Les critiques en direct.
Les critiques en direct, c’est un exercice que j’affectionne. Vous écoutez un disque. Fort de préférence. Pour la première fois idéalement. Et vous écrivez en même temps que vous écoutez. Ce que cela vous inspire. D’un jet. Là, en ce samedi 30 mai, mon dernier achat Bandcamp : projet YK/OT.
Cela commence directement par La Sortie.
Cela ne s’invente pas : c’est le titre du premier morceau.
Alors on entre, et ni une ni deux, une ambiance vous tombe dessus. Elle vous chope. Vous tombez direct dans une gueule d’atmosphère : élégante, froide, douce, tendue.
Le décor est planté.
Peu à peu, je me dis que je suis entré dans un grand appartement de ville un peu désuet, vide de plein choses. A un moment des trains passent.
C’est un poil sombre, un brin obscur, et forcément, c’est lumineux à sa façon.
L’album n’a pas de titre. On reste donc sur un énigmatique « Projet IK/OT. Du nom des deux protagonistes de l’affaire.
L’ensemble est très compact, très orchestré, très travaillé, avec s’élevant au-dessus des volutes une voix. C’est la signature. Elle dit de belles choses. Des choses très écrites. C’est assez dark. C’est toujours distingué.
Elle ne chante jamais, cette voix. Elle est omniprésente toutefois.
Elle parle. Nous parle. Se parle et pour tout vous dire, elle m’a fait penser à celle de feu Christophe. Pas le timbre qui va dans les aigus, plutôt celui, écaillé, qui chuchote, qui murmure.
Comme si l’équilibre était une corde, pendant que le fond sonore s’ébroue dans son urbanie, avec sérieux, gravité, intensité, rythmique appuyée.
On est en mode nuit, nuit bleue qui dure, ou alors dans cet espace temps où la nuit n’est plus tout à fait et où le jour n’est pas encore. En cela aussi, je pense à Christophe, oiseau de nuit, surtout quand soudain, troisième chanson, bingo ! Une reprise de Christophe… Les Paradis perdus…Claviers épais. Rythme langoureux. Petits sons qui scintillent.
Les deux gaillards du projet YKOT se l’approprient suffisamment bien pour que cela reste dans le ton et du bonhomme, et de l’album.
La suite reste dans le même ton, dans les mêmes teintes, la voix nous parle, habillée d’une musique ample et scintillante. Y’a du Bashung un peu, du Manset aussi, du Murat pourquoi pas. Je pense aussi à Bruit Noir.
On se sent dans un appartement, avec de la moquette fatiguée, orangée peut-être. Cendriers pleins de mégots, bouteilles vides, canapés fânés et regards vibrants. L’espoir, compagnon fidèle du désespoir.
Côté titres, cela donne cet ensemble qui a sa propre musique : A la sortie, la part belle, les paradis perdus, Paréidolie, Death in Pardise, Fragment, L’effort, Indéchiffrable, Oeuvre étrange, Politifact.
C’est bien sûr Paréidolie, qui surprend. Suffisamment pour égayer curiosité. Dictionnaire. Il est des artistes qui élèvent. C’est la minute wikipédia.
Une paréidolie (du grec ancien para-, « à côté de », et eidôlon, diminutif d’eidos, « apparence, forme ») est un phénomène psychologique, impliquant un stimulus (visuel ou auditif) vague et indéterminé, plus ou moins perçu comme reconnaissable. Ce phénomène consiste, par exemple, à identifier une forme familière dans un paysage, un nuage, de la fumée ou encore une tache d’encre, mais tout aussi bien une voix humaine dans un bruit, ou des paroles (généralement dans sa langue) dans une chanson dont on ne comprend pas les paroles. Les paréidolies visuelles font partie des illusions d’optique.
Et puisque on est entré par la sortie, la dernière chanson nous invite à autre chose. Le rythme est plus nerveux. La musique plus chantante. La voix termine son périple. Juste à côté. Elle n’aura jamais cessé de nous parler dans son propre langage. Des mots en surgissent, hirsutes, et c’est agréable. Ce n’est pas le corps qui lutte. C’est l’esprit qui attend qu’il s’allège.