Oui, je crois. Je crois que c’est à ce moment-là. Près du tas de bois. A même la sciure. Là, à cet instant précis, juste avant la repluie, là que voyant les arbres mués en bûches que j’ai songé à ces tas de bois que forment nos existences et à ces dates qui s’y déposent au fil des années, comme ces bûches sagement alignées dans nos calendriers intimes. Ils sèment nos parcours, ou plutôt, les rassemblent, les rangent en quelque sorte, sinon cela partirait dans tous les sens.
Alors après la séance de recueillement, je suis allé à l’étang. Mes pneus m’ont amené là et mes pas qui foulaient le sol mouillé – j’étais alors finalement entre deux averses, tout s’était arrêté avant, juste avant, un fond de ciel bleu trouant même l’épaisse couche blanche de chantilly reposant sur nos têtes pendant l’hommage, et tout allait reprendre après, en forme de crachin breton digne de ce nom – m’ont confirmé que tout était bien. Que tout était là. Surtout ne rien toucher. Se taire. Se remplir les yeux. En garder traces. Regarder le ciel. Laisser les mots de chacun habiter le moment, avec quand même du Serge Gainsbourg entre les oreilles.
Car il y eut du Serge Gainsbourg, et c’est du Serge Gainsbourg que j’aurais aussi choisi.
La famille a bien fait les choses. Sobrement. Dignement. Avec l’élégance qui sied au mot espérance puisqu’il fût prononcé. Puisqu’il avait toute sa place en ce samedi après-midi de plongeon dans les racines, de résurgence aussi des mois et des années précédentes, à peu près aux mêmes dates, bien rangées dans le tas de bois.
J’ai un drôle de loto dans la tête. Il y a avait le 18, le 25 et le 31 décembre. Il y a maintenant le 12 décembre.
Un pote d’enfance au pays est revenu, d’un lointain pays revenu. Un pote d’enfance repose au pays, son seul pays, et ce repos, désormais atteint, désormais ancré, comme il doit lui faire du bien. Près de l’étang, ni bruits pervers ni ronces obscènes. Un calme olympien. Même l’eau ne frémissait de rien. Régnait même une surprenante ambiance où il aurait été décidé tout Noël serait salué en mode guirlandes naturelles et boules joliment décorées. Sur fond de lichen. Et de gouttelettes. Des perles du ciel mieux que des larmes du sol. Avec Gainsbourg descendu jusqu’ici pour chanter simplement je suis venu te dire que je m’en vais. Et je m’en suis allé.















C’est beau le bois
Froid dur chaud chantant
C’est beau étang
Calme brillant ténébreux Scintillant
et d’un coup le saut d’une carpe… et les anneaux se multiplient á la surface !
Sans doute alors la vie qui surgit
Tout est bien
Tout dure
Tout nous quitte
Tout nous revient !
Pensées partagées
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