Critique N°2 / Dis-moi Cécile

Voici la seconde critique Des Mots Bleu 2, proposée par Cécile Tué. Une personne que je ne connais pas. Son nom m’a été soufflé par une mienne connaissance. Elle s’est beaucoup impliquée pour faire sérieusement le job. Grand merci à elle ! Pour une raison que vous comprendrez en lisant, pas de photo avec cette chronique. Des mots. Rien que des mots. C’est bien aussi 🙂

Je ne connaissais pas Didier Jacquot.
C’est chose faite : il m’a percutée. Pas avec sa voiture, non, avec ses mots qui ont bousculé en moi certaines conventions et m’ont amenée au pied du mur, celui bardé d’une écriture contemporaine d’où jaillit l’image, une langue coupante comme du silex, mais un silex bien taillé, affûté, qui m’a secouée et fait sortir de ma zone de confort littéraire peut-être un peu datée.
Ces mots bleus, je les happe avec mon filet à papillons d’un autre âge , je les capture vivants, ils bougent encore sous mon regard de lectrice lavé de neuf.
Lecteur, si vous vous lancez comme moi, la fleur au fusil, à l’assaut de ces courts écrits et que vous commencez par la Saison 2 de « Une belle saloperie », nul doute que vous commettrez l’impolitesse de bousculer les autres récits afin de connaître l’histoire de cette mystérieuse arrivante au passé aussi lourd que son silence.
Peut-être enchaînerez-vous ensuite avec La Nocturne de Chopin, écrite au cours d’une veille musicale quasi hallucinatoire, magnifique récit qui me fait entrevoir un ciel étoilé à la Van Gogh.
Vous vous approprierez ces mots bleus qui ne le sont pas toujours…
Le cœur se serre à la lecture de « Issanka » et l’air nous manque ; comme son héros victime de l’instabilité du sentiment , on sera bringuebalé entre le « Dedans (et le) Dehors » ; « Cap Horn » ou le rêve de gosse enfoui que rien ne peut déboulonner, pas même les maladresses de l’école.
Dans une langue sans concession qui ne s’embarrasse pas d’emphase, l’auteur nous livre une réflexion pointue sur notre condition actuelle : effet de surprise garanti avec « Maurice » , récit qui nous cueille à froid. « Brasero » ne laissera pas indifférent et touchera chacun d’entre nous car qui peut se targuer de garder ses amis toute une vie ?
L’écrivain sait nous parler des autres et c’est dans cette concision qu’il excelle ; on sent l’attachement de l’auteur pour ces vies laborieuses, des portraits s’esquissent alors, des visages sortent de l’anonymat et justice leur est rendue l’espace de quelques lignes.
A l’instar du héros de la nouvelle, on se prend l’apparition de cette « Invisible » en pleine figure, même si l’image peut sembler paradoxale ; également poignant et prenant que « Feu » où l’on devine un homme en proie à la violence de son entourage, qui nous parle de son refuge, de son petit lopin de paradis. Et la douce folie de « L’homme qui attendait que l’étang revienne » ne nous guette-t-elle pas un peu nous aussi ?
Posté en éclaireur à la lisière de notre monde agité, Didier Jacquot est un observateur qui gratte de sa plume là où ça fait mal. « Gardien de nuit » ou le récit de l’étranger qui arrive et doit se faire une place parmi nous. « Par les doigts » ou encore « Tornade » pointent du clavier la voie sans issue dans laquelle nous nous sommes engouffrés.
Et l’auteur sait aussi nous parler de lui. Je retiendrai ici deux textes , « La troisième rive » ou la difficulté d’éprouver ses racines, de se situer quand on balance depuis toujours entre deux pays, deux origines. Et aussi « Nos dates » , récit cadencé et rythmé qui résume magnifiquement ce que peut-être une vie , avec ses coups du sort et ses formidables cadeaux.
Ces Mots Bleus peuvent être appréhendés dans le désordre. Le lecteur se laisse dériver au hasard de ses choix vers tel ou tel titre comme il se laisse porter par la musique qui les accompagne. C’est avec plaisir que l’on retrouve de vieilles connaissances, Bashung (merci de nous le ressusciter le temps d’un récit !), Souchon ( magnifique chanson que je découvre pour ma part ici), Hubert-Felix Thiéfaine, Noir Désir, Yann Thiersen, mais pas que…
Si la présence de certaines photos jalonnant les récits ne me paraît pas indispensable, nul doute qu’elles trouveront un écho chez d’autres lecteurs. Les mots et la musique quant à moi me suffisent.

Un constat s’impose : les Mots Bleus font partie de ces livres que l’on aura besoin de relire, selon les impératifs de nos vies, ses violences ou au contraire ses apaisements.
En les découvrant, on opine du chef , on grimace , on sourit aussi, on se caresse la joue après avoir pris la claque, on s’étonne « Ah, lui aussi, il aime Patrick Dewaere » ; on est rassuré , « Quand même, quelqu’un qui aime H-F Thiéfaine, ça ne peut pas être mauvais », bref, on se reconnaît ici et là dans un auteur qui serre au fond de son poing encore un peu rageur une bonne grosse dose d’humanité.

Cécile Tué.

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