La réussite, ce n’est pas quand tu es au sommet, mais quand tu touches le fond et que tu es capable de rebondir. Platon.
D’abord, je me présente. Quinqua. Travaille dans la communication et les médias. Père de deux gars. 18 et 22 ans. Nous vivons en Province. Les perspectives, pour ces jeunes, n’étaient déjà pas top dans une société Française qui, visiblement, considère qu’en dessous de 25 ans, on est une merde, et qu’au-dessus de 65 ans, on est un poids. Une même société soit dit en passant qui dans le milieu professionnel vous sentir au rythme des évolutions galopantes des technologies qu’à partir de 50 berges, vous êtes old school.
Tout ceci, c’était avant. Dans le monde de maintenant, qui ressemble d’ores et déjà furieusement au monde d’après, quoi que tentent les rétrogrades, et quoi qu’esquissent les minoritaires progressistes, tout ceci est encore plus prégnant.
Je ne trouve pas bien mes mots : j’ai tendance à me dire, j’ai honte, et ce n’est pas tout à fait vrai. A penser je ne suis pas fier, et ce n’est pas tout à fait faux. Mais ce que je trouve, c’est que c’est scandaleux ce que nous sommes en train de faire vivre à tous ces jeunes. Et ce disant, je ne reste pas dans le confort de mon confinement provincial. Et au-delà de mes fils, je pense à tous ces jeunes auprès de qui je souhaite présenter les excuses de notre « société moderne ».
Nous vous empêchons toutes projections.
Nous vous enfermons chez vous.
Nous faisons rimer vos rêves avec pognon.
Nous faisons trimer vos quotidiens dans la violence.
Personne n’assume que vous puissiez avoir 20 ans, l’âge des désirs et de la vie émergente, de la joie et des défis, de la découverte et de l’enrichissement personnel.
Personne ne facilite vos pas en ce monde et je tiens à ce que vous sachiez que ce n’est pas parce que finalement, nous fermons nos gueules écrabouillés comme vous par le poids du maintenant et les injonctions paradoxales de l’avenir, que pour autant, nos fermons les yeux. Que pour autant, nous sommes dupes.
Mes deux fils ont quelque part de la chance, je le sais. Ils sont nourris, logés, et nous tentons leur mère et moi de les accompagner dans leurs rêves, de les sécuriser dans leur quotidien.
Je sais pour le lire en maintes endroits et pour en voir quelques images, que vous n’êtes pas tous ainsi « chaudement confinés », qu’évoquer l’avenir est pour vous une insulte, que parler de la vie là où beaucoup sont en mode survie peut sembler n’avoir pas de sens. Pourtant, je vous promets que si.
Une mienne connaissance, il y a quelques temps, parlant de notre génération me disait ceci et je le partage : ce qui est compliqué pour nous, nous les quadras et les quinquas, c’est que nous devons à la fois être les sages de nos parents et les sages de nos enfants.
Sachez jeunes gens que c’est un poids que pour ma part je ne refuse pas mais qui, pour beaucoup, est bien trop lourd à porter. Sachez aussi, jeunes gens, que ce poids est totalement injuste, et injustifié, mais que c’est ainsi. Nous avons cela à vivre et je suis d’avis que l’on ne vous emmerde pas avec ça.
Sachez, parents, que ce poids ne nous autorise pas à penser, dire et écrire n’importe quoi parce qu nos enfants sentent, lisent, regardent.
Quand j’écrivais tout à l’heure que je ne trouvais pas les bons mots, mais que j’avais honte et que je n’étais pas fier, c’est à cela que je pensais, notamment en baguenaudant sur les réseaux sociaux.
Toute l’agressivité latente, toutes les plaintes et les inquiétudes, tous les appels à comploter ou pas : ce ne sont ni des réponses, ni des avancées, et encore moins des solutions.
J’en appelle à la responsabilité de chacune et de chacun : sans niaiserie, et si nous ne lâchions pas le cap ? Sans guimauve entre les dents et sans pâquerettes dans les oreilles, et si nous assumions un peu plus notre parentalité, quelles qu’en soient les difficultés ? Nous redoublons de politesse à l’histoire. Saluons les résistants d’hier. Mais nous avons aussi, dans les millions de petites histoires qui ont fait la grande histoire, des exemples près de nous où la dignité était une évidence, et où l’idée même de l’humanité consistait à élever des enfants, c’est-à-dire au sens pur du terme, les conduire plus haut.
Faisons-nous cela ?
Je veux dire, collectivement, faisons-nous cela ?
Question rhétorique, bien sûr : non, nous le faisons pas.
Cette lettre pour en appeler au libre arbitre de chacun. Dans sa cuisine. Dans son salon.
Faisons-nous tout ce qu’il faut et tout ce que nous pouvons faire pour élever nos jeunes, leur donner des perspectives, de l’amour, de la bienveillance, de la rassurance ?
Non, et l’on a beau convoquer tous les complots, déplorer toutes les lacunes de nos « gouvernants dépassés », brailler comme vache qui pisse, sur le fond, nous ne devons ni chercher ni trouver la moindre excuse. On peut être responsable. Et pas coupable.
Nos jeunes ont besoin de nous.
S’ils nous voient sans cesse trembler, flipper, gueuler, pleurer, craquer… Que leur disons-nous ?
Nous leur disons que nous ne sommes pas dignes de leur confiance. Pas à la hauteur. Alors que nous le sommes si nous sortons un peu de l’infobésité, de l’info continue anxyogène, du consumérisme forcené, des violences contenues qui finissent par péter, des réseaux qui fabriquent des solitudes faute de trouver d’autre repli.
La résilience n’est pas une utopie. L’utopie n’est pas une maladie. La solitude n’est pas un projet de société.
Pour finir, et j’en reviens à ces jeunes, quel est actuellement leur quotidien ? Une vaste merde sans queue ni tête où l’on repercute sur eux le poids infernal de l’absence de vision d’une société, d’un monde autre que refaire sans cesse le chemin vers le passé faute d’oser s’inventer un avenir. Un système d’école et d’université asphixié, avec des cours à distance, des examens tronqués, des stages à faire infaisables j’en passe et des plus complexes.
Donnons leur de l’air, à ces jeunes, aidons-les à se construire y compris dans ce contexte délétère, et assumons ce risque, permettons-leur de vivre. Faisons-leur confiance. Nous avons des réponses à leur donner, à leur offrir, pas des questions à leur poser. Nous avons, aussi, à ne pas tout leur laisser sur la gueule : ce quotidien malaisant, cet avenir plombé, ces dettes irresponsables, cette planète détérioriée, jusqu’à des besoins essentiels non couverts : manger, dormir, la santé.
Commençons simplement, si vous le voulez bien : en petits ruisseaux. Viendront comme une évidence ensuite les rivières, les fleuves et les océans.
Ambiance sonore pour accompagner votre lecture :
Merci Didier, pour mettre des mots sur nos pensées, tant chargées de paradoxe. Tu dis vrai. Il est aussi déplorable de ne plus leur offrir l’insouciance que certains de nous ont pu vivre avant de prendre des rènes de vie si lourdes à assumer. J’evoquerai également le poids de notre histoire dont nous ne sommes paradoxalement pas tant responsables et pourtant qui pèsent sur nos consciences individuelles…toujours je penserai aux violences passées dues aux colonisations successives, séparatismes non assumés, suprematisme non assumé (dont les relans restent amers outre atlantique)…si ce n’est en balayant les causes et n’en fêter que de pseudo résolutions décrétées (fin de l’esclavage, décolonisation, immigration et regroupement familial…). Évidemment là encore, je parle de ma responsabilité parentale à réunir des mondes, des cultures, des religions, par le biais de créatures qui le vivent malgré eux et qui me donnent chaque jour cet espoir d’un monde unifié et harmonisé. Tiens c’est aussi l’occasion de lancer mon choix politique de voir Taubira présidente en 2022, ça ne mange pas de pain: l’espoir fait vivre au détriment d’en rire! Bye Yalla
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Merci pour ce regard éclairé. Taubira, oui, ce serait bien.
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