C’est la récré, en ce jour de rentrée dans le grand collège pour les petits sixièmes. Les dégourdis cavalent et crient, libèrent de l’énergie, effacent peut-être les appréhensions de la rentrée, où, tout simplement, sont à l’aise déjà. Ce n’est pas le cas de tous.
Par exemple lui. Il est petit, ce garçon tout en blond. Il se tient dans un coin de la cour, vision panoramique. Il est comme réfugié là. Seul. Tout seul. Si seul à côté de celles et ceux qui cavalent et qui crient. Si petit.
Par exemple bis, lui. Il est grand, ce garçon tout en brun. Dépasse d’une tête au moins tout le monde. Lui, il se tient dans un autre coin de la cour. Il scrute pendant que les autres en bandes cavalent et crient.
Comme le petit, le grand et seul. Ils affichent l’air digne et vaguement triste qu’affichent celles et ceux qui, un jour, dans l’inconnu se trouvent plongés.
Ils sont seuls, l’un et l’autre. Le petit porte comme il peut son chagrin, ou sa peur, ou sa solitude soudain tombée si peu de temps après les vacances. Il regarde à la manière dont on ne voit rien, ou dont on ne veut pas voir. Il serait drone, à peine il verrait sa silhouette pendant que les autres, en bandes, courent et crient.
Et donc il ne voit pas le grand qui, lui, a vu le petit et s’approche doucement. Lentement. Pas prédateur. Échalas dégingandé tout entier à son désir de se sentir moins seul, pendant que les autres, en bandes, jouent et crient.
Le grand rejoint le poste de garde du petit. Calmement, il s’assoit à côté de son compagnon d’infortune. Il ne se passe rien au début, puis quelques mots s’échangent, puis les regards suivent et d’autres mots arrivent. Ils ne sont soudain plus seuls, ni l’un ni l’autre.
Et quand sonne la sirène disant on rentre en classe, l’un et l’autre se lèvent. Ils marchent. Côte à côté. Ensemble. Pendant que les autres, en bandes , viennent se garer à leur tour. Ce qui a changé ? Ils sourient. Rentrée.