chiffres on parle toujours, d’autres sortant du chapeau si besoin. J’ai ainsi observé, ces derniers jours, que l’on reléguait presque au second plan, maintenant, ce qui accaparait nos esprits. Les hôpitaux étaient devenus les nouveaux lieux de cultes. Le curseur a bougeur. Et si à 20 h, dans les rues, dans les immeubles, dans les villes, dans les villages, il y a toujours tintamarre, le merci scandé vire au défoulement nerveux et à la battle entre voisins.
12 000 heures : c’est beaucoup. Beaucoup de temps passé qui à tourner en rond dans ses quelques mètres carrés, qui à faire du grand nettoyage chez lui, qui à mettre les mains dans la terre, l’atelier. Qui à continuer de bosser. Qui à découvrir le télétravail ou à le renforcer. Qui à se coltiner un chômage imposé. Sans parler des bouquins lus ou relus, des films et des séries télévisées vues ou revues, etc.

Sous ses airs de pachyderme, le virus est effectivement évolutif dans ce qu’il apporte ou retire à nos quotidiens. Bien sûr, il y a les réglementations qui tombent, les adaptations nécessaires, les effets collatéraux dont on sent bien qu’il restera beaucoup à découvrir encore… après. Mais cet après, précisément, on n’en sait rien. Et si ce n’est pas nouveau, c’est visible désormais. Il n’est qu’à voir la valse des dates, on ne sait plus qui et quoi du 11 mai, du 18 mai, du 2 juin, du 14 juillet. Encore moins de l’après. Valse des annonces, aussi. Valse des combats. Valse des revendications. Si ce fut un 1er mai sans pavés ni barricades, ce fut quand même un 1er mai de sourdes esclandres, comme si 1 200 jours après, le brouhaha des réseaux sociaux ne suffisait plus pour contenir les etouffements, même s’il s’y passe de belles choses aussi.

50 jours. 1 200 heures. Et ce sentiment que plus on le dit, moins cela a de sens : Plus rien ne sera comme avant. Selon ses godasses, c’est une inquiétude. Un soulagement. Un espoir. Le train avance. Le train des jours avance. Et l’on sent le carrefour ou la collision arriver. Selon qu’il y a un pilote dans l’avion, une locomotive à l’avant du train ou si ce sont les wagons qui vont faire avancer le convoi.
Le convoi, c’est nous.
Le convoi, c’est moi.
Le choix des mots est important. Alors pour commencer, il faut arrêter de parler de déconfinement. Car on en est loin. La liberté avec menottes n’est pas une liberté. Ce n’est pas demain la veille qu’on pourra librement et sereinement circuler. Qe notre santé sera assurée. Que la peur nous lâchera les sandales. Et ce n’est pas demain la veille que se lèveront moultes inquiétudes à commencer par celles des jeunes. Je dis cela à dessein, à commencer par les jeunes. Car eux, que vivent-ils, bloqués comme des cons, contraints pour certains à se coltiner papa et maman, boulot arrêté pour certains, études suspendues pour d’autres, projets en satnd-by pour tous. Et nous sommes en mai. Le convoi tangue. Il nous reste à choisir un camp. Et là, on n’aura pas 50 jours. Ni 1 200 heures. Ni la bagarre contre le virus à mener avec la même intensité. Croire encore et encore à la locomotive ? Ou croire le convoi ?

Dimanche 3 mai / 15 h 25

Parlons hamburgers, pour commencer. Je viens de me rendre compte en discutant avec mon fils que c’était son presque cinquantième jour de sevrage de hamburgers, kebab, nuggets, taccos et autres douceurs gourmandes et nutritives dont raffolent les jeunes, et certains vieux aussi, disons-le. Je suis très cheeseburger, par exemple. Comme quoi, finalement, dans le confinement, chacun a ses sevrages. Ou pas. Par exemple, bizarrement, restons encore un moment à la cuisine si vous le voulez bien, j’ai des envies de poisson depuis le début du #restezchezvous. De mémoire, ça ne m’était jamais arrivé. Il y aura vraiment un jour d’après après tout ça ? C’est possible de le croire, en tout cas !

Samedi 2 mai

Festival Fleur des chants et bagarres d’organisateurs comme cela va de soi avec un artiste qui nous plante la veille (pour de bonnes raisons) et une course contre la montre pour dénicher des plans… pouh… c’est allé jusque L, je crois. Mais ça l’a fait. Le soir, ce furent plutôt des galères techniques, et cela aussi ça l’a fait.
Dans l’après-midi, sortie professionnelle.Très émouvante. Très belle, à sa façon.
Bref une journée chargée.

Vendredi 1er mai

Férié.

Jeudi 30 avril / 22 h 56

Plein de trucs à raconter. Mince : comment je vais faire ? Ben court, du coup. Alors :

Les masques. Marre de chercher l’info. J’ai profité de mon RDV de tous les deux mois chez le doc pour lui demander. Claire et nette la réponse : masque ! Dès que vous sortez et que vous allez là où il y a des gens, masque ! Pour moi ou pour les gens ? Les deux. Masque. Bon ben voilà.

La carte. Je la guettais sans trop me tromper de couleur. C’est donc tombé sur sur du rouge. Et ça tombe bien. Parce que j’ai fait quelques photos de coquelicots. Notez que si j’avais été vert, j’avais d’autres images évidemment. Malinx le lynx ! Soit dit en passant, mon bestiaire du confiné s’est agrandi aujourd’hui. balade. Rivière. Ragondin. Mais s’est tiré. Dès qu’il m’a vu, je crois bien.

Aujourd’hui, en Lorraine, il a plu. Et pas plu. Et replu. Et pas replu. Etc. Résultat : pendant ma promenade du soir, je me suis dit que quelqu’un peignait dans le ciel. Que dans notre rouge partie de la France, la mer, finalement, pour l’avoir, et pour la voir sans barrières, il suffisait de lever les yeux. Un coup gris, un coup bleu. Je marchais dans mon rayon de 1 kilomètre et j’étais en Bretagne, nom de zeus !

Dans tout le langage fleuri qui a surgi ce printemps dans la foulée du virus, plein de mots nouveaux, donc. Et des expressions qui déboulent. J’aime beaucoup lire sur les panneaux de ville, dans les magasins ceci : Prenez soin de vous et de vos proches. Oui, j’aime bien lire cela parce que ce’ salopiaud de virus ramène aussi de l’humanité même si le slogan dit quand même avec ses trois petits points cachés… mais venez aussi acheter chez nous. Il n’empêche. Prenez soin de vous et de vos proches, je trouve que c’est pile poil un projet de société qui irait bien, non ? Amusez-vous comme je l’ai fait à le traduire en programme électoral : vous verrez que ça a une putain de bonne tronche. Et pis moi j’ai pas oublié la première intervention martiale de notre actuel locataire de L’élysée. Il a martelé le « quoi qu’il en coûte » assez souvent et assez fort pour que je retienne la leçon. Avec ce secret rictus : quoi qu’il NOUS en coûte.

Pour le reste, je laisse le type qui peint dans le ciel et qui dessine nos paysages vous accompagner pour une douce nuit, ou une belle matinée si vous lisez ce vendredi. J’en profite pour vous rappeler que dans le fatras de tous ces dimanches, demain, c’est vendredi, c’est férié, c’est le 1er mai. On fête le travail. Et le muguet. Alors je vous en offre aussi un brin, en pensant fort à ma maman, partie avant d’avoir tout dit (on m’aurait que même je citerais du Pierre Bachelet…) il y a bientôt un an. Ce muguet a poussé sans elle dans la maison familiale confinée elle aussi. Pour nous, je pense. C’était sans sa nature.

Mercredi 29 avril / 22 h 36

Aujourd’hui, la météo était au diapason. A moins que ce ne soit nous qui nous mettions au diapason de la météo, dans l’esprit « l’oeuf et la poule » ?
En tout cas tantôt chaud, tantôt froid ; tantôt bleu, tantôt gris ; tantôt vent, tantôt pluie.
Un lendemain d’annonces, une veille de découverte de cette putain de carte verte et rouge, le printemps quoi.
Je trouve d’ailleurs qu’ici en particulier et ailleurs en général, du printemps, on n’a pas assez parlé. Du lien, du symbole entre cette crise et le printemps, je veux dire. C’est qu’une phrase toute bête m’est revenue, pour tout vous dire : le printemps manifeste le renouvellement de la force vitale de la nature. Pour le coup, on parlera des coûts une autre fois, c’est sacrément revenu en première ligne, la force vitale de la nature. Bon, c’est con, surtout pour nos anciens, ça a pris la forme invisible d’un virus qui fout patraque la planète. Mais décemment, même si l’on n’aurait pas spontanément pensé à ce que ça prenne cette forme, est-ce que cela ne nous pendait pas au nez ? Est-ce que depuis quelques temps, on ne sentait pas flotter dans l’ère quelque chose de singulier ? Alors oui, une crise. Sanitaire. Sociale. Economique. Oui. De l’imprévisible, soudain. Des « je ne sais pas » à foison. Mais surtout un air de PRINTEMPS. Car qui a « tenu » le pays pendant cette quarantaine ? Les sacrifiés d’hier. Transformés en coût, en charges, en dépenses. Alors que l’on se rend compte à quel point précieux ils sont, garants, solides, tenus par une éthique qui manque cruellement par ailleurs. Une éthique en toc et la revanche des faux tocards, il dit aussi cela, ce printemps 2020. D’ailleurs, depuis le confinement, il fait beau. Et côté nature, ça scande à donf. Nos bruits soudain égarés laissent la place à des oiseaux, des animaux qui s’aventurent, l’homme cloué chez lui, puni, au coin… Je me permets pour conclure ce soir, et de Taubira je parlerai demain, de vous verser une petite rasade de chlorophylle chopée avec quelques hennissements lors de ma balade du soir. Puis quelques mots de Jean-Marie Pelt, célèbre botaniste Lorrain, qui parle si bien du printemps. Et peut-être en creux de la « crise ».

Jean-Marie Pelt :  » La vie végétale, en chômage pendant le long hiver, devient brusquement une ruche bourdonnante. Tandis que le soleil remonte dans le ciel, la nature fidèle lit dans ce signe le retour des beaux jours. Le soleil déclenche alors l’immense marée végétale… Tout se joue en l’espace de quelques semaines. En cinquante jours, la nature a joué son va-tout pour l’année entière« . Cinquante jour, on y est. Bientôt.

Mardi 28 avril / 21 h 27

Grâce à mon horticulteur voisin, je peux rentrer de ma balade quotidienne avec une salade, des radis, des fraises, un melon. C’est vraiment génial, ce distributeur de légumes frais « 24 h sur 24 ». Et agréable. Et malin. Car d’un casier l’autre, de quoi répondre aux envies et aux besoins du moment. Les navets, par exemple. Ben non. Les courgettes ? Non plus. Mais ce soir, je vois les choses en grand. Beaucoup plus grand. Passé de 1 km à 100 bornes, c’est une chouette nouvelle. Mais confidence je vous dois. Après l’allocution du prime minister, je me suis empressé d’aller voir la carte de France des départements pour savoir. Si j’étais vert. Ou rouge. Alors, j’ai cherché, j’ai cherché, j’ai cherché… pour finalement apprendre qu’elle existe pas encore, la dite carte. Qu’on la connaîtra jeudi. Mince alors. Alors je rêve en faisant des ronds. Un rond. 100 bornes autour de chez moi, ça dit quoi ? Ben ça dit ça :

Franchement ? Ben c’est déjà ça, comme on dit. C’est même assez super. Vosages, Alsace, fringues à Sarrebrück côté Est, Potes en Nord Lorraine, dans le Toulois côté Ouest. Reste la partie sud ouest. Bon. A priori j’en pense pas grand chose. Mais pourquoi pas ? Occase de découvertes, qui sait 🙂

Sinon, reprise du travail, aujourd’hui. Du télétravail, plutôt. Après cinq jours de cerveau déposé. Ca fait drôle ! Alors je me dis que c’est affaire de rythme. Que le pied remis à l’étrier, ça le fera demain. C’est que j’ai encore des photos à éplucher, des ronds d’ailleurs, des ronds dans l’eau : oui, j’ai pris en photo des ronds dans l’eau, profitant de la rivière voisine, et de quelques gouttes qui tombaient ça et là. De la jolie peinture qui rappelle sans cesse comme la nature a tout inventé et qu’il est temps, grand temps, qu’on soit assez humbles pour accepter de l’accompagner. Il me souvient une chanson d’un ancien téléphoniste. Locataire, c’était le titre. Je sais même pas si on est locataires. Je sais par contre qu’à force de se comporter en propriétaires, on va manquer d’air.

16 h

J’écoute le Premier ministre, c’est l’avantage des images en plan large. On regarde pas. On écoute. J’ai essayé de suivre et de m’y retrouver dans la kyrielle de mesures annoncées et je dois reconnaître que peu à peu, j’ai lâché, ne sachant plus ni quoi ni quand au juste, me réjouissant juste à titre très personnel de la prochaine réouverture des coiffeurs. Je suis content pour eux. Je suis content pour moi. Pour le reste, il m’a un peu perdu, l’homme aux deux prénoms. Mais je ne suis pas inquiet. Tout cela me sera restitué et j’irai relire des infos…

Ce que je retiens pour le moment, c’est que nous pourrons donc à partir du 11 mai « refaire certaines choses » si je puis dire, et ça c’est pas désagréable. Le barbecue attendait les amis. Les amis attendent le barbecue. Je pourrai sortir de mon putain de kilomètre pour aller marcher et me mettre d’autres paysages sous la rétine. Et ça aussi c’est agréable. Mais trop loin. Bref, on dentelle. Ainsi le 1er ministre parle en même temps de « régime de liberté » et de barrières, avant d’évoquer une « Stratégie nationale » qui sera déclinée « au plan local ». Ca va pas chômer dans les mairies et les Préfectures !

Je ressens ceci dit toute l’âpreté du moment. Ce « à la carte », au sens figuré et géographique du terme, je ne critique pas. Je mesure l’effroyable tâche qui consiste à organiser toute cette désorganisation, maintenant que l’organisation en a été toute désorganisée. Je me rends compte comme il faut à la fois le gant de fer et la main de velours + le gant de velours et la main de fer. Reste non l’union nationale, m’énerve ce terme, mais l’adhésion de tous. Et si en certaines contrées ce sera east, en d’autres, ce ne le sera pas. Bref, il faut maintenir la bride en lâchant du lest, puisque un pays tout entier est devenu comme un cheval qui tout autant peut se cabrer, ruer dans les brancards, trotter, se mettre au galop.
Me viennent du coup en tête ces images de chevaux en Camargue.
Comme l’image d’un déconfinement… vue de ma fenêtre.

Lundi 27 avril / 21 h 37

Envie d’océan. De sentir la terre.La terre de l’océan. L’Homme a sa place. Le vent. Les saisons. Les marées. Le soleil. La lune.

Dimanche 26 avril / 20 h

Non, pas ce soir. Pas les infos à la télé. Je sais par contre que dans beaucoup de foyers, c’est oui. Les infos à la télé. Je reviens de ma marche quotidienne. A force, de moins en moins de photos (17 dans la besace, pas une de plus) et signe sans doute que les yeux s’épuisent à voir d’autres détails que ceux entrevus en dépit des efforts du soleil le soir pour guider le regard, de plus en plus d’animaux. Passionnant, non ?

La grande affaire de mes réflexions de promeneur, c’est le masque. Les masques. Plus les jours passent et moins je sais / sens s’il faut ou non en porter un. Plus je lis des choses sur le sujet moins c’est clair. Mais je nuance : j’habite certes la région qui bien morflé au début, mais c’est clair que nous évoluons dans un territoire privilégié quoi que sinistré. Sinistré avec des s, tiens. J’en passe des guerres, j’en oublie des fermetures industrielles. Un territoire où au mètre carré, clairement, on n’est pas les uns sur les autres. Un territoire où les maisons sont légion, les immeubles plutôt rares, sauf bien sûr dans certains quartiers de la grande ville du coin.
Des masques, chemin faisant, croisant ça et là d’autres promeneurs et un cycliste ainsi que les pleurs d’un des quatre enfants qui faisaient la course parce qu’il n’avait pas gagné (la course), qui m’ont évidemment fait réfléchir sur ce mot moche et con et valise désormais : déconfinement. J’aime pas trop les mots en dé, en fait. Je m’en rends compte. Déprime, déconfiture, démesure, despote… Pas engagement. Déjà que confinement, c’était pas top. Mais son opposé, ça l’est encore moins. En terme de son. Mais pas que. Mardi, apparemment, on en saura plus. Mais chemin faisant, donc, je me disais, ça va être pas possible (et non ça va pas être possible) de tout faire pareil pour tout le monde. Je veux dire, tous les enfants de France ne sont pas logés aux mêmes enseignes. Toutes les régions n’ont pas été touchées de la même manière. N’ont pas la même « discipline » non plus. Je mesure la tâche que cela représente. Sans parler des pressions économiques. Pas seulement d’ailleurs celles des grandes firmes. Ces commerçants, ces artisans.
Franchement ?
Ben franchement, je ne sais pas. Mais y’a des trucs, je les trouve de plus en plus cons. La reprise de l’école, par exemple. Pour un mois ou un mois et demi. Filons un salaire aux parents, permettons d’avantage d’aérations, ne confondons pas tout. Un type dont je suis avec assiduité les écrits montrait en photos un type dans la nature seul à vélo et un rassemblement forcé de ouf devant un supermarché. Avec la même règle pour tous. Forcément, ça sent un peu un mot en dé que j’aime bien, par contre. C’est débile. Alors je croise les doigts pour que mardi, ce ne soit pas le débile qui l’emporte.

Samedi 25 avril / 18 h 30

Parfait. Il me reste pile une demi-heure. Je reviens de ma marche du jour. Chemin connu désormais : derrière les containers (où soit dit en passant, ça ne s’arrange guère côté dépôts sauvages), le sentier qui longe la rivière puis du coup, ben, tu longes en effet la rivière. C’est occase d’aller écouter le doux clapotis de l’eau. Une belle musique, ça aussi. Aujourd’hui néanmoins, un petit coup de frein quand même lorsqu’un un chien tonique et assez volumineux quand même a déboulé, déjouant l’appel de sa maîtresse, le temps de faire son petit pipi territoire. Puis le sentier longe quelques maisons. On est samedi. Chaud soleil de fin de belle journée. Ca bassotte dans les arrière-cours. Trois enfants sont assis sur un mur. Ils picorent des murmures. Ils ont construit un tipi aussi (ou tepee, ou thípi en langage Dakota) en face. Près de l’eau.

Puis toujours en longeant la rivière, débarquent les jardins sur la gauche, de grandes parcelles ici, dont une où ça bamboula musique à fond (Michel Jonasz en passant) et barbecue en devenir. Puis voilà le pont. En épouser le contour avant de replonger à gauche, amorce de retour à la casa, via toujours les jardins ouvriers, comme on dit, plus petites celles-là, mais de mieux en mieux ouvragées. L’homme au chapeau est là. Il arrose. Le sentier est étroit. Confinement oblige, on ne se croise plus de la même manière. Puis c’est retour par les ruelles, un lotissement, un coup d’oeil aux légumes frais en libre service que notre voisin d’horticulteur a eu la belle idée de mettre en place.
Le rapport avec la demi-heure, qui est passée à 20 minutes ? Aucun. Mais ce samedi à 19 h pétantes, direction le sud-ouest par la magie de l’internet du monde ; en direct par la magie d’un festival confiné et néanmoins hors sol. Magie : y’a quand même de ça. Ces gens qu’il y a quelques semaines je ne connaissais pas, avec lesquels des échanges se sont noués ; ces téléphones qui filment et qui, reliées au réseau, diffusent en direct c’est à dire au même moment des chansons et bien plus que cela, en vérité ; et puis ce festival, Fleur des chants 2020, surgi de nulle part, qui n’en finit pas de semer ses petites graines, ses opinions, ses avantages, ses inconvénients. Avec ce bonheur d’organiser à moindre stress des rencontres qui, comme toutes rencontres finalement, sont forcément improbables.
Tout à l’heure, en écrivant les « bios » des quatre (six en fait) artistes programmés ce samedi, j’adorais la diversité de destins qui se dessinaient entre les lignes de chacune et de chacun, le monde que cela créait l’air de rien le temps d’une soirée. De la banlieue parisienne en passant par les coins de Toulouse et la Mauritanie, le tout via Gerbéviller, le village source, c’est assez épatant. Et c’est vrai que ça fonctionne : pendant quelques instants, oublié le corona machin, délaissés les mille et unes informations / interrogations / dénégations / manipulations du moment. Car je me rends bien compte du flux ininterrompu d’un côté, d’un flux qui revient même, depuis que nous sommes passés dans l’acte 2 du confinement. Ce fameux soir où un président élu avec 18 % des voix comme ses prédécesseurs nous informait de ce que sa nation avait décidé pour nous. Cette bévue du 11 mai, horizon incertain, cap intenable, non sens censé donner du répit à toutes celles et ceux qui sont en panne de directions.
Mais c’est ainsi. Je n’oublie pas bien sûr, dans cette journée, le bel échange que j’ai eu honneur et bonheur à avoir avec une jeune fille qui me fait penser à de la porcelaine. Et en même temps à une force qui, elle, m’a fait penser à Bashung et cette merveille de chanson, signée côté textes par Gérard Manset. Je la dépose ici.

Vendredi 24 avril

Que dire du quarantième jour si ce n’est que nous sommes effectivement en quarantaine ?

Jeudi 23 avril / 20 h 34

39ème jour de sevrage. Et oui. Toujours pas d’ibuprofène. A se demander si l’un des nombreux complots du moment, puisque bien sûr, tout ça, c’est un voire des complots, c’est pas la grande famille du paracétamol ? D’où ça vient, ça, d’abord, que seul le paracétamol serait à même de nos sauver nos trachées égarées ? Nos postillons ouvragés ? Nos souffles masqués ? Est-ce que ce ne serait pas une infâme manipulation de la clique Doliprane/Dafalgan/Efferalgan, qui serait derrière tout cela ? Hein ? Les chiffres sont éloquents, d’ailleurs et peu importe, au fond, que la substance soit issue d’extraits naturels d’écorces de cinchona ou de saule : 340 millions de boites vendues en France (chiffres d’avant Covid-19), 236 millions d’euros dépensés par nous autres. Rien qu’en France.
Alors de grâce, ne soyons pas dupes, à l’heure du village monde. Tout le monde a parfaitement compris que je parlais bien de l’acétaminophène, comme on dit aux States, au Canada, au Japon, en Corée du Sud, à Hong Kong et en Iran. Et de l’acetaminofén, chers amis de Colombie et du Mexique. Voyez le merdier. Et ça tombe quand tout ça ? Pile alors que l’ibuprophène, lui-même ayant détrôné l’aspirine, commençait à se pointer à l’avant du peloton. On sent que les couteaux sont affûtés. En décembre dernier, une rumeur ne courait-elle pas contre qui je vous le demande ? Ben contre le paracétamol tiens ! Lisez ça ici, dont. Ca sent la riposte. Heureusement, je reste calme et mesuré. Je suis en congés. J’ai rien branlé de la journée. Je me suis réveillé très tôt pourtant, le temps de voir le soleil se lever, un beau soleil, puis je me suis recouché et ainsi de suite. Le temps de voir le même soleil qui a pas chômé aujourd’hui se coucher.
Sinon j’avance plutôt bien dans les trois bouquins que je le lis en fonction des moments et des envies : Le jour venu, de Jean-Michel Maulpoix ; Parasite, de Sylvain Forge ; et L’île au rébus, de Peter May. Si vous avez du temps, cliquez sur les liens.

J’aime bien ce que dit Jean-Michel Maulpoix dans son bouquin qui résonne évidemment de manière singulière pour moi. « Lorsque mon père puis ma mère disparurent, j’écrivis L’hirondelle rouge, livre dans lequel j’évoquais la fin de leur vie et cherchais à la douleur une issue. Mais la parution de cette suite de proses ne mit pas un terme au travail de deuil : j’écrivis encore, durant plusieurs mois, des pages, parfois violentes, où je devais aussi bien continuer de creuser la plaie d’angoisse ouverte par la perte de mes parents que formuler avec plus de force ce désir de vivre dont l’apparition rêvée d’une hirondelle rouge avait un temps figuré le retour… Ainsi est né Le jour venu, d’abord affrontement direct avec l’ombre de la mort qui menace, puis accession à une sorte de paix dans la simple lumière d’un jour qui se lève. Quel est le point commun aux deux faces de ce livre, l’une obscure et l’autre lumineuse, sinon l’idée d’attachement ? L’écriture, qui noue des mots ensemble, veille sur nos liens : attachement aux êtres chers et à leur mémoire, à ce monde et à sa beauté, à la terre qui nous porte comme à la langue que nous parlons et qui permet de maintenir le fil de la présence. »

Mercredi 22 avril / 19 h 17

Sous un presque cagnard, la pensée puissante de ma marche du jour a été : finalement, en France, en ce moment, de bas en haut et de haut en bas, tout le monde bricole. J’ai pensé cela parce que longeant maisons et pavillons, jardins et pelouses, je n’ai pas compté tout ces gens qui s’affairent, s’occupent, ça tape du marteau, ça pétarade de la tondeuse, ça remet en route les piscines, ça range et ça nettoie, ça bine la terre, tout propret. Mais si au local, je vois les effets de ce bricolage/nettoyage/triage/rangeage/Jetage/A tous les étages, « en haut », j’ai l’impression que c’est l’inverse. Que plus que ça va plus que c’est le bordel.
Que plus qu’on va vers ce 11 mai qui sera 16 mai pour certains, 17 pour d’autres et ainsi de suite, j’en oublie sûrement, plus que les questions jonchent nos interrogations, ce qui n’est pas peu dire. D’où mes guillemets à « haut » et mes pas guillemets à bas.


Loin de moi l’idée de prétendre que c’est facile, tout cela. Ô Non.
Il y a tellement d’attentes. Tant de pression(s). Mais aussi d’inquiétudes. Qu’allons-nous découvrir ?
Une collègue me disait être de nature optimiste, un jour où nous parlions de ce que le confinement imposait et pour certaines, infligeait. Pour certains aussi, d’ailleurs. Dans cette période oxymore, force est de le reconnaître : tout peut en effet pencher d’un côté, le bon, couples rabibochés hors de l’eau dans le gaz, baby boom en fin d’années, projets qui voient le jour, idées qui naissent et se renforcent. C’est chouette tout cela, et c’est dommage d’ailleurs que notre société si comptable ne sache pas très bien quantifier tout cela. Ce serait chouette, non, un décompte des vies en plus nées de ce confinement ? Un décompte des boites qui vont vivre, revivre, se créer et pas seulement les faillites ?
Car quand même, j’en reviens au bricolage : ca commence à faire beaucoup, quand on songe, et j’y songe justement : le bordel des hôpitaux au début, le confinement qui arrive mais qui arrive pas, la pénurie de masques et d’équipements pour les soignants, puis toutes celles et ceux que l’on découvre juste derrière les soignants et qui tout autant on besoin de protéger et de se protéger, puis le médoc marseillais, puis toujours pas de tests, puis les drames dans les maisons de retraites. Et maintenant le bordel pour savoir qui que quoi dont où mais où est donc or ni car.
A se demander si tout cela ne serait pas plus flippant que le virus lui-même !
Cette arogance qui demeure, ce faux savoir qui s’exhibe, cette « machine » qui veut que l’un annonce, l’autre énumère, le troisième dénonce, et le premier qui revient, pour faire son premier, et qui j’ai tranché. Mon cul la balayette. Rien tranché du tout. On nage dans des péninsules. Alors que le cap est tout tracé. Oui, tout tracé.

16 h 23

A force de réactiver mes neurones chanson française, avec le festival #fleursdeschants2020, il se produit des choses étranges. Des paroles qui surgissent, comme ça. Paf ! Des bribes. Je ne sais pas combien on en a dans la caboche !
Ainsi ce matin. A bord de ma familiale berline. On the road again for my job. Voilà que déboulent ces phrases : chaque jour de plus est un jour de trop, je plie sous le fardeau… Puis Tourne et tourne le temps... Mais ça a d’autant mis du temps dans mon esprit à trouver de qui diantre c’était que ce n’était pas une mais de deux chansons dont il s’agit. Et deux chansons de… Michel Fugain. Chaque jour de plus et Forteresse. De jolis morceaux, ma foi. J’en profite pour vous en glisser une ci-dessous, aussi parce qu’il y a Maurane avec. Pensées à elle.

Mardi 21 avril / 16 h 56

J’avoue : j’ai vachement décroché des infos « officielles » tellement il se dit de choses et tellement qu’on ne sait plus à quel masque se vouer. Mais comme dans le cadre de mon boulot, je reste de fait connecté à ce qu’il se passe, je me suis fait part de cette observation dont je vous fait part en retour : le monde d’avant / le monde d’après (c’est le thème).

Dans une maison de retraite du coin, beaucoup de décès. Les médias s’y collent. Et dans les échanges que j’ai avec certains, ben oui, disent-ils, les personnes âgées c’est le département (ça c’est quand arrange…), deux sortes de gens. Le monde ‘avant cherche des coupables. Pas des responsables, non : des coupabes. Ca fait chasse aux sorcières que tu pourrais rentrer dans le téléphone et aller fourrer un bourre-pif au type ou à la nana qui insinue, car ça insinue chez ces gens-là, tu le ferais. Mais je ne suis pas assez souple. Et puis ô joie surprise et tout et tout, voilà que surgissent d’autres journalistes, plus bienveillants, en pétard contre leurs directions, qui s’excusent, avec qui tu échanges, y compris sur l’idée que décès de personnes âgées ne veut pas forcément dire corona. Que d’autres facteurs, aussi, peuvent accélérer des vies en bout de souffle. Le confinement, par exemple. La solitude. Les infos aussi. Bref… Le monde ‘avant, le monde d’après, on s’emballe sûrement à donf avec cela, même si cela traduit chez beaucoup l’un des seuls trucs qui crève pas comme ça : l’espoir. Comme on aimerait l’aimer ce monde d’après, même si on est infoutus de savoir en gros à quoi il pourrait bien ressembler. Alors je me suis fait mon petit calcul à deux balles dans le réduit de ma cambuse : 53 balais, soit environ 19 358 jours que j’arpente le caillou Bleu. Le monde d’avant. 37 jours de ici et maintenant. C’est sûr que le ratio est faible ! En tout cas, évidemment, ces 37 jours aussi puissants soient-ils, auxquels soyons réalistes, on va en rajouter une soixantaine soyons larges, 63 tiens, ça fera un compte rond, ces 100 jours, donc, forcément, pour le moment, pèsent plus lourds en espoirs qu’en sonnant et trébuchant. C’est là qu’une partie se passe derrière les façades que l’on prend en photo ces temps-ci. Et dans les milliers, millions de conférences téléphoniques qui doivent s’organiser chaque jour de par le monde. Et dans la manière dont le « prendre soin » au sens large du terme va s’organiser. Ou pas. En France. Ailleurs. Vaste défi qui a quelque chose de chouette, en même temps. De stimulant. L’ancien monde / Le nouveau monde. On tient en équilibre instable sur ce slash, l’air de rien. Si je peux juste m’adresser à l’ancien monde, je donnerais ce conseil : c’est bien de ressortir du placard « Nos jours heureux », socle sanitaire et social de la France depuis 1945. Mais en 27 934 jours, soyons précis, pas mal de choses ont changé. Ils ont 75 ans, ces jours heureux. Ils étaient issus d’un contexte particulier. Y revenir comme on s’accroche à une bouée ne sera pas suffisant. Ne sera pas une bonne nouvelle non plus. Aussi, et je préfère, si je puis m’adresser au monde d’après, je dirais ceci : inspirons-nous de toute la solidarité et de tout le prendre soin qui s’est mis en place, modernisons ces jours-heureux parce que leur sagesse est grande, et inventons enfin une société qui ne sera pas digne du Musée Grévin. Je pense que et nos anciens, et nos futurs, en seront forts satisfaits. Je crois que du côté du Canada, de la Suisse, de la Belgique, de la Scandinavie, de la sagesse africaine, indienne, chinoise, il y a des choses à regarder aussi.

Lundi 20 avril / 19 h 46

Commençons par les images de la balade du soir. Je vous ai ramené des fleurs. Et pas que. Quelques détails de rues de la ville du coin, de ci, de là.

Alors qu’est-ce qu’on a là ? Lunéville, Meurthe-et-Moselle, fin d’après-midi. Je vais finir par être dangereux dans les rues, moi. A force de me planter au milieu des voies et de prendre le temps de faire mes clichés 🙂 Le, confinement, et ses effets sur l’ambiance de nos lieux de vie, on s’y fait quand même, l’air de rien. Du coup je vous ai ramené de tout un peu. En haut, à gauche, par exemple, une médiathèque et une école. Vides. La grande place de la cité. Ses principales rues commerçantes. Un magasin ouvert (une pharmacie) et un curieux amas de chaises devant les pompes funèbres. Puis voilà les parterres de la mairie, ses deux maires, ses fleurs, qui rayonnent dans le couchant. J’en ai cueilli de l’oeil quelques brassées pour les déposer ici. Une avec des lunettes, notamment. Plaisir des yeux, peut-être ? Ensuite si l’on poursuit la balade, du haut vers le bas, de gauche à droite, on trouve une sculpture, une église qui a retrouvé ses cloches et des petits trésors patrimoniaux invisibles pour qui ne prend pas son temps. On trouve aussi un canapé de rue, un enfant peint sur une porte, des dédales, des fils, des carreaux et un château fermé, tout comme les terrasses des cafés. Pour finir, un arbre qui claque, une jolie déco dans une maison et pour finir, dans une rue, un confinement collé serré, si je puis dire. Et l’indispensable outil de tout confineur qui se respecte.

Rien bien sûr n’est dit dans ces images. Ou si tout est dit, c’est pour tout ce qui n’est pas dessus. Pas de gens, pas / peu de bagnoles, pas de bruits, pas encore l’heure des écrans qui scandent les infos. Y’avait du monde au magasin de bricolage par contre. Une autre vie. Une autre économie. Comme un lundi. Du monde de maintenant. Ni encore celui d’avant, et encore moins celui d’après, que l’on devine armé jusqu’aux dents, le fumier, à mesure que passent les semaines et que les prières changent de ton, me semble-t-il. Au désir d’un autre chose se joint la peur d’un même chose plus violent encore. L’oeil rivé sur ce 11 mai. Qu’on ne sait plus si c’est mai fait comme il te plaît. Ou si c’est oui mais… Derrière tout ce que ces photos ne montrent pas, probablement, autant de questions que de réponses. Désir / Peur. Deux faces d’une même pièce. Qui la lance ? Comment retombera-t-elle ? L’oeuf ? La poule ?

Dimanche 19 avril

Le jour s’éteint doucement comme un dimanche sait s’éteindre doucement. Le pedibus du jour m’a fait penser à des polars de Henning Mankell. Un détail. Justement un détail. Dans les romans de l’auteur suédois, le père du personnage principal est peintre. Et il peint, croit-on, ai-je longtemps cru, toujours le même tableau, toujours la même chose. C’est évidemment courte-vue. Faire et défaire, à l’infini, n’est-ce pas persévérer mieux qu’insister ? Améliorer mieux que stagner ?

Et je marchais pensant à ce détail alors que depuis le début du confinement j’emprunte globalement le même chemin de balade quotidien. Eh bien ça marche : chaque jour, chaque fois disons, des choses changent. J’y vois l’évolution de ce confinement, l’avancée du printemps, les jardins qui changent, qui se nettoient, se plantent, germent ; ces petits aménagements, au jour le jour, qui font les travaux du lendemain, et ainsi de suite. Peut-être n’est-ce pas autrement que nous devons le prendre, ce confinement : améliorer, nettoyer, semer, chaque jour, petitement. Pierre Michon, un autre écrivain, l’a magnifié ce petitement, avec des vies minuscules, les nôtres bien sûr. En lettres majuscules bien sûr. J’ai en tout cas ramené ma petite moisson d’images. Ce journal du confinement sans mots se trouve ici, sachez-le, en accès libre. C’est assez rigolo ces dépôts, à regarder comme on tourne les pages d’un livre qui s’écrit sous nos yeux. Mon bestiaire s’est d’ailleurs agrandi avec aujourd’hui la photo coup de bol, l’envol du canard, cet instant juste avant qu’il ne s’élève quittant le tronc.

15 h 49

Aujourd’hui, je suis bon à rien. Et pour le moment, je le fais très bien. Il fait un silence de cathédrale dans le quartier, à peine les cris de jeux des enfants du coin et les chants d’oiseaux, même les corneilles ferment leur clapet sous un beau soleil mieux que printanier. Bon à rien, j’aime bien ! Sûrement parce qu’il y a « bon » en premier. Je laisse donc les pensées gambader, digérant la semaine, les semaines précédentes, peut-être, la soirée d’hier, surtout, très chargée d’émotions, finalement, j’aurais pas cru. C’est toujours fascinant comme des choses peuvent rester simples.

Prenez le groupe de musique Red Cardell. Je suis fan depuis la nuit des temps. Et par la magie du festival #fleurdeschants2020, voilà que je les contacte, comme ça, qu’ils me répondent, comme ça, et ça se met en route tranquillement jusqu’à ce samedi, vers 22 h 20, et là, bim, la récompense. Trente minutes d’un concert écrin qui n’a pas fait écran finalement, tellement la voix du gaillard me parle, de plus en plus, de mieux en mieux. J’ai savouré, ce qu’une organisation de concert ou de festival ne permet en général pas. J’ai profité. Un prélude idéal à ne rien faire le lendemain. En réalité, à ne pas faire plein de choses et donc à réfléchir, se reposer, lire, écouter, révasser, marcher. C’est souvent dans ces moments-là que la Bretagne me manque le plus. Et que le confinement me fait chier. Parce que j’avais prévu d’y aller, en Bretagne, de continuer mon tour des bords de mer, avec délice puisque me reste grosso modo le secteur qui va de Roscoff à Lorient. Pas le plus déplaisant !

Samedi 18 avril / 20 h 30

H moins trente minutes. C’est quand même plus cool, d’organiser un festival virtuel 🙂 Dans trente minutes, la quatrième soirée de #fleurdeschants2020 démarre et celle-ci a pour moi une saveur particulière. Que je vous raconte un peu les coulisses de ce festival, quand même : avec l’ami « Hey Mec », on est partis comme ça comme des balles sur ce festoche, avec l’idée toute simple d’occuper celles et ceux qui se font chier en mode confiné et d’aider les artistes en mal de concerts. Pour le coup, c’était avant la déferlante de concerts confinés sur les réseaux sociaux et je dois dire que « Hey Mec » a eu le nez fin. On propose du direct live, ça reste une marque de fabrique, de même que le milieu rural, mais ce n’est pas de cela dont je voulais vous causer ce soir. C’est les rencontres qui se font par internet. Car on est partis avec peu de contacts, peu de réseaux et c’est donc à la tchatche et grâce à des nôtresc connaissances que l’on avance, allant de samedi en samedi, de boucle en boucle, de rocher en rocher.

Ensuite ben c’est selon. On avait par exemple au début un accueil plus chaleureux que maintenant. Mais j’ergote. Largement c’est accolades numériques et complicités virtuelles, que l’on nous dise oui ou non, que l’on nous questionne sur la réalisation en 2021 d’un concert « en vrai » comme si celui-ci était « en faux » ou non. Plus cool, mais pas moins vrai ! Adapté aux circonstances, on va dire, et si au début, on y passait des plombes, Hey Mec et moi, nous progressons aussi même si le dimanche matin, un peu coeur sec, on regarde le samedi suivant, et ainsi de suite. Et puis les rencontres, donc. Ce samedi à une saveur particulière pour moi parce que j’ai écrit dans un message « je frétille comme une groupie », ce qui n’est pas une phrase que l’on dit souvent mais que voulez-vous, voilà que je me mettais d’un coup d’un seul en toute simplicité à parler avec M. Riou, le grand maître de Red Cardell. Un groupe que je suis depuis… qu’il est créé en fait mais ça je ne le savais pas. Et c’est au flanc, au culot, au qui ne tente n’a rien que je les ai contactés, les Red Cardell, et qu’ils m’ont répondu, surtout, et que voilà, tout à l’heure, ils seront avec nous. De belles éclaircies ce type d’occupations confinées. Des trucs étonnants, aussi, comme cet échange avec Le Hache, l’un des autres musiciens de ce soir. Voilà qu’en jactant, on évoque… le Château de Lunéville ! Il y a bossé. Aux CEMEA à l’époque. Le monde même gangréné reste tout petit 🙂
Sinon, j’ai tout passé la tondeuse dans le jardin aujourd’hui et putain comme ça fait du bien de niquer du pissenlit à tout va, d’harmoniser les hauteurs de pousse alambiquées des plantes livrées à leur destin. Comme ça fait du bien des boulots comme ceux-ci, se nettoyer de la semaine intellectuelle, être dehors, sous un beau ciel de printemps.
Sur ce je vous laisse. J’ai concerts, ce soir.

Vendredi 17 avril / 19 h 11

Cette fois, c’est ok. Week-end. Tiré la langue, cette semaine.
A la fois, me disais-je taleur en me promenant dans la ville du coin, ausweiss en poche, 34 jours sans vraiment décrocher, ça use les souliers.
Parce que si la crise a mis au chômage masse de gens, dans d’autres métiers, et dans des conditions soudain spécifiques, ça en a accéléré d’autres.
Une fois n’est pas coutume, d’ailleurs, je tiens à saluer les amis journalistes qui se démènent depuis des semaines et des semaines au local, oui, je parle de ces journalistes-là, pour suivre l’information, raconter ce confinement hors normes, fabriquer au quotidien la grande histoire de nos multitudes de petites histoires. N’empêche : déjà près de mille heures dans le cornet. Mille heures confinés. Mille heures de la nouvelle ère qui ne dessine pas encore. Mille heures progressives où le début ressemblait pour les non soignants à des vacances en avance et puis rapidement plus du tout. Mille heures pour les soignants et tous ces professionnels impliqués imbriqués dans ce confinement. Mille heures que les villes se sont assoupies redécouvrant un silence à la fois paisible et pesant. Mille heures etc. Ca commence à faire !
Ce matin, entre tristesse et agacement, les premiers mots que je reçois sont précisément ceux-ci : Les yeux bleus ne pleureront plus. Les mots Bleu non plus. Compris. Christophe est mort. D’où l’agacement : je me suis préparé à la déferlante, y participant le moins possible malgré tout l’amour que j’ai pour cet homme et son oeuvre.
Y participer le moins possible par pudeur, en fait. Tous ces autres décédés du moment n’ont pas droit à tant d’honneurs.
Mais forcément, parce que mon univers Bleu vient de la chanson du susdit, quand bien même c’est Jean-Michel Jarre qui a écrit les paroles. D’ailleurs, c’est Alain Bashung qui m’a fait adorer cette chanson avec une reprise, à l’époque, pour une compilation destinée à recueillir des fonds pour la lutte contre le SIDA. Ca s’appelait Urgences.
Ceci dit, avec sa version piano solo, si douce à mes oreilles, Christophe se l’est en quelque sorte « réappropriée ». Bouclant la boucle. De toute façon, ces grands bonhommes ont tracé leur voie et laissent leurs voix. Ils nous parlent encore, nous parleront comme ils nous ont déjà parlé. Me reviennent avec force les mots de mon premier « Mots Bleu tome 1 » : Le Bleu est un état d’esprit. La couleur du ciel qu’on a dedans soi. La couleur des maux aussi. Le poète Jean-Michel Maulpoix le dit bien : « Le bleu s’évade. Ce n’est pas, à vrai dire, une couleur. Plutôt une tonalité, un climat, une résonance spéciale de l’air ».
Voilà.

Jeudi 16 avril / 19 h 43

Et puis, à un moment donné, stop. STOP. STOP ! C’est aussi cela, le télétravail. Un stop tout relatif, d’ailleurs, puisque là maintenant tout de suite, il est 19 h 44 et je fais le poireau devant mon ordinateur. J’attends. J’attends des docs que je dois traiter et diffuser. Alors comme j’attends, comme le Stop a pas si bien marché que cela puisque entre téléphone et courriels, j’ai renoncé à passer la tondeuse (celle du jardin, pas encore celle pour le cuir chevelu) et me suis fait une marche du soir accélérée par le téléphone dans la poche, je passe en revue les pensées nouvelles qui surgissent d’un confinement.

Par exemple : et si, pour aider les parents confinés avec des enfants en bas âge qui ne peuvent décemment pas passer 8 ou 12 h devant des écrans, on inventait pour les parents une catapulte à enfants ? Genre tu te reposes, au bout du rouleau, ta bière entre les mains, une cacahuète dans la ganache, et les mômes vient te demander un truc. Et là, bam, catapulte ! Je précise au nerveux que c’est évidemment de l’humour. De la fiction.
Autre pensée débile : vu un essaim d’abeilles envahir sur les coups de midi un arbre. Son impressionnant. Mais au fait, y’a combien d’abeilles dans un essaim ?
Une autre ? La vitesse des animaux. L’autre jour, c’étaient donc des biches, ou des cerfs. Je trouvais que ça traçait l’air de rien. A combien ? Et dans le même ordre d’idée, version volatile : et une pie,; ça vole à quelle vitesse ? Et une corneille ? Et une cigogne ?
Mais revenons à du plus important. D’abord enfin une info ! Covid-19, c’est le nom de la maladie. Un acronyme en fait : CoronaVIrus Disease. Ca change rien mais c’est toujours bon à noter. Ca se place dans un coup de fil, un apréo skype ou autre. Quant au virus, son vrai nom, c’est SARS-CoV-2 ou coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère. J’ai appris en passant que   » les virus, et les maladies qu’ils causent, portent souvent des noms différents. Par exemple, le VIH est le virus qui cause le sida. Les gens connaissent souvent le nom d’une maladie, comme la mononucléose, mais pas le nom du virus qui la cause (virus d’Epstein-Barr). Les virus sont nommés en fonction de leur structure génétique afin de faciliter la mise au point de tests de diagnostic, de vaccins et de médicaments. Le nom des maladies est choisi pour faciliter les discussions sur la prévention, la propagation, la transmissibilité, la sévérité et le traitement des maladies  » indique l’OMS sur son site. Et un peu plus loin :  » Le 11 février 2020, il a été décidé que le nom de la nouvelle maladie serait « COVID-19 ». Du point de vue de la communication sur les risques, utiliser le nom SRAS pouvait avoir des conséquences indésirables et créer une peur inutile chez certaines populations, surtout en Asie qui a été le continent le plus touché par la flambée de SRAS en 2003″. Voilà.
Et si je raconte ça, c’est parce que ce matin, je n’étais pas en mode confiné mais déconfiné et j’ai eu « honneur » à recevoir un cours en direct live par des scientifiques de la mienne collectivité locale qui vont la semaine prochaine réaliser des tests de dépistage. Franchement, ça m’a tarté le nez ! Au début, je comprenais pas un mot sur deux. Peu à peu, j’ai surtout pigé que la technologie c’était pas rien dans ces métiers aussi et que la rigueur, la concentration, en plus des connaissances, c’était un sacré job. Humilitas. Et chapeau d’avance car là, tu vois les gens qui vont de l’autre côté du « miroir » se bouger le derche pour faire ces fameux tests, des centaines, des milliers de tests.
Plein d’autres choses à narrer, surtout après le break d’hier, mais c’est déjà pas mal pour aujourd’hui. J’ai encore un peu de travail qui m’attend. Enfin non. Que j’attends.   

Mardi 14 avril / 21 h 15

D’abord le contexte. Ensuite une pensée de promeneur.
Le contexte : fin d’une intense journée professionnelle télétravaillée. Mails, téléphone. Demain ce sera « terrain ». Et demain soir regardez si vous voulez le 20 h de TF1. Vous ne m’y verrez pas mais… La balade qui a suivi, pause quotidienne gesticulée langsam devenue nécessaire et pas seulement parce que je m’y trimbale appareil photo à la main, m’a valu la pensée suivante : les peintres sont les photographes de nos reflets. J’ai trouvé cela très joli alors je l’ai déposé ici. Sachant que photographiant sur mon thème du jour (la rivière), je me demandais si je ne faisais pas de la peinture…


Vous vous dites, putain, l’est fatigué le gars. Sachez que ce n’est pas faux. Après un week-end consacré à beaucoup de repos, ce dernier sanctionnant une première phase de confinement plutôt intense, ce fut donc reprise tambour battant. L’acte II du confinement, puisqu’il y a clairement eu passage dans une nouvelle étape, laquelle flottait dans l’air plus qu’elle n’était suspendue aux lèvres présidentielles, a donc débuté. Nous ne sommes plus « promenés » de quinze jours en quinze jours mais avons devant nous un quasi mois à tenir encore, à tenir de nouveau, plutôt, sachant qu’un acte 3 suivra, évidemment, et qu’il ne sera pas je pense aussi « libérateur » qu’on ne veut bien le croire. Même si nous en avons besoin c’est évident. Tous. petits et grands. Grands et petits. Car nous tiendrons, c’est certain. Et à l’instar de nos cheveux qui commencent à faire n’importe quoi, force est de reconnaître que pas la moindre idée nous avons de lequel nous sortirons de nos abris ! Vous me direz, c’est encore loin. Vous aurez raison. Et ce confinement confirme si besoin était comme se projeter et nécessaire, et comme prendre le temps du jour après jour l’est tout autant, les deux ne sont pas incompatibles d’ailleurs.Nous voilà en tout cas tous dans une nouvelle temporalité, laquelle convoque ce que l’on nomme souvent « l’avenir ». Marrant comme ce mot a pris une torgnole, soudain. Marrant, aussi, comme ce mot confiné lui aussi organise différemment nos pensées, nos réflexes, nos peurs aussi. De plus en plus, moi, la question est : comment chacun chez soi allons-nous coordonner nos mouvements pour sortir par le haut de tout cela ? Un tout cela grand comme un océan.
Il y a quelques années, nous tremblions face à des monstres nommés chômage et SIDA. Puis nous tremblions face à un nuage nucléaire qui fort heureusement s’est juste arrêté avant la frontière… Puis ce fut un 11 septembre de sinistre mémoire. Puis un tsunami monstrueux. Puis une explosion nucléaire. Et maintenant un virus nommé Corona. Chaque fois nous courbâmes l’échine, pliâmes la tête, acceptâmes les efforts demandés. Furent ainsi sortis du chapeau le trou de la sécu, la dette publique. Nous vôtames utile ou pas, avec pince à linge sur le nez ou pas, parfois nous ne votâmes d’ailleurs pas, ou plus. Et voilà qu’un virus vient tout secouer, rebattre les cartes, si je puis dire. Comme dirait mon maître ès expressions tonitruantes, HF Thiéfaine, n’est-ce pas merveilleux de se sentir piégé ?

Lundi 13 avril / 21 h

Les gars vont mieux, au fait. La suspicion quitte notre abri, puisque c’est ainsi que l’on parle maintenant de nos maisons et de nos appartements.
L’un se guérit, l’autre voit sa toux diminuer.
On sent que les mâchoires se détendent et que les préoccupations sanitaires baissent d’intensité. J’y vois un bon signe quand même ! 30ème jour de pénitence, ce lundi. Un jour férié même plutôt respecté par le corneilles. C’est dire que chacun retenait quand même un peu son souffle avant l’allocution présidentielle du 20 h 02 puisque le chiffre avait son importance communicante : l’on respectait le 20 h citoyens et ses concerts de cris, bravos, casseroles, mercis. Et donc on en reprend pour plusieurs mois. Comme envisagé, comme on le sentait venir. Officiellement un mois. Le reste on en reparlera.

Gars de 17 ans fait la tronche. Va probablement reprendre le lycée. Je reste prudent dans les affirmations… Gars de 21 ans passera lui entre les gouttes étudiantes : fini pour lui cette année. Encore un mémoire à faire, des dossiers à rendre et pour chacun, un deal déposé à leur grande surprises dans les assiettes par leur père : va falloir réfléchir un peu, maintenant, les gars. Quoi ? Réfléchir ? Oui, mieux même, penser ? Penser ? Mais c’est pire ! J’avoue, je ne sais toujours pas bien expliquer la différence entre les deux. Mais on s’en fiche. L’idée était de poser un peu de gravité dans le quotidien et d’esquisser l’idée que collectivement dans cette maison, on participe d’un après qui sera différent. Et c’est tant mieux, ai-je failli ajouter mais je ne l’ai pas fait. Un mois pour poursuivre la désintoxication consumériste, pour raisonner un peu altruisme. C’est un beau programme de démocratie familiale.
Derrière cela, l’intuition renforcée, l’instinct, même, que si la théorie du ruissellement par le haut a clairement montré sa connerie, le bon sens des petits ruisseaux qui font les grandes rivières, lesquelles se déversent dans les fleuves, lesquels se jettent dans les mers et les océans tient plus que jamais la route.
On va voir chez nous ce que l’on peut faire.
Pour le reste, les échéances sont fixées et elles ont été suffisamment enrobées de « je ne sais pas« , de « on adaptera au fur et à mesure » pour ne pas les prendre pour argent comptant et surtout pour ne pas aller à toute berzingue puisque le temps long fait son retour dans nos logiciels.
Il fallait cela, de toute façon, je pense. Ces précautions. Tenir la laisse, donner du mou, essayer de faire baisser la tension des millions de cocottes minutes qui sont derrière les murs. Le job est fait. Sacré chantier que celui qui nous attend ! Moi, il me plait. Mais je sais comme je fais partie de la cohorte des privilégiés. Pas malade, avec du boulot pour pas tourner en rond dans l’abri, avec une activité de loisir pour continuer à faire rimer confinement et créafinement, de l’espace dans la maison, du vert alentour. Je me sens solidaire de celles et ceux qui n’ont pas ces conditions de confinement, à la fois ce furent des choix faits en d’autres temps : je me souviens comme horrifié à l’époque, au début de ma carrière professionnelle, ma France se dessinait hors grosses métropoles…
Un mois devant nous, donc, pour continuer la guerre, faire la digue ou attendre la paix, selon la ligne à laquelle l’armée des ombres que nous sommes appartient. Je suis à ma place dans la ligne médiane.
Sinon, mon bestiaire du confinement s’est enrichi tout à l’heure avec deux biches croisées sur mon chemin. Putain, ça trace ces bestioles ! J’ai bien aimé leurs arabesques. Le côté accéléré de leurs chaloupements, l’homme soudain semble aller bien moins vite… Le président a parlé d’humilité.
Il est temps.

Dimanche 12 avril / 21 h

Merde. Je vais avoir du mal à vous parler de ce dimanche, en fait. 29ème jour de confinement. Pas vue passer cette journée. Le mec en mode repos. Télétravail décroché. Actu oubliée. Polar terminé. Je vous le recommande, c’est « Surface » de Olifvier Norek. D’autant plus content je suis que ça faisait un bail que je n’arrivais plus à lire.
Me suis un peu secoué les puces quand même matin, pour recevoir et prendre des nouvelles de miennes connaissances. Et en fin de journée pour bosser un peu sur le festival #fleurdeschants2020. Lendemain de la troisième soirée de concerts. Où l’on a ri, aussi. La chanson française, que je redécouvre pour tout vous dire, j’avais un peu lâché l’affaire, je restais un peu sur mes acquis, elle a de la gueule, de l’énergie, de la générosité. Et puis surtout, enfin, un verrou a sauté : ça y est, a eu des réponses positives de chanteuses qui sont d’accord pour participer. Ouf !
Depuis le fameux « Hey mec » du 21 ou 22 mars, je ne sais plus, déjà 8 concerts du samedi soir, près de 1 000 spectacteurs, plus ou moins assidus ou volages, un groupe Facebook surgi de nulle part et qui compte aujourd’hui 1 325 membres : c’est assez épatant, quand on y pense. Virtuel mais pas tant que ça. D’ailleurs, déjà, je me prends des questions dans le style et après le confinement, les gars, le festival en vrai ? Ben va falloir hein. Etc.
Ben non. Va rien falloir du tout. Step by step, comme on dit. On verra. On n’en est pas là. On en est loin, même, parce que justement, le confinement continue, va continuer et qu’on cogite tous dans nos chaumières non à l’après, trop loin encore, mais au quoi, au comment.

Comme le chante avec justesse la chanteuse Melissmell, nous sommes tous des enfants de la crise. Et cette crise a conduit jusqu’à ici. Jusqu’à maintenant. Qu’en sortira-t-il ? Qu’en ferons-nous ? Car c’est aussi que cela se pose, n’est-ce pas ? Qu’allons-nous faire ? Comment aurons nous changé ? Comme ne le dit pas le chanteur, j’y pense, et je n’oublie pas 😉
Côté bestioles, ce dimanche aura confirmé que la période partouze des corneilles s’est stabilisée. Terminée peut-être bien. C’est plus calme. Nettement. Il y a maintenant 20 nids dans le secteur. Quelques casse-couilles, volages, qui viennent butiner et agiter le landerneau, mais presque on a des moments où les autres oiseaux, voire les chats, peuvent se faire entendre. Du luxe cet apaisement !
La cigogne Corona, elle, est hors concours au niveau sonore : d’une discrétion remarquable, d’une élégance renouvelée, d’une régularité de métronome. La classe en dix photos.

Samedi 11 avril / 19 h 30

Ce qui est cool avec l’organisation d’un festival virtuel confiné en milieu rural comme #fleurdeschants2020, c’est que quand même, c’est nettement moins physique qu’un vrai et plus cool, aussi. Ici, en Lorraine, pendant que le soleil amorce sa descente, la soirée de 21 h se profile puisque nous sommes un samedi. Et c’est assez tranquille. J’écoute en toile de fond ma découverte francophone du moment (le groupe La Belle Bleue), un coup de cœur dont je ne me lasse pas. J’ai encore mes grolles à marche au pied :avant cela, ce fut petite balade dans la ville, un autre chemin, d’autres photos, le temps de revenir du supermarché où les gestes d’hygiènes et les distances sociales s’affirment.
On se fait aux types avec des gants et des visières. L’organisation, elle se précise : un caddie par personne. Nettoyer le caddie avant. Se nettoyer les mains. Nettoyer le caddie après. Se nettoyer les mains. Eviter la tripotation des produits. Et désormais, plus le droit d’y aller à plusieurs. Une personne par famille. Le jeune caissier, qui soit dit en passant a galéré avec le code barre des asperges vertes, s’excusait presque pour toutes ces considérations.
Mais pas de souci, bonhomme. Nous comprenons, évidemment.
Pour finir, quelques photos de ces derniers jours. Plaisir des yeux toujours.

11 h 20

Un mot est entré dans notre maison. Comme un saligaud. Rien à fiche du confinement celui-ci. Ce mot c’est Suspicion. Suspicion de coronavirus. Un de mes gars a des symptômes qui pourraient laisser penser que le corona machin lui aussi est entrée dans notre maison. Fièvre. Le gars est en vrac. Une ombre. Courbatures. Un premier RDV chez le médecin en début de semaine. Et puis un autre hier, parce que voilà que depuis quelques jours, l »autre gars tousse aussi, avec régularité. Moindre suspicion mais suspicion aussi. Où l’on entre dans les arcanes obscurs de cette maladie, épidémie, pandémie avec ses je sais surtout que je ne sais pas.
En tout cas, de suspicion à on flippe, faut lutter. Voilà qu’on paie assez cher finalement les mille et une infos lues, vues, entendues ces dernières semaines. En gros : si tout est corona, rien n’est corona. Et vice-versa. Le sachons raison garder prend tout son sens, alors.

Mais comme la corneille, dont je continue à façonner mon expertise, la suspicion est une saloperie. Qui flotte dans l’air. Qui navigue à vue. Qui laisse pensif, voire pantois selon les moments. Nous voilà en mode surveille. Le lait sur le feu.
Le confinement a pris dans notre masure une autre tournure que l’humour heureusement ne lâche pas d’une semelle.
Je disais à mon fils hier que porter un masque à la maison, c’était recommandé par le médecin, mais que par contre, au moment de manger et de prendre les médicaments, c’était quand même mieux de l’enlever, ce masque…
Et puis ce samedi, c’est week-end. J’ai pris une résolution hier en faisant le ménage dans mes mails professionnels. J’ai remarqué qu’en fait, depuis le 13 mars, c’est du non stop professionnel et forcément, ça use les souliers. Comme j’ai appris par hasard, hier, que lundi était férié, c’est marrant ces reliquats du monde d’avant, et comme découvrant le télétravail, je mesure comme c’est compliqué à gérer, j’ai prévenu mon monde en disant : je fais un break. Je décroche. Je me repose. Sinon je ne tiendrai pas. Et on n’est pas au bout du bordel. Sage décision récompensée par une bonne nuit.
Ca sent soudain la tondeuse, si je puis dire. Histoire d’emmerder les corneilles, bien sûr, mais surtout de couper l’herbe qui pousse. Pas de tondeuse par contre côté cheveux, à qui je ne donne plus longtemps maintenant pour que très franchement ça soit n’importe quoi. Décidément, les effets collatéraux du confinement sont multiples. Heureusement le créafinement voisine et ce soir, par exemple, c’est notre troisième soirée #festivaldeschants2020. La promesse d’une encore autre ambiance. Sous le soleil printanier. Pour le coup, je vous dépose ici une vidéo. Pas de mal à se faire du lien.

Vendredi 10 avril / 17 h 45

Désolé. Vraiment pas eu le temps depuis mercredi soir de vous retrouver ici. Journées pro de dingo, que le soir, à 21 h et des queues de brouettes, tu te te couches, épuisé.
La bonne nouvelle est quand même que j’ai enfin réussi à me replonger dans un polar. Je n’arrivais plus à « lire » depuis un bail. C’est Surface, de Olivier Norek, et ça s’annonce très bien. En plus c’est rigolo : Wally sera l’un des artistes sur scène la scène du festival #fleursdeschamps2020 ce samedi 11 avril. Il est de l’Aveyron. Decazeville. Là précisément où se déroule le polar. C’est-y-pas dingue ce genre de choses ?
Sinon, quoi de neuf, ici ? Ben un gars qui a une fièvre qui passe pas, l’autre qui tousse « sec » avec la régularité d’un métronome : n’en faut pas plus pour se questionner, avec tout ce bain d’infos que t’a le conna mais que tu le sais pas et que les symptômes connus sont pas forcément ceux que etc. Je suis resté sur « c’est la respiration qu’il faut surveiller » et de ce côté ça va. Il n’empêche.

Mercredi 8 avril / 20 h 40

Mais bien sûr que non, je ne vais pas me plaindre ! Je n’en ai ni l’envie, ni l’outrecuidance. Mais il se trouve que j’aime témoigner sur ces « feignants » de fonctionnaires, ces « glande rien de la fonction publique ». Il est 20 h 16. Et j’ai encore un dernier coup de collier à donner. Nous sommes encore une petite dizaine à bosser, dont des cadres et des élus. Et avant que cette introduction ne suscite des conneries ou des haussements d’épaule, genre, mais mon petit bonhomme, nous avons tous nos soucis, je précise dérechef que non seulement tout cela ne relève pas du souci, et surtout, mon sentiment alors que j’interrompais ma petite balade du soir, celle qui détend les gambettes, le rythme cardiaque, et qui aère les neurones, c’était : c’est normal !
Je sais bien qu’en cette période cul par-dessus tête, on ne sait plus trop ce qui est normal et ce qui ne l’est pas, alors raison de plus pour s’arrimer à ce qui l’est. Et, en l’occurrence, qu’un Département, collectivité de la solidarité (eh oui, c’est son « coeur de métier ») se secoue les noix pour mettre en oeuvre ici ce qui protège (dans le 54, on a une maison de retraite salement covidée), là ce qui éventuellement va permettre de prévenir des tensions familiales, voire des violence intra-familiales comme on dit en mode jargon, et encore ici ce qui permet de donner des repas à des collégiens issus de familles qui sont sous la ligne de flottaison côté thunes, eh bien j’applaudis. Et j’applaudis d’autant plus que rien ne se fait seul dans son coin. Derrière tout cela, des dizaines de partenaires, associations et institutions mêlés, tendus vers de mêmes objectifs. C’est beau quand ça fonctionne ! Et j’ai aimé quand une mienne collègue m’a dit par courriel : je suis fière de ma collectivité quand on lance des projets comme ça. Moi aussi. Mieux que des projets, d’ailleurs. Des actions.

Ce qui m’amène sans transition à vous reparler un peu des corneilles. Elles se calment pas. Et même elles changent de stratégies, les vaches. On doit toujours être à 17 nids, peu ou prou. Mais c’est moins partouze qu’avant, si je puis dire. Du coup, les nids se déplacent. Z’étaient toutes sur un arbre au début, le bordel s’étend maintenant sur plusieurs. Mais comme ça abille, corbine, craille, criaille, croaille, croasse et graille comme en quarante toute la journée, alors je vais vous confier un petit secret : la nuit, quand elles sont calmées, qu’elles dorment comme des connes sur leurs branches sans un bruit, pour les faire chier, je fais un « corneille tapage nocturne » (qui ne dérange pas les voisins. Alors j’entends que ça tape des ailes dans le grenier, que ça s’agite, que ça gesticule. Et je suis content. C’est aussi cela, le confinement : des petits bonheurs improbables.
Sur ce je vous laisse, j’ai ma journée de boulot à finir, un repas qui m’attend et une organisation de festival en milieu rural sur le feu. Chouette, dit le hibou au corbeau.


12 H 36

Ce n’est pas une information : pendant le confinement, la vie continue. Avec , lapalissade, mais ça ne mange pas de pain de le dire et de le redire histoire de s’en rappeler, si dans extra ordinaire, il y a extra, il y aussi ordinaire.
La vie continue, avec ses courses, ses repas, ses lectures, ses écoutes musicales, son festival #fleurdeschants2020, les coups de fils et les sms aux proches, la lune rousse…
La vie continue mais parfois, aussi, elle s’arrête. Elle cesse.
Ici, je ne commente pas le décompte morbide et totalement déconnant du « nombre de morts du covid-19 » (si l’on piuvait , mais, plus personnellement, du décès d’une mienne connaissance. C’est pour cela que j’ai fait une infidélité à ce journal hier. Je n’avais pas le coeur à ça, même si j’ai écrit. Autrement. Je n’avais pas le coeur à ça non plus ce matin. Réveil douloureux, un vide qui accompagnait les premières gorgées de café, les premières cigarettes. Heureusement pour moi, le boulot s’est mis en mode turbo.

Il est déjà presque 13 h. Je me surprends à penser que cette accélération professionnelle m’aide finalement : la colère et la tristesse sont sur la route, mais avec quelques couches de chatterton sur la gueule. Ca reviendra en son temps, bien sûr. Mais justement, chaque chose en son temps.
Et parler colère, tristesse, cela n’empêche pas de parler aussi fierrté.
Et sincèrement, je suis fier de ce nous faisons professionnellement, en ce moment. Un nous mesuré : je ne suis que dans la partie communication. Ce sont les autres qui sont « au front » pour reprendre une expression. On lance des actions « aidantes » en espérant que les personnes concernées pourront s’en servir. Et ce « aidant » n’est pas à prendre au sens charité du terme, mais bien au sens « on se bat avec toi. A tes côtés ». Les situations de crise simplifient les circuits, rendent l’efficace monnaie courante, l’utilité imparable, les valeurs bien assises. Cela fait plaisir.
Les tempêtes ne viennent pas toutes pour perturber la vie. Certaines viennent pour dégager ton chemin. C’est mon neveu qui a publié ça. Une phrase de Paulo Coelho. J’aime. Je le dépose ici. Ca marche pour beaucoup de gens et pour notre française démocratie, non ? Et au-delà !

Lundi 6 avril / 19 h 20

Sûr, il régnait une bien jolie ambiance à la supérette du coin. Météo charmante en prime. J’ai nettoyé comme il se doit le caddy avant d’entrer dans le magasin, noté que certains étaient masqués d’autre non, trouvé que certaines faisaient des écarts pour ne pas trop se rapprocher des autres – le croisement dans les rayons est devenu une chose étrange de nos jours – trouvé que quand même, des rayons étaient sacrément vidés, respecté les distances lorsque nous attendions pour payer, et surtout, beaucoup souri grâce à cette dame si enjouée et si sonore avec son petit-fils dans le caddy. Mais après son départ, le couperet est tombé. Bourrée comme un coin, la susdite. D’ordinaire on l’entend pas, disent les connaisseurs.
Bon. Ben, ça la rend joyeuse, alors. Ce soir, elle lui a promis (à l’enfant dans le caddy) : dans la maison on jouera au frisbee. Du coup, ça promet !
Je suis rentré à pied, baguenaudant dans les rues vides et appréciant d’entendre d’autres oiseaux que les corneilles. Me délestant dans le mouvement nonchalant de mes pas des tensions accumulées par une journée de télétravail plutôt intense. Ce dont je ne me plains nullement.
La balade a fait du bien, aussi avec les nouveaux bruits de la rue.
Des enfants qui jouent, d’autres qui pètent des durites, plus loin des bruits de bricoleurs, des haies taillées de près, des jardinets propres comme des sous neufs. J’ai pris 28 photos. En voici quelques unes. Ça confine, ça confine !

11 h 30

J’avais pas fait gaffe plus que cela aux annonces gouvernementales concernant le baccalauréat. Je n’évoque pas, ici, ce jeu que de nombreuses personnes redécouvrent par les temps qui freinent, mais le vrai, le diplôme, cette étape si singulière dans une vie que même encore, par exemple, je me souviens de quand je l’ai passé ! Faut dire qu’en ce temps-là, on allait à la grande ville du coin. C’était événement. J’ai découvert le MacDo, aussi. Et vécu un mémorable tête à barres avec un baby-foot. Nous passions l’épreuve de philosophie dans le foyer du grand lycée de la capitale. J’ai longuement médité sur le baby-foot. Bref, j’avais pas percuté que ça y est, mon fils à son Bac ! Pas courant de le savoir dès le mois d’avril, en fait. Bien sûr, on s’en doutait, bien évidemment, rien n’est encore officiel. Mais voilà un truc qui passe comme une lettre à la poste, pile au moment où cette poste ne passe chez nous que tous les deux ou trois jours. Les effets du confinement continuent en tout cas d’être multiples, diversifiés, surprenants. Bariolés. En pleine conscience que nous ça va, qu’à la cambrousse, c’est moins difficile même si les relations sociales manquent car le téléphone, le mail, le message sur Facebook, ça remplace pas. Et heureusement.

Dimanche 5 avril / 20 h

Dimanche à la maison. La fin du week-end. Le soleil se couche, ici, la lune apparaît, là. Me viennent en tête des paroles entendues dans la journée. Une belle journée, à se reposer, même si le taf à fait quelques furtives incursions et les festival #fleurdeschants2020 quelques beaux reliquats. La soirée d’hier samedi fût belle. Avec un côté impressionnant. Pas loin de 700 personnes ont profité de l’initiative. C’est chouette. Il a plu des mercis. Beaucoup de mercis. Un mot qui retrouve des couleurs et des saveurs, par les temps qui courent.
En ce dimanche soir, j’ai beaucoup de mots qui gambadent.
Des chansons écoutées. Des phrases lues. D’autres écrites (mais elles restent pour l’instant… confinées).
Du coup, c’est le moment de s’offrir une petite chaîne associative (d’idées).
Une mienne connaissance, qui va bien, qui est aux petits soins pour son alentour, genre faire les courses pour son voisin âgé, me raconte de belles choses et m’offre une citation.
Les belles choses, c’est ce gâteau d’anniversaire, avec des bougies, au pied de l’immeuble des parents âgés, et ces sourires.
Les belles choses, c’est ce sexagénaire tout frais émoulu hospitalisé dans sa ville du coin pour insuffisance respiratoire. De sa chambre d’hôpital, il aperçoit la voiture sa mère, octogénaire avertie, venue faire ses courses. Il l’appelle un peu plus tard. Lui demande si c’était elle. Elle confirme. Depuis, ils se font des coucous. Ils ont convenu d’un lieu de rendez-vous. Chambre avec vue. La citation légendaire, qui va le devenir, c’est : « C’est tout propre, chez nous. Ca n’a jamais été aussi propre. Dedans, dehors. Bientôt, on va devoir cirer les arbres ! « . Elle est forte, celle-là : bientôt on va cirer les arbres !

C’est vrai qu’à lire, écouter, échanger, on est tenté de se dire, depuis le confinement : incroyable comme les gens trient, rangent, nettoient en ce moment. Leurs intérieurs, bien sûr. Mais est-ce que l’on prendrait pas l’expression à la lettre ? Vous vous nettoyez, les gens ! C’est chouette, non ? Continuez, continuez… Triez. Virer les oripeaux. Poursuivez le labeur. Il en restera quelque chose ! Nous le savons tous si bien : la nature a horreur du vide. Alors pendant que les pisse-froids continuent à peindre en noir l’avenir, vieux réflexe, esquissons les pas de danse pour enjoindre chacun à changer aussi la couleur de la peinture de ce que l’on nomme l’avenir en oubliant si souvent qu’avant cela il y a le présent. Repeignons nos présents. Ne laissons pas demain les couleurs se délaver !
Et puis pour conclure tout en restant dans cette chaîne associative, la couture. La machine à coudre. Chez moi, elle a pris place dans la cuisine. Au départ pour faire des masques. Mais en ces temps de velours, on ne masque plus grand chose de ses intérieurs nettoyés, n’est-ce pas ? Du coup tout pareil, je prends l’expression à la lettre, et je demande : qu’est-ce que tu couds ? Que cousons-nous, en ce moment ? Dans nos intérieurs ? La peinture noire est là, bien sûr. On s’en doute. On n’ose pas trop imaginer ce que l’on risque de découvrir dans les maisons au sortir du confinement. Combien de malades supplémentaires, combien de décès invisibles, et combien de relâchements, légitimes, chez celles et ceux qui ont tenu la baraque ?
Ce que l’on coud, en se bisant du coude, en se tordant le cou pour le hisser au-dessus de nos récifs, c’est sans doute le retour improbable d’une conscience de ce qu’est le bien commun. Et ce que l’on coud, aussi, je l’espère, c’est une conscience toute neuve, nettoyée, triée, rangée du vivre ensemble. Notez d’ailleurs comme en quelques jours à peine, en quelques jours seulement, un même mot à changé d’orthographe.
On parlait de coûts. Nous voilà rendus dans la couture. A cirer les arbres. Que voilà une belle destinée !

10 h 53

Bon, à un moment, désolé mais il faut en parler. Arrêter de s’esbaudir. J’entends de partout les gens applaudir des deux mais car depuis le confinement, ils entendent les oiseaux. C’est chouette. Chez moi aussi. Mais le drame, car drame il y a, c’est que chez nous, on entend surtout les corneilles. En pleine période de reproduction les connasses. Qui diabolisent tout le micro-quartier sur le plan sonore. Allant jusqu’à générer des pulsions de chasseur chez moi, pulsion que je découvre, je ne me la connaissais pas. Ou alors des frondes ? Même en chantonnant sur l’aire de Bashung Ma petite entreprise, la corneille connaît pas la crise, ça ne le fait pas. Pour vous aider à saisir l’ambiance, voici un extrait d’une vidéo. C’est à peu près ça.

Du coup, c’est dimanche, on a le temps, faisons un peu de corneillencyclopédie si vous le voulez bien. Et c’est assez drôle : une recherche sur la saloperie vous envoie surtout chez l’écrivain, puis chez le chanteur. Belle tentative de diversion. corneille, sans majuscule, n’en mérite pas, c’est après.
J’ai en particulier retenu ceci :
D’abord, c’est un corvidé, la bestiole. En plein covid, ça surprend. Mais nous c’est pas 19, c’est 17. 17 nids. Donc une quarantaine de bestioles minimum qui, au choix, toute la sainte journée, du lundi au lundi, babille, corbine, craille, criaille, croaille, croasse ou graille. Fait chier, autrement dit. Même les noms de son cri sont moches. Le site internet oiseaux.net confirme : De son nom scientifique Corvus corone, tout chez elle est noir. Et le site ajoute, cette fois c’est moi qui confirme : la corneille noire ne passe pas inaperçue car elle est très vocale. Sa voix est désagréable pour une oreille humaine. On ne peut parler de chant chez les corvidés, mais de cris assez divers associés aux rapports entre individus. Le cri habituel, que l’on peut traduire par « aaaah » ou « aaaarrh »ou encore »raaaah », est puissant et bien caractéristique. Il est souvent émis en séries. C’est aussi bien un cri de contact qu’un cri territorial par lequel le couple affirme sa présence ». La Corneille noire est une espèce très territoriale en période de reproduction et, comme la densité est souvent élevée, les conflits territoriaux sont fréquents. Et là, c’est le coup franc et net de la massue : les corneilles sont sédentaires et occupent leur territoire toute l’année. Leur longévité potentielle est d’une vingtaine d’années. Et pour finir : En dehors de la période de reproduction, les mœurs de la corneille s’adoucissent. Les oiseaux d’un secteur se regroupent et vaquent ensemble à leurs occupations. Ils passent la nuit en dortoir dans les arbres. Les corvidés sont connus comme des oiseaux à l’intelligence développée. On en a des exemples avec la corneille. Bien qu’elle soit souvent très proche de l’Homme et de ses activités, la Corneille noire n’en garde pas moins une grande méfiance vis à vis de lui. Un geste brusque ou inhabituel et c’est la fuite. Il est difficile de la prendre en défaut. Elle voit où est le danger pour elle. C’est un oiseau naturellement joueur. Si le sujet vous passionne, beaucoup d’infos sont ici.

Samedi 4 avril / 17 h 27

J’ai sauté l’étape d’hier. Je m’en excuse. J’étais claqué. Fin d’une semaine et d’une journée « anormales » actuellement et pourtant terriblement banales il y a peu : beaucoup de boulot, et hier, je me suis rendu sur mon lieu de travail. Journée chargée.
Au Département, de partout, ça bosse beaucoup pour gérer les effets collatéraux du confinement. Et puisque l’on me permet de participer à des réunions en « auditeur libre » pour que le journaliste maison que je suis ait ainsi accès aux infos le plus simplement possible, ce que j’apprécie, j’en entends, des effets collatéraux et plein de trucs auxquels j’aurais pas pensé plus que ça.
Les personnes qui perçoivent des allocations de solidarité en liquide, par exemple. Comment font-elles ? Surtout en milieu rural où banques et Poste se sont tirées. La question des violences faites aux femmes et aux enfants ? Comment on fait ? Le manque de charlottes, surblouses pour les travailleurs sociaux, les aidants, comment on fait ? Les gens qui n’ont pas d’argent pour manger et plus de distributions alimentaires, comment on fait ? L’isolement des personnes âgées, comment on fait ? Les professionnels des crèches réquisitionnées pour les enfants des personnels soignants et qui sont au bord de la rupture, épuisés, comment on fait ?

J’en ai des caisses, des comme ça, et en parlant de caisses, de cartons plutôt, je peux enfin déposer ici ce qui m’a taraudé quelques jours la semaine dernière. Je devais livrer des masques à des travailleurs sociaux à l’autre bout du département. Eh bien j’ai flippé ma race avec mes 5 000 € dans le coffre ! Je me suis dit, putain, cette or blanc, là, soudain, si ça se sait, je vais me le faire braquer. Et je vous dit pas la sueur au supermarché quand mon fils ouvre le coffre et gueule, ben c’est quoi ces cartons ? Voyez le genre de bad trip et quel bonheur quand ils sont passé d’une caisse à l’autre !

Le confinement se poursuit donc plutôt bien, pour moi. Je ne crache pas dans la soupe. J’ai du boulot, plutôt plus et plutôt trop, j’ai des loisirs, c’est cool l’aventure #fleurdeschants2020, j’ai des échanges sociaux avec des amis, même si parce que les nouvelles ne sont pas toujours simples, ça frustre de ne pouvoir pas bouger. Mais je ne me plains nullement. C’est aussi plus léger parce que hormis l’actu locale, que je suis essentiellement pour raison professionnelle, je me suis écarté de l’info au sens national ou réseaux sociaux du terme. Marre de ces chiffres de merde qui circulent. Marre de ces diabolisations et autres récupérations. Mes regards se portent aussi sur plein de belles choses qui se font, plein d’espoirs qui se manifestent, et qui bien souvent, n’osent se formuler. Je reste très conscient que nous vivons quelque chose d’extra ordinaire. Tellement de choses deviennent soudain visibles, palpables ; tellement de valeurs sautent aux yeux et me font passer du camp des gauchistes de merdes qui comprennent rien parce qu’ils sont idéalistes avec des fleurs dans les narines à type qui a des racines et le sens du bien commun. Cela me convient.

Jeudi 2 avril / 20 h 28

Encore une journée épaisse professionnellement s’entend. En mode télétravail. A la maison. J’ai encore en tête toutes les sensations qui me sont passées par la tête hier, alors que je mettais le cap sur le grand nord du département (lire ci-dessous). Au début, par exemple, je me sentais en tension. J’avais même un léger mal de tête. Des appréhensions qui ne disaient pas leur nom, un « bizarre » que je ne saurais décrire. Je roulais, y’avait d’ailleurs plus de circulation que je ne l’aurais cru, c’était pourtant agréable : l’A31, chez nous, relie Nancy à Metz (puisque pour aller de Meurthe-et-Moselle sud à Meurthe-et-Moselle nord, faut passer par la Moselle). C’est une saloperie de route ultra fréquentée (le genre en temps normal entre 80.000 et 100 000 véhicules par jour dont de 8.000 à 12 000 poids-lourds. Voyez le genre. Anxyogène. Des gros cartons. Des bouchons à foison. Eh bien là, un billard, une partie de plaisir. Jamais vécu ça !

Mais, donc, pas hyper à l’aise. Surtout lorsque je fais une pause station service pressé de m’acheter quelque chose pour manger. Pas grande monde à la station… et porte-close ! Je découvre l’existence du passe paquet. Ca ressemble un peu au sketch de Dany Boon, celui sur la poste, version tu demandes un sandwich, un café, on te file ça par une boite, etc. Surprenant. A tel point que je me prendrai ma deuxième engueulade en deux jours quand je prends en photo cette étrange atmosphère. Une des employées de la station qui me regardait à travers le grillage me demande pourquoi je fais des photos. Genre pas bien, mon gars, pas bien. Je lui dis, ben, y’a une ambiance quand même, vous ne trouvez pas ? Elle est partie. Voici les clichés (j’ai aussi filmer les chiottes mais bon, finalement, pas top le reportage. On voit juste des chiottes avec une musique de WC d’autoroutes…).

En tout cas rien à voir avec l’ambiance d’une station au Luxembourg où j’ai pu aller me ravitailler. J’étais prêt, pourtant : aux contrôles, à découvrir ce qu’est une frontière (je connais que la Suisse, dans le coin), à devoir palabrer. Mais que nenni. Rien à signaler ! Presque j’étais déçu. J’avais lu pourtant quelque part… Comme quoi, l’info… Faut tout vérifier 🙂

En tout cas, je me dis que curieusement, finalement, sortir de chez soi en ce moment, ça fout un peu les jetons sans raisons valables si ce n’est ce bain dans lequel on est vautrés depuis bientôt trois semaines. Trois semaines ! C’est dingue. Je me sens veinard, c’est sûr, de pouvoir me déplacer un peu plus que pas beaucoup.
Lors d’une pause, d’ailleurs, j’ai envoyé aux miens, à ma famille de vie comme je dis, un SMS. 52 proches et les leurs. Pas pour narguer. Pour prendre des nouvelles. Globalement tous vont bien ! Sinon et je terminerai là-dessus, ma cure d’ibuprophène se poursuit puisqu’on n’a plus le droit qu’au Doliprane. Et Sinon bis, avec ce festival confiné qu’on organise ({fleurdeschants2020), voilà que je réécoute de la chanson française. C’est sympa. Surtout Bashung.

10 h 48

Encore un temps magnifique sur la Lorraine, à croire que le confinement et la météo s’amusent. Mais ne comptez pas sur moi pour aller vers des théories du complot à deux balles, même si je vois passer ça et là des « informations » (va falloir qu’on trouve un mot pour désigner ces saloperies) nauséabondes que je préfère ne pas nommer. Pour reprendre une formule en vogue dans les cours de récréations naguère pleines de vie : ça pue du cul. Opposons à cela de belles choses.
Ainsi hier, mon boulot m’a permis de traverser le département pour aller dans ce que nous appelons chez nous « Le pays Haut ». C’est un haut lieu au sens solidaire et humain du terme. C’est le secteur de Longwy, proche du Luxembourg, fief d’antan de la sidérurgie et des mines, terrassé dans les années de crise, renaissant avec le travail transfrontalier. Sociologiquement, ça donne un territoire assez inédit en ces années 2020, avec d’un côté une culture communiste, solidaire, ancrée et de l’autre des berlines estampillées grand capital qui voisine, comme un raccourci saisissant de ce que notre société fait cohabiter quand on ne confine pas : l’extrême « pauvreté » et l’extrême « richesse ». Inutile de dire que le prix de l’immobilier flambe et que les seconds chassent indirectement les premiers.

Bref, je suis allé à Longwy et j’ai eu bonheur à rencontrer des fonctionnaires et des bénévoles unis dans le local surveillé par Coluche pour préparer des « colis » destiné à 85 personnes du coin qui n’ont plus assez de quoi se nourrir. Chiffre massue qui m’a été donné par le chef des Restos du Coeur : d’ordinaire ici, dans ce local, plus de 1 300 personnes venaient se ravitailler avant le confinement. Question restée, côté réponse, en mode soupir je ne sais pas : comment font-elles en ce moment ?
J’ai du coup eu l’opportunité, aussi, d’échanger avec un jeune homme qui habitait au-dessus, au deuxième étage. Petite mine, il me dit qu’il a le conavirus. Je lui donne mon chiffre massue : selon les selon les statistiques, « seulement » 6,5 % des personnes atteintes de la maladie sont en risque critique. Le type, dont je me méfie quand même des postillons quoique nous sommes bien à 7-8 mètres l’un de l’autre, entend bien l’info. Il me dit, voix légèrement soulagée, ah, dans 94 % des cas, on craint pas grand chose alors ? Je lui adresse un sourire, on parle du Doliprane, surveiller surtout sa respiration. Et lui de me dire, mais pourquoi les médias donnent pas cette information ?
Haussements d’épaules partagés… Sûrement qu’ils la donnent. Mais elle doit représenter 6,5 % du volume « d’informations » 😉

Mercredi 1er avril / 9 h 45

Aujourd’hui, je ne vais pas faire de farces. Ce n’est pas l’envie qui m’en manque. Chez moi, le 1er avril, c’est un peu sacré 😉 Mais l’ambiance n’y est pas. Des nouvelles pas géniales et pourtant courageuses d’une mienne connaissance qui, là-bas, à l’autre bout de la France, façade ouest, est peu à peu terrassée par un cancer. Sa famille alentour qui se bat contre la douleur, la perte, et aussi, contre des systèmes de santé admirables, bien sûr, mais qui font des choix, on le sent, et qui ne peuvent pas être partout, on le comprend. Mais évidemment, chaque situation, avant d’être un « cas », est une succession de destins, de vies, aussi proches de la fin soient-elles. Il se verse des larmes et des tonnes de café chez celles et ceux qui accompagnent la fin d’une vie, il se fume des cigarettes et du cerveau quand surgit un peu d’incompréhension quand le « système » communique mal ou la joue un peu trop en mode « robot ». Mais rien qui ne se solutionne. Il faut de la parole, de l’échange, de la bienveillance de part et d’autre, de la fermeté, aussi. En ces temps de confinement, s’il est un mot qui reprend tout son sens l’air de rien, c’est celui de patience. Et, avec, celui de patient. Et donc, corollaire, l’impatience et l’impatient.

A ce propos, hier, et au final en mode plus léger quoi ce put finir aux urgences l’air de rien, j’ai failli me manger une mandale. Voici la scène : je reviens de la pharmacie et vais attendre madame qui finit des courses dans la supérette du coin. Il fait soleil. Je prends quelques photos. Un bord de rivière. Des immeubles. Des fresques. Quand soudain, au loin, une ombre penchée à sa fenêtre me hèle. En résumé, ça donne en gros ceci : eh gros, qu’est-ce que tu es en train de faire, pourquoi tu fais des photos ? Tu les supprimes, tes photos, sinon je viens te péter la gueule. Je décide de m’éloigner. Attends j’arrive ! Et derechef, effectivement, l’ombre sort de l’immeuble et se dirige vers moi. Là, pour le coup, les barrières sanitaires les plus élémentaires sautent. Le type s’avance donc vers moi, pendant que je vais vers lui, me demandant si je vais vraiment m’en prendre une. Lorsque nous sommes à portée de regard, je lui lance, bon, tu me tapes pas hein ? Et nous voilà à regarder sur mon téléphone les photos prises. Le type me dit, celle-là tu la supprimes. Celle-là aussi. Et celle là ? Non, tu laisses, c’est pas mon bloc. Tu prends pas mon bloc en photo. Après les gens ils zooment… On se quitte sur un putain, prend la nature en photo, et pis voilà. Un bon gars, j’en suis sûr. Un peu nerveux. Un peu parano par les temps qui courent. On ne s’est pas jeté la pierre. C’est l’essentiel. J’allais déposer ici les quelques images rescapées mais bon. Pas de farces aujourd’hui, j’ai précisé.

Faut dire que ma journée d’hier, entre boulot et festival fleur des chants, était placée sous le signe du soin. D’abord avec mon RDV de routine chez le médecin, pas annulé malgré les temps qui courent. On cause Corona entre deux prises de pouls et autres examens classiques. Le doc est tout en blanc, élégant d’ailleurs, il a son masque, ça fait drôle quand même. Soin toujours ensuite à la pharmacie, donc. Où là aussi on est dans les mesures hygiénistes drastiques.
Soin encore et fin, le soir, avec ma balade du jour pedibus. Elle fait du bien. J’encourage vraiment chacun et chacune à ne pas la louper, cette heure « permise » où l’on peut s’ébrouer, redécouvrir millimètre par millimètre son environnement, croiser au loin âme qui vive et voiture qui passe.

Mardi 31 mars / 11 h 20

Aujourd’hui, privilège des bien portants, je vous partage rapidement on va pas y passer la semaine non plus mon tracas personnel, intime même, grandissant : mes cheveux. Ca commence à vraiment me tarauder, cette affaire. Respectent pas le confinement, ces cons-là. Et selon les moments, j’ose pas dire à qui je ressemble… Ceci dit, ces « anecdotes » sont aussi à noter, vous ne trouvez pas ? Cela me fait penser à cet échange assez passionnant finalement sur la page d’une amie Facebook en pleine galère dans sa banlieue parisienne avec… des souris. Qui soudain se sont mises à balader peinardes dans l’appartement, au grand effroi de notre dame. C’est vraiment fascinent notre relation aux souris, non ? En tout cas, ça a agité sa sphère, entre spécialistes autoproclamés du chassage de souris et autres !
Sinon, hier, assez grosse journée encore, je me faisais la remarque que j’ai la chance de ne pas ennuyer, dans ce confinement, avec du boulot et des loisirs. Par instants, ça continue à se bousculer sous les cheveux, mais globalement, à ce qui me demandent ça va, je réponds ça va bien. D’autant qu’hier, en fin d’après-midi, je me suis retrouvé à avoir presque une vie « d’avant » : suis allé faire des courses et dans la foulée le temps que les aliments se détendent, ma balade dans le périmètre autorisé en chantonnant du Stéphane Eicher. Rivière, pour ceux qui connaissent. Je l’écoute d’ailleurs en fond sonore (je suis très chanson française ces temps-ci 🙂 pendant que j’écris. Voici d’ailleurs quelques images.

Les courses, j’y reviens quand même : c’était assez clairsemé dans les rayons et c’est drôle comme on y voit quand même plein de comportements dont certains étranges. J’avoue et je m’en excuse pour lui : j’ai un peu joué avec cet homme derrière moi, qui suivait mes pas s’arrêtant un mètre derrière dès que je m’arrêtais. Je n’ai pas résisté au plaisir sadique de stopper arrivé à un carrefour de rayons. Mais je vous rassure : ça n’a pas non plus duré éternellement. En tout cas, tu arrives au magasin et on te dit de prendre un caddie. A la caisse, on te demande d’attendre pour nettoyer le tapis roulant. Ce sont des drôles de personnages qui te demandent ça, visière sur la tête, gants, protection vitrée, plastique sur la machine carte bleue, panneaux d’infos partout. Et, je découvre, plein de rayons dévalisés. Donc certains c’est grave quand même : les lardons fumés, par exemple.

Lundi 30 mars / 11 h 13

Ce matin, je ne vous le cache pas, on se dit tout hein !, je me suis levé chafouin. J’aime bien ce mot, chafouin. Il est visuel, je trouve. Chafouin parce que ce vrai faux chiffre du nombre de décès liés au Covid-19 (2 606 à l’heure où j’écris) me dérange. Qu’il soit brandi comme un compte à rebours. Et surtout qu’il soit faux. Tu parles d’une transparence ! Mais pas que chafouin pour ça. Chafouin parce que hiérarchie type ancien monde : quand on rend hommage à des soignants, j’applaudis. Quand on fait de même parce qu’un des décédés est une personne connue, ça me gêne… pour les 2 605 autres. Je ne suis pas en train de prétendre qu’il faut rendre hommage à tout le monde, non. Mais j’appelle dans mon coin confiné à davantage de pudeur. Moins d’emphase ici. Plus de pensées là. On la joue collectif ou pas ?

Mais pas que chafouin pour ça. Chafouin aussi parce une infirmière se fait braquer et on lui vole des masques. Chafouin aussi parce que des gens sont capables de demander à des soignants de dégager de chez eux parce que leur voisinage soudain trouble. Z’allez me dire, oui, mais à tout cela, on trouve des contre exemples. C’est vrai. Mais sur le fond, c’est effrayant ces profiteurs de crises. Ces empoisonneurs de confinement sincère. Cette face noire de l’âme humaine. Enormément de réactions peuvent se comprendre, voire dans une parfaite empathie s’accepter. La peur, certaines réactions « inconscientes ». Mais la connerie pure, c’est plus dur à encaisser. A quand un virus qui ne ciblerait que les vrais cons ? Dans mon langage fleuri, j’appelle cela des lamproies, contrairement aux balanes et aux diatomées. Ce sont ces bestioles qui vivent sur le dos des baleines. Les premiers bouffent la bête. Les seconds participent de sa vie. On y revient toujours, crotte de zut. Deux sortes de gens + la troisième.
Sinon, mon confinement s’est volontairement déroulé en mode week-end samedi et dimanche. Mon boulot m’a permis une pause. Pause qui m’a permis de bien bosser sur le festival en ligne que nous avons initié avec une mienne connaissance. Ca s’appelle #fleursdeschants2020. C’est une belle aventure. Qui me conforte dans cette idée que pour bien vivre le #confinement, faut une seconde mamelle si je puis dire, le #créafinement, comprenez une activité « autre » qui fait du bien. J’ajoute que chafouin ou pas, instaurer des « rites » dans ce confinement est apparemment très important sous peine de péter des durites. Je pense que c’est absolument vrai.

Dimanche 29 mars / 10 h 31

Débordé ! Hier, samedi, j’ai eu un confinement assez agité pour tout vous dire. Avec beaucoup d’échanges sociaux. En journée au téléphone. Le soir devant mon ordi. En journée « dans la vraie vie » si je puis dire. Le soir dans le #créafinement le plus total puisque c’était la première, la grande première du festival #fleurdeschants2020. Je commence par le plus léger. Bon, on va pas se mentir : c’était pas top, cette première. Techniquement s’entend. On espérait mieux. Heureusement, les artistes sont adorables. Les membres du groupe facebook que nous avons créé pour l’occasion aussi. Et plus que de longs discours, le mieux est de vous inviter à nous rejoindre car franchement, ce sont de bons moments que nous proposons-là chaque samedi soir, franchement bis, on va essayer de progresser à la vitesse grand V pour stabiliser le truc, et franchement ter, des parcelles d’humanité chaleureuse, et douce, et paisible, ça fait du bien. Ne crachons sur rien.

Puisque le #confinement nous fait faire des choses impensables, dans le genre on m’aurait dit ça un jour, vous invitant à adhérer à ce groupe de bonne compagnie, je m’empresse de préciser à l’adresse de celles et ceux qui ont dit, moi, ce réseau de merde, jamais : ben oui. Mais non. Inscrivez-vous ! Oui, je suis en train de dire : inscrivez-vous sur Facebook ! Vous trouverez le groupe susdit ici. Le nom dièse : #fleurdeschants2020. Mais ce matin, j’ai plus de gravité dans le Coeur que de colchiques dans la bouche. Ce matin, plus encore, je pense aux soignants. Aux gens dans les hôpitaux. Et pour le coup, parce que de miennes relations sont concernées, je ne pense pas une seule seconde au fameux #covid19.

Quelque part, en France, là par exemple : la femme d’un ami. Santé précaire. Le fameux covid ressemble à une saloperie qui traîne. Elle est dans les personnes à risques. A gros risques. Et la fragilité de l’instant n’échappe à personne. Comme souvent, ceux que l’on aime, on les trouve admirables. Long échange téléphonique où la vie gagne avec cet air de ne pas y toucher et la furieuse envie d’aller coller des pains à toutes celles et ceux qui gueulent dans les magasins parce qu’ils attendent, qui volent des masques chez une infirmière, qui tabassent leurs mômes bien planqués derrière leurs murs, qui font hurler en silence leurs femmes qui ne peuvent pas appeler le putain de numéro de téléphone qu’on leur dit d’appeler si besoin.
Ailleurs en France, ici par exemple : un ami mange du crabe et sa famille, ses amis, sont sous le choc. Il est à l’hôpital. Il y est soigné. Tout est fait pour adoucir ses douleurs. Rien n’est fait, par contre, pour faciliter la vie de celles et ceux qu’il aime. A 100 bornes de lui, soudain. Bien sûr, le confinement. Bien sûr. Bien sûr des limitations de visites. Bien sûr. Evidemment. Mais quand même : se faire arrêter par les gendarmes avec des « mots » du docteur, des papiers d’identité, des explications données calmement pour s’entendre dire qu’il faut remplir le papier et s’il vous plaît un par personne, et si vous l’avez pas, faites-le maintenant, c’est du zèle et du manque de discernement qui, lui aussi disons-le, donne envie d’aller filer quelques tartes à quelques personnes.
La colère est là, confinée elle aussi. En tout cas, jusque-là, je n’avais pas compris que nos routes dégagées par le #confinement étaient devenues des boulevards pour que le monde médical puisse débouler et faire son taf sans qu’on l’emmerde. Super !
Jusque là, je n’avais pas suffisamment pris conscience que lorsque je tiens ce journal, y ajoutant une unité chaque jour, je montrais en un chiffre la difficile réalité d’un élastique que l’on est en train de tendre, sur lequel on est en train de tirer, et ce matin, je me demande jusqu’où il va pouvoir tenir, et comment ça fera quand il va se détendre d’un coup. Une certitude : ce sera bien au-delà des dates officielles qui diront, ça y est le gens, on est tirés d’affaire, vous pouvez ressortir de chez vous. Ce jour-là ne devra pas être seulement une clameur. Ce jour-là ne devra pas être une injure. Une arrogance retrouvée. Une insulte, quoi.
Car grâce aux échanges d’hier, j’ai pu mesurer que ce jour-là ne serait surtout pas la fin de quelque chose. Juste la suite de ce que nous vivons chacune et chacun. Avec comme tout traitement de choc des effets collatéraux à venir. A envisager. A préparer.
Je pense à l’épuisement et au relâchement de celles et ceux qui tiennent le pays en ce moment. Et, une fois encore, j’observe que ceux qui le tiennent sont les sacrifiés de ce pays depuis 20 ou 30 ans. J’ai pas envie d’applaudir, non. Ils sont la face cachée de l’iceberg. Pas l’écume de l’iceberg qui passe à la télévision. Je ne vais pas lister. Je l’ai fait dans mon coin pour ne pas oublier le moment venu. Quand l’élastique aura rompu, n’oublions pas. N’oublions pas l’iceberg. Et si ce n’est pas possible parce que tous les cafards seront de retours, cette incantation : dans ce cas, ne l’oublions pas trop vite. Le corona est un virus qui en révèle plein d’autres. Nous sommes tous contaminés. Profitons de ce confinement pour nous décontaminer. Le plus possible. Le mieux possible. Nos enfants le méritent.

Vendredi 27 mars / 18 h 17

Je m’apprête à jouer le match retour d’hier avec mes affaires de confinement / déconfinement / reconfinement tout ça. Matin en télétravail et après-midi en travail pas télé. Quoique c’était du télé travail quand même puisqu’on télé conférençait. Je confirme : même si la fatigue se fait sentir et le week-end, pour peu que ce terme ait encore un sens, arrive à pic, je trouve que j’ai de la chance de pouvoir baguenauder comme ça d’un lieu à un autre.
Le week-end arrive et j’espère que vous serez de la soirée #1 du premier festival confiné du monde en milieu rural : #fleurdeschants2020. Une aventure qui a déboulé comme ça, sans crier gare, sous forme d’un « hey mec » via messenger ! De l’intérêt de dire oui et de réfléchir après…
Nous voilà nantis en moins d’une semaine de près de 600 membres sur un groupe facebook sorti de nulle part ou presque, d’un trou du cul du monde comme tant d’autres, avec plein de chouettes échanges, rencontres, découvertes, autour de la chanson française (mais pas que) comme point de ralliement. N’oubliez jamais d’associer en mode survie au mot confinement le mot créafinement. L’un ET l’autre.

Mais je ne vais pas aller plus vite que la musique .
Sommes vendredi, fin de journée, et chaque chose en son temps : c’est ce que m’apprend encore plus le #confinement. Faut de la discipline pour tenir le truc, vous ne pensez pas ? Je veux dire de l’auto-discipline.
Rapide calcul : professionnellement, le genre 100 mails par jour. Une vingtaine de coups de téléphone. Personnellement : des sms réguliers pour prendre des nouvelles des « loins », quelques échanges téléphoniques pour enfoncer le clou du « on est là » (le connard virus n’arrête pas la vie et ne soigne pas des autres maladies), des dizaines de messages messenger et mails, plus la vie à la maison, un peu de suivi de l’actu, un peu de taf au jardin, dans la maison, quelques papotes, une cigogne qui passe, les corbacs qui font suer z’arrêtent jamais ceux-là : quand je parlais de citron pressé, c’était ça : toutes nos vies soudainement réunies en un seul lieu, notre cerveau, avec un haut niveau technologique. Pas évident de se confiner en paix ! Mais, je le répète : je ne m’en plains nullement. J’allais écrire Intuition mais non, en fait, c’est pas ça : espoir (très aguerri) que ce sera un bien pour un mal, cette chose étrange que nous vivons tous actuellement, même si par habitude sans doute, on se prend aussi à penser souvent surtout après les journaux télévisés que ce sera un mal pour un mal. Beaucoup de clignotants clignotent, quand même. Je n’en cite qu’un : on me disait par exemple que dans le silence assourdissant des projecteurs qui ne se braquent pas encore là-dessus, les violences conjugales et intra-familiales montaient en flèche, dixit les gendarmes. Des ripostes discrètes, heureusement, s’organisent car l’on ne peut pas toujours téléphoner de chez soi…
L’oscar de la bonne blague du #confinement #créafinement, je le dois à une collègue à qui j’ai royalement offert un snickers : j’étais dehors pour ma pause clope, sur mon lieu de non télé-travail donc, elle me dit, on n’entend que toi ! Nous n’étions que 4 ou 5 dans le bazar, faut dire. Et elle ajoute : mais c’est l’effet co vide !!! Chapeau. Je m’en suis fait une de mon côté, sur la route, en allant au boulot : les panneaux sur l’autoroute. Ils diffusent des messages. L’un d’eux est : Covid 19, évitez les contacts. Je me suis demandé si c’était en subliminal un appel à ne pas avoir d’accident. Z’auraient tout aussi bien pu garder le « Gardez vos distances ». Ca marchait aussi.

Jeudi 26 mars / 22 h 01

On m’aurait dit un jour, alors que je partirais au boulot, que je penserais : j’ai de la chance, je l’aurais pas cru. Ce matin, pourtant, c’est cela que j’ai eu en tête en montant dans ma voiture, étonné que quelques jours seulement se soient passés depuis la mise en place du confinement Ca semble si loin, l’avant, et si loin, l’après… Bref, je me suis déconfiné. Mais le terme est abusif. Je n’ai cessé de me reconfiner, en fait. De la maison à la voiture. De la voiture à mon bureau. Du bureau à ma voiture. De ma voiture à la maison. A priori je n’ai croisé aucun postillon. Même pendant les quelques courses du midi pour me sustanter. Au grand dam du SDF que je croise souvent ici, mais j’ai jamais de monnaie, chaque fois je lui file à bouffer, il prend, mais je sens bien que c’est pas le top pour lui.

Au bureau, où j’ai passé la journée, je n’en reviens toujours pas.
Ce passage de 600 à 30 maximum, c’est impressionnant, comme en attestent ces quelques images. Et comme ne le disent pas les coups de téléphones et les courriels qui pleuvent en rafale. Quelque part, ça bruisse. Mais où ? Derrière les murs, bien sûr. Ou sur les balcons. Je crois même avoir entendu des rires près d’immeubles.

Ce jour hier si banal aujourd’hui si exceptionnel m’a aussi permis de faire un tour dans la grande ville du coin. Silencieuse comme une taupe. Myope comme une carpe. En plein carpe diem collectif que chacun vit à sa manière. Comme personne. C’est assez ballot, en vrai, une ville qui se met à ressembler à un bled paumé, pas âme qui vive ou presque, des bruissements de rideaux, des volets entrouverts, des regards que l’on devine posés mais l’air de rien. Y’a juste le ballet des bus et des trams pour occuper l’espace. Faire un peu de bruit. Sinon, des silhouettes. Des masques. Des capuches. Des écharpes. Quelques joggeurs. Quelques vélos. Et basta.
C’est à la nuit tombée que je m’en suis allé, me souvenant que sur l’ensemble de l’agglomération, on venait de décider d’un couvre-feu et ne sachant pas trop à quelle heure ça débutait, cette affaire. Purée, un couvre-feu ! Pareil : on m’aurait dit ça un jour…
J’ai donc repris le chemin du domaine familial dans la nuit. Comme en attestent ces autres images qui disent autrement le confinement. Jusqu’à demain.

Mercredi 25 mars / 18 h 43

Purée la journée de maboule ! Le télétravail, j’étais pas spécialement pour, j’en pensais rien, maintenant, je suis pas forcément contre, mais j’en pense quelque chose ! Purée, ça fuse et c’est quand même perturbant de ne plus savoir qui est où. Je découvre que moi, j’aime bien en fait quand je reçois des mails ou téléphone avoir des visages en tête, des lieux, et là, si j’ai l’un dans la plupart de mes échanges, j’ai pas l’autre. Et je ne parle pas les mails qui déboulent de toute part. Cela dit, en échangeant avec un travailleur social qui bosse dans un foyer de l’enfance, j’ai bien aimé le fait de lui avoir dit que si la communication c’est important, son boulot à lui était essentiel et que ça permet ça, cette crise, aussi : redéfinir l’essentiel, et l’important, pas péter plus haut que son cul, faire chier le moins possible ceux qui sont en première ligne, ou même en seconde ; pas oublier son confort face à l’inconfort des vrais sur le terrain. Pas se plaindre. Ce que je ne fais pas. Sourire, même : ce que je fais aussi. Voici trois extraits de fin de conversations téléphoniques professionnelles : 1. Bon, je te laisse, là, y’a mon fils qui court dans le jardin avec un marteau et j’ai raté mon gâteau ; 2. Bon, je dois y aller, faut que je m’achète des clopes, j’ai repris à fumer avec le confinement ; 3. Non, maman, elle va pas jouer au Play-mobile…
Sympa !
Et si ce soir j’ai les yeux qui piquent, je plaide coupable : en même temps, formule bien raccord cette fois avec le nouveau monde, et dans mon désir d’allier #confinement et #créafinement, je me suis lancé avec un pote dans l’organisation d’un festival virtuel de chanson française (avant première demain à 16 h sur Facebook, première soirée samedi à 20 h, suivez le mot dièse #fleurdeschants2020).
C’est passionnant. Mais animer un groupe facebook, cogiter à plein de choses, voire même aller chercher des compétences et se prendre des questions techniques que même pas je savais que certains mots existaient, c’est du taf l’air de rien.
Surtout que je me suis mis en tête deux militances, derrière ce festival : de un, participer à l’installation de chouettes moments avec les amis musiciens sacrément dans le pétrin avec cette affaire, dans l’espoir que le réseau créé les aidera plus tard à vendre du CD, des places de spectacles, etc. Et deux, d’ouvrir une cagnotte dans le cadre de ce festival au profit des artistes qui interviennent dans les maisons de retraites et les hôpitaux. On n’oublie rien. On lâche rien. Mais quel bordel mes amis : dans la jungle googlienne, va trouver des structures qui recueillent les dons, qui filent la thune aux artistes vraiment, etc…

Mardi 24 mars / 15 h 30

Un témoignage en passant.
Je suis toujours en télétravail chez moi. En attente de validation de quelques productions écrites. Comme je demande des informations sur beaucoup de sujets, je reçois tout plein d’informations. Logique. Et franchement, je suis mieux qu’impressionné : épaté. De partout des réunions téléphoniques, des compte-rendus, des recherches permanentes de solutions. Comme je travaille pour un conseil départemental, on est beaucoup sur les questions de la solidarité, évidemment. Et la lutte contre l’isolement. Mais pas que. On est aussi sur la mobilisation de l’entraide interne à la collectivité (personnels qui se proposent pour aller soutenir des secteurs en tension ou des structures dont les professionnels sont arrêtés pour cause de coronavirus) et tenter d’organiser un appel coordonné aux coups de mains que peuvent apporter les habitants. Tout cela est évidemment très encadré confinement, règles de sécurité, gestes barrière et crise sanitaire obligent.
Dans ces moments-là, respect total pour cette si décriée « fonction publique ». Si malmenée. Elle fait preuve en ce moment d’une force vraiment épatante. A tous les niveaux.
Que ces professionnels soient ici salués, remerciés et reçoivent des pleines brassées de mon respect et de mon admiration. De ma fierté d’en être. A ma place de communicant. Remise à sa place. L’important vient après l’essentiel.

11 h 10

Ah, enfin presque une journée « normale » professionnellement s’entend. Je découvre pour tout dire le télétravail et je ne cesse de m’étonner de son côté double face. Ce qu’il apporte. Ce qu’il complique. J’évoquais hier son côté jus de citron. Ni le côté acide, ni le côté pépins, plutôt le côté pressé, pressant. Ce matin, c’est la question des coordinations entre les uns et les autres qui m’interpellent. On sent comme chacun « est chez lui » et comme l’animation du télétravail prend une importance’ toute particulière. A méditer.
Hier soir, j’ai mis du temps à digérer les infos. La fragilité de la situation actuelle. La difficulté de « maintenir » en état un pays. C’est aussi à cela que nous assistons, c’est aussi cela que nous vivons. Je ne partageais jusqu’à présent pas tellement cette idée de « guerre ». Je trouvais qu’on en faisait des caisses côté langage là-dessus, mais force est de reconnaître que c’est quand même bien de cela dont il s’agit. Les soignants sont au front. Ils ont besoin de logistique. Derrière, les confinés me semble-t-il répondent à cette fameuse phrase : il y a deux sortes de gens…
Il y a celles et ceux qui attendent que le vent passe.
Et celles et ceux qui sont dans le moments et qui agissent comme ils le peuvent.
Les premiers ne sont pas dans la même réalité temporelle que les seconds. Pour autant, ils ne sont pas à condamner même si je sens bien qu’ils n’ont pas pris la mesure de la situation.
Et puis il y a comme toujours une troisième sorte de gens. Ceux qui en parallèle de tout cela ont besoin, un besoin féroce même, de se détendre, de déconner, de lâcher du lest.
Tout cela fait société aujourd’hui. Un extra ordinaire qui remue chacun dans ses tréfonds. Qui révèle chacun aussi dans son maintenant.

Un texte m’a aussi fait de l’effet : un couple de personnes âgées qui raconte le confinement en 1939-1945 et qui « mesure » comme le nôtre est confort, quand même. Raison de plus pour se soucier de cette seconde ligne de front invisible qui peu à peu apparaît à mesure que l’on liste « les oubliés » de la guerre sanitaire. Ce qu’il se passe dans les maisons de retraite rappelle en effet que dans plein d’autres strates de la population, des gens vivent confinés tous les jours. Les prisons, les foyers de personnes handicapées, les jeunes placés hors de leurs familles. Des millions de personnes. Sans oublier les plus démunis financièrement, qui vivent dans des logements scandaleux, ou qui vivent dans la rue. J’ai vu que dans une ville, on verbalisait les SDF. Et ça non plus il ne faut pas le laisser faire. Sous nos yeux, toute une vie collective est en révolution. Forcément que plus rien ne sera comme avant. Et très franchement, même si ne me fais pas trop d’illusions sur certaines choses dès lors que le pognon reprendra sa dictature, cela me rend optimiste. Motivé. Prêt à enjoindre le pas de celles et ceux qui sont au front en ce moment et qui auront ensuite besoin de repos, d’attentions, de mémoire. Ce sera à notre tour. Je m’y prépare. ET vous ?

Lundi 23 mars / 22 h 05

J’aime pas trop dire du bien en général du gouvernement mais là, je trouve qu’ils s’en tirent plutôt bien. Ca doit être tellement dingue à « gérer » ces situations que pour le coup, oui, l’union sacrée me va bien. Jusqu’à ce que le virus crève. On est d’accord. Même si je crois qu’il peut revenir par la suite (le virus). J’ai de toute façon mon petit calepin numérique. J’ai noté deux ou trois choses dont il faudra qu’on reparle après (voir le billet sur la Philia, ici). Mais chaque chose en son temps. Et à chaque jour etc. Aujourd’hui, par exemple : c’était lundi et j’ai pas vraiment vu venir le télétravail. C’est venu percuter mon enthousiasme festivalier post week-end (pour ceux qui ont Facebook ou qui veulent s’y mettre : adhérez au groupe Fleur des chants ou suivez le mot dièse #fleurdeschants2020 et vous comprendrez tout). A tel point qu’à un moment, je ne savais plus trop où j’habitais.
Dans ma cabane, certes, mais le citron farci. Bouilli. En train de se calciner, peut-être bien. Tout ça tout ça + des mails + messenger + des sms + coups de fils. Trop d’un coup tout vite 😉
C’est heureusement allé mieux l’après-midi. A part que ça caillait sérieux les miches dehors et que ma petite marchouille du jour avait quelque chose de courageux. Salutaire. Mais courageux. Et un poil bourdon, aussi : je me disais, putain de merde, ça va être casse burne quand même ce petit tour en ville pendant trois ou quatre semaines. Une heure max, donc. 500 m autour de chez soi. Mais bon : je ne râle ni ne me plaint. Ca fait du bien, cette aération. Seul. Dehors. En mouvement. Je vais m’y faire, bien sûr. Je suis conscient que nous avons « de la chance » (horreur de cette expression, elle rime à rien) : je pense à vous beaucoup et souvent, gens de tous âges qui vivez dans les immeubles et les grandes agglomérations. Je vous encourage d’ailleurs à méditer pendant ces prochaines semaines, maintenant que le télétravail va gagner ses lettres de noblesses, car c’est épatant quand même tout ce qu’on peut faire « à distance » : investissez dans la vie en Province !
Si vous pouvez bien sûr.

10 h

J’avais lu quelque part que pour tenir dans la durée le confinement, il fallait bien marquer une différence semaine / week-end. J’ai pu le faire. J’ai la chance des en seconde ligne, si je puis dire. Si la communication est importante, par les temps qui courent, elle n’est pas essentielle, elle vient après même si bien souvent elle se prépare pendant.
Depuis le début de la pandémie, j’ai donc réinstallé dans mon quotidien le journal de 20 h. J’en ai déjà parlé ici. Hier soir, j’étais frustré, et pour tout dire, cela avait commencé samedi soir. En fin de journée, avec madame, nous sommes allés faire des courses et ce qui m’a frappé, c’est de me dire que nous étions autant de clients « physiques » que de jeunes en train de préparer les courses du drive. Hier, tous ces appels à l’aide m’ont aussi fait cogiter : putain, mais je veux bien filer le coup de main, moi. Aider je sais pas, moi, un hôpital, un Ehpad, des personnes, une entreprise. Je veux bien prendre de mon temps pour télétravailler pas que pour mon employeur, si besoin. Mais je fais comment ? Je sais où qu’il y a des besoins, des demandes ? Vivement que tout cela s’organise ! Je suis prêt.

Ce week-end fût riche, en tout cas. De repos, ce qui est indispensable, la semaine avait été chargée et tellement inédite que les adaptations étaient nombreuses. A la maison. Dans le travail. Et de réflexions, aussi. Cela fait partie du repos que d’essayer, aussi, malgré les embûches, de se projeter un peu, de penser à ce qu’il se passe, de philosopher : c’est-à-dire se questionner. Et aussi rester autant que faire se peut dans une forme de mesure. Pondérer. Ressentir. Les témoignages ne manquent pas, les informations non plus, les sollicitations non plus. Confiné, c’est énergivore l’air de rien ! Tout l’art est de ne pas rester que dans le jus de cerveau, sinon ça cuit, ça rance. Tout l’art est aussi de se donner des respirations. Et j’observe sur les réseaux sociaux un besoin, constant, de rire, de s’amuser, de partager rires & amusement, mais aussi musiques, jolis textes, combines. Je ne trouve pas cela dérisoire ou futile. Il y a tellement de « temps différents » dans cette crise ! 65 millions de gens quand même. Ainsi cette image chopée au détour d’un reportage, où en arrière-plan, pendant qu’une dame témoigne, on voit des gamins jouer, courir dans la rue. Les « vieux » déplorent un manque de prise de conscience. Mais comment dire… Ce sont des enfants, aussi… Pas simple tout cela !
En tout cas, avec une mienne connaissance, nous avons décidé d’organiser un festival. Enfin, il a eu l’idée, il m’en a parlé, j’ai dit banco. Je parle évidemment d’un festival confiné. De chanson française. Sur les bases d’un festival qui a existé il y a une bonne dizaine d’années en Lorraine. Et ça m’a bien occupé hier soir ! On a créé un groupe Facebook, on a essayé d’interpeller des artistes, rameuter des gens, commencé à envisager la suite de l’idée : c’est quoi un festival confiné en milieu rural ?
Bref, au #confinement, ajoutons le #créafinement.

Dimanche 22 mars / 10 h 29

Musicalement, je démarre ce matin en compagnie de Cabane, le titre « Until the summer comes », de l’incroyablement nommé album « Grande est la maison« . C’est tout doux, tout en finesse, avec la voix de Kate Stables, et je me dis, le type, en manière de je tombe pile poil avec mesmozetmesnotes, il se pose là !
Faut dire que grande est ma maison, et je n’ose imaginer combien cela ferait d’appartements dans les urbanies. Quand la campagne si oubliée, si décriée, si malmenée devient une partie de la solution… Clairement en tout cas je mesure « ma chance ». Les inconvénients de la Lorraine, finalement, valent atouts. Pas de mer, pas de montagne, pas de foules sentimentales, pas de rassemblements intempestifs, des trous du cul du monde de partout, la cambrousse, quoi, genre tu fais tes courses vous êtes 4 dans le magasin (je dois cependant confesser dans le genre vent que j’ai tenté l’humour avec la caissière et que ça n’a pas du tout marché), pas de contrôles de la maréchaussée, la possibilité de s’aérer : ici, on est face à nos responsabilités dans cette période de crise de la quarantaine.
J’ai quand même rêvé qu’on me testait du covid 19, mais c’est con, au réveil, je ne savais plus si j’étais positif ou négatif. On se baladait avec des chevaux, aussi, dans ce rêve. Des calèches. Et j’étais accompagné d’un type qui allait de sa voix doubler des films. Il nous tape le système, quand même, ce « confinement », auquel je mets de plus en plus de guillemets à mesure que passent les jours. A mesure que les mots reprennent leur place, et même : leur sens.

L’extraordinaire devient ordinaire, l’étrange un principe de réalité, le « merci » festif a quelque chose de compréhensible et d’indécent à la fois, les idées créatives se multiplient, en même temps que se propagent aussi les idées moins créatives. Ca râle ici, ça rage là, tous les réflexes ne sont évidemment pas battus en brèche, c’est encore trop tôt. Probablement que ce n’est pas encore un changement du monde, que nous sommes en train de vivre, surtout pas les « obligés de la crise sanitaire », qui eux croulent sous un maintenant épuisant et sans fin, puisque me semble-t-il, en tout cas je ne l’oublie pas, ça braillait dans les hôpitaux avant le corona circus et ce qui épate, c’est la dignité de ces femmes et de ces hommes à l’ouvrage, dont les témoignages fatigués tentent de se hisser au-dessus des cacophonies. Parce que cette crise rappelle aussi qui doit fermer sa gueule, qui doit l’ouvrir. Ce ne sont plus les mêmes gens.
Ma consommation d’informations a en tout cas vachement évolué. Et elle change au fil des jours, d’ailleurs. Au début, c’était tenter de comprendre cette maladie, de la cerner, et d’adopter les bons gestes, tout en continuant ma vie professionnelle, parce que pas une seconde il ne m’est venu à l’esprit d’aller me planquer chez moi. Ensuite j’ai beaucoup suivi la manière dont notre pays s’est organisé jusqu’à ce que cette histoire de masques me fasse flancher aux entournures. On parle aussi de vols, de marché noir, de filières et tout cela fait merdeux quand dans le même temps, des entreprises, des habitants, des associations s’échinent à en produire.
Bref, ce matin, je me dis que nous sommes et je pense que cela va s’accentuer dans les prochaines semaines dans un vrai bras de fer, un vrai de vrai, une table, deux coudes, deux mains et des mâchoires serrées pour faire pencher du bon côté.
Ce n’est pas gagné. Ce n’est pas perdu.
On laisse pas la partie se faire puisque nous en sommes acteurs.

Samedi 21 mars – 12 h 23

Il pleut. Ici, en Lorraine, il pleut. Par rapport aux précédents jours, ça aide mieux pour le confinement. Ca fait week-end ! Et ça tombe bien, si je puis dire, cette pluie, ce week-end : peu à peu, on s’installe dans la durée et en dehors du comptage médical, ô combien important, je suis curieux de voir comment nous les installés derrière nos barrières diverses et variées nous allons évoluer dans cette durée, puisqu’il est acquis apparemment que cela va durer. Curieux avec de l’inquiétude et de l’envie. L’inquiétude, c’est le comment ça se passe au juste dans les chaumières, est-ce que ça ne chauffe pas trop, et tous ces lieux collectifs, confinés eux-aussi : les maisons de retraite, les foyers de l’enfance, les structures d’accueil de personnes handicapées, les prisons ?

La peur, c’est que ça chauffe trop, que ça pète des boulards, que ce ne soit pas tout installé dans une forme de patience, puisque patients nous redevenons ; je pense à nos anciens, à d’autres pays, si disciplinés, et à nos temps modernes, où justement, l’impatience a été élevée si je puis dire au rang de caractéristique, avec laquelle – aussi – il faut faire. La peur, alimentée par ce que je peux lire ici ou là, c’est évidemment que ce qui rassemble divise. Une fois encore.
Ce matin, en me levant, j’ai eu une pensée particulière je le reconnais. Au fait, me suis-je dit, connement : que deviennent les cambrioleurs dans tout ça ? Pas mal de chiffres vont vraiment être intéressants à découvrir dans les prochaines semaines, les prochains mois : ceux de l’effet / de l’impact de ce confinement, que, je n’en doute pas, l’on va nous décrypter face B alors que probablement, face A, il y aura plein de bonnes choses. On est au pied d’un balance Roberval dont on ne peut qu’impuissamment pour l’instant se demander de quel côté elle va pencher.
Cette impuissance, justement, la nôtre, je ne parle évidemment pas je ne l’oserais d’ailleurs pas au nom de celles et ceux qui s’échinent en ce moment, cette période inédite nous permet de la sonder, de l’explorer, de la laisser cheminer puisque nos esprits, eux, à l’arrêt jamais ne sont. Certains parlent de retour à l’essentiel. La phrase porte déjà en elle-même une part de virus. Pourquoi en effet toujours évoquer / convoquer la notion de retour ?
C’est bien sûr une question rhétorique. Le pourquoi, j’ai ma petite idée dessus. Né aux abords de mai 1968, j’ai la chance d’avoir connu, chance c’est pour déconner bien sûr, les années 1973 et après jusque, disons, grosso-modo… 2020. J’ai participé de cette évolution. J’ai connu les anciens qui disaient ça va péter. Ou qui pensaient vous faudrait une bonne guerre sur la gueule à vous aussi les malins des bois. D’ailleurs, ça fait controverse ce que la Macronie nous dit et nous montre en ce moment, cette idée de guerre. De quel contenu cette guerre est-elle faite mesdames et messsieurs ? Hein ? Et même j’ajoute ; heing ?
Vous avez du temps pour y penser, les amies et les amis… 🙂

Vendredi 20 mars / 18 h 48

Lu aujourd’hui quelque part, à force de surfer, on ne sait plus trop où sont nous sources, que c’était un peu nase ces journaux de bord qui fleurissaient partout. Too much. Obscène parfois, disait (à juste titre) celui qui a écrit cela. Mais pour ma part, j’ai décidé que non. Tout cela fera traces. Chacun son échelle, son curseur, son désir. D’ailleurs, comme j’ai lu ailleurs qu’un écrivain, ça écrit, comme ça pense, comme ça vient, je me suis dit que oui. Continuons. Sans savoir vraiment si je suis lu. Là, je reviens d’une balade. Dans le périmètre de ma maison. Ausweiss et pièce d’identité en poche. Je m’étais armé de mon appareil photo, séduit par le beau soleil qui amorçait le couchant. Je me suis mis à zieuter de tous côtés, redécouvrant en mode zoom mon périmètre, justement.

Résultat, n’importe quoi ! : 172 photos. Je vous dirai une autre fois combien il en reste au final, et surtout vous en verrez bien sûr quelques unes, d’autant que j’ai senti, les photos prenant, que je poursuivais dans ma création plusieurs inspirations. Mais ça, c’est comme les écrits, parfois, c’est après que l’on découvre le pourquoi du comment, le quoi, surtout.
Premier vrai jour de confinement pour moi et même pas mal, même pas peur. Faut dire que j’ai eu la chance de me vacciner : il y a quelques années, je m’étais pris 7 mois de confinement dans la ganache, cervicales en vrac. Et plus récemment 4 mois, le dos, cette fois. Donc le type il est opérationnel ! En tout cas, on en profite ici pour réinventer une démocratie locale, à quatre dans la maison. Nos gars sont grands, désormais. C’est une autre forme de démocratie locale 😉 Voyant l’un, tout à l’heure, prendre l’air et participer à quelques tâches collectives, ayant vu l’autre, un peu avant, en faire de même conformément à ce que nous avions convenu hier dans un débat de fond parfois tendu mais resté courtois, je suis satisfait. Et je me dis, pas évident à quatre, avec une grande maison, un jardin, alors forcément, à d’autres échelles, c’est difficile.
L’affaire qui m’a taraudé, aujourd’hui, j’en ai parlé ce matin, ce sont pas les mercis qui dégringolent de toutes parts, j’ai même presque envie de dire, on fait notre boulot et parfois, oui, on s’épuise, mais les valeurs reprennent du poil de la bête et c’est le peuple, pour le coup, une fois encore, une fois de plus, qui le montre. Les puissants aujourd’hui ont des blouses bleues, blanches, vertes ; ils sont à l’ouvrage. Ils serrent les dents. Les yeux piquent. Ils s’épuisent pendant que d’autres s’époumonent. Mais on n’en restera pas là, c’est certain. Parce que, et j’en viens à ce qui me taraude durablement, même si l’on peut aujourd’hui se targuer d’un système médical qui tient bon, on dirait une digue, soudain, ce fameux système médical ça fait 10, 15, 20 ans qu’on lui a tapé sur la gueule. Qu’on lui a limé les scalpels. Qu’on lui rogné les budgets. Et si c’est l’affaire des masques qui aujourd’hui montre le mieux ce scandale qui n’a jamais dit son nom parce que bien planqué et parce que nous n’en avions pas besoin alors, pas dans ces proportions, je pense que l’arbre ne doit pas, une fois de plus, cacher la forêt. C’est l’incompétence et l’arrogance qui ont fait baisser des budgets ici et les augmenter là, avec de la courte-vue, une dictature de l’électoralisme et de l’émotion, une absence de ce pourquoi on élit des gens : assurer le maintenant, anticiper l’avenir. Il est là, le vrai ni ni, le vrai en même temps, le vrai pas changement c’est maintenant : ni l’un ni l’autre. Et en même temps ni l’un ni l’autre. Ce que l’on apprend de cette crise, c’est qu’au final, c’est ce peuple qui tient debout qui paiera toujours les inconséquences des non responsables mais des irresponsables, des non puissants mais des impuissants. Je ne crois pas au ruissellement par le haut. Je crois en celui par le bas. Les fameux petits ruisseaux.
Sur ce, m’en vais faire ma soirée bandcamp. Cette plateforme qui permet aux artistes indépendants de faire connaître et de vendre leur musique. Plateforme qui, aujourd’hui, ne se paie pas, ouvre la porte et s’efface, pour que les dits artistes touchent leur pognon. Je me suis fixé un budget tout con : ce que je ne dépenserai pas dans les concerts auxquels j’avais prévu d’aller d’ici fin avril.
Je ferai bientôt tout pareil avec les bouquins.

10 h

Confiné, déconfiné, travail à distrance, travail sur site, à ne plus savoir quoi qu’est où et où qu’est qui… La journée du jeudi 19 mars aura été singulière, pour le moins. Je suis ici au rayon professionnel. Pas simple, ces ubiquités qui ne disent pas leur nom. Non que personnellement, on sache plus qui l’on est où l’on est mais plutôt que ça bouleverse quand même les repères ! Bon, ça va, j’aime ça, mais j’ai quand même noté qu’à certains moments, surtout quand des dizaines de courriels déboulent en ordre mitraillette et que tu bosses sur un doc et que quand t’envoie le truc et que pendant ce temps-là d’autres mails sont arrivés et que tu reprends du coup le bousin et que.. Bref. C’est sport, le travail à distance, et c’est pas seulement ta distance à toi qui est dans l’expression, mais toutes les distances de chacun. Du coup, un tel qui répond pas pendant un temps te dis qu’il faisait des maths avec son fils. Tel autre était en réunion téléphonique. Etc. On avance quand même, c’est l’essentiel. Mais faut sacrément rester calme !
L’après-midi aura été ubiquitaire aussi puisque je me suis déconfiné de mon domicile pour aller me confiner sur mon lieu de travail. Cool : le trajet. Ben moins encombré ! Surprenant : un lieu où d’ordinaire 600 personnes évoluent ramené à une trentaine max. Ca surprend ! Heureusement, la machine à café était fidèle au poste et j’entendais oiseaux et jeux d’enfants lors de mes pauses clopes.
Autre nouveauté : voilà que je regarde à nouveau les infos à la télé. J’ai compris pourquoi : ces images tournées dans des hôpitaux, des maisons de retraite, dans les rues « m’aident » à bien ressentir la situation. A la VOIR. Parce que franchement, dans ma ville du coin, encore plus paisible, c’est pas simple de se faire une idée juste de ce que collectivement nous sommes en train de vivre. Les principes de réalité, on ne le dit jamais assez, sont essentiels en ces temps où justement, cet essentiel peut nous sauter aux yeux comme on peut lui trouver des boites de dérivation, se foutre en mode trouille, en mode je m’en fous, en mode les autres, en mode infos de merde. Sacrée exigence citoyenne que celle-ci, avec pour s’amuser aussi le soir, après le tintamarre de 19 h 30, nous étions trois dans la rue hier, ça ne peut que progresser, des jeux avec les amis des réseaux sociaux qui, peu à peu, deviennent si on le veut bien réellement des réseaux, et sociaux, en plus.
Je termine ce matin par le sentiment qui m’étreignait hier soir.
Du boulot revenu, je ressentais de la fierté. J’appartiens corps et âme au service public. Si décrié. Si moqué. Si méprisé. Et qui tient la baraque en ce moment. Sans rancune. Parce qu’on ne me fera pas croire, par exemple, que cette histoire de masques, c’est « simplement » un des très nombreux effets invisibles jusque là de cette fameuse « rigueur budgétaire » qu’on nous inflige depuis tant d’années. Tous ces élus se vantant de leur bonne gestion, l’oeil sur les économies à faire, le logiciel amateur uniquement rivé sur la colonne dépenses, coût. Puissent ces gens-là et leurs suivants, surtout leurs suivants, n’oublier pas que des masques, par exemple, c’est en réalité de l’investissement. Que des postes de fonctionnaires, c’est aussi de la survie.
Alors, oui, j’étais heureux, depuis ma fenêtre, de lui apporter ma pierre, de l’aider et de le soutenir à ma façon, communicante, cette façon, ce fameux service public, devenu indispensable. Ne l’oublions pas.

Jeudi 19 mars / 9 h 45

Ce matin, je démarre en musique. Me suis concocté une petite bande son pour quand je ne télétravaille pas. Hier a finalement été une journée presque entière côté boulot, avec la découverte de l’attente. Que des mails arrivent. Que des réponses soient données. Que des infos me soient communiquées. Eh oui, un journaliste sans sources est une rivière sans eau. Mais on y arrive. Les clopes permettent d’arpenter son coin de jardin. Je confirme ma haine du corbeau, ou plutôt de la corneille. Sont une vingtaine à squatter dans nos arbres. Y’en a on aimerait qu’ils soient réellement confinés.
Me suis offert une aération en deux roues pendant que le soleil se couchait. Croisé allez, 10 personnes, 10 bagnoles. En une demi-heure. J’ai aussi eu un échange social. Mon pneu arrière à plat, je file chez un garagiste pas loin de la maison. Ca me vaut un échange touchant. Le vieil homme a décidé de fermer boutique. Il me dit 250 clients chaque jour normalement à la station essence et là 10. Et je peux rien réparer : les fournisseurs sont fermés. Plus rien n’arrive. Il dit ça fâché en me gonflant mon pneu. J’espère qu’un peu de cet air qui s’expire lui aura apporté un répit.
La déboulée dans la petite ville du coin a fait du bien. Physiquement c’est nécessaire. Je pense beaucoup à toutes celles et ceux dans des grandes aires urbaines, dans des immeubles, dans des petits appartements. J’envie votre jardin m’a écrit un neveu. Tu m’étonnes ! Bon, en même temps, on a tous fait nos choix quand même de vivre ici, ou là. Peut-être ce confinement participera-t-il au fond d’un repeuplement de nos si jolis terroirs de France ? Avec l’internet partout, ça devrait revitaliser la province comme on dit, celle des espaces abandonnés. Marrant d’ailleurs comme revitaliser est un mot qui ressemble à relativiser.
Sinon, j’ai eu deux échanges sociaux téléphoniques, hier. C’était sympa. On s’échange nos quotidiens, nos idées, nos réflexions. On évoque l’actu. La période actuelle, si particulière. Des espoirs. Des craintes.
Et puis soirée musicale imprévue et sympathoche via facebook. Une « chaîne » qui invite à partager des musiques. Et cela fait des accointances. Des rencontres. Agréable après avoir vu les actus. Car signe de crise, je regarde de nouveau le 19 h local et le 20 h à la télé. Besoin d’images. Alors ces hélicos qui s’envolent, ces gens dans des lits et des respirateurs à l’hôpital, ça me cause, ça me sensibilise, bien plus que tous ces conseils et remontrances qui dégoulinent comme un long manteau de taquet sur la tronche. Je préférerais que nos donneurs de leçons (et je parle des politiques, pas des soignants) retroussent les manches et solutionnent cette incroyable et scandaleuse histoire de masques qui manquent. Qu’est-ce que c’est que cette connerie ?

Mercredi 18 mars / 19 h 30

16 h 15

Premier jour à la maison. C’est étrange, pour reprendre le mot à la mode de ces derniers jours. Pas un bruit dehors, ou très peu, juste noté que les voisins est, nord, sud et ouest s’occupent bien de leurs jardins et de leurs maison, en ne notant ces saloperies de corbeaux qui braillent sans cesse. Pas un bruit dehors donc mais sous la caboche ça tourne. Déjà parce que n’ayant jamais souhaité m’adonner au télétravail, je me demandais comment ça allait se passer. Et puis quoi faire des heures creuses. C’est vite rentré dans l’ordre 😉 A fond le boulot, itou pour mon fils, et cette curieuse sensation qu’on nous a dit de rester chez nous pour que le job et le lycée y entrent en mode sourdine mais réel. On a pas pu totalement fermer la porte ! Les courants d’air de nos jours passent par des ordinateurs et des ondes wifi ou 4 G. On s’y fait.
Profitant si je puis dire hier soir de mon retour à la maison en voiture avec mon aussweiss dûment tamponné, j’ai pris quelques voies bandoulières pour sentir le parfum du confinement. De fait, aux heures habituelles des bouchons, tout passait comme dans du beurre. Nous n’étions que quelques uns. Vu beaucoup plus de gens marcher, seuls, en couples, avec ou sans enfants. A mon arrivée dans la ville du coin, j’ai pu récupérer mes courses au drive et rentrer chez moi avec cette sensation curieuse, fermant le portail, que je m’enfermais volontairement chez moi.
1Quant à la caboche qui tourne, c’est bien sûr alimenté par toutes ces questions que l’on se pose. A propos de notre propre confinement, ah oui, merde, machin pourra pas venir, truc non plus, etc. Et à propos de l’actualité, cette étrange masse difforme que l’on prend de tous les côtés, tentant tant bien que mal d’y trouver son chemin.
Vu le premier ministre aux actus, par exemple. Lu pas mal de trucs sur le net. Mais, je dois l’avouer, ce qui me taraude le plus, c’est comment ça va « tenir » ce confinement. Soudain, j’ai vu plein de maisons en me disant qu’il y avait des gens dedans, désormais, et qu’on n’avait aucune idée de tout ce qui peut et pourra s’y passer.
Comment ça va se passer, là où ce sera bonheur de se retrouver, d’être ensemble, et là où l’absence de vie pro, ou de recherche d’emploi, viendra percuter le peu supportable. Combien de fêlures réveillées, de fractures à venir, de soudures à consolider.
Etrange sensation que celle de regarder une pièce en se demandant de quel côté elle va bien pouvoir tomber. Une seule certitude : ce ne sera pas sur la tranche.
Sinon ici, ça va bien. Je pense à celles et ceux qui dérouillent en ce moment. Très fort. Et dans cette dérouille, les qui bossent comme des damnés, les malades, les personnes dans le deuil. Et les cons.

Mardi 17 mars / 17 h 15

Not encore confiné at home mais ça se rapproche. J’ai mon ausweiss ça devrait bien se passer le retour à la casa. Mais là un peu de temps devant moi : je prépare un lien wetransfer pour une collègue en vue du télétravail et le réseau escargotise. Voilà qui me donne un peu de temps.
Ce midi, je suis allé faire ma pause déjeuner à l’heure où les confinés étaient conviés à réintégrer leurs pénates. Cela fait bizarre. Soudain, la ville s’éteint. Se tait. Se terre. Silence étonnant et pour le coup, j’entendais bien les oiseaux. Côté route, c’est plus calme depuis hier, c’est presque désert vers 14 h, lorsque je réintègre mon bureau. Et sur mon lieu de travail, parkings vides, peut-être 30 personnes sur un site qui en accueille d’ordinaire près de 600. Là je me dis, on y est. On y entre. Ma messagerie chauffe comme une crécelle (quoique je ne sais pas si une crécelle chauffe). Toutes les infos dont j’ai besoin, que j’ai demandées, tombent les unes derrière les autres et une fois encore, je me dis, fier tout seul dans mon burlingue, le service public, quand même, ça tient la route. Toutes les consignes de continuité de service, de maintien des circuits pour ne pas pénaliser les gens, de préparations en cas de grabuges : ça donne pas le tournis, ça dit que près de 3 500 agents restent sur le qui-vive, et que tout cela s’organise, dans l’ombre, le sarcasme bien souvent, la colère aussi. Alors que nous fumions une clope aux deuxième étage, un « voisin » se met à nous engueuler dans le genre (j’interprête) bandes de connards de fonctionnaires, z’avez que ça à foutre, fumer, parler, à (croit-il) même pas un mètre de distance (alors que si). Mon pauvre ami, ai-je songé, ce doit être la peur qui te fait être si agressif, ou ronchon, et cette séquence intervient alors que nous étions en train d’évoquer les « risques » du confinement. Pensée pour les célibataires, les couples qui vont pas top, les enfants qui ont peur chez eux. Aussi.

11 h. En ce premier jour du lendemain de la veille, il fait en Lorraine un temps à sortir dehors. Je ne suis pas encore confiné. Au taf, ça s’organise, avec cette singularité du service public : organiser « l’entreprise » tout en organisant « le soin des personnes vulnérables ». Quadrature. Un conseil départemental, en la matière, c’est pile la cible du covid. Enfants, jeunes parents, personnes âgées, personnes handicapées. Médecins, éducateurs, travailleurs sociaux. Les mines sont soucieuses. L’échelle géographique, les spécificités des bassins de vie, les agents confinés avec leurs enfants, sacrée (ré)organisation que l’urgence de la situation accélère. Les crises ont parfois une telle puissance que le compliqué d’hier est devenu le super simple du jour. Ou pas.
Hier, je regardais l’atmosphère. L’air. Cherchant à deviner le virus invisible. Tel un couillon qui n’avait pas encore tout à fait compris.
Ce matin, je regarde les gens. Je sursaute quand quelqu’un tousse. Pour autant, c’est loin d’être la guerre. C’est même rigolo de causer avec ceux que l’on croise avec de la distance pendant que chacun cherche au fond à se rapprocher. Et se demande, dans la durée, ce que ça va donner. Ne pas voir les gens que j’aime, m’a dit un collègue. Ca lui fendait le coeur. Les perspectives du confinement font cogiter. Certains s’imaginent revenir dans un mois, gras et alcooliques. D’autres voient cela plus sereinement. Des queues devant les magasins. Et des caddies qui sortent où l’on sent les chaufferies à venir. Pour certains, on se ravitaille en PQ, en bouteilles d’eau. Pour d’autres en chips, en lait pour bébé, et en bouteilles d’alcools forts. Nous ne sommes pas égaux dans le confinement. Les produits de première nécessité ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Bref, voilà un premier jour du lendemain, un troisième jour de la crise sanitaire en France qui sonne comme un enfin éveil à la réalité de la situation.
Inédite, rappelons-le. Pas la peine d’y chercher des certitudes, des habitudes, des repères. Y’a pas. Donc faut inventer. Et prendre lorsque l’on n’est pas malade du temps pour soi.

Lundi 16 mars / Jour 2
22 h.

Fin de la journée avec un temps de route, le président à la télé et du télétravail pour finir/commencer. Jusqu’au bout cette journée aura tenu son rang et retenu son souffle. On a donc les réponses, tout du moins des réponses, et à défaut de tuer le virus, ça donne une citoyenne ligne directrice. Tu ne contamineras point. Et pour ce faire, à ton domicile tu resteras. Uniquement pour l’essentiel tu sortiras. J’ai presque hâte que ça commence car cette expérience-là de la vie, je ne l’avions point. Et ce serait presque sympatoche si je n’avais pas vu ces images d’hôpitaux, de médecins, de soignants, de magasins. Presque les images de rues vides, c’est une bonne chose. J’espère que chacun a reçu le message. Que pour quelques temps, les couteaux seront rangés au placard. Bien aussi le report du deuxième tour. Respectueux d’hier. Pour le reste, on en reparlera. En temps voulu. Ce temps qu’il va maintenant falloir habiter autrement. Cela donne des ailes aux idées. Ce qui n’est pas le moindre des paradoxes. Puisque confinés nous sommes. Heureusement, nous avons un peu d’air pur autour et un jeu de Uno. Des bouquins et de la musique. Des tonnes de trucs en retard. Et vous ?
Lundi 16 h. Une journée où l’étrange reste le bon mot. Celui d’atmosphère n’est pas mal non plus. Drôle d’atmosphère, au boulot, et dans les rues de Nancy où j’ai vu moi le cambrousard mes premiers badauds avec masques. Ainsi qu’une file d’attente extérieure au supermarché, où l’on nous faisait entrer au compte-goutte. Puis ce furent des réunions, et quelques échanges, avec les mots de la guerre qui continuent d’affluer. Confinement, couvre-feu, armée, police, réquisitions, tout cela voisinant avec les affaires courantes, qui s’apprêtent à ne plus courir tant que ça soit dit au passage. Sinon au gré des échanges, des rencontres, des pauses clopes, des ambiances qui varient. Certains flippent, d’autres reprennent la clope, il y a des regards hagards, des craintes d’un rhume, d’un traitement médical. En fait, tout le monde attend. Y compris de savoir si le second tour des municipales aura lieu. Rester calme me semble une bonne réponse. Attendre les vraies infos aussi. Ensuite on s’adaptera et on appliquera puisque l’on me dit que côté hôpitaux et services qui tournent 24h/24h auprès des publics « fragiles », ça chauffe et ça tangue. Autant ne pas en rajouter.

11 h. Toujours beaucoup de réflexions. De questions, aussi. C’était ma compagnie sur le chemin du travail ce matin.
Les questions, c’est merde, comment on se comporte, finalement, y compris chez soi ?
Les réflexions, c’est bien sûr l’extraordinaire que nous sommes en train de vivre, avec le mot étrange qui se sert à toutes les sauces. Crise oxymore.
Étrange en effet de vivre chez soi collectivement. Étrange une société qui invite à s’éloigner des autres tout en maintenant le lien. Étrange comme soudainement, les hôpitaux sont devenus les nouvelles cathédrales, et comme nous avons les yeux de Chimène pour les soignants, les pharmacies. Nouveaux héros, nouveaux lieux de cultes.
Puis je passe de l’étrange au fascinant.
Fascinant comme les nouvelles technologies deviennent des outils adaptés à la lutte contre le virus… et comme ces mêmes technologies font l’objet d’attaques de virus.
Fascinant comme la guerre est dans nos esprits. L’ennemi est invisible. Ça peut être un postillon. Le retour de l’insoutenable légèreté de l’être ?
Fascinant, enfin, comme l’essentiel revient au galop.
Presque je me prends à espérer que… Que des choses changent enfin. Que des projets voient le jour. Qu’un monde mieux émerge. Encore faut-il que tout cela mette du plomb dans la ganache de beaucoup. Et ça c’est pas gagné.

Dimanche 15 mars

Je réfléchis. Beaucoup.Je m’informe. Un peu.
Je liste. Ce que je peux faire pas faire. Les personnes fragiles que je connais. Je pense aussi a elles. C’est agréable toujours de ne pas penser qu’à soi.
Je pense aux soignants et a tous ces métiers ou le geste barrière est impossible. La aussi je me demande ce que je peux faire. Pour les aider. Garder leurs mômes ? Faire leurs courses ? Ne pas tomber malade ?
Je me dis aussi que l’art décidément est un putain de chouette médicament. Même a domicile. Les bouquins la musique et toutes ces ressources sur le net. On a de quoi faire même si pour moi ce sera boulot demain. Bien sûr. Il y a des endroits où il faut être. Modestement. Inutile d’en rajouter.
J’ai des pensées con également. Plein. Je les garde sous le coude 😉 un exemple quand même : jai oublié d’aller chez le coiffeur. Je pense qu’on sera tous un peu cromagnon un jour de l’After. Horde d’hirsutes.
Et puis en ce dimanche aussi voter. C’est devenu couillon d’un coup ce scrutin. A la fois hâte de régler ce détail. J’irai voter évidemment.
Je projette enfin. Vais pouvoir faire des choses pour lesquelles je manquais de temps et voilà que ce temps est là. Tout ramène a l’intérieur finalement. Dont acte. L’intérieur de soi ; en prendre soin. Beau projet. Bonne action. Pas courant depuis ces cinquante dernières années que la société incite a cela. Quoi qu’il en coûte.
Il fait froid dans le dos ce quoi qu’il en coûte macronien prononcé l’autre soir. Si peu d’empathie. Et pourtant. Et pourtant. Ce quoi qu’il en coûte, en indécrottable et paisible idéaliste que je suis persiste et signe, je l’entends.
Ce jour 1 du corona circus se fait sur la pointe des pieds. Pour l’instant.

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