Je suis passé à la maison morte, sans occupants depuis le 20 décembre 2019 et en attente des suivants au 15 novembre.
Deux panneaux cornés disent « vendu » aux fenêtres, aux passants qui passent, et cela ne dit finalement rien de décourageant ou d’encourageant. Il n’y a plus âmes qui vivent ici. Pour l’instant. En peu de temps, cela se voit : des plantes donnent sens au fameux « à la va comme je te pousse » ; des volets sont clos d’autres mi. Les branches des arbres flottent comme des bras ballants. L’herbe a pris des libertés en mode anarchique. Des fleurs se sont étiolées.
Je ne suis pas entré. C’était inutile.
Ces poussières, toiles d’araignées, guêpes effondrées, crottes de souris ne nous appartiennent pas. Cette maison ne nous appartient plus.
Elle a fait son temps pour nous, et je sais maintenant, sans chagrin au contraire, que les souvenirs qui y traînaient ont été rangés, balayés d’ici, entreposés là.
Le chagrin non plus n’habite plus ici.
Tout comme les dernières années, si difficiles : nettoyées elles aussi été ; pas oubliées, non, bien sûr. C’est encore frais, tout cela. Mais elles ont trouvé leur place dans les 44 années passées là.
Et pourtant, pourtant, l’incongru est blotti dans la boite aux lettres.
Mes parents sont morts en 2019 et ils continuent de recevoir du courrier.
35 ce samedi matin. Autant le mois dernier.
Des pubs, des relances, des factures, des revues.
A se demander à quoi sert tout le temps passé lors des obsèques à prévenir les uns, les autres. A envoyer et envoyer encore des documents officiels
Noter une fois encore, une fois de plus, l’abrutissement des logiciels et tout ce papier foutu en l’air pour rien, la débilité des délais imposés car pendant ce temps-là, des gens attendent, rêvent peut-être de leur future maison. Elle les attend.